on ne comprend pas pourquoi nous sommes CONTRE la liberté religieuse
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Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Messieurs les abbés, mes bien chers Frères,
En ce dimanche, il nous est donné de célébrer la très grande fête de l’Epiphanie. Une fête à laquelle l’Eglise a toujours voulu donner la plus haute importance. Cette fête est plus ancienne que Noël. Et jusqu’en 1962, jusqu’à Jean XXIII, on lui donnait plus d’importance que Noël. Tout juste à un degré au-dessous des fêtes de Pâques et de la Pentecôte qui sont les plus grandes solennités, les plus grandes fêtes de l’Eglise. Et pourquoi ?
Epiphanie veut dire manifestation, et l’Eglise a toujours voulu rassembler en ce jour divers événements de la vie de Notre-Seigneur qui, en ce début de sa vie, manifestent aux hommes sa divinité. Et c’est ainsi que même si on l’appelle la Fête des Rois Mages – et c’est l’événement qui est relaté dans l’Evangile d’aujourd’hui, et c’est le plus important de cette fête – l’Eglise y rajoute deux autres manifestations de la divinité de Notre-Seigneur. Celle que l’on trouve au Baptême de Notre-Seigneur, avec l’intervention du Père du Ciel, cette voix qui résonne, et l’apparition du Saint-Esprit au-dessus de Notre-Seigneur. Et en plus aussi, le premier miracle de Notre-Seigneur, le miracle de Cana. Il y a donc une collection d’événements, et aussi de leçons à tirer de cette fête. Evidemment, on ne peut pas tout dire en un sermon. Nous nous limiterons aujourd’hui à un point lié à cette fête appelée la fête des Rois Mages.
Pourquoi l’Eglise veut-elle donner tant d’importance à cette fête des Rois Mages ? Parce que c’est ce qu’Elle nous dit aujourd’hui : « Aujourd’hui, le Christ est apparu ». Autrement dit, Il s’est manifesté non pas seulement à un petit groupe, le groupe des bergers comme au moment de Sa naissance, mais aujourd’hui, avec l’arrivée des Rois Mages, on y voit la manifestation de Notre-Seigneur, de Sa divinité, au monde entier, à ce monde considéré au temps des Juifs comme le monde des païens. Il faut se rappeler que le Messie est promis au peuple élu. Il est annoncé comme, on peut dire, leur Sauveur. Et une des premières choses que va faire le bon Dieu, que va faire Notre-Seigneur, c’est de dire, de se manifester par les événements, par l’apparition de cette étoile dans le firmament, qu’en fait ce salut ou ce Messie qui vient apporter le salut, ne vient pas l’apporter qu’au peuple juif, mais bel et bien à toutes les nations. C’est là le plus profond de la joie de l’Eglise aujourd’hui. Notre-Seigneur, le Messie, est Dieu fait homme qui vient pour sauver tous les hommes. Tous les hommes sont appelés au salut. Personne n’est laissé de reste. A chaque homme à qui Dieu donne l’existence, est offerte cette invitation du salut, salut mérité par Notre-Seigneur dans Son Humanité, dans Sa Passion et Sa Mort.
Et ce qui est intéressant – et c’est le point sur lequel je voudrais insister aujourd’hui – c’est le fait que ceux qui viennent Le reconnaître aujourd’hui, ce sont des Rois. La reconnaissance, non seulement des nations, mais de certains de ses chefs, des représentants de ces peuples, les Rois Mages qui arrivent à Notre-Seigneur aujourd’hui. Et leur question, lorsque l’étoile disparaît, question à Jérusalem, question à Hérode, le roi de l’époque : « Où est le Roi des Juifs qui vient de naître ? ». Et voyez-vous, cette question que j’aimerais souligner et rappeler, c’est une question qui, dès le début, fait couler pas seulement de l’encre, mais aussi du sang. Et ce rapport entre l’ordre temporel et l’ordre spirituel par rapport à la Royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. On le constate, dès le début, Notre-Seigneur est Dieu. Il S’est fait homme. Le fait de devenir homme n’a enlevé aucun de Ses pouvoirs au Verbe de Dieu. Et au contraire, jusque dans Son Humanité, Il va participer à Ses pouvoirs divins. Il est Dieu, Il est Roi. « Tout pouvoir M’a été donné au Ciel et sur la terre ». Tout pouvoir, sans aucune exclusion. Seulement, Il a bel et bien tous les pouvoirs, Il est bel et bien le Roi des Rois, mais Il ne réclame pas la royauté temporelle. Et c’est ce que, on le voit à travers tous les siècles, les