Saint Pie X et la dévotion mariale montfortaine

En 1909, la revue Le règne de Jésus par Marie a publié les deux articles qui suivent. Ils relatent un entre­tien du R.P. Gebhard, Procureur Général de la Cie de Marie et des filles de la Sagesse, avec le pape saint Pie X. Ces deux articles révèlent l’importance que le saint pape accor­dait à la dévo­tion mariale de saint Louis-​Marie Grignion de Montfort.

Belles étrennes (1909)

Nous avons de belles étrennes à offrir aux lec­teurs du Règne de Jésus par Marie, et elles nous viennent de notre Père com­mun, du Pontife bien aimé assis sur la chaire de Saint-Pierre.

Comme le raconte l’intéressant article qui suit, il a dai­gné com­bler d’éloges notre chère dévo­tion du Saint-​Esclavage de Jésus en Marie, et bénir le Traité que le bien­heu­reux de Montfort lui a consa­cré. Pour encou­ra­ger la dif­fu­sion de ce petit livre, qu’en cer­tains pays on appelle un Livre d’Or, il a accor­dé la béné­dic­tion apos­to­lique à ceux qui le liraient. Plus loin encore est allée sa condes­cen­dance et son désir de voir la Sainte Vierge hono­rée par une dépen­dance com­plète de ses ser­vi­teurs. Déjà ins­crit dans la Confrérie de Marie Reine des Cœurs, il a bien vou­lu entrer dans l’Association des Prêtres de Marie Reine des Cœurs.

Quel plus beau cadeau Pie X pouvait-​il nous faire ? Merci, ô Saint Père, d’avoir dit en votre cin­quan­te­naire une parole qui va avoir un si grand reten­tis­se­ment et exer­cer une si salu­taire influence ! Merci, ô Marie, ô Reine des Cœurs, qui avez vou­lu signa­ler votre jubi­lé de Lourdes par une faveur inap­pré­ciable ! Désormais votre amour et l’amour du Pape ne feront que gran­dir dans nos cœurs. Ces deux amours, nous vou­lons les prou­ver par des actes. Que faire pour plaire à Marie et au Souverain Pontife ? La réponse est facile, chers lec­teurs. Il faut répandre de plus en plus cette dévo­tion que tous deux aiment tant. Il faut cher­cher et gagner des cœurs pour les conduire aux pieds de la divine Reine. Donnons des Traités de la vraie dévo­tion, des Secrets de Marie, des feuilles du Saint-​Esclavage. Faisons connaître notre sainte pra­tique par la voix et par la plume. Semons, semons sans nous las­ser.
Nous devons être trop heu­reux de coopé­rer à une œuvre si belle.

J’ajouterai un moyen pra­tique, c’est de trou­ver des lec­teurs et des abon­nés à notre revue Le Règne de Jésus par Marie. Elle a été fon­dée pour être l’apôtre de la vraie dévo­tion, et elle
tâche d’être fidèle à sa mis­sion. Comme vous pou­vez le consta­ter, elle tra­vaille à faire connaître et aimer la très sainte Vierge. Elle n’est pas l’ennemie non plus de la bonne gaie­té, et de l’humeur joyeuse. D’aucuns lui en ont fait presque un reproche. On pré­ten­dait qu’en allant deci, de-​là le chro­ni­queur avait dépas­sé les limites d’une revue pieuse. Mais on a dû remar­quer qu’en vieillis­sant il était deve­nu tout à fait sage. Maintenant, il n’est pas une jeune fille qui ne puisse per­mettre à sa mère de lire ses articles.

Enfin ce qui prouve que la revue ne déplaît pas, c’est le nombre consi­dé­rable d’abonnés que Marie lui a pro­cu­rés en cette année jubi­laire. Puisse ce mou­ve­ment en faveur du Règne de Jésus par Marie s’accentuer de plus en plus, en l’année 1909 !

En finis­sant, chers lec­teurs, nous vous sou­hai­tons une bonne et heu­reuse année, une année de grâces et de mérites, une année toute à Jésus et à Marie.

[Revue Le Règne de Jésus par Marie, 15.01.1909. Vol VIII – n° 1]

Pie X et la vraie dévotion

Admis en audience pri­vée le 27 décembre der­nier, le R.P. Gebhard, Procureur Général de la Cie de Marie et des filles de la Sagesse, a fait l’hommage à sa sain­te­té d’un exem­plaire de la nou­velle tra­duc­tion ita­lienne du Traité de la vraie dévo­tion. Le Saint-​Père en prit occa­sion pour affir­mer, en des termes qu’on ne pou­vait sou­hai­ter d’une bien­veillance plus mar­quée, qu’on n’osait même espé­rer aus­si expli­cites, son estime de l’ouvrage du B. de Montfort, et son désir de le voir de plus en plus pro­pa­ger par­mi les fidèles. 

