Ils étaient des centaines de milliers voire même plus d’un million à accourir à la béatification de Jean Paul II à Rome ce 1er mai dernier. Cet immense rassemblement était la réponse à la clameur entendue le 8 avril 2005, jour des obsèques de celui qui eut le 3e pontificat le plus long de l’histoire : « Santo Subito » scandait la foule. Moins d’un mois après son élection, sans attendre les 5 ans demandés par le droit canonique en vigueur, le 13 mai de la même année, Benoît XVI, autorisait l’ouverture du procès de béatification de son prédécesseur. Un concert de louanges s’éleva alors dans le monde entier. La Fraternité Saint Pie X, par la voix de son Supérieur Général, émit cependant des doutes sur l’opportunité d’une telle béatification. Un document fut envoyé au Vatican, exprimant toutes les interrogations qu’elle pouvait susciter.
Ce document (…) fut envoyé selon les normes du droit aux divers responsables du procès diocésains [1], afin d’être placé parmi les pièces du dossier et examiné avec le même soin que les autres. Parvenu à temps aux bureaux compétents, notre pli fut mystérieusement mis de côté, pour n’être décacheté qu’au lendemain de la clôture du procès diocésain, c’est-à-dire trop tard pour être pris en considération. (…) Portées par un autre biais à la connaissance des tribunaux, nos interrogations ne reçurent aucune réponse, bien au contraire : le 19 décembre 2009, le saint Siège déclarait l’héroïcité du pape défunt
Préface de Mgr Fellay à « Jean Paul II, doutes sur une béatification » éditions Clovis
Comment expliquer une telle répugnance de la part des autorités vaticanes à étudier le dossier présenté par la FSSPX ? Une étude approfondie du pontificat de Jean Paul II pouvait-elle remettre en cause cette belle unanimité de surface ? Jean Paul II ne serait-il pas au contraire le pape de la rupture avec la Tradition défendue par ses prédécesseurs ? Cette possibilité fait-elle peur alors que commence à s’élever des voix qui remettent en cause les « 40 glorieuses » qui ont suivit le concile ?
Il est impressionnant de constater combien, par ses paroles et ses actes, Jean Paul II s’est éloigné de ses prédécesseurs jusqu’à Pie XII. Il est, en effet, le premier pape depuis saint Pierre à avoir visité une synagogue ainsi qu’une mosquée. Il est aussi le premier souverain pontife à avoir organisé des réunions interreligieuses que Grégoire XVI, Pie IX, Léon XIII, Saint Pie X, Pie XI et Pie XII ainsi que le Droit canonique d’avant 1983 condamnaient de peines très sévères allant jusqu’à l’excommunication. Cette réunion d’Assise organisée en 1986, qu’il convoqua et présida, fut sans aucun doute l’acte le plus grave de son pontificat. A lui seul il aurait dû empêcher sa béatification. Le Code de 1917- en vigueur jusqu‘en 1983 ‑soulignait en effet « que ceux qui offrent une aide quelconque ou participent activement à des cérémonies avec des hérétiques seraient eux-mêmes suspects d’hérésie [2] ».
C’est parce que le Code de droit canonique de 1917 l’empêchait d’organiser cette réunion que Jean Paul II supprima cette article dans le nouveau droit publié en 1983. Une telle réunion est une désobéissance manifeste et gravissime au premier commandement de Dieu. Depuis cette date, ces réunions interreligieuses ou œcuméniques se sont multipliées et sont devenues habituelles jusqu’à nos jours. La religion catholique est ainsi ravalée au niveau des fausses religions. Le vrai Dieu est mis sur le même pied d’égalité que les faux dieux ainsi que l’erreur avec la Vérité éternelle. Cela porte un nom : c’est un blasphème !!
Mais quel est donc le motif qui a poussé le pape défunt à entreprendre toutes ces réformes ? La réponse se trouve dans son testament : « Je rends grâce au Pasteur éternel qui m’a permis de servir cette grande cause (le concile Vatican II) au cours de toutes les années de mon pontificat ». Comme il le répètera à plusieurs reprises, le concile Vatican II« grand don pour l’Eglise » auquel il participa activement « fut sa boussole ». Durant les 26 années de son pontificat il n’aura de cesse d’en appliquer les principes. La réunion d’Assise sera le point d’orgue de cette mission pour laquelle il s’est senti investie. Il l’exprimera aux cardinaux par ces mots : « la réunion d’Assise est la plus belle mise en pratique de l’enseignement de Vatican II [3] .»