hommes au pouvoir, jaloux de ce pouvoir temporel, ont trop souvent vu et voient en Notre-Seigneur et en l’Eglise, un rival, une rivale. C’est une histoire qui traverse tous les temps. On y voit aussi le problème de ce qu’on appelle aujourd’hui la liberté religieuse. Il faut donc bien le comprendre. Tout d’abord, en maintenant qu’effectivement, Dieu fait Homme ne perd rien de Ses pouvoirs ; mais que, comme Il a l’habitude de le faire en tant que Dieu, Il délègue Ses pouvoirs. Il ne les ravit pas. C’est ce que dit l’Hymne aujourd’hui : « Il ne ravit pas les royautés terrestres, Celui qui donne les royautés célestes ». Au contraire, Il les confie au maître du siècle, au roi, au président, peu importe. Et ils en rendront compte. Il est Dieu, Il est Roi. Roi du Ciel et Roi de la Terre. Seulement, lorsque Pilate lui dit : « Es-tu Roi ? », Notre-Seigneur aura le soin de lui dire : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Si j’étais un roi comme les autres, si j’étais un roi simplement temporel, j’aurais mon armée. Elle serait là pour me défendre. » Or, ceux qui Le défendent, ce sont les Anges, qui à ce moment-là semblent bien laisser faire ! « Mais en même temps, tu n’aurais aucun pouvoir sur Moi s’il ne t’avait été donné ».
Il est bel et bien Roi, et c’est à cause de cette Royauté qu’Il sera crucifié, c’est la raison donnée par les Romains, par Pilate. Il s’est fait Dieu, Il doit mourir. C’est la raison donnée par Pilate, on la retrouve sur la Croix : « Jésus de Nazareth, Roi des Juifs ». C’est parce qu’Il S’est fait Roi. Et cette histoire commence aujourd’hui, à l’Epiphanie. Hérode, jaloux de ce nouveau roi qui arrive, ne trouvera pas d’autre moyen que de massacrer les innocents. Voyez-vous, on voit cela à travers toute l’histoire, tout le temps et constamment, le pouvoir temporel aura beaucoup de peine à supporter un autre pouvoir, disons parallèle, ce pouvoir spirituel, ce pouvoir de l’Eglise. Et à travers toute l’Histoire de l’Eglise, il y aura constamment des rivalités, des problèmes, problème par exemple des investitures, où c’est l’Etat qui veut se mêler de la nomination des Princes de l’Eglise, des évêques qu’il veut imposer, on le voit bien. L’Etat temporel a peur de ce pouvoir spirituel. Et encore aujourd’hui, vous avez des pays comme la Chine qui souffrent directement de ce problème. Le problème des hommes qui ne sont pas capables de comprendre que, d’une part – bien qu’il faille clairement distinguer deux sociétés que l’on appelle parfaites : on appelle parfaite une société qui possède tous les moyens pour acquérir sa fin -, il y a une société parfaite que l’on appelle l’Eglise, qui est une société spirituelle et surnaturelle, qui possède tous les moyens pour atteindre sa fin qui est le salut. Sauver les âmes, les moyens de cette Eglise, toute son organisation est pour sauver les âmes. Son premier souci n’est pas le temporel, elle est de mener les hommes à leur fin, ce pour quoi ils ont été créés, le Ciel, mais Elle s’occupe des hommes qui vivent sur terre. Et les hommes sur terre ne sont pas simplement des individus, ils viennent tous d’une famille, de cette famille organisée qu’on appelle ensuite l’Etat. La société humaine est organisée ; cette société humaine est aussi une société parfaite. L’Etat est organisé, possède les moyens qui lui sont nécessaires et suffisants pour poursuivre son but, qui est un but temporel, l’organisation, le bien commun, le bien-être des hommes ici, sur terre. Et dès que l’on dit tout cela, dès que l’on constate que ce sont les mêmes personnes qui appartiennent aux deux sociétés, on voit très bien qu’il y a un ordre, et que le régime normal entre ces deux sociétés parfaites doit être un régime harmonieux, donc un régime d’entente et aussi, nécessairement, en regardant la fin de l’homme, subordonné, sans que l’Eglise ne se mêle des affaires temporelles, elle aura son mot à dire sur les grandes lignes de la vie des hommes, qu’on appelle les Commandements. Elle ne se mêlera pas des affaires précises, distinctes, qui concernent l’Etat évidemment, mais si celui-ci prétend vouloir enfreindre les lois de la nature humaine, même celles-là, et en plus les lois de Dieu, l’Eglise devra intervenir même si cela crée des conflits.
