Sermon de Mgr Fellay à Lourdes le dimanche 26 octobre 2008


En la fête du Christ-Roi

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.

Mes bien chers frères,

Nous voi­ci ras­sem­blés ici en cette fête si magni­fique du Christ-​Roi pour hono­rer, louer, remer­cier, mais aus­si écou­ter et sup­plier la Très Sainte Vierge Marie. Pie XI devant les tri­bu­la­tions du monde, devant cette rébel­lion sys­té­ma­tique des hommes contre Dieu, a vou­lu insis­ter sur les droits de Dieu sur la terre ; et cette fête du Christ-​Roi, de Notre-​Seigneur Jésus-​Christ, image du Dieu invi­sible, vrai Dieu et vrai homme, affirme ces droits de Dieu. Nous voyons Jésus-​Christ affir­mer les droits de Dieu, non seule­ment au ciel, non seule­ment à la fin des temps, mais en tout temps, hier, aujourd’hui et demain. Dans le Notre Père, il nous demande de prier : « Que votre volon­té soit faite sur la terre comme au ciel. » Et nous l’avons enten­du dans l’épître de ce jour : Tout a été créé par lui, et pour lui, et tout a en lui sa consis­tance : les indi­vi­dus, les socié­tés, tout.

Malgré cette affir­ma­tion, ce rap­pel, nous voyons que le monde fait la sourde oreille parce qu’il ne veut pas écou­ter. Nous le voyons déjà au XIXe siècle, nous le voyons dès la Révolution, et nous voyons que cela conti­nue. Et quand nous regar­dons ces appa­ri­tions de la Sainte Vierge – qu’il s’agisse de La Salette, de Lourdes, qu’il s’a­gisse de Fatima -, on a l’impression que le Ciel dit quelque chose comme ceci : « Ils ne veulent pas écou­ter le Fils, peut-​être écouteront-​ils la Mère ». Ces appa­ri­tions sont des misé­ri­cordes du Bon Dieu qui rap­pellent jus­te­ment les droits de Dieu. Notre Dame nous conduit tout droit à Notre Seigneur, à Dieu. Et si nous sommes ici, c’est tout d’abord pour l’honorer, pour dire que nous vou­lons, nous, prê­ter atten­tion à son mes­sage puisque le Ciel daigne par­ler aux hommes par Marie. Certes ce n’est pas la Révélation publique qui est ter­mi­née à la mort des apôtres, mais c’est encore le Ciel qui parle, et bien évi­dem­ment tou­jours dans le même sens. Nous venons pour hono­rer cette mes­sa­gère du ciel qui prend plai­sir à confir­mer à Lourdes le dogme qui la concerne, – ce dogme de l’Immaculée Conception défi­ni quatre ans aupa­ra­vant. Nous devi­nons le plai­sir du Ciel à cette pro­cla­ma­tion sur la terre. Nous devi­nons la joie de Notre Dame lorsqu’elle dit à la petite Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception ». Unissons-​nous à tous ceux qui saluent Notre Dame dans son Immaculée Conception. Mettons‑y tout notre cœur, toute notre affec­tion, toute notre volon­té de répa­rer pour ces mécréants, pour ces pauvres âmes qui ne trouvent rien de mieux que d’insulter leur Mère par tant et tant d’outrages. Réparons par la salu­ta­tion angé­lique, par cette chaîne d’Ave qu’est le rosaire.

Ce que Notre Dame nous dit ici est très simple : « Prière, péni­tence, péni­tence, péni­tence ». On pour­rait croire qu’elle est avare de mots, pour­tant cela suf­fit. Elle nous donne là les deux remèdes pro­por­tion­nés à la situa­tion dans laquelle nous nous trou­vons. Si nous sommes sur la terre, c’est pour gagner le Ciel, c’est pour nous sau­ver. Dieu per­met que nous vivions dans une époque ter­ri­ble­ment trou­blée, et les remèdes sont tou­jours les mêmes, tou­jours aus­si simples : prière et péni­tence. Quelle insis­tance sur la péni­tence, trois fois ce même mot « péni­tence, péni­tence, péni­tence ». C’est l’écho exact des paroles de Notre Seigneur lui-​même : « Si vous ne faites péni­tence, vous péri­rez tous ». C’était vrai au moment où il le disait, et c’est vrai pour tous les temps. Or ce qui se passe, depuis une qua­ran­taine d’années, est quelque chose de vrai­ment éton­nant : cette parole-​là s’est tue ! Le monde ne pense qu’au plai­sir, le monde ne veut que la vie facile. Et on ne trouve presque plus de bouches qui rap­pellent ce che­min du Ciel : péni­tence. C’est la Croix, c’est le che­min de Notre Seigneur, pas un autre. Nous sommes sau­vés par la Croix de Jésus. C’est là que nous trou­vons, dans son Sang pré­cieux qui coule à sa mort, le prix de notre rédemp­tion, et si nous vou­lons être sau­vés, il nous faut le suivre. C’est le grand ensei­gne­ment du sacri­fice de la Messe, de cette extra­or­di­naire invi­ta­tion du Souverain Prêtre, invi­ta­tion aux âmes bap­ti­sées à s’unir à lui dans son sacri­fice. Et pas seule­ment le temps d’une messe, le temps d’une vie sur la terre.

