Dévotion à Notre-​Dame de Délivrance et à la ceinture de la Sainte Vierge à Quintin (Côtes d’Armor)

HISTOIRE

DÉVOTION DES QUINTINAIS ENVERS LA CEINTURE DE LA SAINTE-VIERGE.

Dès que la Ceinture de Marie fut appor­tée à Quintin, on vit naître dans la ville une dévo­tion que nous retrou­vons dans presque tous les lieux qui ont pos­sé­dé de sem­blables tré­sors. Les femmes enceintes deman­dèrent à cette pré­cieuse relique une pro­tec­tion contre les périls de la mater­ni­té. Au moment de sen­tir tout le poids de la malé­dic­tion lan­cée sur la pre­mière mère du genre humain, elles se tour­naient avec une humble confiance vers Marie, la seconde mère, qui répa­ra la faute de la pre­mière ; vers la nou­velle Eve, qui, pré­ser­vée des funestes effets de la chute de son aïeule, non-​seulement enfan­ta sans dou­leur, mais eut encore le glo­rieux pri­vi­lège d’être mère sans perdre sa vir­gi­ni­té. Des grâces sans nombre encou­ra­geaient dès lors cette dévo­tion, et la renom­mée de la sainte Ceinture se répan­dit dans toute la Bretagne.

Vers l’an 1451, Pierre II, duc de Bretagne, et sa digne com­pagne, la bien­heu­reuse Françoise d’Amboise, sol­li­ci­tèrent de Tristan du Périer, comte de Quintin, et du Chapitre de Notre-​Dame, une petite por­tion de cette relique véné­rée. Les deux nobles époux pui­saient, dans une fer­vente dévo­tion à la Mère de Dieu, la force de pra­ti­quer sur le trône les plus dif­fi­ciles ver­tus, et en par­ti­cu­lier cette héroïque chas­te­té qui leur sug­gé­ra de vivre tou­jours comme frère et soeur durant les quinze années de leur union sainte.

Ils avaient agran­di et doté la col­lé­giale de Notre-​Dame de Nantes, où ils s’étaient pré­pa­ré un tom­beau com­mun ; mais ces lar­gesses n’avaient pas encore satis­fait leur pié­té. Ils vou­laient enri­chir leur sanc­tuaire bien-​aimé de quelque pré­cieuse relique de la sainte Vierge.

Durant le long séjour qu’ils avaient fait à Guingamp, avant de mon­ter sur le trône ducal, Pierre et Françoise avaient connu et sans doute véné­ré la Ceinture de Marie que pos­sé­dait notre col­lé­giale, et ils l’enviaient pour celle qu’ils avaient dotée dans la plus grande ville de Bretagne. Les deux sou­ve­rains n’usèrent pas cepen­dant de leur auto­ri­té pour dépouiller notre église, et ils se bor­nèrent à adres­ser une prière que Tristan du Perrier et les cha­noines ne purent repous­ser. Un petit frag­ment fut déta­ché de la pré­cieuse Ceinture et por­té à Nantes, où le duc et la duchesse le remirent solen­nel­le­ment au Chapitre de leur église pré­fé­rée. Il fut ren­fer­mé dans un reli­quaire d’argent et res­ta l’objet d’un culte fervent jusqu’à la Révolution fran­çaise. Les femmes en tra­vail d’enfant deman­daient sou­vent que cette sainte relique leur fût por­tée par les cha­noines de Notre-​Dame de Nantes, et elles s’en trou­vaient presque tou­jours mira­cu­leu­se­ment sou­la­gées (Charron, Calendrier his­to­rial de la Mère de Dieu, p. 590).

Comme tant d’autres objets sacrés, ce léger tis­su eût dû périr durant la tour­mente révo­lu­tion­naire ; mais le Dieu qui se fait gloire de veiller sur les osse­ments de ses saints, mit son hon­neur à sau­ver de la pro­fa­na­tion cette humble relique d’un vête­ment de sa Mère. Lorsque les com­mis­saires du gou­ver­ne­ment impie de cette époque vinrent sai­sir l’argenterie de la col­lé­giale de Nantes, le reli­quaire de la Ceinture fut enle­vé ; mais le cha­noine tré­so­rier, M. l’abbé Urien, par­vint à conser­ver la pré­cieuse relique. Devenu curé d’Ancenis après la paci­fi­ca­tion de la France, il en fit pré­sent à son église parois­siale où elle est encore aujourd’hui l’objet des plus fer­vents hommages.

La chré­tienne popu­la­tion de Quintin savait le prix du joyau qui enri­chis­sait son église col­lé­giale, et les géné­ra­tions qui se suc­cé­daient dans la ville se trans­met­taient le culte de la Ceinture de Marie comme l’héritage com­mun de toute la cité : aus­si les pré­cau­tions avaient été mul­ti­pliées pour conser­ver la sainte relique.

Elle était tou­jours recou­verte de deux ou trois enve­loppes d’étoffe pré­cieuse, qu’on appe­lait « ses tuniques », et ren­fer­mée dans un riche cof­fret d’argent que les prêtres seuls pou­vaient ouvrir. Ce reli­quaire était dépo­sé lui-​même dans un coffre bar­dé de fer, qui conte­nait les vases sacrés et les autres prin­ci­pales richesses de la Collégiale. Le cha­noine sacris­tain avait la garde de ces objets pré­cieux et venait chaque nuit cou­cher auprès d’eux dans la tré­so­re­rie de l’église, construite au pied du clo­cher, dans le petit cime­tière atte­nant au château.