Ce à quoi on assiste aujourd’hui, depuis la Révolution, depuis plus de deux cents ans, cette situation conflictuelle est plus aigüe. Pourquoi ? Parce que tout d’un coup la société temporelle a voulu se dégager de la dépendance de Dieu. Il a prétendu vouloir et pouvoir organiser le monde sans Dieu. Et ça, c’est garanti, c’est préparer l’enfer sur la terre. Et c’est un peu toute notre histoire, l’histoire de ces siècles dans lesquels nous sommes, que cette rébellion des hommes contre Dieu, et presque automatiquement contre l’Eglise qui contribue à une falsification des rapports qui sont normaux et justes. Et c’est ce qu’on trouve dans la liberté religieuse. Une question passablement compliquée aujourd’hui parce qu’on mélange tout. On comprend que l’Eglise essaye de dire à l’Etat : « Vous n’avez pas le droit de vous mêler des questions qui ne vous regardent pas. La question de la religion en tant que telle, ce n’est pas une question temporelle. » On comprend qu’il y ait une intervention de l’Eglise pour dire : « Respectez ce domaine de la religion. » Seulement après, avec le « concile », on est allé trop loin, on n’a plus fait la distinction entre la vraie et les fausses religions, on n’a plus fait la distinction qu’on faisait autrefois, entre régime de tolérance, et on a fait un droit qui n’existe pas. Finalement, on avale, on invente comme une espèce de droit à l’erreur. C’est tout récent, on dit maintenant que tout homme a le droit de choisir sa religion. Ça vient du Vatican. Mais non, tout homme a le droit de choisir LA VRAIE religion. Tout homme a le droit de se convertir à la vraie religion. Et personne n’a le droit d’empêcher cela. Ça, c’est un vrai droit qui découle du devoir de tout homme de servir Dieu. C’est la première question du catéchisme : Pourquoi suis-je venu sur la terre ? Pourquoi existons-nous ? Pour servir Dieu, pour L’honorer, pour Le glorifier. Tout est dit. Simplement, qu’on se rappelle les devoirs envers Dieu qui ensuite vont engendrer des droits, des droits réels des personnes humaines pour accomplir ces devoirs.
Aujourd’hui, on mélange tout. Et souvent, on ne comprend pas pourquoi nous sommes, comme on dit, CONTRE la liberté religieuse. Qu’on le comprenne bien. Nous sommes pour la vraie liberté religieuse, c’est-à-dire pour la liberté de la vraie religion. Et nous sommes aussi pour ce qu’on appelle la tolérance. Il y a des signes concrets, humains qui obligent l’Etat quand on se trouve dans une situation de mélange de religions, de faire régner une sorte de paix humaine entre toutes ces religions. C’est tout à fait normal, tout à fait compréhensible. Et nous ne sommes absolument pas contre ces choses-là. Par contre, très certainement, nous sommes contre la prétention de vouloir oublier le bon Dieu, de vouloir établir un droit qui serait presque un droit imprescriptible, de toute créature à choisir autre chose que le bon Dieu. Ça n’a pas de sens. C’est comme vouloir dire : la voiture, elle a le droit de rater le virage et de rentrer dans un arbre. Bien sûr que la voiture peut rater le virage. On peut dire que c’est une des particularités de la voiture d’avoir cette liberté de sortir de la route. Mais ça passe à la perfection de la liberté de la voiture. La liberté de la voiture s’exerce tant qu’elle reste sur la route. Eh bien ici, la liberté humaine s’exerce et trouve sa perfection tant qu’elle reste sur la route des Commandements du bon Dieu. Elle peut sortir de la route, mais ça n’est pas un droit. Imaginez que l’Etat vous dise maintenant : la voiture a le droit de sortir de la route ! Cette sacro-sainte liberté de la voiture… Mais sortir de la route, ça démolit la voiture, et ça démolit la liberté de la voiture. Il n’y a plus rien après. De même que l’homme qui sort des chemins du bon Dieu, des chemins des Commandements, il peut le faire, et avec cela, il se détruit. Il fait ce qu’on appelle un péché mortel. Il meurt à la vie de la grâce, il rate ce pour quoi il a été créé qui est le Ciel. C’est pour cela qu’on dit que ça ne peut pas être un droit. Mais voyez quelle confusion règne aujourd’hui.
