Miséricorde bergoglienne : une réduction au silence et une double excommunication

Deux prêtres très dif­fé­rents, l’un un intel­lec­tuel, Mgr Antonio Livi, émi­nent théo­lo­gien, l’autre, plu­tôt un prêtre de ter­rain, Don Minutella, mais qui ont en com­mun d’a­voir osé cri­ti­qué res­pec­tueu­se­ment le Pape ont été, pour le pre­mier, réduit au silence et inter­dit de confé­rence, et pour le second excom­mu­nié à deux reprises !

Mgr Antonio Livi s’est vu inter­dire de tenir, à Modène, une confé­rence sur la doc­trine catho­lique au motif qu’il est un des signa­taires de la cor­rec­tio filia­lis et, à ce titre, un oppo­sant au pape François. C’est l’évêque de Modène en per­sonne, le ber­go­glien Erio Castellucci qui a pris la déci­sion. Mgr Livi en parle dans cette impor­tante inter­view à La Fede Quotidiana (1).

Quant à Don Minutella, prêtre sici­lien, très cri­tique envers Amoris Laetitia, il a d’a­bord été sanc­tion­né par son évêque, Mgr Lorefice, qui l’a­vait démis de sa paroisse et lui avait impo­sé le silence, en plus de l’o­bli­ga­tion de faire sur les réseaux sociaux une « décla­ra­tion publique de loyau­té au Pape François ». Il s’é­tait exé­cu­té, pro­met­tant, selon la for­mule cano­nique « l’o­béis­sance de la volon­té et de l’in­tel­li­gence au Pontife romain » – sans citer nom­mé­ment, donc, le Pape François. Aujourd’hui, le ver­dict est tom­bé de son évêque : deux excom­mu­ni­ca­tions s’il ne fait pas immé­dia­te­ment acte de fidé­li­té publique au Pape François!! D’où ses inter­ro­ga­tions, non seule­ment sur la sanc­tion elle-​même (déjà tris­te­ment signi­fi­ca­tive), mais aus­si sur l’in­co­hé­rence de la for­mu­la­tion : le Pontife romain et le Pape François seraient-​ils deux per­sonnes dis­tinctes ? (2)

A l’é­vi­dence la « misé­ri­corde ber­go­glienne » est réser­vée aux amis cour­ti­sans d’un pape dic­ta­teur qui ne sup­porte pas la contra­di­tion quand elle vient de ceux qui défendent la doc­trine à laquelle il dit n’at­ta­cher qu’une impor­tance secon­daire. Le lec­teur com­pren­dra faci­le­ment que si les conseillers sont mau­vais, c’est le pape lui-​même qui les a choi­sis, pro­mus, favo­ri­sés et jamais repris ou cor­ri­gés pour ce qu’ils disent ou ce qu’ils font (3).

Les sanc­tions sont réser­vées aux « oppo­sants » du par­ti au pouvoir.

La Porte Latine

1 – Mgr Antonio Livi : « Une persécution sévit dans l’Église contre qui s’oppose au relativisme »

Dans La Fede Quotidiana du 4 novembre 2017, Mgr Livi déclare :

« Je me vois, mal­heu­reu­se­ment, dans l’obligation de dénon­cer une per­sé­cu­tion contre moi et contre tous ceux qui, comme moi, ne se ral­lient pas à la « dic­ta­ture du rela­ti­visme », qui semble bien être la pen­sée domi­nante, non seule­ment en poli­tique, mais aus­si en théologie ».

Professeur Livi, dans une récente inter­view, le P. Giovanni Cavalcoli affirme qu’il ne com­prend pas votre cor­rec­tion filiale et qu’il la consi­dère comme un coup de poing au pape. Qu’en pensez-vous ?

Le P. Cavalcoli est un savant théo­lo­gien domi­ni­cain que je res­pecte. Chacun a ses idées et est libre de les expri­mer. Je n’ai pas l’intention d’entrer encore une fois dans une polé­mique avec lui, notam­ment parce qu’il adopte une atti­tude dif­fé­rente sui­vant les cir­cons­tances [ndt : Mgr Livi est cofon­da­teur avec le P. Cavalcoli et le P. Levi di Gualdo du blog l’Isola di Patmos, qu’il a quit­té en 2015 : il y a donc un conten­tieux entre eux!]. Vis-​à-​vis de moi, il change sou­vent d’opinion. Je m’en ferai une rai­son. En tous les cas, la cor­rec­tion filiale, que j’ai signée avec soixante et un autres théo­lo­giens, n’est pas un coup de poing envoyé au pape, mais bien plu­tôt un ser­vice filial ren­du au Saint-​Père, pour qu’il confirme la foi de ses fils, au lieu de les plon­ger dans la confu­sion quant à la vali­di­té de la doc­trine des com­man­de­ments et des sacre­ments. Ceux qui se sont res­pec­tueu­se­ment adres­sés au pape dans cette inten­tion n’ont pas com­mis de faute à l’égard de l’Eglise, mais ils ont satis­fait à une obli­ga­tion de leur conscience.