Toutes les fois que des femmes enceintes deman­daient la Ceinture, un prêtre la sor­tait avec res­pect du reli­quaire et la pré­sen­tait aux pieuses clientes de Marie, qui la gar­daient sur elles durant le saint sacri­fice, qu’elles fai­saient offrir pour leur heu­reuse déli­vrance. Quand, à l’heure de l’enfantement, l’une d’elles était en péril de mort, elle obte­nait encore le secours de la pré­cieuse Ceinture, qu’un des cha­noines por­tait à sa mai­son. Comme de nos jours, Marie tenait à hon­neur de pro­té­ger ses humbles clientes, et un acci­dent sur­ve­nant à une mère ou à un nouveau-​né était un fait inouï à Quintin. Aussi la Ceinture de la Sainte Vierge était-​elle deman­dée dans les villes fort éloi­gnées, et les cha­noines de la Collégiale fai­saient de fré­quents voyages pour la por­ter à de nobles dames jusqu’à Rennes ou au fond de la Basse-Bretagne.

Le peuple quin­ti­nais ne voyait pas habi­tuel­le­ment l’objet de sa véné­ra­tion sécu­laire. Il avait besoin de concen­trer autour de quelque signe exté­rieur les hom­mages de sa ten­dresse filiale et de sa recon­nais­sance envers Marie.

A l’entrée de la Collégiale, l’architecte avait ména­gé un porche, qui était comme un pre­mier sanc­tuaire éri­gé à la Mère de Dieu. Son image appa­rais­sait à une place d’honneur au point cen­tral de l’édifice, domi­nant les deux portes qui don­naient entrée dans l’église. Au pied de la Vierge, le long des murailles, douze arca­tures et douze pié­des­taux étaient dis­po­sés pour rece­voir les sta­tues des apôtres qui devaient for­mer sa cour. La main d’un sculp­teur habile avait cou­vert d’ornements déli­cats les parois de ce petit temple.

Le peuple quin­ti­nais s’éprit d’amour pour cette madone. Dans la sim­pli­ci­té de ses formes naïves, elle avait l’attitude majes­tueuse qui convient à une reine. Sur la tête elle por­tait la cou­ronne, et de la main droite elle tenait un sceptre, tan­dis que la gauche sou­te­nait son divin Fils por­tant le globe du monde.

Les sei­gneurs de Quintin n’avaient pas ache­vé la déco­ra­tion de ce ves­ti­bule de la Collégiale et leurs héri­tiers, deve­nus comtes de Laval, s’in­té­res­saient peu à cette église, où repo­saient cepen­dant toute une lignée de leurs ancêtres. Le peuple se char­gea de ter­mi­ner l’œuvre de ses comtes.

Au XVIème siècle, les murailles du porche furent ornées d’abord de brillantes pein­tures repré­sen­tant les douze apôtres et des scènes de la vie de la sainte Vierge ; mais, l’humidité ayant détruit cette déco­ra­tion fra­gile, douze vigou­reuses sta­tues de gra­nit vinrent gar­nir les pié­des­taux inoccupés.

Aux pieds de la sainte Vierge, on pla­ça un petit autel, et, devant l’autel, pour rece­voir les offrandes, un tronc qui don­na aus­si­tôt son nom à la sta­tue véné­rée. On l’appela long­temps Notre-​Dame du Tronc mais la recon­nais­sance des femmes, qui avaient dû tant de fois leur salut à Marie au milieu des dan­gers de la mater­ni­té, décer­na à son image un titre plus doux. Notre-​Dame du Tronc devint Notre-​Dame de Délivrance ou encore Notre-​Dame de Miséricorde. Sous ces noms nou­veaux, elle fut la reine de la cité, et la pié­té de nos aïeux sut inven­ter pour elle les hon­neurs les plus délicats.

Une confré­rie fut éta­blie pour la ser­vir, et se fit gloire de por­ter son nom. Cette asso­cia­tion eut ses digni­taires, ses offices, son autel dans l’église, et bien­tôt des reve­nus fixes et un trésor.

Le pre­mier argent que gagnait un jeune appren­ti, la pre­mière pièce de mon­naie qu’un mar­chand rece­vait au com­men­ce­ment de la semaine, reve­naient comme de droit à Notre-​Dame de Délivrance et étaient fidè­le­ment jetés dans le tronc éta­bli à ses pieds.

Des cierges brû­laient nuit et jour sur un can­dé­labre de fer pla­cé devant son autel, et, en les comp­tant, on eût pu dire com­bien de familles dans la cité étaient à ce moment, ou sous la menace d’un mal­heur, ou dans la joie qu’apporte un bien­fait du ciel.

Quand une femme était en tra­vail, quand un malade était sur le point de mou­rir, on cou­rait à Notre-​Dame de Délivrance. De même qu’elle pré­ser­vait tous les enfants de la cité des périls qui menacent l’homme à sa nais­sance, elle les déli­vrait de même des der­nières embûches de l’ennemi. Protectrice de l’agonie, comme des heu­reux enfan­te­ments, elle ne ces­sait de veiller sur ses fils que lorsque leurs âmes étaient en pos­ses­sion de cette vie éter­nelle, dont elle leur avait assu­ré les pré­mices avec le saint baptême.

