En la fête du Christ-Roi
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.
Mes bien chers frères,
Nous voici rassemblés ici en cette fête si magnifique du Christ-Roi pour honorer, louer, remercier, mais aussi écouter et supplier la Très Sainte Vierge Marie. Pie XI devant les tribulations du monde, devant cette rébellion systématique des hommes contre Dieu, a voulu insister sur les droits de Dieu sur la terre ; et cette fête du Christ-Roi, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, image du Dieu invisible, vrai Dieu et vrai homme, affirme ces droits de Dieu. Nous voyons Jésus-Christ affirmer les droits de Dieu, non seulement au ciel, non seulement à la fin des temps, mais en tout temps, hier, aujourd’hui et demain. Dans le Notre Père, il nous demande de prier : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Et nous l’avons entendu dans l’épître de ce jour : Tout a été créé par lui, et pour lui, et tout a en lui sa consistance : les individus, les sociétés, tout.
Malgré cette affirmation, ce rappel, nous voyons que le monde fait la sourde oreille parce qu’il ne veut pas écouter. Nous le voyons déjà au XIXe siècle, nous le voyons dès la Révolution, et nous voyons que cela continue. Et quand nous regardons ces apparitions de la Sainte Vierge – qu’il s’agisse de La Salette, de Lourdes, qu’il s’agisse de Fatima -, on a l’impression que le Ciel dit quelque chose comme ceci : « Ils ne veulent pas écouter le Fils, peut-être écouteront-ils la Mère ». Ces apparitions sont des miséricordes du Bon Dieu qui rappellent justement les droits de Dieu. Notre Dame nous conduit tout droit à Notre Seigneur, à Dieu. Et si nous sommes ici, c’est tout d’abord pour l’honorer, pour dire que nous voulons, nous, prêter attention à son message puisque le Ciel daigne parler aux hommes par Marie. Certes ce n’est pas la Révélation publique qui est terminée à la mort des apôtres, mais c’est encore le Ciel qui parle, et bien évidemment toujours dans le même sens. Nous venons pour honorer cette messagère du ciel qui prend plaisir à confirmer à Lourdes le dogme qui la concerne, – ce dogme de l’Immaculée Conception défini quatre ans auparavant. Nous devinons le plaisir du Ciel à cette proclamation sur la terre. Nous devinons la joie de Notre Dame lorsqu’elle dit à la petite Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception ». Unissons-nous à tous ceux qui saluent Notre Dame dans son Immaculée Conception. Mettons‑y tout notre cœur, toute notre affection, toute notre volonté de réparer pour ces mécréants, pour ces pauvres âmes qui ne trouvent rien de mieux que d’insulter leur Mère par tant et tant d’outrages. Réparons par la salutation angélique, par cette chaîne d’Ave qu’est le rosaire.
Ce que Notre Dame nous dit ici est très simple : « Prière, pénitence, pénitence, pénitence ». On pourrait croire qu’elle est avare de mots, pourtant cela suffit. Elle nous donne là les deux remèdes proportionnés à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Si nous sommes sur la terre, c’est pour gagner le Ciel, c’est pour nous sauver. Dieu permet que nous vivions dans une époque terriblement troublée, et les remèdes sont toujours les mêmes, toujours aussi simples : prière et pénitence. Quelle insistance sur la pénitence, trois fois ce même mot « pénitence, pénitence, pénitence ». C’est l’écho exact des paroles de Notre Seigneur lui-même : « Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous ». C’était vrai au moment où il le disait, et c’est vrai pour tous les temps. Or ce qui se passe, depuis une quarantaine d’années, est quelque chose de vraiment étonnant : cette parole-là s’est tue ! Le monde ne pense qu’au plaisir, le monde ne veut que la vie facile. Et on ne trouve presque plus de bouches qui rappellent ce chemin du Ciel : pénitence. C’est la Croix, c’est le chemin de Notre Seigneur, pas un autre. Nous sommes sauvés par la Croix de Jésus. C’est là que nous trouvons, dans son Sang précieux qui coule à sa mort, le prix de notre rédemption, et si nous voulons être sauvés, il nous faut le suivre. C’est le grand enseignement du sacrifice de la Messe, de cette extraordinaire invitation du Souverain Prêtre, invitation aux âmes baptisées à s’unir à lui dans son sacrifice. Et pas seulement le temps d’une messe, le temps d’une vie sur la terre.