Pourquoi ?

Aider celui qui gou­verne à par­ler et à agir dans la clar­té évan­gé­lique est une exi­gence qui s’impose à la com­mu­nau­té. L’Evangile le dit et l’exige quand il donne le com­man­de­ment de la cor­rec­tion fra­ter­nelle comme lorsqu’il donne en exemple la cor­rec­tion adres­sée par saint Paul à saint Pierre, le pre­mier pape qui avait eu un com­por­te­ment ambi­gu envers l’universalité de la rédemp­tion opé­rée par le Christ. Depuis tou­jours, l’Eglise enseigne, que cor­ri­ger celui qui est dans l’erreur est une œuvre de misé­ri­corde, qu’il s’agisse d’erreurs doc­tri­nales ou d’erreurs pastorales.

Récemment, vous n’avez pas été auto­ri­sé à don­ner à Modène une confé­rence pré­vue depuis longtemps.

Je me vois, mal­heu­reu­se­ment, dans l’obligation de dénon­cer une per­sé­cu­tion contre moi et contre tous ceux qui, comme moi, ne se ral­lient pas à la « dic­ta­ture du rela­ti­visme », qui semble bien être la pen­sée domi­nante, non seule­ment en poli­tique, mais aus­si en théo­lo­gie. Une paroisse de Modène m’avait invi­té à par­ler des pro­blèmes pas­to­raux induits par l’idéologie du rela­ti­visme, mais j’ai dû annu­ler la confé­rence sur ordre de l’évêque.

L’exhortation post-​synodale Amoris Laetitia est-​elle hérétique ?

La cor­rec­tio filia­lis ne le dit pas, et je ne l’ai jamais dit. J’ai même eu des dis­cus­sions avec ceux qui parlent de la pos­si­bi­li­té d’un pape héré­tique. En soi, Amoris Laetitia est un texte post-​synodal impor­tant, qui ne contient pas d’affirmations for­mel­le­ment héré­tiques mais per­met des inter­pré­ta­tions et des pra­tiques indu­bi­ta­ble­ment héré­tiques. En fin de compte, Cavalcoli dit la même chose ; il n’y pas de dif­fé­rence sub­stan­tielle entre son dis­cours et le mien. Le vrai pro­blème, ce sont les col­la­bo­ra­teurs du pape : ce sont eux que visent mes cri­tiques et celles de Cavalcoli. Ils font dire et écrire au pape des choses qui, par la suite, se révèlent héré­tiques et le pape ne cla­ri­fie pas, ne cor­rige pas, ne dément pas.

Que reprochez-​vous à Amoris Laetitia ?

Tout ce que j’ai dit jusqu’à pré­sent le montre : la cor­rec­tion filiale ne doit abso­lu­ment pas être consi­dé­rée comme acte d’hostilité envers le pape ; mais c’est vrai­ment un acte d’amour envers l’Eglise du Christ, dans laquelle le pape, quel qu’il soit, est le Vicaire du Christ et a l’autorité magis­té­rielle et de gou­ver­ne­ment que le Christ lui a don­née. Mais, comme je le disais, le pon­tife est entou­ré de très mau­vais col­la­bo­ra­teurs, qui sont mani­fes­te­ment héré­tiques. Avec cette cor­rec­tion filiale, nous avons sim­ple­ment vou­lu invi­ter le pape à par­ler enfin avec la clar­té néces­saire, à ne plus créer de confu­sion. Malheureusement, Amoris Laetitia est un docu­ment ambi­gu à des­sein, parce qu’il va dans un sens qui s’oppose au magis­tère de Jean-​Paul II, à la doc­trine conte­nue dans le Catéchisme et sur­tout au dogme catho­lique. L’effet néga­tif de cette néga­tion visible du dogme sur les sacre­ments (bap­tême, mariage, péni­tence, eucha­ris­tie), nous le voyons dans les consé­quences pratiques.

L’Eglise est troublée ?