Le com­merce de la toile répan­dait déjà l’aisance dans la cité. Le peuple vou­lut consa­crer cette indus­trie à sa Reine bien-​aimée. Une que­nouille char­gée de lin fut atta­chée sous le porche, à la balus­trade qui entou­rait l’autel de Notre-​Dame de Délivrance, et lorsqu’une petite fille était en âge d’apprendre à filer, sa mère l’envoyait à la col­lé­giale cher­cher la que­nouille de la sainte Vierge, et l’enfant fai­sait le pre­mier appren­tis­sage du métier qui devait lui don­ner son mor­ceau de pain de chaque jour, sur le lin four­ni par la Reine des cieux. Quand, après de longs efforts, la que­nouille était épui­sée, l’enfant la gar­nis­sait avec du lin que lui don­naient ses parents, et en la rap­por­tant à l’église, elle dépo­sait aux pieds de Marie son pre­mier éche­veau de fil, humbles pré­mices des tra­vaux de toute sa vie.

Jamais enfin une per­sonne pieuse ne sor­tait de la col­lé­giale sans faire une sta­tion sous le porche, devant Notre-​Dame de Délivrance pour la saluer par un der­nier cri d’amour et lui confier une der­nière prière.

Les mani­fes­ta­tions de la misé­ri­corde divine sont tou­jours pro­por­tion­nées à la foi simple de ceux qui l’implorent. Aussi les miracles se mul­ti­plièrent devant l’image de Notre-​Dame de Délivrance. Un pieux can­tique com­po­sé en son hon­neur au XVIIIème siècle, et encore chan­té dans notre ville, en per­pé­tue le sou­ve­nir dans des vers mal­heu­reu­se­ment trop impar­faits (Cantique de la sainte Vierge, Mère de misé­ri­corde, par l’abbé Le Floch du Volozenne, grand chantre de la cathé­drale de Saint-​Brieuc). Il semble même indi­quer que la pié­té naïve de nos pères cher­chait à lire sur le visage de la sta­tue véné­rée les sen­ti­ments de la Reine des cieux, et qu’on le voyait tan­tôt pâle, tan­tôt ver­meil, selon que l’inquiétude ou l’espérance agi­taient tour à tour le cœur mater­nel de Marie à la pen­sée de ses enfants (Alphonse Guépin).

GRÂCES ACCORDÉES PAR NOTRE-​DAME DE DÉLIVRANCE DE QUINTIN.

Depuis la grande mani­fes­ta­tion du 4 mai 1873, le culte de Notre-​Dame de Délivrance et de la Ceinture de la sainte Vierge n’a ces­sé de se développer.

A par­tir de ce jour béni, la vieille madone du porche de la Collégiale a été l’objet de la dévo­tion la plus fer­vente ; aucun fidèle ne sor­tait plus de l’église sans la saluer par les trois Ave Maria recom­man­dés par le Souverain Pontife. Elle est rede­ve­nue la confi­dente dans toutes les dou­leurs, la conseillère dans toutes les dif­fi­cul­tés, l’objet de l’action de grâces dans toutes les joies.

Presque à chaque heure du jour, quelque pieux chré­tien était age­nouillé à ses pieds, et les cierges, entre­te­nus devant elle par la dévo­tion et la recon­nais­sance, ne se sont point éteints un seul jour.

Deux que­nouilles char­gées de lin ont été pla­cées auprès de la sainte image, et les jeunes filles de la ville, comme autre­fois leurs mères et leurs aïeules, se sont appli­quées avec une foi naïve à filer un éche­veau de fil pour Notre-​Dame de Délivrance, toutes les fois qu’elles avaient une grâce à obte­nir de la Reine du Ciel.

Quand on péné­trait dans la Collégiale, la pré­sence de la sainte relique était indi­quée à l’autel de la sainte Vierge par des lampes constam­ment allu­mées. Plusieurs d’entre elles sont rete­nues à per­pé­tui­té par la pié­té de fidèles, rede­vables de quelque bien­fait signa­lé à Notre-​Dame de Délivrance ; les autres étaient allu­mées pour quelques jours seule­ment, d’ordinaire à l’occasion d’une neu­vaine à la sainte Vierge.

Sur l’autel, à la place du taber­nacle, une armoire d’une forme artis­tique quoique sévère, œuvre d’un sculp­teur quin­ti­nais, ren­fer­mait le reli­quaire de la sainte Ceinture. Au-​dessus du reli­quaire appa­rais­sait une belle sta­tue de Notre-​Dame de Délivrance en argent, offerte par la pié­té des fidèles et la géné­ro­si­té d’une noble dame, dont Quintin n’oubliera jamais les bien­faits. De riches can­dé­labres, char­gés constam­ment de cierges allu­més, com­plé­taient la déco­ra­tion de l’autel. Chaque mois, des messes fon­dées à per­pé­tui­té et annon­cées au prône de la grand’­messe, étaient célé­brées à l’autel de la sainte Vierge pour les fon­da­teurs et tous ceux qui se recom­mandent à Notre-​Dame de Délivrance ; et on devait don­ner avec le temps plus de solen­ni­té à ces pieuses réunions.

Le culte de notre sainte relique n’est pas res­té enfer­mé dans nos murs. Les rubans bénits et mis en contact avec la Ceinture de Marie ont été de plus en plus recher­chés et ont pro­duit au loin des grâces signa­lées, dont quelques-​unes peuvent être appe­lées à bon droit de véri­tables miracles. Les plus nom­breuses et les plus écla­tantes ont été opé­rées en faveur de femmes enceintes ou d’enfants arri­vant à la vie. Entre plu­sieurs faits de ce genre, nous citons comme au hasard les sui­vants, arri­vés à des per­sonnes dont nous pour­rions dire les noms.