Prière également. Cette prière, Notre Dame l’indique par ses mains qui tiennent un rosaire et à ses pieds on voit des roses. Lourdes en arabe veut dire « rose », du nom du seigneur de ce château-fort qui refusait de se rendre à Charlemagne en 778, mais qui sous les injonctions de l’évêque du Puy, fut d’accord de se rendre corps et âme à la Reine du ciel. Et peu après, il se convertit en prenant le nom de Lourdes (Lourdus) : rose. Nous sommes ici sur le territoire de la Sainte Vierge. Une Dame qui nous apprend à prier en une chaîne de roses, le rosaire. Combien elle insiste durant tous ces derniers siècles : priez le Rosaire. Il est indéniable que le Ciel a voulu mettre dans cette prière une puissance toute particulière, un antidote au monde moderne, à l’esprit moderne. Car cette chaîne nous enlace aux mystères de Notre Seigneur et nous unit aux grâces qu’il y a méritées, nous fortifiant dans l’esprit chrétien. Elle nous donne la force de vivre en chrétiens aujourd’hui, dans ce monde. Prenons donc au sérieux ces deux invitations à la pénitence et au rosaire !
Si nous sommes ici, c’est bien sûr pour célébrer l’anniversaire des 150 ans des apparitions de Notre Dame, mes bien chers frères, mais nous sommes aussi ici pour un autre anniversaire que nous considérons comme intimement lié à Notre Dame, parce que nous y voyons sa protection particulière. Cet anniversaire, ce sont les vingt ans des consécrations épiscopales. Et nous osons dire que nous y voyons comme un miracle. Oui, un miracle que vingt ans après nous soyons là, que nous soyons là sans avoir changé de cap, malgré une tourmente extrêmement difficile, délicate où la ligne de conduite est comme le fil d’un rasoir, où il est si facile de tomber soit à droite, soit à gauche. Humainement, un faux pas va presque de soi. Maintenir ce cap signifie une protection toute spéciale que nous osons attribuer à Notre Dame. Un autre signe de cette protection est dans le fait que les quatre évêques consacrés, il y a vingt ans, soient tous ici, non seulement bien vivants, mais unis ; unis dans le même combat, malgré tous les prophètes de malheur qui prédisaient, il y a déjà vingt ans, toutes sortes de divisions. Eh bien non ! ils sont là, et c’est une grande grâce du Ciel dont nous remercions la Très Sainte Vierge. Et pendant ces jours, certainement, nous voulons élever vers Notre Dame un grand élan de gratitude pour ces sacres, pour toute la protection que cela a pu procurer au mouvement de la Tradition catholique. Bien évidemment, nous supplions le Ciel, nous supplions la Sainte Vierge qu’elle nous maintienne dans cette ligne de fidélité à la foi, de fidélité à l’Eglise.
Aujourd’hui, dans la suite de ces consécrations, nous aimerions relancer une croisade, et précisément, une croisade du rosaire. Il y a deux ans nous en avions lancé une. C’était pour obtenir le premier préalable, comme nous l’appelons, pour obtenir du Saint Père, par l’intervention de Notre Dame, que la sainte Messe, la Messe de toujours retrouve ses droits dans l’Eglise. Le fait que ses droits soient réaffirmés par le Motu Proprio, même jusqu’à Rome aujourd’hui, il y a des voix pour l’attribuer à la récitation du rosaire. Confiants en Notre Dame, en ce jour nous voudrions relancer la même croisade. Nous voudrions faire de nouveau appel à votre générosité, mes bien chers frères, pour demander à la Très Sainte Vierge Marie qu’elle obtienne le deuxième préalable : le retrait du décret d’excommunication. C’est pourquoi nous vous invitons jusqu’à Noël à rassembler, cette fois-ci encore, un million de chapelets que nous pourrons à nouveau présenter au Souverain Pontife avec insistance.
Si nous demandons ce retrait, c’est pour deux motifs qui sont à des niveaux différents, parce qu’ils sont d’importance différente. Le premier a une certaine importance, mais comparé au deuxième il est moins grave. Comme vous le savez, l’argument de l’excommunication est utilisé très souvent par, disons, les « progressistes » comme un moyen facile de ne pas entrer en discussion, de ne pas écouter, de ne pas regarder objectivement le contenu de ce que nous aimerions porter à leur connaissance. De fait, ces questions graves que nous leur posons, sont facilement écartées avec ce mot péremptoire : « Vous êtes excommuniés ». Le deuxième motif, plus sérieux, est que cette excommunication n’a pas tellement excommunié quatre personnes ou six personnes, si l’on compte Mgr Lefebvre et Mgr de Castro-Mayer. En réalité, notre fondateur incarnait une attitude, et nous pouvons dire que cette attitude, catholique par excellence, se manifestait par son attachement au dépôt révélé, attachement à tout ce qui a été donné par Notre Seigneur à l’Eglise et transmis de génération en génération, et qui est la Tradition. Ce n’est pas un attachement fossile, une fidélité morte, c’est un attachement à recueillir du passé les principes, les leçons de vie pour vivre aujourd’hui, car la Vérité, Dieu, est au-dessus du temps. La foi ne change pas, les principes surnaturels de l’Eglise ne changent pas. Cette excommunication a eu pour conséquence que tous ceux qui de près ou de loin tentent quelque chose dans le sens de l’attachement au passé de l’Eglise, se font plus ou moins traiter de « lefebvristes ». C’est cette attitude catholique absolument nécessaire à l’être même de l’Eglise et à sa continuation qui a été excommuniée. Nous demandons donc au Saint Père qui, par définition, en raison de sa fonction, doit vouloir le bien de l’Eglise et par conséquent doit vouloir aussi cet être catholique qui a été atteint par ce décret d’excommunication, de le lever.
