Bâtisseurs d’église

Il n’est pas un vil­lage de France qui ne parle de la foi de nos aïeux. Des humbles clo­chers aux mer­veilleuses cathé­drales, chaque édi­fice sacré est un véri­table témoi­gnage où nos ancêtres ont gra­vé dans la pierre la viva­ci­té de leur foi. Parfois bâties en des périodes de dif­fi­cul­tés voire de pau­vre­té, ces églises attestent encore de la place pre­mière que nos anciens accor­daient à la glo­ri­fi­ca­tion de Dieu. Malgré les siècles écou­lés, ils trans­mettent encore par le biais de ces pierres ce qui fut leur tré­sor sur cette terre : la foi en la puis­sance de la Croix, gage d’éternité. Au sens propre du terme, ils ont fait œuvre de tradition.

A leur suite, vous voi­ci bien­tôt de nou­veaux bâtis­seurs. Enfin pro­prié­taires du Prieuré, l’heure est venue de ras­sem­bler les fonds néces­saires à notre future construc­tion. Il importe de réa­li­ser tout ce que veut dire édi­fier une église. Certes, il fau­dra mettre pierre sur pierre, et com­men­cer par accu­mu­ler ces pierres sym­bo­liques d’une valeur uni­taire de 500 €. Certes, votre future église témoi­gne­ra, des siècles durant, d’une héroïque résis­tance sur­na­tu­relle au sein d’une époque bâtie sur l’oubli et le mépris de Dieu, ponc­tuée de lâche­tés et de tra­hi­sons en matière de foi. Certes, vos arrières petits enfants et arrières arrières petits enfants (je m’arrête là !) péné­tre­ront avec beau­coup de fier­té en cet édi­fice sacré, conscients des efforts et sacri­fices qu’il vous en aura coû­té. Mais l’essentiel n’est pas encore là, et ce n’est point en pre­mier pour cela que vous serez éter­nel­le­ment cou­ron­nés dans l’éternité. Le plus impor­tant est ailleurs : bâtir une église, c’est un petit peu bâtir l’Eglise. C’est ancrer davan­tage Notre Seigneur et son mys­tère rédemp­teur au milieu d’un monde pécheur, c’est don­ner à beau­coup la pos­si­bi­li­té « d’entrer dans la struc­ture de l’édifice pour for­mer un temple spi­ri­tuel afin d’offrir des sacri­fices spi­ri­tuels, agréables à Dieu par Jésus-​Christ » (1 Pe 2, 5).

Je sais que cer­tains trouvent super­flu l’édification d’une nou­velle église : notre ville de Nantes n’en compte-​t-​elle pas suf­fi­sam­ment ? Non. Il ne s’en trouve aucune qui témoigne de l’héroïque constance de l’Eglise au sein même de la tem­pête. Il ne s’en trouve aucune qui demain, une fois la paix reve­nue, pour­ra être le foyer du rayon­ne­ment de notre Fraternité. Cette der­nière sera alors com­pa­rable à ces ordres sécu­liers et régu­liers qui, pour s’inscrire dans un dio­cèse, se doivent d’avoir leurs propres édi­fices, dis­tincts des églises diocésaines.

Ainsi, bâtir, il nous le faut. Pour les bâtis­seurs d’église, il est cer­taines paroles d’évangile qui prennent des réso­nances toutes particulières :

Lorsque le Fils de l’homme vien­dra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, il s’assiéra sur son trône de gloire. Alors le Roi dira à ceux qui sont à sa droite : Venez les bénis de mon Père, pre­nez pos­ses­sion du royaume qui vous a été pré­pa­ré dès l’origine du monde : car j’étais étran­ger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez revêtu.

Mt 25, 31 sq.

Et com­ment, en ces temps de Noël, ne pas citer la magni­fique pro­messe tout droit venue du Ciel :

A tous ceux qui l’ont reçu, il sera don­né de deve­nir enfants de Dieu.

Jn 1, 12

Que vienne bien­tôt le jour où ne le rece­vrons plus en une étable ou un han­gar, mais dans une magni­fique église. Joyeux et saint Noël à tous.

Abbé Patrick de La Rocque

Extrait de L’Hermine n° 25 de décembre 2009

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.