A Landerneau, une pauvre jar­di­nière avait eu le mal­heur d’accoucher à plu­sieurs reprises d’enfants mort-​nés. Enceinte de nou­veau, elle trem­blait, convain­cue qu’une sem­blable infor­tune la mena­çait encore, lorsque sa maî­tresse lui don­na une cein­ture bénite à Quintin, en l’exhortant à avoir confiance dans la sainte Vierge. La pauvre femme prit le ruban ; mais elle n’osa deman­der à Marie qu’une seule grâce, que son enfant pût rece­voir le bap­tême à l’église. Deux jours après, elle était prise des dou­leurs de l’enfantement. Deux méde­cins, appe­lés auprès d’elle, s’en allèrent, per­sua­dés qu’un mal­heur était immi­nent et avouant que leur science était impuis­sante. Seule, la pauvre femme ne se las­sait ni d’espérer, ni de prier, tou­jours dans la même inten­tion. L’enfant naît enfin, mais presque expi­rant. On s’empresse de l’on­doyer sur-​le-​champ ; mais la mère, convain­cue que la sainte Vierge lui accor­de­ra cer­tai­ne­ment sa demande, exige qu’il soit por­té aus­si­tôt à l’église. On accède à ses dési­rs, quoiqu’on ne dou­tât pas que l’enfant ne mou­rût en che­min. On arri­va cepen­dant à l’église ; le prêtre eut le temps de sup­pléer à toutes les céré­mo­nies du bap­tême ; mais à peine avait-​il ache­vé que l’âme de ce petit inno­cent s’en allait au ciel remer­cier Marie de lui avoir pro­cu­ré le bon­heur éter­nel. La mère se remit promp­te­ment et rem­plie désor­mais d’une confiance entière dans sa cein­ture bénite, elle la gar­da soi­gneu­se­ment et la prit dès les pre­mières annonces d’une nou­velle gros­sesse. Elle ne dou­ta pas cette fois que la sainte Vierge ne lui fît mettre au monde un enfant viable. Sa foi n’a pas été trom­pée. Elle a eu une fille très vigou­reuse, dont la san­té par­faite console ses parents de leurs mal­heurs passés.

Près de Pont-​Labbé, une pay­sanne avait failli périr dans ses deux pre­mières couches. Les troi­sièmes s’annonçaient ter­ribles et, d’après toutes les pro­ba­bi­li­tés humaines, la pauvre mère devait y lais­ser la vie. Une jeune dame du voi­si­nage lui prê­ta une cein­ture bénite à Quintin, qui fut reçue comme gage d’une pro­tec­tion assu­rée de Marie. Cette foi simple eut sur-​le-​champ sa récom­pense. L’enfant et la mère furent sauvés.

Célestine Le Forestier, femme de Charles Rescourio, demeu­rant à Pontivy, avait eu cinq enfants tous mort-​nés ; et à cha­cune de ses couches, sa vie avait été en grand péril. Quand elle devint enceinte pour la sixième fois, les méde­cins ne lui dis­si­mu­lèrent pas le dan­ger que cou­rait sa vie. La pauvre femme était dans l’état d’anxiété la plus cruelle, lorsqu’une per­sonne pieuse, émue de com­pas­sion envers elle, lui don­na une cein­ture de la sainte Vierge, bénite à Quintin. Célestine la reçut avec la foi et la conso­la­tion la plus vive, comme un gage cer­tain d’une pro­tec­tion assu­rée du ciel. Sa confiance ne fut pas trom­pée. Quelques semaines après, elle met­tait heu­reu­se­ment au monde une petite fille pleine de vie et de san­té ; elle recou­vra elle-​même promp­te­ment ses forces et fut en état de nour­rir et soi­gner seule son enfant.

L’envoi des cein­tures bénites est fait d’ordinaire par M. le Curé de Quintin, par de pieuses zéla­trices ou par les Soeurs du Saint-​Esprit, qui dirigent le bureau de bien­fai­sance. Par les mêmes inter­mé­diaires, des offrandes, presque tou­jours modestes mais très nom­breuses, sont arri­vées de tous les points de la France, comme actions de grâces à Notre-​Dame de Délivrance. Un jour, c’était une noble dame qui envoyait cent francs du fond du Dauphiné ; une autre fois, c’était une jeune femme qui fai­sait remettre à Notre-​Dame de Délivrance un louis d’or, pre­mier cadeau que venait de rece­voir son fils nouveau-​né. L’envoi était accom­pa­gné d’une lettre tou­chante, dans laquelle la jeune mère racon­tait qu’ayant eu le mal­heur de perdre ses deux pre­miers enfants, à l’heure même de leur nais­sance, elle était sous le coup d’une angoisse indi­cible, quand elle se vit enceinte pour une troi­sième fois. Elle était convain­cue qu’elle per­drait son enfant et suc­com­be­rait elle-​même. Les Soeurs du Conquet, sa paroisse, lui pro­cu­rèrent une cein­ture. « Je l’ai reçue, écrivait-​elle, comme un gage assu­ré de la pro­tec­tion de la sainte Vierge ; aus­si, dès ce moment, rem­plie de confiance en la cein­ture que je por­tais, je ne crai­gnais plus ni pour moi ni pour mon enfant. Je n’ai pas été trom­pée. J’ai conser­vé cet enfant pour lequel j’avais tant pleu­ré. Depuis j’en ai eu encore un autre, beau et fort comme son frère. Je ne puis être assez recon­nais­sante envers Marie, ma bonne Mère ».