Nous avons des exemples de cette excommunication de la Tradition, nous pourrions dire par centaines. Nous voyons des prêtres, des séminaristes…, mais surtout des prêtres qui ont eu un début de comportement en direction de la conservation de l’esprit traditionnel, et tout de suite, ils ont reçu l’étiquette infamante. Je me souviens d’un Monsignore, à Rome, il était Brésilien, qui m’expliquait qu’au séminaire, un jour, il avait eu l’idée saugrenue de mettre une chemise noire, cela avait suffi pour qu’il soit traité de « lefebvriste » ! Et pour qu’il bénéficie de cette réprobation. Ou un autre prêtre, cette fois aux Philippines, qui pendant des années se faisait déplacer de poste en poste, parce que lui aussi était trop conservateur. Il disait pourtant la nouvelle messe, mais voulait la dire à peu près correctement. C’était déjà trop. Lui aussi était « lefebvriste » ! Un beau jour, il s’est dit : « Il faut quand même que je sache ce que cela veut dire ». Il a fini chez nous !
Mes bien chers frères, si nous demandons encore une fois le retrait de ce décret d’excommunication, insistons sur ce point, cela ne veut pas dire qu’après cela tout sera terminé. Bien au contraire, ce pas ressemble, si vous voulez, au défrichage dans la jungle. Si vous voulez passer, si vous voulez établir une route ou qu’un avion atterrisse quelque part, il faut d’abord aplanir, il faut défricher. C’est un travail qui n’est pas encore essentiel ni à la piste d’atterrissage ni à la route à venir, mais qui est pourtant très important et qui facilite les choses. L’essentiel, c’est la foi catholique, une fois débarrassée des choses accessoires sur lesquelles s’appuient précisément les adversaires de la Tradition, comme cette étiquette qu’on nous accole, nous espérons pouvoir aller enfin au fond des choses. Voyez-vous, il a suffi ces dernières semaines de quelques secousses dans les finances pour que tout le monde s’affole : il y a une crise économique, il y a une crise financière ! Si la terre bouge un peu trop fort, le monde est bouleversé, et chacun constate qu’il y a un tremblement de terre. Aujourd’hui l’Eglise est mise sens dessus dessous et on nous dit que tout va bien. Non ! il faut aller au fond des choses. C’est bien sûr cela que nous voulons. C’est cette grâce-là que nous demandons à la Sainte Vierge. Même s’il y a des étapes pour y arriver.
Nous terminons sur cette pensée, mes bien chers frères, nous lançons non seulement une croisade du rosaire, une prière à Marie, mais aussi puisque nous vivons des temps indescriptibles et que nous voyons comment le Ciel insiste pour que nous ayons une relation toute spéciale envers la Sainte Vierge, il nous semble que c’est bien le moment, à l’occasion de ce pèlerinage pour renouveler notre consécration à la Très Sainte Vierge. En 1984, cela fait déjà bien longtemps, toute la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X s’était consacrée au Cœur Immaculé de Marie. Et nous attribuons à cette protection de Notre Dame le fait que nous soyons ici, le fait que cette œuvre continue de croître. Il ne s’agit pas de s’encenser personnellement, mais tout simplement de constater les faits et d’en remercier le Bon Dieu et notre bonne Mère .
Cette consécration a des conséquences, il ne s’agit pas d’un simple acte, posé une fois, il faut en vivre. Consacrer, cela veut dire se donner. Dans cette consécration, nous disons à la Vierge Marie : « Puisque nous nous sommes donnés à vous, notre apostolat est le vôtre, ce n’est plus le nôtre ». La responsable de cet apostolat, c’est Notre Dame. A nous de la suivre, à nous de l’écouter. Se consacrer, cela veut dire aussi travailler à l’imitation de ses vertus, de sa vie, dans tout ce que nous pouvons imiter en elle, sa foi, son humilité, sa pureté. Ainsi donc, de grand cœur, en toute vérité, renouvelons cette consécration, nous le ferons pour proclamer que nous la voulons comme notre Mère, comme notre Souveraine. C’est elle qui nous conduira à Notre Seigneur, c’est elle qui nous protégera, c’est elle qui nous conduira à Dieu. Ainsi soit-il !
Ainsi soit-il.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit
† Bernard Fellay
Vidéo du sermon audio de Mgr Fellay
Ce sermon du 26 octobre 2008 est disponible en version vidéo-audio