Disons d’abord que la nou­velle tra­duc­tion ita­lienne, qui nous a valu cette pré­cieuse appro­ba­tion, s’imposait. Certes, le Traité de la Vraie Dévotion a eu, depuis son appa­ri­tion, d’ardents pro­pa­ga­teurs en Italie. Une pre­mière édi­tion paraît à Turin vers 1851, lors de l’examen des écrits du bien­heu­reux. Une autre s’édite, à Novara, en 1862 et se trouve, avec ses lacunes et ses imper­fec­tions, repro­duite à Milan en 1872 à un très fort tirage. Les Pères salé­siens de Don Bosco ne sont guère plus heu­reux dans leur tra­duc­tion édi­tée en 1887, et der­niè­re­ment réédi­tée par eux à Turin. Il fal­lait une tra­duc­tion plus fidèle, tant dans l’intérêt des âmes que pour l’honneur du bien­heu­reux de Montfort. Un de ses fils, le pre­mier que l’Italie lui ait don­né, le R.P. Bonicelli se mit cou­ra­geu­se­ment à l’œuvre, peu après la publi­ca­tion de la nou­velle édi­tion fran­çaise, si appré­ciée. L’accueil, fait à sa nou­velle tra­duc­tion, marque sa supé­rio­ri­té sur les pré­cé­dentes, et tout fait espé­rer que, les 500 exem­plaires d’un pre­mier tirage bien­tôt épui­sés, elle aura les hon­neurs d’une pro­chaine réimpression.

L’ouvrage porte l’Imprimatur du Révérendissime Père Lepidi, Maître du S. Palais apos­to­lique. Le savant reli­gieux domi­ni­cain n’était pas étran­ger à la dévo­tion mariale de Montfort. L’impression favo­rable lais­sée par une pre­mière lec­ture de son Traité, lui fut une rai­son de plus de le relire dans cette nou­velle tra­duc­tion. Au R.P. Gebhard qui se pré­sente quelques jours plus tard pour reti­rer le manus­crit, le Révérendissime Père assure avoir éprou­vé, à le lire, un charme péné­trant, et s’y être beau­coup édi­fié. Il mani­feste aus­si son inten­tion de
pro­fi­ter de sa pro­chaine audience pour signa­ler l’ouvrage au Saint-Père.

  • Précisément, mon Révérendissime Père, nous nous pro­po­sions d’en faire hom­mage à sa Sainteté, dès qu’il serait imprimé.
  • Excellente idée, répon­dit le Père Lepidi, je vous annon­ce­rai moi-même.

Afin de pou­voir offrir en même temps à Pie X la tra­duc­tion ita­lienne du manuel des Prêtres de Marie, et de plus, pour ne pas nous trou­ver noyés dans la foule des pèle­rins reçus par le Pape à l’occasion de son Jubilé, la demande d’audience fut dif­fé­rée jusqu’à ces der­niers temps. Enfin, same­di soir, 26 décembre, un pli cache­té nous arrive du Vatican : le Procureur Général de la Compagnie de Marie et des Filles de la Sagesse pou­vait s’y pré­sen­ter le len­de­main à 11 heures, accom­pa­gné d’un autre visi­teur. L’invitation à le suivre fut accep­tée de grand cœur et avec recon­nais­sance par celui qui écrit ces lignes.

A 10 heures 35, nous sommes dans la salle du Tronetto, sépa­rée du cabi­net de tra­vail de Pie X par 5 ou 6 autres salles. Sans impa­tience, puisque le quart d’heure d’audience est assu­ré, nous atten­drons jusqu’à 11 heures 10. Ce n’est pas temps per­du d’ailleurs, nous en pro­fi­tons pour recom­man­der encore à la très sainte Vierge, à saint Jean, au bien­heu­reux Père de Montfort, cha­cune de nos requêtes, en par­ti­cu­lier celle qui concerne le Traité de la vraie dévo­tion : tant d’âmes, peut-​être, n’attendent qu’un mot d’ordre, une invi­ta­tion du Souverain Pasteur pour entrer géné­reu­se­ment, gui­dés par les ensei­gne­ments de Montfort, dans la voie imma­cu­lée, pure et par­faite de Marie !