Notre-​Dame de Délivrance ne s’est pas seule­ment mon­trée secou­rable pour une seule des infir­mi­tés humaines. Sans par­ler des grâces spi­ri­tuelles qu’elle accorde sans cesse à ses clients, nous pour­rions rela­ter des faits, dans les­quels il est dif­fi­cile de ne pas voir une pro­tec­tion de Marie. En 1879, un jeune homme, né à Pontivy, mais habi­tant Paris, avait été pris, à la suite d’une mala­die aiguë, de dou­leurs vio­lentes dans tous les membres et souf­frait le mar­tyre. Il revint dans sa ville natale auprès de sa mère ; mais ni les soins dévoués de celle-​ci, ni la science de trois méde­cins ne purent lui pro­cu­rer aucun sou­la­ge­ment. Une per­sonne pieuse, qui pro­page avec zèle la dévo­tion à Notre-​Dame de Délivrance, par­la à la mère de la pré­cieuse cein­ture, comme d’un remède qui réus­sis­sait sou­vent après l’application inutile des moyens humains. Le jeune homme refu­sa d’abord de s’en ser­vir ; mais, à la suite d’une nuit plus dou­lou­reuse que les autres, il récla­ma de lui-​même la cein­ture. Les dou­leurs se cal­mèrent immé­dia­te­ment ; au bout de quelques jours, le jeune homme put retour­ner à Paris et reprendre ses occu­pa­tions, à la grande sur­prise des méde­cins qui ne com­pre­naient rien à cette amé­lio­ra­tion subite. En par­tant, il vou­lut empor­ter sa cein­ture ; depuis il ne l’a jamais quit­tée et sa san­té s’est tou­jours main­te­nue parfaite.

A Saint-​Brieuc, une pieuse mère, Mme P…, a l’habitude de faire por­ter à ses enfants en ban­dou­lière sous leurs vête­ments, la cein­ture de la sainte Vierge. L’un d’entre eux, âgé de six ans, avait la vue tel­le­ment faible qu’il ne pou­vait se diri­ger seul. Un jour, trom­pant la vigi­lance de sa mère, il s’était échap­pé dans la rue Saint-​Gilles, lorsqu’une char­rette pesam­ment char­gée le ren­ver­sa à terre et une des roues du lourd véhi­cule lui pas­sa sur le corps. Ce ne fut qu’un cri par­mi toutes les per­sonnes qui virent cet acci­dent ; on croyait l’enfant mort. La mère elle-​même arri­vait en trem­blant. Quelle ne fut pas sa sur­prise de trou­ver son fils sain et sauf ? Ses habits étaient sales et déchi­rés, mais il n’avait pas la plus légère contu­sion. En le désha­billant, l’heureuse mère vit seule­ment une marque rouge qui indi­quait sur l’épaule de son fils la trace de la roue de la char­rette ; mais à cet endroit même, l’enfant por­tait la précieuse-​ceinture, qui avait amor­ti le coup et lui avait sau­vé la vie.

Une jeune fille âgée de qua­torze ans, était éle­vée à Rennes, dans le pen­sion­nat de Saint-​Laurent, tenu par les Dames de Saint-​Thomas-​de-​Villeneuve. Vers la fin de novembre 1877, le mau­vais état de sa san­té la fit ren­trer dans la mai­son pater­nelle. Une fièvre typhoïde se décla­ra presque aus­si­tôt, avec les symp­tômes les plus alar­mants. La jeune malade per­dit com­plè­te­ment connais­sance, au point qu’elle se croyait tou­jours au pen­sion­nat et ne recon­nais­sait pas ses parents. Le ven­dre­di 19 décembre, elle entra en ago­nie, sans que sa mère s’en aper­çût. On croyait qu’elle repo­sait, lorsqu’une voi­sine, venant pour voir la malade, s’approche de son lit et voit la sueur de la mort qui per­lait déjà sur son front. « Allez vite cher­cher le méde­cin », dit-​elle aux parents abu­sés. Le père y cou­rut ; à peine le doc­teur fut-​il arri­vé qu’apercevant le dan­ger, il conseilla de faire venir sans retard le prêtre : « la malade, ajouta-​t-​il, ne pas­se­ra pas la nuit ». Informée de l’état déses­pé­ré de sa chère élève, la supé­rieure du pen­sion­nat de Saint-​Laurent, qui est quin­ti­naise, lui envoya immé­dia­te­ment une cein­ture de la sainte Vierge, bénite à Quintin. On la mit sur l’enfant vers six heures du soir.

Aussitôt la malade parut plus calme ; cepen­dant la nuit se pas­sa dans de cruelles anxié­tés pour tous ceux qui l’entouraient, lorsqu’à quatre heures du matin, la jeune fille appe­la sa mère et lui deman­da à man­ger. La connais­sance lui était reve­nue et elle man­gea sans être incom­mo­dée. Grâce à la pro­tec­tion de la sainte Vierge, le dan­ger avait dis­pa­ru et bien­tôt elle fut com­plè­te­ment guérie.