Ainsi, Jean Paul II fut le pape du Concile auquel il consacra tout son pontificat. Par ses écrits et ses discours, par ses nombreux voyages, par les nominations d’évêques et de cardinaux qu’il effectua, par les Journées Mondiales de la Jeunesse qu’il initia, ce pape venu de l’Est a diffusé et institutionnalisé activement et avec efficacité l’enseignement de Vatican II dans le monde entier. C’est sous pontificat, suite à l’exemple qu’il a lui-même donné, que se sont multipliées les cérémonies interreligieuses, les liturgies excentriques et scandaleuses que les télévisions ont retransmises partout. C’est encore sous son pontificat et à la demande du Saint-Siège lui-même, que disparurent les dernier états officiellement catholiques. Tout cela au nom du concile !
De plus Jean Paul II, à la suite de Gaudium et Spes a enseigné la rédemption universelle des hommes. Comme le concile l’avait fait avant lui, il a proclamé, dès sa première encyclique que « par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte unit à tout homme [4] ». Par son Incarnation, Jésus Christ est venu confirmer son alliance avec l’homme. Jamais il ne dit que cette alliance a été rompue par le péché originel ou par les péchés personnels… La Rédemption est la manifestation de l’amour que Jésus porte à chaque homme. L’homme doit prendre conscience de cet amour et avoir confiance dans son salut… L’Eglise est une des voies qui lui est proposée pour y parvenir. L’immanentisme religieux, condamné par Saint Pie X dans son encyclique Pascendi Dominici Gregis est ainsi magnifié. C’est ainsi qu’on peut expliquer ces paroles incroyables que Jean Paul II prononça le 25 décembre 1978 :
« Noël est la fête de l’homme. C’est la naissance de l’homme (…) Si nous célébrons aujourd’hui de manière aussi solennelle la naissance de Jésus, nous le faisons pour rendre témoignage au fait que chaque homme est unique, absolument singulier. Au nom de cette valeur absolument unique de tout homme, et au nom de cette force que le Fils de Dieu offre à tout homme en se faisant homme (…) je leur dis : acceptez le mystère dans lequel vit tout homme, depuis que le Christ est né ! Respectez ce mystère ! (…) Dieu à trouver ses complaisances dans l’homme par le Christ » Cela revient à dire que ce fut un honneur pour le Christ de se faire homme ! C’est un renversement de toute la théologie.
Les conséquences de cet enseignement sont gravissimes. L’homme ainsi divinisé peut espérer le Ciel sans appartenir à l’Eglise catholique comme le suggère le Concile Vatican II dans les documents Unitatis redintegratio et Nostra Aetate. Cette doctrine nouvelle a tué l’esprit missionnaire et explique l’agonie des congrégations missionnaires. Celles-ci n’ont plus mission de convertir mais de témoigner à côté des autres religions !
Depuis quelques mois, à l’instar de la FSSPX, surtout depuis les discussions doctrinales, quelques voix s’élèvent pour critiquer Vatican II. La FSSPX n’est plus seule ! Ces réactions inquiètent ! La béatification du pape du Concile, du pape d’Assise devenait urgente pour décourager ces critiques et les décrédibiliser. Avec lui le concile Vatican II est béatifié ! La prochaine étape vers la canonisation est déjà en marche. Dès qu’elle sera atteinte, on espère alors que le concile sera définitivement intouchable !
Jean Paul II, durant son pontificat a voulu honorer et récompenser ceux qui avaient œuvré pour ce concile et soufferts des rigueurs de ses prédécesseurs. Il a alors élevé au cardinalat les pères Urs Von Balthasar, de Lubac et Congar bien que plusieurs de leurs ouvrages, empoisonnés de modernisme, aient été mis à l’index sous le pontificat de Pie XII. Il a aussi réhabilité le jésuite Teilhard de Chardin encensé par les chantres du modernisme, tandis qu’il a excommunié la Tradition catholique en condamnant Monseigneur Lefebvre et son œuvre qui ne faisait que continuer ce que l’Eglise avait toujours fait depuis deux mille ans . Jean Paul II a ainsi encouragé et enseigné une doctrine nouvelle et consommé une rupture évidente avec la Tradition.
Il convient, pour se convaincre de la réalité de cette rupture, de rappeler la doctrine professée par le concile Vatican I dans la constitution Pastor Aeternus sur la fonction du pape :
Le Saint Esprit n’a pas été promis aux Successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.
Jean Paul II a été le héraut du concile Vatican II que le cardinal Ratzinger a qualifié de « 1789 dans l’Eglise ». Béatifier Jean Paul II revient à béatifier le concile Vatican II cause première des maux qui affligent l’Eglise aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas prier Jean Paul II mais nous prierons pour le repos de son âme et pour son successeur sur le Trône de Pierre afin qu’il rompe avec l’enseignement de son prédécesseur et revienne à la Tradition qui seule rendra à l’Eglise toute sa splendeur et restaurera le Règne du Christ dans les âmes et dans le monde.
Dieu vous bénisse !
Padre Christian BOUCHACOURT, Supérieur du District d’Amérique du Sud
Extrait de Iesus Christus n° 34 de juin 2011