Avertissement : le style parlé de ce sermon a été conservé
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit,
Chers pèlerins,
Bravo d’être venus ce matin avec courage et enthousiasme pour marcher jusqu’à Paris. Vous êtes venus des quatre coins de France mais aussi d’Allemagne, de Belgique, de Suisse, d’Espagne, de toute l’Europe et même d’Amérique et d’Asie, bravo !
Pendant trois jours, nous allons prier, chanter, offrir à Dieu des sacrifices et manifester publiquement notre foi dans les campagnes de France et dans les rues de la capitale. Cette année, le pèlerinage est placé sous le thème de la Sainte Eucharistie. C’est pour cela qu’il se terminera lundi après-midi par une procession solennelle du Saint-Sacrement. Nous pourrons ainsi adorer publiquement Notre-Seigneur Jésus-Christ caché sous les voiles de l’Hostie. Dans un monde où Dieu est oublié et même méprisé, chassé des institutions, nous serons heureux de réparer les outrages dont Il est sans cesse victime et de Lui manifester au grand jour notre amour filial et notre fierté d’être Ses disciples.
Pour bien comprendre ce qu’est l’Eucharistie, souvenons-nous d’une anecdote qui s’est déroulée vers l’an 900 avant Jésus-Christ. La reine impie Jézabel envoie un message au prophète Elie disant : « Demain, à cette heure, je t’aurai tué par le glaive ». Rempli de crainte, Elie se lève aussitôt et s’enfuie dans le désert. Après une journée de marche, il s’assied sous un arbuste, épuisé, et fait à Dieu cette prière : « Seigneur, faites que je meure, c’est assez pour moi, prenez mon âme car je ne suis pas meilleur que mes pères » ; puis s’étendant par terre, il s’endort. Et voilà qu’un peu plus tard un ange du Seigneur le touche et lui dit : « Lève-toi et mange ». Elie se redresse et voit près de lui un pain cuit sous la cendre et un vase d’eau. Il mange donc et boit et de nouveau s’endort. L’ange du Seigneur vient une seconde fois, le touche et lui dit : « Lève-toi et mange car il te reste un grand chemin à faire ». Une fois levé, Elie mange et boit, et il marche, fortifié par cette nourriture céleste, pendant quarante jours et quarante nuits jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu.
Chers pèlerins, où Elie a‑t-il puisé la force nécessaire pour marcher si longtemps, sans s’arrêter ni se décourager ? Dans cette boisson et ce pain miraculeux.
Et nous-mêmes, où puiserons-nous la force pour accomplir notre pèlerinage ?
Il n’y a certes que trois jours de marche pour atteindre Paris mais regardons plus haut : notre vie terrrestre n’est-elle pas un pèlerinage dont le terme est le Ciel, un pèlerinage qui ne dure ni trois jours, ni quarante, mais plusieurs années, plusieurs dizaines d’années ? Nous avons besoin comme Elie d’une nourriture divine qui nous fortifie. Imaginons que l’un d’entre vous, ce samedi matin, décide de jeûner jusqu’à lundi soir. Je ne mangerai rien pendant trois jours, dirait-il. Ne faites surtout pas cela, c’est de la folie. Vous risquez de ne jamais atteindre Paris. Arrivé à Rambouillet, vous allez défaillir comme Elie et vous serez incapable de vous relever. Il faut se nourrir pour fortifier son corps.
Et notre âme, n’aurait-elle pas, elle aussi, besoin d’aliment pour avancer chaque jour tout au long de son pèlerinage terrestre ? Autrement elle défaille, épuisée, et ne parvient pas à affronter les obstacles, à résister aux tentations. Chaque jour, notre âme doit mener des combats terribles ! Quelle sera sa nourriture ? Ecoutons Notre-Seigneur : « Je suis le Pain vivant descendu du Ciel. Si quelqu’un mange de ce Pain, il vivra éternellement. Le Pain que je donnerai, c’est Ma Chair pour le salut du monde. En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la Chair du Fils de l’Homme et ne buvez Son Sang, vous n’aurez point la Vie en vous. Qui mange Ma Chair et boit Mon Sang a la Vie éternelle, et Moi, Je le ressusciterai au dernier jour, car Ma Chair est vraiment une nourriture et Mon Sang est vraiment un breuvage ». L’aliment de notre âme, ce n’est donc rien d’autre que Dieu Lui-même qui se cache sous l’apparence d’un petit morceau de pain pour être mangé par Ses pauvres créatures. Quel mystère de charité !
Rappelons-nous aussi le pèlerinage des Hébreux vers la Terre Promise. Leur voyage dans le désert a duré quarante ans. Où ont-ils trouvé la nourriture nécessaire à leur survie ? Tous les matins, ils allaient ramasser le pain descendu du Ciel, la manne, sorte de graines blanches, pleines de saveur, dont le goût ressemblait à celui d’un gâteau de miel. Sans cette nourriture céleste, les Hébreux seraient sûrement morts de faim au milieu du désert. Jamais ils n’auraient atteint la Terre Promise. Aujourd’hui, notre Terre Promise, c’est le Ciel, c’est la Jérusalem Céleste et le monde actuel ne ressemble-t-il pas à un désert pour notre âme ? A un désert dans lequel nous devons vivre souvent bien plus que quarante ans ? Comment notre âme restera-t-elle en vie sans nourriture ? Les Hébreux ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts, dit Notre-Seigneur, et Il ajoute : Celui qui mange de ce Pain vivra éternellement ». C’est donc dans la Sainte Eucharistie que nous puiserons la force spirituelle nécesaire pour triompher dans les tentations et progresser chaque jour.