Si nous pou­vions dres­ser ici la liste des clients de Notre-​Dame de Délivrance, au moyen des lettres qui demandent des prières ou des actions de grâces ; à côté d’humbles pay­sannes, nous devrions ins­crire plu­sieurs des noms les plus illustres de l’aristocratie fran­çaise. Des méde­cins, des magis­trats, des offi­ciers de terre et de mer ont foi dans la pro­tec­tion de notre sainte Relique aus­si bien que les pauvres tis­se­rands de Quintin. Puissent ces pages voler bien loin de notre cité pour répandre de plus en plus le culte de notre sainte Patronne ! Puisse leur lec­ture ins­pi­rer à ceux qui souffrent, à ceux qui déses­pèrent de recou­rir avec confiance à Marie, si jus­te­ment appe­lée le Salut des infirmes, le Refuge des pécheurs, la Consolation des affligés !

Le vœu de 1871 a été plei­ne­ment accom­pli, avec un élan de pié­té et une magni­fi­cence qui a dépas­sé toutes les espé­rances. Notre-​Dame de Délivrance a sa fête et la pré­cieuse Ceinture, son reli­quaire ; cepen­dant la pié­té des Quintinais n’était pas satis­faite. A cha­cune des fêtes solen­nelles du pre­mier dimanche de mai, la vieille Collégiale parais­sait de plus en plus pauvre, déla­brée, insuf­fi­sante pour le chiffre de la popu­la­tion, indigne en un mot de la pré­cieuse relique qu’elle abri­tait. Le désir de tous était de la rem­pla­cer par un édi­fice consa­cré sous le vocable de Notre-​Dame de Délivrance et de n’épargner aucun sacri­fice pour cette nou­velle et pieuse entreprise.

Appelé à suc­cé­der en 1875 à M. l’abbé Guillemot, dans la cure de Quintin, M. l’abbé Gilbert Blanchet, comp­tant avec rai­son sur le concours d’une admi­nis­tra­tion intel­li­gente et chré­tienne, s’est mis cou­ra­geu­se­ment en avant pour cette grande œuvre. Son appel a été enten­du tout d’abord par les des­cen­dants de la famille ducale de Lorge-​Quintin, qui, des pré­ro­ga­tives de leurs pères, ne réclament que l’honneur de prendre une large part à toutes les bonnes œuvres de la ville et de la contrée. Il est inutile de citer des noms véné­rés de tous et qui rap­pellent les plus hautes ver­tus et d’héroïques sacrifices.

La popu­la­tion quin­ti­naise répon­dit avec un admi­rable élan à l’exemple du don prin­cier de cette noble famille : conseil muni­ci­pal, Fabrique de l’église, pro­prié­taires, com­mer­çants, ouvriers, jusqu’aux plus pauvres habi­tants, tous vou­lurent appor­ter leur pierre au sanc­tuaire de Notre-​Dame de Délivrance. La Vierge Marie a vu à ce moment du haut du ciel des actes d’amour et d’admirable géné­ro­si­té, qui suf­fi­raient à eux seuls pour assu­rer à tou­jours sa béné­dic­tion à notre cité.

Un jour, l’antique Collégiale fut démo­lie ; seule la vieille tour res­ta debout et ses cloches appe­lèrent encore les fidèles à la prière. La cha­pelle de Notre-​Dame de la Porte, sau­vée de la pro­fa­na­tion, devint l’abri pro­vi­soire de la paroisse : la Ceinture de la Sainte Vierge, son reli­quaire, la sta­tue d’argent de Notre-​Dame de Délivrance, la vieille madone du porche, toutes ces choses saintes, qui sont comme le pal­la­dium de notre cité, trou­vèrent leur place dans ce vieux sanc­tuaire, ren­du à la prière, grâce à un nou­veau et géné­reux sacrifice.

Les fon­de­ments de la future église furent jetés dans le sol ; mal­gré des dif­fi­cul­tés pénibles et inat­ten­dues, la foi des habi­tants de Quintin ne se démen­tit pas un seul ins­tant, et la géné­ra­tion qui a vou­lu la construc­tion du sanc­tuaire de Marie a réa­li­sé ses désirs.

Les plans avaient été dres­sés par un habile archi­tecte, M. A. Baillargé, connu par le pro­jet magni­fique de res­tau­ra­tion de saint-​Martin de Tours. Ce fut M. Th. Maignan qui les exé­cu­ta, avec M. Yves Bellec comme entrepreneur.

Le 6 mai 1883, l’évêque de Saint-​Brieuc, Monseigneur Bouché, bénis­sait solen­nel­le­ment la prière prin­ci­pale ; quatre ans après, le nou­vel édi­fice, était ache­vé. Le jeu­di 11 août 1887, M. le cha­noine Blanchet, curé-​doyen, avait la grande joie de le bénir, comme délé­gué de l’Evêque, et le Saint Sacrement, escor­té par une foule pieu­se­ment émue, quit­tait l’église pro­vi­soire pour prendre pos­ses­sion de sa demeure définitive.

Bâtie sur les fon­da­tions mêmes de la vieille Collégiale, l’église de Notre-​Dame de Délivrance en rap­pelle les dis­po­si­tions prin­ci­pales. A l’entrée, sur le tym­pan inté­rieur du porche, l’image de la Reine de la cité, tenant une que­nouille à la main, se détache sur un fond d’or en mosaïque. Celle que l’Eglise se plaît à invo­quer comme la Porte du ciel, Janua cœli, semble pla­cée là pour attendre ses visi­teurs et les intro­duire près de son divin Fils.