Profitons de cette fête pour rappeler ces grands principes, pour saluer le Roi des Rois. Il serait aussi très intéressant, mais je veux faire un peu court… de poser la question : Pourquoi Notre-Seigneur – qui est manifestement le Seigneur, le Sauveur, et c’est pour cela qu’Il vient sur la terre -, pourquoi n’a-t-Il pas dédaigné d’être reconnu comme Roi ? Pourquoi saint Paul – et saint Paul c’est l’Ecriture Sainte, donc c’est le bon Dieu -, nous dit : Il faut qu’Il règne ? Pourquoi ? Ça doit avoir un sens et cela ne nie en rien tout ce que je viens de vous dire sur la distinction des ordres naturels, surnaturels, l’ordre temporel, l’ordre de la grâce, du salut ; il est manifeste que cette prérogative de Notre-Seigneur qui est celui de la Royauté, Il la veut pour opérer plus efficacement le salut, car au moment où la société temporelle se soumet aux dispositions qui sont supérieures, qui regardent le salut, et donc respecte les Commandements de Dieu, cette société temporelle aura effectivement une influence, très certainement et dans beaucoup de cas, déterminante sur le salut des âmes. En faisant des bonnes lois, en empêchant le mal, en empêchant le péché public, il poussera les âmes, il incitera à faire leur salut. Et c’est ainsi que l’on voit la société chrétienne et le bienfait de la société chrétienne, même temporelle. C’est pour cela que nous insistons tellement sur cette nécessité de cette harmonie entre la société de la terre et la société du Ciel qui est l’Eglise. Et l’on voit bien, on le trouve devant les yeux, ce que l’Eglise a toujours appelé les ennemis du genre humain, qui veulent tout démolir par leurs lois, même contre nature… Réellement, d’une part ils font un enfer sur la terre, et d’autre part ils conduisent les âmes tout droit en enfer pour l’éternité. Ils en répondront devant Dieu. Tous ceux qui exercent un quelconque pouvoir sur la terre ont reçu ce pouvoir de Notre-Seigneur et c’est à Lui qu’ils en répondront au jour de leur mort. Car nous tous, sur la terre, petits et grands, nous avons un juge. Qu’ils soient chrétiens ou pas, ça n’a aucune importance. Et ce Juge c’est Notre-Seigneur Jésus-Christ auquel nous répondons de tous nos actes et bien sûr des pouvoirs qu’Il nous a délégués. A tous, qu’il s’agisse des évêques, des prêtres, c’est-à-dire de l’ordre surnaturel, ou qu’il s’agisse d’un maire, d’un président, d’un député, peu importe… tous, nous répondons à Celui que nous saluons aujourd’hui, que nous venons vénérer, là, dans les bras de Sa Mère. Il n’est plus au berceau lorsque les Mages arrivent. Ils rencontrent Jésus « avec Sa Mère », nous dit l’Evangile. Il n’est plus dans la crèche, Il est dans une maison. Donc c’est un peu plus tard.
Allons‑y. Apportons avec les Mages cet hommage de l’or, de l’encens, de la myrrhe, dans laquelle l’Eglise voit d’une part la Royauté, mais surtout la Divinité et le Sacerdoce. Notre-Seigneur qui va se dévouer pour nous, qui va se sacrifier – c’est ce qu’on voit dans la myrrhe. L’encens bien sûr, est pour Dieu. Allons‑y avec un grand cœur, avec une grande foi. Et supplions Notre-Seigneur d’abréger ce temps où l’on voit la rébellion des nations contre Lui, et qui entraîne par-là même la perte de tant et tant d’âmes. Demandons que ce temps soit abrégé, le temps pour les nations, mais surtout pour l’Eglise. Que cette crise de l’Eglise arrive un jour à la fin. Il y a quelque chose qui nous donne beaucoup d’espoir, mes bien chers frères. C’est que plus les choses apparaissent sans espoir, c’est à ce moment-là qu’il faut avoir le plus d’espoir, parce que c’est à ce moment où les hommes sont obligés de dire : je ne peux plus rien faire, c’est à ce moment-là que le bon Dieu intervient. Combien de temps va durer encore cette crise, nous n’en savons rien, mais nous pouvons deviner qu’on arrivera bientôt un jour à sa fin. De toutes façons, quel que soit ce jour, pour nous, nous avons notre devoir, notre devoir quotidien, notre devoir d’état à remplir.
Que cette Fête nous aide aussi, et ces grâces méritées par le Roi des Rois, le Seigneur des Seigneurs, nous aident à Le servir tous les jours, avec ardeur, avec beaucoup d’amour, pour notre salut et sa gloire, ainsi soit-il.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ainsi soit-il.
Mgr Bernard Fellay, Paris le 6 janvier 2013
Pour conserver à ce sermon son caractère propre, le style oral a été maintenu. Les surlignages et les intertitres sont de la rédaction de LPL
Source : LPL/130106
Version audio : LPL/130106