Assise 2011 – Le langage clair et net d’un évêque catholique
Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Mes bien chers fidèles,
S’il est une fête qui doit réjouir nos cœurs, c’est bien la Fête de l’Épiphanie. Une fête qui compte parmi les plus anciennes de toute la liturgie, une fête qui jusqu’à Jean XXIII comptait parmi les plus grandes de toute l’année liturgique et qui, depuis, a été abaissée, dégradée, même dans beaucoup de pays déplacée au dimanche. Il faut nous demander pourquoi d’un côté cette joie – qu’est-ce qu’on célèbre aujourd’hui, qu’est-ce que l’Église veut fêter ? – et aussi pourquoi cette dégradation ? L’Épiphanie, l’Épiphanie du Seigneur veut dire manifestation. Cette Fête, on la trouve dans les liturgies grecques, elle est plus ancienne que Noël et y sont regroupées les principales manifestations de la divinité du Verbe incarné.
Ces manifestations sont de l’ordre de trois. Cette Fête de l’Épiphanie, on l’appelle d’une manière commune la Fête des Rois, la Fête des Rois mages, car effectivement – et c’est l’Évangile d’aujourd’hui – on y voit ces rois, ces rois venus de l’étranger, pas seulement de l’étranger au point de vue territorial, local, mais venus des nations païennes. L’Église veut y voir la reconnaissance par tout ce monde qui, jusque là, n’avait pas eu accès à l’Ancien Testament qui était réservé, qui était resserré dans le peuple élu ; eh bien aujourd’hui ce sont toutes ces nations qui arrivent au nom de ces trois rois, qui arrivent à Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui viennent L’adorer.
La deuxième manifestation, c’est celle que l’on trouve au Baptême de Notre-Seigneur, où la Voix du Père se fait entendre, où l’on voit Dieu le Saint-Esprit aussi d’une manière visible sous cette forme de colombe qui repose sur Notre-Seigneur, manifestation encore une fois de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Et la troisième c’est le premier miracle de Notre-Seigneur. Encore une fois la preuve cette fois-ci, c’est Notre-Seigneur Lui-même qui va donner la preuve qu’Il est Dieu, vraiment Dieu. En faisant quelque chose qui est au-dessus de toutes les forces, de toutes les capacités des créatures, en ce premier miracle où Il transforme de l’eau en vin, le miracle de Cana.
Ce sont ces trois événements qui sont célébrés dans la fête de l’Epiphanie. On ne les trouve pas tellement dans l’évocation de la Sainte Messe, mais déjà dans le bréviaire, dans les antiennes, sont manifestés ces trois éléments. Et puisque ça fait un peu beaucoup, l’Eglise va les reprendre : le Baptême de Notre-Seigneur, on va le célébrer d’une manière indépendante à l’Octave de l’Epiphanie et puis, le Premier dimanche qui suivra l’Epiphanie, ce sera le miracle de Cana.
Mais toutes ces fêtes, toutes ces fêtes sont rassemblées aujourd’hui ; et même dans la liturgie latine, cette fête est plus ancienne que Noël. Où est l’importance de cette Fête ?
Eh bien, mes bien chers Frères, dans cette reconnaissance, dans cette affirmation de la réalité de la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce petit enfant nouveau-né dont nous venons de célébrer la naissance, Il est vraiment homme, Il est vraiment Dieu. Étant Dieu, devenu homme, Il n’a rien perdu de Sa divinité et des attributs de la divinité. Le fait qu’Il soit homme, le fait qu’Il soit visible auprès de nous, le fait qu’Il soit tout petit enfant dans toutes les faiblesses d’un nouveau-né, dans toutes ses impuissances, n’enlève absolument rien à Sa majesté infinie, à Sa Toute-Puissance, et ainsi Il a droit, de la part de toutes les créatures, à l’adoration qui est due au seul vrai Dieu.