En fran­chis­sant le seuil du temple, par delà le maître-​autel où réside l’Hôte divin de nos taber­nacles, le pèle­rin aper­çoit au fond de l’abside, sur un autel somp­tueux en marbre blanc, le reli­quaire de la pré­cieuse Ceinture, sur­mon­té de la sta­tue de Notre-​Dame de Délivrance, et sa pre­mière prière est comme néces­sai­re­ment pour la patronne prin­ci­pale de l’église et de la cité.

Saint Thurian a conser­vé, lui aus­si, les droits que lui assure son ancien patro­nage ; son autel se voit, du côté de l’Evangile, dans le tran­sept nord, fai­sant face aux fonts baptismaux.

La dévo­tion à sainte Anne si chère à nos aïeux, les dévo­tions au Sacré-​Cœur et à saint Joseph qui sont la gloire et la conso­la­tion par­ti­cu­lière de notre temps, ont à juste titre trou­vé place dans le nou­vel édifice.

C’est ain­si qu’à force de sacri­fices et de prières, les pieux fidèles de Quintin ont vu abou­tir cette sainte entre­prise conçue dans un véri­table amour de Dieu et de Marie. Et enfin est venu le jour solen­nel [Note : Annoncée plu­sieurs mois à l’avance par S. G. Monseigneur Serrand, Evêque de Saint-​Brieuc et Tréguier, la consé­cra­tion de l’église de Notre-​Dame de Délivrance a été fixée au dimanche 5 octobre 1930. Les évêques ori­gi­naires du dio­cèse, heu­reux de don­ner à notre madone, véné­rée un témoi­gnage de leur filiale dévo­tion, ont accep­té de par­ti­ci­per à l’imposante céré­mo­nie, de consa­crer les six autels, et de pré­si­der la grande pro­ces­sion mariale, l’après-midi, à tra­vers les rues de la ville] où le Pontife du Seigneur oint avec le saint chrème les murailles du nou­veau sanc­tuaire et en consacre les autels. Avec quels sen­ti­ments de recon­nais­sance tous redisent la prière que l’ancien peuple d’Israël, par la bouche de son roi, adres­sait à Dieu au jour de la dédi­cace du Temple :

« Soyez béni, Seigneur, qui avez don­né la paix à votre peuple, selon votre pro­messe. Soyez avec nous, Seigneur, notre Dieu, comme vous avez été avec nos pères, ne nous aban­don­nant pas, ne nous reje­tant pas de votre face. Inclinez nos cœurs vers vous, afin que nous mar­chions dans toutes vos voies, que nous conser­vions vos com­man­de­ments, votre culte et tout ce que vous avez ordon­né à nos pères ; que les paroles de cette prière que nous fai­sons devant vous, Seigneur, vous soient pré­sentes nuit et jour, afin que chaque jour vous fas­siez jus­tice à vos ser­vi­teurs et à votre peuple. Amen ».

(Alphonse Guépin)

LA RELIQUE DE LA CEINTURE

C’est un fin réseau de lin, à mailles inégales, dont il ne reste qu’un frag­ment d’en­vi­ron 8 cm de côté. La relique porte les traces de l’in­cen­die de 1600 mais elle avait été déjà réduite par le don d’une par­tie à la bien­heu­reuse Françoise d’Amboise, épouse de Pierre II, duc de Bretagne.

Cette por­tion de la relique fut dépo­sée à la cathé­drale de Nantes et, au moment de la révo­lu­tion, trans­fé­rée à l’é­glise d’Ancenis. Une pho­to­co­pie de la Relique est actuel­le­ment expo­sée dans le taber­nacle de l’au­tel de Notre-​Dame de Délivrance.

» Comment dans le pas­sé se pré­sen­tait la Relique ? Elle était tou­jours recou­verte de deux ou trois enve­loppes d’é­toffe pré­cieuse, qu’on appe­lait ses « tuniques » et ren­fer­mée dans un cof­fret d’argent, fer­mé à clé. Ce reli­quaire était dépo­sé dans un coffre bar­dé de fer, à la garde du cha­noine sacristain.Toutes les fois que des futures mamans deman­daient la Ceinture, un prêtre la sor­tait avec res­pect du reli­quaire et la por­tait aux pieuses clientes de Marie, qui la gar­daient sur elles durant le saint sacri­fice qu’elles fai­saient offrir pour leur heu­reuse déli­vrance. En cas de dan­ger grave, au moment de l’en­fan­te­ment, il arri­vait qu’on la por­tât à domi­cile. Aussi les cha­noines de la Collégiale fai­saient de fré­quents voyages pour la por­ter dans maintes régions de la Bretagne » (F. Potier).

Plusieurs fois sau­vée du vol, épar­gnée par l’in­cen­die de 1600, la relique a failli être vic­time de l’ex­cès de dévo­tion des chré­tiens. Au moment des nais­sances, cer­taines familles avaient le pri­vi­lège d’emporter quel­que­fois fort loin, la relique de la Ceinture. Les uns et les autres n’hé­si­taient pas à conser­ver un fil ou même un frag­ment du tis­su. Devant le risque de voir détruite, peu à peu, la relique, le roi Louis XIII, à la demande de l’é­vêque de Saint Brieuc, écri­vit au Sénéchal du Goëlo pour ordon­ner que, désor­mais, la Ceinture ne puisse être confiée à des par­ti­cu­liers (voir le texte de l’or­don­nance royale).