Prière éga­le­ment. Cette prière, Notre Dame l’indique par ses mains qui tiennent un rosaire et à ses pieds on voit des roses. Lourdes en arabe veut dire « rose », du nom du sei­gneur de ce château-​fort qui refu­sait de se rendre à Charlemagne en 778, mais qui sous les injonc­tions de l’évêque du Puy, fut d’accord de se rendre corps et âme à la Reine du ciel. Et peu après, il se conver­tit en pre­nant le nom de Lourdes (Lourdus) : rose. Nous sommes ici sur le ter­ri­toire de la Sainte Vierge. Une Dame qui nous apprend à prier en une chaîne de roses, le rosaire. Combien elle insiste durant tous ces der­niers siècles : priez le Rosaire. Il est indé­niable que le Ciel a vou­lu mettre dans cette prière une puis­sance toute par­ti­cu­lière, un anti­dote au monde moderne, à l’esprit moderne. Car cette chaîne nous enlace aux mys­tères de Notre Seigneur et nous unit aux grâces qu’il y a méri­tées, nous for­ti­fiant dans l’esprit chré­tien. Elle nous donne la force de vivre en chré­tiens aujourd’hui, dans ce monde. Prenons donc au sérieux ces deux invi­ta­tions à la péni­tence et au rosaire !

Si nous sommes ici, c’est bien sûr pour célé­brer l’anniversaire des 150 ans des appa­ri­tions de Notre Dame, mes bien chers frères, mais nous sommes aus­si ici pour un autre anni­ver­saire que nous consi­dé­rons comme inti­me­ment lié à Notre Dame, parce que nous y voyons sa pro­tec­tion par­ti­cu­lière. Cet anni­ver­saire, ce sont les vingt ans des consé­cra­tions épis­co­pales. Et nous osons dire que nous y voyons comme un miracle. Oui, un miracle que vingt ans après nous soyons là, que nous soyons là sans avoir chan­gé de cap, mal­gré une tour­mente extrê­me­ment dif­fi­cile, déli­cate où la ligne de conduite est comme le fil d’un rasoir, où il est si facile de tom­ber soit à droite, soit à gauche. Humainement, un faux pas va presque de soi. Maintenir ce cap signi­fie une pro­tec­tion toute spé­ciale que nous osons attri­buer à Notre Dame. Un autre signe de cette pro­tec­tion est dans le fait que les quatre évêques consa­crés, il y a vingt ans, soient tous ici, non seule­ment bien vivants, mais unis ; unis dans le même com­bat, mal­gré tous les pro­phètes de mal­heur qui pré­di­saient, il y a déjà vingt ans, toutes sortes de divi­sions. Eh bien non ! ils sont là, et c’est une grande grâce du Ciel dont nous remer­cions la Très Sainte Vierge. Et pen­dant ces jours, cer­tai­ne­ment, nous vou­lons éle­ver vers Notre Dame un grand élan de gra­ti­tude pour ces sacres, pour toute la pro­tec­tion que cela a pu pro­cu­rer au mou­ve­ment de la Tradition catho­lique. Bien évi­dem­ment, nous sup­plions le Ciel, nous sup­plions la Sainte Vierge qu’elle nous main­tienne dans cette ligne de fidé­li­té à la foi, de fidé­li­té à l’Eglise.