« Favoriscano ! » Le camé­rier nous invite à nous avan­cer. C’est un père qui va nous rece­voir, et ceux qui l’ont vu ne cessent de nous redire sa bon­té, sa condes­cen­dance. Pourtant, à notre joie se mêle une reli­gieuse appré­hen­sion : comme Vicaire de Jésus-​Christ, le Roi des Rois, n’est-​il pas revê­tu de la plus haute majes­té, inves­ti de la plus grande auto­ri­té qui soient sur la terre !

Au fond de la der­nière anti­chambre, le groupe du Calvaire s’offre à nos yeux : Jésus, en croix, sa divine Mère, et saint Jean. Une der­nière invo­ca­tion au dis­ciple bien-​aimé, pre­mier prêtre de Marie : notre cause est la sienne…

Nous entrons. A droite, devant son bureau, le Pape se tient debout. Sur le seuil de la porte, tour­nés vers lui, pre­mière génu­flexion ; – la seconde à ses pieds, où nous vou­drions res­ter après avoir bai­sé la main qu’il nous pré­sente. Mais, de la même main, il nous fait signe de nous lever, joi­gnant au geste l’ordre fami­lier « Su ! Su ! – Debout ! », – puis nous invite à nous asseoir, tan­dis que lui-​même prend place en son fauteuil.

Le Révérendissime Père Procureur com­mence par renou­ve­ler, au nom des supé­rieurs Généraux de nos deux congré­ga­tions, les vœux qu’eux-​mêmes, l’an­née der­nière, sont venus pré­sen­ter à sa Sainteté, avec la double offrande du Jubilé : l’o­bole, et le « bou­quet spi­ri­tuel » de mil­liers de com­mu­nions, rosaires, che­mins de croix et messes enten­dues aux inten­tions du Saint-Père.

  • Mi ricor­do benis­si­mo ! – Je me rap­pelle très bien inter­rom­pit le Pape !

Quand le livret char­gé de ces fleurs spi­ri­tuelles lui fut pré­sen­té l’an­née der­nière – qu’on nous per­mette de noter ce trait au pas­sage – Pie X s’en décla­ra fort tou­ché, et pro­non­ça cette parole qu’on sait pro­fon­dé­ment sin­cère sur ses lèvres : « Le Pape a besoin d’argent, mais plus grand besoin encore de prières ! ». Elles appor­taient sans doute à son âme, alors abreu­vée d’a­mer­tumes, conso­la­tion et récon­fort, car les visi­teurs, en se reti­rant, le virent reprendre « le bou­quet spi­ri­tuel » comme pour en savou­rer encore le parfum.

  • « Mi ricor­do benis­si­mo » : aus­si le sou­ve­nir ne s’en était-​il pas effacé.
  • Très Saint-​Père, reprit le Père Procureur, le bou­quet a conti­nué à fleu­rir pen­dant toute l’an­née jubi­laire, dans les com­mu­nau­tés de la Sagesse.
  • « Oh ! gra­zie ! » Oh ! mer­ci ! – Je vous charge d’écrire de ma part, aux Supérieurs géné­raux des deux congré­ga­tions, que je leur en suis très recon­nais­sant et les bénis de tout cœur, eux et tous leurs sujets.
  • Merci en leur nom, Très Saint-Père.

Plein de confiance, le Révérendissime Père Procureur pré­sente alors un exem­plaire ita­lien de la Vraie dévo­tion, relié en soie blanche.

  • « Que votre Sainteté daigne agréer en hom­mage cette nou­velle tra­duc­tion de l’ouvrage de notre bien­heu­reux fon­da­teur sur la dévo­tion à la très sainte Vierge. Elle a le mérite d’être plus fidèle que les pré­cé­dentes, et vient d’être faite, par un Père de la Compagnie de Marie, d’après la der­nière édi­tion fran­çaise, stric­te­ment conforme à l’original, et dont voi­ci un exem­plaire » – en même temps, le Père pré­sen­tait celui-​ci, relié en soie rouge, à sa Sainteté.

Le Pape conti­nuait à feuille­ter l’é­di­tion italienne.