Saint Vincent Ferrier affirme : « Une seule communion est plus utile à l’âme qu’une semaine de jeûne au pain et à l’eau » et le saint Curé d’Ars enseignait à ses paroissiens : « Une seule communion bien faite suffit à faire de chacun de nous un saint. »
Chers Pèlerins, soyons donc bien convaincus que celui qui refuse à son âme toute alimentation, c’est-à-dire celui qui ne communie pas est incapable de mener à bien son pèlerinage terrestre et d’aller au Ciel. Au contraire, le fidèle qui reçoit souvent la Sainte Eucharistie est sûr de sauver son âme pourvu qu’il communie dans de bonnes dispositions.
Quelles sont ces bonnes dispositions ? D’abord, il faut être en état de grâce pour communier, sinon la communion est sacrilège. C’est se moquer de Dieu. Pourquoi cela ? Parce que celui qui est en état de péché mortel est mort spirituellement. Or un homme qui est mort ne se nourrit pas. La vie de notre âme, c’est la grâce sanctifiante, c’est la présence des trois Personnes divines en nous, mais le péché grave tue l’âme en faisant perdre cette vie divine reçue le jour de notre baptême. Voilà pourquoi Notre-Seigneur, dans Sa Bonté, a institué le Sacrement de Pénitence qui efface les péchés et ainsi redonne la vie de la grâce.
Pendant ces trois jours de pèlerinage, des prêtres marcheront avec vous pour entendre vos confessions et vous donner l’absolution. Ils confessent aussi pendant la Messe. Approchez-vous de ces sacrements, chers Pèlerins, le cœur contrit. Ne négligez pas ce remède surnaturel qui guérit les âmes et permet ainsi de bien communier. Bien communier, c’est aussi s’approcher de la Sainte Eucharistie avec foi et respect. La Sainte Hostie est certes une nourriture mais ce n’est pas une nourriture ordinaire, c’est Jésus-Christ, non pas en figure, non pas en symbole, mais en vérité, en réalité, c’est le Roi du monde en personne que nous recevons à chaque communion. Voilà pourquoi nous sommes remplis de respect et d’adoration lorsque nous nous approchons de la Sainte Table et voilà aussi pourquoi, nous refusons les pratiques liturgiques modernistes, nous refusons la communion dans la main, nous refusons la communion distribuée par des laïcs dans de vulgaires corbeilles. Nous refusons de rester tranquillement debout tandis que le Roi des rois descend sur l’autel à la parole du prêtre au moment de la Consécration. Nous voulons ployer le genou devant notre Sauveur et notre Dieu. Nous voulons Lui manifester par notre âme et par notre corps que nous sommes Ses humbles créatures reconnaissantes. Force est de constater, hélas, que la nouvelle messe a supprimé un nombre impressionnant de marques de respect à l’égard de la Sainte Eucharistie. Dans quel but ? Afin de ne pas choquer les protestants qui ne croient pas dans la Présence Réelle. Le nouveau rite est donc contaminé par un esprit protestant. Il en résulte un grave danger pour la foi des catholiques. L’assistance à ce rite, petit à petit, détruit la foi dans l’Eucharistie. Beaucoup de fidèles et même de prêtres, habitués à la nouvelle messe avouent ne plus croire en la Présence Réelle. Par exemple, il y a quelques semaines, le Pape a nommé un nouvel évêque à la tête du diocèse de Rodez. Or cet évêque a tenu dans le passé des propos scandaleux. Il a affirmé que le Christ était présent dans l’Eucharistie comme Il était présent dans l’assemblée. En d’autres termes, la Présence Réelle pour lui n’est qu’une présence spirituelle. Ce n’est pas la foi catholique. Il est effrayant de constater qu’un prêtre qui ne croit pas en la Présence Réelle est maintenant évêque d’un diocèse de France
Chers fidèles, si nous sommes ici ce matin c’est parce que nous préférons mourir plutôt que de perdre la foi, nous préférons mourir plutôt que d’abandonner une seule des vérités que Jésus-Christ nous a enseignées.
Restons donc attachés de toute notre âme à la foi et à la liturgie de toujours et si, à cause de notre fidélité inébranlable, nous sommes exclus des églises et des cathédrales – comme maintenant par exemple -, alors loin de nous décourager, nous répéterons au contraire avec les apôtres que c’est pour nous un honneur et une joie de souffrir pour le Nom de Jésus et nous continuerons le combat avec d’autant plus d’ardeur.
Chers pèlerins, je vous souhaite donc un bon pèlerinage ! Que le Saint-Esprit vous éclaire. Demain, jour de la Pentecôte, nous fêterons la Troisième Personne de la Sainte Trinité. Que l’Esprit-Saint illumine nos âmes pour mieux comprendre la charité du Christ qui Se donne à nous dans la Sainte Eucharistie.
Esprit-Saint, pendant ces trois jours, convertissez nos âmes.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Abbé Bernard de Lacoste, Directeur dePèlerinages de Tradition