Aujourd’hui, dans la suite de ces consé­cra­tions, nous aime­rions relan­cer une croi­sade, et pré­ci­sé­ment, une croi­sade du rosaire. Il y a deux ans nous en avions lan­cé une. C’était pour obte­nir le pre­mier préa­lable, comme nous l’appelons, pour obte­nir du Saint Père, par l’intervention de Notre Dame, que la sainte Messe, la Messe de tou­jours retrouve ses droits dans l’Eglise. Le fait que ses droits soient réaf­fir­més par le Motu Proprio, même jusqu’à Rome aujourd’hui, il y a des voix pour l’attribuer à la réci­ta­tion du rosaire. Confiants en Notre Dame, en ce jour nous vou­drions relan­cer la même croi­sade. Nous vou­drions faire de nou­veau appel à votre géné­ro­si­té, mes bien chers frères, pour deman­der à la Très Sainte Vierge Marie qu’elle obtienne le deuxième préa­lable : le retrait du décret d’excommunication. C’est pour­quoi nous vous invi­tons jusqu’à Noël à ras­sem­bler, cette fois-​ci encore, un mil­lion de cha­pe­lets que nous pour­rons à nou­veau pré­sen­ter au Souverain Pontife avec insistance.

Si nous deman­dons ce retrait, c’est pour deux motifs qui sont à des niveaux dif­fé­rents, parce qu’ils sont d’importance dif­fé­rente. Le pre­mier a une cer­taine impor­tance, mais com­pa­ré au deuxième il est moins grave. Comme vous le savez, l’argument de l’excommunication est uti­li­sé très sou­vent par, disons, les « pro­gres­sistes » comme un moyen facile de ne pas entrer en dis­cus­sion, de ne pas écou­ter, de ne pas regar­der objec­ti­ve­ment le conte­nu de ce que nous aime­rions por­ter à leur connais­sance. De fait, ces ques­tions graves que nous leur posons, sont faci­le­ment écar­tées avec ce mot péremp­toire : « Vous êtes excom­mu­niés ». Le deuxième motif, plus sérieux, est que cette excom­mu­ni­ca­tion n’a pas tel­le­ment excom­mu­nié quatre per­sonnes ou six per­sonnes, si l’on compte Mgr Lefebvre et Mgr de Castro-​Mayer. En réa­li­té, notre fon­da­teur incar­nait une atti­tude, et nous pou­vons dire que cette atti­tude, catho­lique par excel­lence, se mani­fes­tait par son atta­che­ment au dépôt révé­lé, atta­che­ment à tout ce qui a été don­né par Notre Seigneur à l’Eglise et trans­mis de géné­ra­tion en géné­ra­tion, et qui est la Tradition. Ce n’est pas un atta­che­ment fos­sile, une fidé­li­té morte, c’est un atta­che­ment à recueillir du pas­sé les prin­cipes, les leçons de vie pour vivre aujourd’hui, car la Vérité, Dieu, est au-​dessus du temps. La foi ne change pas, les prin­cipes sur­na­tu­rels de l’Eglise ne changent pas. Cette excom­mu­ni­ca­tion a eu pour consé­quence que tous ceux qui de près ou de loin tentent quelque chose dans le sens de l’attachement au pas­sé de l’Eglise, se font plus ou moins trai­ter de « lefeb­vristes ». C’est cette atti­tude catho­lique abso­lu­ment néces­saire à l’être même de l’Eglise et à sa conti­nua­tion qui a été excom­mu­niée. Nous deman­dons donc au Saint Père qui, par défi­ni­tion, en rai­son de sa fonc­tion, doit vou­loir le bien de l’Eglise et par consé­quent doit vou­loir aus­si cet être catho­lique qui a été atteint par ce décret d’excommunication, de le lever.

Nous avons des exemples de cette excom­mu­ni­ca­tion de la Tradition, nous pour­rions dire par cen­taines. Nous voyons des prêtres, des sémi­na­ristes…, mais sur­tout des prêtres qui ont eu un début de com­por­te­ment en direc­tion de la conser­va­tion de l’esprit tra­di­tion­nel, et tout de suite, ils ont reçu l’étiquette infa­mante. Je me sou­viens d’un Monsignore, à Rome, il était Brésilien, qui m’expliquait qu’au sémi­naire, un jour, il avait eu l’idée sau­gre­nue de mettre une che­mise noire, cela avait suf­fi pour qu’il soit trai­té de « lefeb­vriste » ! Et pour qu’il béné­fi­cie de cette répro­ba­tion. Ou un autre prêtre, cette fois aux Philippines, qui pen­dant des années se fai­sait dépla­cer de poste en poste, parce que lui aus­si était trop conser­va­teur. Il disait pour­tant la nou­velle messe, mais vou­lait la dire à peu près cor­rec­te­ment. C’était déjà trop. Lui aus­si était « lefeb­vriste » ! Un beau jour, il s’est dit : « Il faut quand même que je sache ce que cela veut dire ». Il a fini chez nous !