Et c’est ce que nous célébrons, en voyant ces rois mages, des rois, des personnages importants, des représentants disons de tous ces peuples païens et qui viennent après avoir aperçu cette étoile dans le firmament, cette nouvelle étoile, ce signe très clair annoncé dans une prophétie de l’Ancien Testament, prophétie de Balaam. Ils viennent. Il faut admirer ! Il faut admirer cette démarche ! Se mouvoir parce qu’une étoile apparaît au ciel, faire des milliers de kilomètres – et à l’époque, ce n’était pas aussi facile qu’aujourd’hui ! – et se laisser guider par cette étoile qui effectivement se fait leur guide, qui va les conduire pendant tout ce trajet jusqu’à Jérusalem et ensuite jusqu’à Bethléem, où à ce moment-là Notre-Seigneur n’est plus dans la crèche, Il est dans une maison et c’est ce que nous dit l’Eglise : les rois mages trouvent l’Enfant avec Sa Mère dans leur maison, dans une maison ; c’est tout-à-fait compréhensible que Notre-Seigneur, que saint Joseph, la Sainte Vierge ne L’aient pas laissé trop longtemps dans cette habitation plus que précaire qu’était cette étable et qu’ils ont trouvé quelque chose de plus honorable, de plus normal les premières années jusqu’à cet événement qui va suivre immédiatement cette visite des rois mages. Eh bien, la Sainte Famille vit, vit à Bethléem. Et voilà, vit à Bethléem dans une indifférence on peut dire totale de la part du peuple juif. C’est le Sauveur, c’est le Messie, Il est complètement ignoré, dans un silence impressionnant. Voilà que ces rois mages qui arrivent vont donner de l’émoi. Tout Jérusalem sera en émoi. Lorsque Hérode va demander aux spécialistes, aux experts de l’époque, aux scribes : « Qu’est-ce qui se passe ? Où doit naître ce Messie ? » il n’y a absolument aucune hésitation, remarquez-le bien. Ces scribes connaissent, connaissent très bien l’Écriture et lorsqu’on leur demande « Où va-t-Il naître cet Enfant ? », sans aucune hésitation, c’est à Bethléem. Ce sera la réponse que donnera Hérode aux rois mages.
Ils savent, ils savent et ils ne savent pas. En théorie, ils savent tout. Dans la pratique ils ignorent superbement la réalité.
On a envie de faire des parallèles. Quand on entend cette histoire d’Assise, on a vraiment envie de faire des parallèles.
En théorie, ils savent, en théorie, ils croient, mais dans la réalité, est-ce qu’ils y croient ? Est-ce qu’ils croient vraiment que Notre-Seigneur est Dieu ?Est-ce qu’ils croient vraiment que de Sa main dépend la paix, des hommes, des nations ? Est-ce qu’ils croient vraiment à toutes ces conséquences immédiates, directes, de Sa divinité ? Ce n’est pas pour faire un pique-nique qu’ils vont à Assise ! Est-ce qu’ils vont, tout comme les rois mages, adorer le vrai Dieu, et attendre de Lui, demander de Lui cette paix ? Est-ce qu’ils vont au Roi de la Paix, rex pacificus ?
Oh comme l’Histoire se répète, hélas ! Oui, nous sommes profondément indignés. Nous protestons avec véhémence contre cette répétition de ces journées d’Assise. Tout ce que nous avons dit, tout ce que déjà Mgr Lefebvre avait dit à l’époque, nous le faisons nôtre. Il est évident, mes bien chers frères, qu’une telle chose exige réparation.
Quel mystère ! Oui, adorer, qu’est-ce que cela veut dire ? Adorer, cela veut tout d’abord dire reconnaître, reconnaître la divinité ; l’adoration, on ne la donne qu’à Dieu. Et reconnaître cette divinité implique immédiatement la soumission, une déclaration de soumission à la souveraineté de Dieu, c’est reconnaître que Dieu a tous les droits sur nous, que nous sommes réellement en toute dépendance, en dépendance absolue de Dieu pour être, pour vivre, pour agir, pour penser, pour désirer, pour vouloir ; tout bien, tout bien qui nous arrive vient de la bonté de Dieu et cela est vrai pas seulement pour les croyants, pas seulement pour les chrétiens, cela est vrai pour toute créature, absolument toute créature. Dieu, Créateur de toutes choses visibles et invisibles, est aussi Celui qui gouverne ce monde, Celui qui tient toute chose par la puissance de Son Verbe ? Celui en qui toute chose a sa consistance. Maître de la vie et de la mort, des individus et des nations, Dieu Tout-Puissant éternel à qui est dû tout honneur et toute gloire.
Oui, adorer, c’est se mettre dans cette position d’humilité qui reconnaît les droits de Dieu. Allons, allons à Notre-Seigneur même s’Il cache Sa divinité. Même s’Il est tout petit dans les bras de Sa Mère, Il est vraiment Dieu ; C’est le vrai Dieu envoyé par la miséricorde du Bon Dieu pour nous sauver car s’Il s’est fait homme – et en devenant homme Il est devenu Sauveur – et Son Nom imposé par Dieu même, c’est Jésus le Sauveur, seul Nom qui a été donné sous le ciel par Lequel on puisse être sauvé, le seul Sauveur, le seul Saint, « Tu solus sanctus », qui vient nous apporter une chose inouïe, cette invitation à l’éternité du bonheur de Dieu. Comment espérer pouvoir recevoir Ses bontés quand on L’insulte, quand on L’ignore, quand on Le rabaisse ? C’est insensé ! Comment espérer la paix entre les hommes quand on se moque de Dieu et voilà que la pensée moderne fait des espèces de projections vraiment bizarres ; elle va prétendre que toutes les religions, finalement, adorent le même et seul vrai Dieu, ce qui est parfaitement faux. C’est même dans la Révélation, ça se trouve déjà dans les Psaumes, le Psaume 95 : tous les dieux des païens, ce sont des démons, ce sont des démons, et Assise, ce sera plein de démons. C’est la Révélation, c’est la Foi de l’Église, c’est l’Enseignement de l’Église. Elle est où, la continuité ? Elle est où, la rupture ? Quel mystère !