» Le res­pect dont fut tou­jours entou­rée la Relique de la Ceinture, la foi qu’elle sus­ci­ta au cours des siècles, les dan­gers aux­quels elle échap­pa sont déjà une indé­niable garan­tie d’au­then­ti­ci­té. Mais il y a mieux : un véri­table miracle en sa faveur. Le same­di 8 jan­vier 1600, le cha­noine Jacques Rault vint cou­cher, comme à l’or­di­naire, à la tré­so­re­rie, au-​dessus de la sacris­tie. Vers 11 heures du soir, le cri « Au Feu » reten­tit dans la ville. Des flammes s’échappaient de la toi­ture de la sacris­tie. On se pré­ci­pite vers la porte de la sacris­tie. On l’en­fonce… Trop tard, le sacris­tain était mort. Tout flam­bait. Impossible d’ar­rê­ter l’in­cen­die. Calices, osten­soirs, reli­quaire, tout était détruit. Quintin avait per­du son tré­sor ! On ne pou­vait humai­ne­ment conser­ver aucun espoir : plu­sieurs jours durant, le feu s’a­char­na sur les ruines. Le 18 jan­vier, le clerc ton­su­ré Julien Pichon est occu­pé à remuer les cendres et enle­ver les décombres. Tout à coup, il pousse un cri et appelle son oncle, Dom Charles Pichon, le nou­veau sacris­tain. La Ceinture est là, au milieu des char­bons encore fumants, intacte et seule­ment rous­sie légè­re­ment à l’une de ses extré­mi­tés. Miracle mani­feste ! C’était le 18 jan­vier. Le len­de­main, toute la ville en liesse par­ti­ci­pa à une grande pro­ces­sion d’ac­tion de grâces. En 1611, Mgr. Melchior de Marconnay, évêque de Saint-​Brieuc, fit ouvrir sur cet évé­ne­ment une enquête minu­tieuse, dont les pièces ori­gi­nales existent tou­jours dans les archives parois­siales » (F. Potier).

» Ordonnance de Louis XIII. Nous avons dit que la Relique de la Ceinture était par­fois por­tée à domi­cile. Il arri­va qu’un zèle indis­cret et de cou­pables lar­cins la rédui­sirent un peu plus chaque jour. L’évêque de Saint-​Brieuc s’a­lar­ma et ordon­na qu’elle ne quit­te­rait plus la Collégiale. De son côté, le Roi Louis XIII, écri­vait à son Sénéchal du Goëllo de veiller à l’exé­cu­tion de l’or­don­nance épis­co­pale : « Il est de votre devoir, disait le vieux monarque, d’employer votre auto­ri­té à la conser­va­tion d’une si pré­cieuse relique et de mettre ordre à ce qu’elle soit gar­dée avec le res­pect et l’hon­neur qui lui sont dûs » (Ordonnance du 12 Avril 1641). C’est depuis cette époque que l’on prit l’ha­bi­tude, comme com­pen­sa­tion, d’en­voyer aux mères chré­tiennes des rubans bénits, mis en contact avec la Relique » (F. Potier).

Conservée d’abord dans un coffre et enve­lop­pée de plu­sieurs linges pré­cieux, ses « tuniques », la Ceinture fut dépo­sée, plus tard, dans un reli­quaire d’argent : il fut volé par les sol­dats du duc de Mercoeur pen­dant les guerres de la Ligue, à la fin du XVIème siècle.

Pendant plu­sieurs années, la relique fut confiée à un modeste reli­quaire de bois. Au moment de la recon­nais­sance du miracle, après l’in­cen­die de 1600 un nou­veau reli­quaire d’argent fut offert mais il sera confis­qué lui aus­si quand l’é­glise fut pro­fa­née en 1790. Après la tour­mente révo­lu­tion­naire, une copie du reli­quaire volé reçut la Ceinture. Le grand reli­quaire actuel, por­té en pro­ces­sion le jour du Pardon a été offert à la suite du vœu de 1871, deman­dant la pro­tec­tion de Notre Dame au moment de l’in­va­sion de la France par les troupes alle­mandes. Les dons furent abon­dants et per­mirent de réa­li­ser la sta­tue lamée d’argent qui accom­pagne le reli­quaire le jour du Pardon.

» En 1790, le porche de la Collégiale fut dévas­té, les sta­tues ren­ver­sées et ven­dues, les sculp­tures muti­lées. La châsse d’argent qui conte­nait la Ceinture fut envoyée au creu­set ; mais la relique fut sau­vée, comme la tête de la sta­tue de Notre Dame et une par­tie des archives capi­tu­laires » (F. Potier).

» La Relique de la Ceinture se pré­sente actuel­le­ment sous la forme d’un tis­su réti­cu­lé, d’un réseau léger, à mailles inégales, de fils de lin gris d’une lon­gueur de 8 cen­ti­mètres sur une lar­geur un peu moindre. Elle est conser­vée dans un splen­dide médaillon en or cise­lé, orné de pierres pré­cieuses. Une pho­to­co­pie de la Relique est expo­sée dans le taber­nacle de l’au­tel de Notre Dame de Délivrance. Au cours de la guerre entre la France et la Prusse, la popu­la­tion de Quintin, gui­dée par le curé A. Guillemot, se mit sous la pro­tec­tion de Notre Dame et pro­mit d’of­frir un nou­veau reli­quaire pour la Ceinture de la Vierge. Réalisé en ver­meil, ce reli­quaire fut béni par l’é­vêque du dio­cèse en 1873. Le jour du Pardon, il est por­té en pro­ces­sion avec la sta­tue lamée d’argent, offerte en 1875 » (F. Potier).