Je l’ai dit et écrit à plu­sieurs reprises, y com­pris sur mon blog (fide​se​tra​tio​.it). Ce que l’on constate en voyant les posi­tions dif­fé­rentes adop­tées par les confé­rences épis­co­pales du monde catho­lique, c’est bien une Eglise en pleine confu­sion et à la dérive. Je dénonce cela pour le bien de l’Eglise (c’est-à-dire pour la foi de chaque catho­lique) et ne veux cri­ti­quer per­sonne. Nous sommes aus­si en proie à une dérive luthérienne.

Que pense le Professeur Livi lorsqu’il voit Luther sur le feuillet de la messe au Vatican et entend affir­mer que la Reforme serait une œuvre de l’Esprit-Saint ?

Une énorme bêtise qui est en même temps une offense ter­rible à l’Esprit-Saint, en somme un blas­phème. Luther est un héré­tique et on ne peut pas réduire à néant ce qu’a dit le Concile de Trente. Pour ce qui est des exal­ta­tions répé­tées de la figure his­to­rique de Luther, elles sont autant d’insultes à la foi catho­lique. Mais cela fait par­tie des erreurs pas­to­rales, c’est-à-dire pra­tiques, d’un pape très mal conseillé. Jorge Mario Bergoglio est vic­time d’une foule de mau­vais conseillers, parce qu’il a tou­jours été trop sen­sible aux slo­gans de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion et n’a jamais eu beau­coup d’estime pour la théo­lo­gie dog­ma­tique et ses pré­misses logiques et métaphysiques.

2 – Deux excommunications pour Don Minutella

Marco Tossati écrit le 10 novembre 2017, sur son blog, que « aujourd’­hui, on excom­mu­nie don Minutella. Le prêtre sici­lien l’a annon­cé lui-​même, dans un dis­cours en direct hier soir sur Radio Domina Nostra, une sta­tion reli­gieuse sicilienne. »

Au cours des der­niers mois, le prêtre, très expli­cite dans sa cri­tique de cer­taines déci­sions du Vatican et du pape, et en par­ti­cu­lier très cri­tique des ambi­guï­tés conte­nues dans l’ex­hor­ta­tion post-​synodale Amoris Laetitia, avait été reti­ré de sa paroisse et contraint au silence. Une mesure qu’il res­pecte depuis neuf mois. Hier soir, il a recom­men­cé à par­ler. Nous vous pro­po­sons ici une trans­crip­tion par­tielle de son discours :

Suite à mon recours pré­sen­té à la Congrégation pour le Clergé après avoir envoyé une lettre à mon évêque le 21 sep­tembre, dans laquelle je pro­fes­sais à nou­veau toutes les véri­tés de la foi catho­lique, y com­pris l’o­béis­sance de la volon­té et de l’in­tel­li­gence au Pontife romain, le pré­fet de la Congrégation pour le cler­gé m’a infor­mé que le recours était sus­pen­du jus­qu’au 8 décembre. Dans l’in­ter­valle, j’au­rais dû faire une décla­ra­tion publique de loyau­té au pape François sur les réseaux sociaux. Je me suis deman­dé pour­quoi cette sin­gu­lière requête. Quoi qu’il en soit, ayant expri­mé dans la lettre pré­cé­dente mon res­pect par l’in­tel­lect et la volon­té envers le Pontife romain, je n’ai pas cru devoir répondre à cette demande. Et je me suis posé la ques­tion de savoir d’où pou­vait bien venir cette demande inha­bi­tuelle, jamais vue aupa­ra­vant. Quoi qu’il en soit, aujourd’­hui (le 9 novembre), j’ai été convo­qué à la Curie par mon évêque, qui après de longs mois pas­sés à me fuir m’a don­né une lettre dans laquelle il est dit que si je ne fais pas acte de fidé­li­té publique au Pape François, je serai excom­mu­nié avec deux excom­mu­ni­ca­tions solennelles.