Oui, mes bien chers Frères, si nous voulons être sauvés, il n’y a qu’un chemin, c’est bien le chemin de Notre-Seigneur Jésus-Christ et ces mages apportent trois, trois présents et l’Église, depuis les temps les plus anciens reconnaît dans ces trois présents, trois actes, trois reconnaissances de Notre-Seigneur et en même temps, trois dons de la part des créatures : l’or, l’encens, la myrrhe. L’encens, on le donne à Dieu, l’or qui est une expression de puissance, eh bien, on le donne aux rois et la myrrhe, par son amertume, exprime déjà ce qui va arriver à Notre-Seigneur fait homme, incarné, elle salue déjà Son Sacrifice et Sa Passion, elle salue Son Sacerdoce, Notre-Seigneur, Dieu, Roi, Prêtre. Il y a tant de trésors dans cette Fête, c’est inépuisable. Il faudrait s’étendre sur chacun, mais le temps nous est trop court, sur chacun de ces éléments.
Demandons au Bon Dieu, demandons à l’Église, toutes ces grâces qui sont enfermées dans cette Fête. Que nous puissions bénéficier de toutes ces grâces, que nous puissions être renforcés dans notre foi dans la divinité de Notre-Seigneur, que nous soyons capables de reconnaître dans les faits Sa royauté, que nous reconnaissions vraiment Sa Souveraineté, et que nous adhérions pleinement à Son Sacrifice, Sacrifice auquel Il nous invite.
C’est vrai, Il est mort, Il est mort tout seul pour tous. C’est vrai, mais le Salut – c’est saint Augustin qui le dit – il ne le fera pas sans toi. Celui qui t’a racheté sans toi, ne te sauvera pas sans toi. Il faut, c’est Dieu Lui-même qui demande cette union, cette association à Son Sacrifice en réparation des péchés. Et vous savez, mes bien chers Frères, vous connaissez ce qui s’est passé si peu de temps après cette fête. C’est la nuit suivante… Comme les choses… Quel mystère que cette vie de Notre-Seigneur, et là aussi pleine d’enseignement pour nous ! Voilà que les nations viennent saluer le Roi des rois. Quelle fête extraordinaire ! Mais dans la nuit, un ange apparaît à saint Joseph et lui dit : « Prends la Femme et l’Enfant, Hérode vient pour Le tuer. » Et ce sera le massacre des Innocents. C’est là tout un mystère, mystère de souffrances qui est lié à Notre-Seigneur et à la reconnaissance de ce qu’Il est. Mystère qui est lié à cette grande chose terrible qu’est le péché. Prétendre, prétendre vouloir faire la paix sur la terre en oubliant ces mystères, c’est se lancer dans de folles illusions, dans des utopies. Ce n’est jamais ce que l’Église a enseigné. C’est vrai, nous saluons Notre-Seigneur comme Roi de la Paix. Mais c’est vrai aussi que jusqu’à la fin des temps, l’Église aura à souffrir et il y aura des persécutions contre l’Église. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle militante. Et les disciples de Notre-Seigneur suivront Notre-Seigneur dans la persécution.
Vivons dans notre religion et pas dans les illusions, mes bien chers Frères.
Vraiment, demandons à la Très Sainte Vierge Marie – il y a là de grands mystères ! – pourquoi, pourquoi Dieu a‑t-Il permis cette persécution de l’Enfant-Jésus, ces martyrs, ces innocents qui n’avaient rien fait de mal ? On pourrait dire que c’est presque à leur insu qu’ils deviennent martyrs, c’est à cause de cette haine contre Notre-Seigneur Jésus-Christ qu’ils sont devenus martyrs, ces saints Innocents, et les chrétiens d’aujourd’hui voudraient avoir autre chose de la part du monde ? Nul ici ne peut être au-dessus du Maître, « Si le monde M’a haï, il vous haïra aussi », adit Notre-Seigneur. C’est ainsi, il ne sert à rien de vouloir plaire au monde, c’est une erreur, c’est faux, ça conduit à une fausse religion.