Mes bien chers frères, si nous deman­dons encore une fois le retrait de ce décret d’excommunication, insis­tons sur ce point, cela ne veut pas dire qu’après cela tout sera ter­mi­né. Bien au contraire, ce pas res­semble, si vous vou­lez, au défri­chage dans la jungle. Si vous vou­lez pas­ser, si vous vou­lez éta­blir une route ou qu’un avion atter­risse quelque part, il faut d’abord apla­nir, il faut défri­cher. C’est un tra­vail qui n’est pas encore essen­tiel ni à la piste d’atterrissage ni à la route à venir, mais qui est pour­tant très impor­tant et qui faci­lite les choses. L’essentiel, c’est la foi catho­lique, une fois débar­ras­sée des choses acces­soires sur les­quelles s’appuient pré­ci­sé­ment les adver­saires de la Tradition, comme cette éti­quette qu’on nous accole, nous espé­rons pou­voir aller enfin au fond des choses. Voyez-​vous, il a suf­fi ces der­nières semaines de quelques secousses dans les finances pour que tout le monde s’affole : il y a une crise éco­no­mique, il y a une crise finan­cière ! Si la terre bouge un peu trop fort, le monde est bou­le­ver­sé, et cha­cun constate qu’il y a un trem­ble­ment de terre. Aujourd’hui l’Eglise est mise sens des­sus des­sous et on nous dit que tout va bien. Non ! il faut aller au fond des choses. C’est bien sûr cela que nous vou­lons. C’est cette grâce-​là que nous deman­dons à la Sainte Vierge. Même s’il y a des étapes pour y arriver.

Nous ter­mi­nons sur cette pen­sée, mes bien chers frères, nous lan­çons non seule­ment une croi­sade du rosaire, une prière à Marie, mais aus­si puisque nous vivons des temps indes­crip­tibles et que nous voyons com­ment le Ciel insiste pour que nous ayons une rela­tion toute spé­ciale envers la Sainte Vierge, il nous semble que c’est bien le moment, à l’occasion de ce pèle­ri­nage pour renou­ve­ler notre consé­cra­tion à la Très Sainte Vierge. En 1984, cela fait déjà bien long­temps, toute la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X s’était consa­crée au Cœur Immaculé de Marie. Et nous attri­buons à cette pro­tec­tion de Notre Dame le fait que nous soyons ici, le fait que cette œuvre conti­nue de croître. Il ne s’agit pas de s’encenser per­son­nel­le­ment, mais tout sim­ple­ment de consta­ter les faits et d’en remer­cier le Bon Dieu et notre bonne Mère .

Cette consé­cra­tion a des consé­quences, il ne s’agit pas d’un simple acte, posé une fois, il faut en vivre. Consacrer, cela veut dire se don­ner. Dans cette consé­cra­tion, nous disons à la Vierge Marie : « Puisque nous nous sommes don­nés à vous, notre apos­to­lat est le vôtre, ce n’est plus le nôtre ». La res­pon­sable de cet apos­to­lat, c’est Notre Dame. A nous de la suivre, à nous de l’écouter. Se consa­crer, cela veut dire aus­si tra­vailler à l’imitation de ses ver­tus, de sa vie, dans tout ce que nous pou­vons imi­ter en elle, sa foi, son humi­li­té, sa pure­té. Ainsi donc, de grand cœur, en toute véri­té, renou­ve­lons cette consé­cra­tion, nous le ferons pour pro­cla­mer que nous la vou­lons comme notre Mère, comme notre Souveraine. C’est elle qui nous condui­ra à Notre Seigneur, c’est elle qui nous pro­té­ge­ra, c’est elle qui nous condui­ra à Dieu. Ainsi soit-il !

Ainsi soit-​il.

Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit

† Bernard Fellay

Vidéo du sermon audio de Mgr Fellay

Ce ser­mon du 26 octobre 2008 est dis­po­nible en ver­sion vidéo-​audio

FSSPX Premier conseiller général

De natio­na­li­té Suisse, il est né le 12 avril 1958 et a été sacré évêque par Mgr Lefebvre le 30 juin 1988. Mgr Bernard Fellay a exer­cé deux man­dats comme Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X pour un total de 24 ans de supé­rio­rat de 1994 à 2018. Il est actuel­le­ment Premier Conseiller Général de la FSSPX.