  • Le Révérendissime Père Lepidi en a entre­te­nu Votre Sainteté qui, m’a‑t-il dit, connaît depuis long­temps le Traité du bien­heu­reux de Montfort.
  • « E vero » – c’est vrai, dit le Pape ; et, s’il vous a tout dit, il a dû vous apprendre que j’ai tenu à le relire avant de com­po­ser mon ency­clique sur la très sainte Vierge.
  • Votre Sainteté doit donc dési­rer comme nous que la Vraie Dévotion ensei­gnée par le Bienheureux, se répande de plus en plus, et me par­don­ne­ra si j’ose lui deman­der, pour ceux qui s’y dévouent, une béné­dic­tion et un encou­ra­ge­ment ; » – déjà Pie X ten­dait la main, avec un signe de tête appro­ba­tif – « c’est l’ob­jet de cette sup­plique, Très Saint Père ».

Nous en don­ne­rons le texte (voir ci-​après, n.d.l.r.) plus tard. Personne ne la lira plus atten­ti­ve­ment que le Pape ne l’a fait ; chaque mot fut pro­non­cé à voix basse et, tout en sui­vant le mou­ve­ment de ses yeux et de ses lèvres, nous pou­vions, à mesure qu’il avan­çait dans sa lec­ture, nous rendre compte de l’heu­reuse impres­sion pro­duite. Aussi avant même que le Père ait pu dire un mot, Pie X, ache­vant de la lire, a déjà posé la sup­plique sur son bureau et sai­si sa plume. Lentement, de sa main ferme, il écrit :

« Accédant à vos prières, nous recom­man­dons for­te­ment le Traité de la vraie dévo­tion à la Sainte Vierge si admi­ra­ble­ment com­po­sé par le Bienheureux de Montfort et nous accor­dons avec amour à ses lec­teurs la béné­dic­tion apostolique. »

La publi­ca­tion de ces lignes, sans doute, sera accueillie avec des sen­ti­ments très divers. Mais l’é­ton­ne­ment et le mécon­ten­te­ment de quelques-​uns n’empêcheront pas le mou­ve­ment vers la vraie dévo­tion à la Sainte Vierge, qu’une recom­man­da­tion si pres­sante, et venant de si haut, ne peut man­quer de pro­duire dans l’u­ni­vers catholique.

C’est l’es­poir qu’ex­pri­ma le R.P. Procureur, en rece­vant des mains de Pie X, la sup­plique qu’il venait de signer :

  • Ce petit livre, Très Saint Père, a déjà fait tant de bien ; recom­man­dé par votre Sainteté, il en fera bien plus encore.
  • E pro­prio tan­to bel­lo ! – il est vrai­ment si beau, répondit-​il avec conviction.

Au tour du manuel des Prêtres de Marie, main­te­nant. C’est la tra­duc­tion ita­lienne faite par le R.P. Bonicelli. Le petit livre, très coquet dans sa reliure de soie blanche, est pré­sen­té au Pape, qui en lit aus­si­tôt le titre, puis va droit aux lettres des Cardinaux Vannutelli et Vives y Tuto.

  • Très Saint Père, ce sont les sta­tuts d’une Association de Prêtres dont Son Eminence le Cardinal Vinc. Vannutelli est le Protecteur. Son Eminence a obte­nu déjà de Votre Sainteté, une béné­dic­tion et de pré­cieuses faveurs pour les prêtres qui en font par­tie et s’ap­pliquent à répandre la vraie dévo­tion à la très sainte Vierge. Mais, en sou­ve­nir de ses Noces d’or sacer­do­tales, Votre Sainteté daignerait-​elle don­ner aus­si son nom à Notre Association ?
  • Eh ! Oui, très volon­tiers je m’ins­cris au nombre des Prêtres de Marie,

répon­dit le Pape avec un bon sou­rire, le sou­rire heu­reux d’un père mis à même d’ac­cor­der à ses fils une faveur qu’il sait devoir leur cau­ser une grande joie.

Il nous res­tait encore quelques minutes pour entre­te­nir le Saint Père des ques­tions d’un carac­tère plus intime. J’eus alors le bon­heur d’en­tendre de sa bouche quelques paroles très pater­nelles, de celles qu’on n’ou­blie pas. Elles seront aus­si pour d’autres, qu’elles concernent comme moi, l’un des plus chers sou­ve­nirs de leur vie.

Mais notre plus grande joie, l’au­dience ter­mi­née, était bien d’en empor­ter le pré­cieux auto­graphe en faveur du Traité de la vraie dévo­tion et le nom de Pie X à ins­crire, sur le registre de notre Association, le jour même de la fête de saint Jean, 27 décembre.