Il y en a des trésors dans cette Fête, pour aujourd’hui. Encore une fois, allons à Notre-Dame, demandons-Lui – Elle qui conservait toutes ces choses dans son cœur – demandons-Lui de comprendre un petit mieux, d’y adhérer de tout notre cœur, à ces mystères qui sont difficiles.
C’est difficile d’admettre et d’accepter tout cela. On aime bien la paix. Oh oui, on n’aime pas être bousculé. On n’aime pas la persécution. Et qui pourra jamais l’aimer ? Mais voilà, le mystère de la Rédemption passe par la croix, passe par la souffrance. Et Dieu invite ceux qui L’aiment à Le suivre. « Si quelqu’un M’aime, qu’il se renonce, qu’il prenne la croix tous les jours, sa croix tous les jours, et qu’il Me suive ». Le Seigneur ne promet pas une paix sur la terre, Lui qui est le Roi de la Paix et qu’on a salué « Paix aux hommes de bonne volonté ». Il faut le maintenir tout cela. Il faut essayer de faire régner cette paix de Notre-Seigneur, qui est d’abord la paix des âmes avant d’être la paix des armes.
Associons-nous aux rois mages. Demandons-leur ces lumières, cette prudence pour arriver jusqu’à Notre-Seigneur et pour ne pas Le trahir. Ils repartent par un autre chemin. Ils ne dénonceront pas Notre-Seigneur à Hérode qui Lui veut du mal. Demandons, demandons en ces temps difficiles, cette lumière pour être guidé, pour faire juste. Jusqu’ici, on voit bien que le Bon Dieu a béni ce chemin que nous suivons, chemin de fidélité à la Tradition de l’Église catholique. C’est tellement clair qu’il n’y a pas d’autre chemin. Nous n’en prendrons pas d’autre. Avec la Grâce de Dieu et avec Son Secours,.
Oui, demandons cette Foi, mes bien chers Frères, cette Foi qui a fait que les rois mages se sont mis en route, ne sont pas restés dans l’indifférence, dans la routine de tous les jours. Ils se sont laissés toucher par ce signe que le Bon Dieu avait mis dans le ciel. Eh bien, que nous dans notre vie nous nous laissions toucher par ces petits signes que le Bon Dieu, tous les jours nous donnent, tous ces petits signes par lesquels Il nous rappelle qu’Il est vraiment notre Dieu et qu’Il veut être notre Père et qu’Il nous aime, et qu’Il attend de nous que nous Le reconnaissions comme Tel.
Ne perdons pas, mes bien chers Frères, cette joie, la joie d’être avec Dieu, qu’elle domine ces douleurs, ces peines, cette colère ; qu’elle reste au-dessus de tout cela ; qu’elle nous aide à rester indéfectiblement unis par la grâce et dans la grâce et la Foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ et en son unique Église, l’Église Catholique, Romaine, Une, Sainte Catholique et Apostolique. Les temps sont difficiles, c’est notre épreuve, mais la grâce du Bon Dieu est là aussi. Que le silence, la discrétion de cette Fête est pleine] de contrastes ; c’est comme Noël, d’un côté on voit cette caravane des rois qui arrive, d’un autre côté on voit ce silence. Il n’y a personne d’autres que ces rois mages qui arrivent à cette maison, c’est surprenant ! L’Évangile ne nous dit pas plus que cela. Eh bien, il y a quelque chose de cela dans la foi, il y a une discrétion. Le Bon Dieu n’a pas voulu imposer. Il pourrait multiplier les miracles, toutes ces manifestations qui imposent, à tous les hommes, comme ce sera à la fin du monde lorsque Notre-Seigneur apparaîtra sur les nuées, alors à ce moment-là, oui, il n’y aura plus de place pour l’objection. Tout le monde sera à plat ventre, prostré devant cette manifestation indiscutable de la divinité, mais pendant ce temps de la Foi, Dieu nous demande cet effort, cet effort de la Foi.
Mais demandons cette grâce, de ne pas passer dans cette indifférence du monde, dans ce mystère de Notre-Seigneur qui vient jusqu’à nous et qui nous demande d’aller à Lui.
Offrons-Lui vraiment ces trois trésors où l’Église voit la Foi, l’Espérance et la Charité. Qu’ainsi, chaque jour, nous aimions davantage le Bon Dieu et que nous obtenions pour les âmes qui sont autour de nous et pour nous-même, la grâce tous les jours, lla fidélité et cette paix tant désirée.
Ainsi soit-il.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit
† Bernard Fellay
Vidéo du sermon audio de Mgr Fellay
Ce sermon du 9 janvier 2011 est aussi disponible en version audio