Il m’est venu un sou­rire, en pen­sant qu’ils sont presque en train d’en­le­ver l’ex­com­mu­ni­ca­tion à Luther – et donc je peux tou­jours espé­rer. J’ai rap­pe­lé à mon évêque que c’est pré­ci­sé­ment dans la lettre que je lui ai envoyée, et pour infor­ma­tion, aus­si à la Congrégation, que j’ai réité­ré mon hom­mage au Pontife romain. C’est de la schi­zo­phré­nie, ou du chan­tage pur et simple. Je me demande donc, et je vous le demande à tous : mais alors, le Pontife romain ne serait pas le Pape François lui-​même ? Ou bien le Pontife Romain serait-​il autre chose que le Pape François ? Parce que si je suis la même per­sonne, je ne com­prends pas com­ment je peux faire l’ob­jet de deux excom­mu­ni­ca­tons ! Cela signi­fie qu’il y a autre chose der­rière. Mais qu’ils prennent garde, parce qu’i­ci, c’est le bien de l’Église qui est en jeu. Car si la dis­tinc­tion n’est que nomi­nale, entre le Pontife romain et le Pape François, moi, j’ai fait ma décla­ra­tion, je l’ai écrite, et je l’ai mise inté­gra­le­ment dans la lettre. Ils n’ont pas vou­lu m’é­cou­ter, et alors, à quoi ont ser­vi neuf mois d’o­béis­sance ? Je ne fais pas cet acte hypo­crite, qui ne serait pas d’o­béis­sance, mais de sou­mis­sion telle que, comme le dit saint Thomas d’Aquin, la ver­tu de l’o­béis­sance est sou­mise au régime de la jus­tice, s’il n” y a pas la jus­tice comme ver­tu car­di­nale qui régule l’o­béis­sance, l’o­béis­sance n’est plus une ver­tu, mais devient une soumission.

En tant que prêtre et en tant que bap­ti­sé aimant pro­fon­dé­ment le Christ et son Église qui vit le Calvaire, je déclare ce qui suit : c’est moi qui demande hum­ble­ment au Pontife romain de cla­ri­fier ce qu’il pense vrai­ment de la com­mu­nion pour les divor­cés rema­riés. Parce qu’il crée un cli­mat de confu­sion dont il est le pre­mier res­pon­sable. A pro­pos du salut des âmes ! Le temps est venu où les vrais catho­liques, qui ne veulent pas se camou­fler der­rière un écran, viennent à décou­ver. C’est le moment. J’en appelle avec force aux car­di­naux, aux Excellences et à mes confrères prêtres, dans un moment d’im­mense confu­sion dans l’Église : si nous gar­dons le silence, nous condui­rons un nombre immense d’âmes en enfer, et pour nous aus­si il y aura la dam­na­tion éter­nelle. Je me tais depuis des mois et à par­tir de demain, je serai excom­mu­nié deux fois. Maintenant je dis : il faut obéir à Dieu plu­tôt qu’aux hommes ! Ces condam­na­tions, pour moi, ne seront pas valides, elles sont des médailles au mérite.

Cette fausse Église va de l’a­vant par l’op­pres­sion, pour faire peur aux autres, pour que je sois un exemple : ain­si, s’il y a des prêtres qui veulent sor­tir à décou­vert, qu’ils prennent bien garde, vu à quoi ils ont réduit le P. Minutella. Pour n’a­voir pas pré­ci­sé « pape François » [et sim­ple­ment « Pontife Romain »] sur les réseaux sociaux, on arrive à deux excom­mu­ni­ca­tions ! Cela ne s’est jamais pro­duit depuis que le monde existe ! Tout cela a un goût de régime, pas d’Église catholique.

Il ne fait aucun doute que la mesure adop­tée par le Vatican, et en par­ti­cu­lier par le Préfet de la Congrégation, le car­di­nal Beniamino Stella, et par­ta­gée par Mgr Corrado Lorefice, semble extrê­me­ment sévère. Don Minutella n’est cer­tai­ne­ment pas le pre­mier cas d’un prêtre cri­tique, même dans les tons les plus durs, des déci­sions de l’Église ; même en Italie. Mais pour d’autres, la patience et la tolé­rance ont tou­jours été choi­sies. Qui sait pourquoi ?

3 – Le blog Anonimi della Croce relève ce « deux poids, deux mesures »

Il est étrange que don Alessandro soit aujourd’­hui excom­mu­nié, et pas d’autres, qui le méritent sérieu­se­ment. Exemple :

- Le Père Arturo Sosa, qui ne croit pas à l’exis­tence du diable, de l’en­fer, ni à la Parole de Dieu ;
– Mgr Paglia qui invoque « l’es­prit de Pannella » ;
– Mgr Galantino qui voit Luther comme un don du Saint-Esprit ;
– Mgr Ravasi, qui appelle les francs-​maçons « frères »;
– Don Cosimo Scordato (lui aus­si sici­lien) qui a béni dans l’Église un couple de lesbiennes
– Le Père James Martin, porte-​parole de la nou­velle église de l’i­déo­lo­gie Lgbt.

Sources :La Fede Quotidiana /​Marco Tossati /​Benoit-​et-​moi /​Anonimi delle croce