J. SIX

[Revue Le règne de Jésus par Marie, 15 mars 1909. Vol VIII n° 3]

Supplique adressée à Pie X en faveur du Traité de la Vraie Dévotion

Nous sommes heu­reux d’of­frir à nos lec­teurs la sup­plique pré­sen­tée au Pape le 27 décembre 1908 – et le fac-​similé de l’é­cri­ture de Pie X accor­dant sa béné­dic­tion aux lec­teurs du Traité de la vraie dévo­tion à la sainte Vierge. – En consi­dé­rant l’é­cri­ture du Souverain Pontife, et sur­tout en son­geant à l’im­mense faveur qu’il nous accorde, nos amis se sen­ti­ront exci­tés à répandre la Vraie dévo­tion. Il n’est plus, le temps où il fal­lait, à grands ren­forts d’é­ru­di­tion, défendre une pra­tique qui déplai­sait parce qu’elle était mécon­nue. Aujourd’hui elle se montre au monde revê­tue d’une suprême appro­ba­tion, et elle peut conti­nuer sa trouée la tête haute et fière. Le pape a par­lé si clair que tout catho­lique comprendra.

Très Saint Père,

Hubert Marie Gebhard, Procureur Général de la Compagnie de Marie et des Filles de la Sagesse pros­ter­né aux pieds de Votre Sainteté, lui pré­sente très hum­ble­ment la pre­mière ver­sion ita­lienne inté­grale, fidè­le­ment tra­duite d’a­près le texte ori­gi­nal, d’un petit ouvrage peu volu­mi­neux il est vrai, mais qu’on peut dire de la plus haute importance.

Il s’a­git de l’o­pus­cule inti­tu­lé : Traité de la vraie dévo­tion à la très sainte Vierge, ayant pour auteur le bien­heu­reux Louis-​Marie Grignion de Montfort, fon­da­teur des deux Congrégations dont le sup­pliant est pro­cu­reur. Dans ce trai­té, il a conden­sé la moelle de toute sa pré­di­ca­tion. Et comme il fut excel­lem­ment le héraut de Marie, puis­qu’il méri­ta de par l’Eglise le titre de nou­veau Bernard, rien d’é­ton­nant si dans ledit opus­cule nous trou­vons en quelque sorte une « Somme Mariale » dont la soli­di­té théo­lo­gique et la sua­vi­té mys­tique firent m’ad­mi­ra­tion de tous ceux qui en ont une fois goû­té. De là la haine de Satan, clai­re­ment pré­dite déjà par le bien­heu­reux écri­vain dans un esprit pro­phé­tique : « Je pré­vois bien, dit-​il, des bêtes fré­mis­santes, qui viennent en furie pour déchi­rer avec leurs dents dia­bo­liques ce petit écrit et celui dont le Saint-​Esprit s’est ser­vi pour l’é­crire, ou du moins pour l’en­ve­lop­per dans les ténèbres et le silence d’un coffre, afin qu’il ne paraisse point » (VD 114).

Et de fait, en l’an­née 1842 seule­ment, c’est-​à-​dire 126 ans après la mort de l’au­teur, un reli­gieux de la Compagnie de Marie le trouve comme par hasard, dans un coffre ; mais à peine eut-​il paru qu’il se conci­lia la faveur du monde entier, en sorte qu’il n’est presque pas une langue occi­den­tale qui n’ait de nom­breuses édi­tions de ce Traité. Chaque jour la fer­veur s’ac­croît dans les âmes, et, clercs et laïques, savants et igno­rants ont pui­sé dans ce livre des fruits incroyables de salut.

Or, comme Votre Sainteté tient à cœur de « Tout res­tau­rer dans le Christ » et que « Nul n’i­gnore qu’il n’y a point de voie plus sûre ni plus rapide que Marie pour unir tous les hommes au Christ », (comme l’a dit Votre Sainteté, en citant à des­sein le sens des paroles du bien­heu­reux de Montfort lui-​même) ; comme d’autre part, de l’a­vis de l’illustre Père Faber, pour pro­mou­voir la vraie dévo­tion envers la bien­heu­reuse Marie, la pro­pa­ga­tion de ce Traité du bien­heu­reux de Montfort semble pré­fé­rable à tout autre moyen, le sus­dit sup­pliant ose deman­der ins­tam­ment que Votre Sainteté ne dédaigne pas de recom­man­der la lec­ture de ce trai­té en ques­tion et de bénir ceux qui se dépensent pour sa plus grande expli­ca­tion et diffusion.

Et que Dieu…

Rome, 27 décembre 1908. Hubert-​Marie GEBHARD, s.m.m.

Bénédiction latine accordée par saint Pie X aux lecteurs du Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge