Entretien avec M. l’abbé Alain Marc Nély, nouveau prieur de Sierre (Suisse) – 30 Septembre 2018


Depuis le 15 août, notre prieu­ré a un nou­veau prieur en la per­sonne de M. l’abbé Alain Marc Nély. Faisons un peu connais­sance avec lui.

Le fidèle : Monsieur l’abbé, vous voi­là de retour au Valais ?

M. l’abbé Nély : Effectivement, je suis de retour puisque c’est au sémi­naire d’Ecône, où je suis entré en 1979, que j’ai été for­mé – avec deux années à Albano – et c’est sur la prai­rie d’Ecône que j’ai reçu l’ordination sacer­do­tale le 29 juin 1985 des mains de Mgr Marcel Lefebvre, notre véné­ré fondateur.

Quel a été votre pre­mier minis­tère ?

En rai­son d’une urgence pas­to­rale, j’ai été nom­mé en novembre 1984, encore sémi­na­riste, à l’école Saint-​Joseph des Carmes, à Montréal de l’Aude, près de Carcassonne (France), pour y secon­der le nou­veau direc­teur et y ensei­gner la phi­lo­so­phie. Ordonné prêtre en juin sui­vant, je suis reve­nu à cette école où je suis res­té en tout dix ans.

Après ce minis­tère, vous avez éga­le­ment été prieur ?

En août 1994, j’ai été nom­mé prieur du prieu­ré Saint-​Férréol à Marseille et doyen de la région Provence-Alpes-Côte‑d’Azur. A cette occa­sion, j’ai eu la joie de pou­voir tra­vailler dans une mai­son qui des­ser­vait plu­sieurs centres de messes et à laquelle était atta­chée une petite école. Il m’a été don­né aus­si de veiller sur les prêtres du doyen­né et de répondre au désir de notre fon­da­teur d’accueillir dans nos mai­sons des prêtres fidèles âgés ou infirmes.

Avez-​vous un sou­ve­nir par­ti­cu­lier ?

Le sou­ve­nir de Mgr Paul Grasselli (1899–2000), ancien curé de Sainte Agnès à Berkane (Maroc Oriental), pré­lat du dio­cèse de Fort-​de-​France, cha­pe­lain de Sa Sainteté depuis 1988, poète à ses heures et qui por­tait fiè­re­ment ses déco­ra­tions, fut un moment fabu­leux dans ma vie sacer­do­tale. Le contact avec les prêtres qui ont connu la vie de l’Eglise avant les réformes conci­laires est très enrichissant.

N’avez-vous pas encore été éga­le­ment supé­rieur de dis­trict ?

Après dix nou­velles années, j’ai été nom­mé à Albano, près de Rome, à la tête du dis­trict d’Italie. Comme le disent nos sta­tuts : « C’est tout un pays qui est confié à l’apostolat d’un supé­rieur de dis­trict. » Telle est la dif­fé­rence essen­tielle avec la mis­sion d’un prieur, comme je l’ai été à Marseille, et, plus encore, avec celle d’un col­la­bo­ra­teur, comme je le fus à Saint-​Joseph des Carmes. Etre res­pon­sable d’un pays entier, c’est se consa­crer moins à l’apostolat direct qu’à tout ce qui rend pos­sible et fruc­tueux l’apostolat, c’est-à-dire les hommes, les lieux et les ins­tru­ments matériels.

Vous n’avez pu y tra­vailler que deux années, il me semble ?

Effectivement, je n’ai assu­mé la charge de supé­rieur de dis­trict que deux ans, de 2004 à 2006, puisque le 3ème Chapitre géné­ral de la Fraternité Saint-​Pie X me choi­sit comme deuxième Assistant du Supérieur Général, Mgr Bernard Fellay qui fut pour sa part élu pour un second man­dat. Il me fal­lut alors démé­na­ger à Menzingen et me consa­crer encore moins à l’apostolat direct pour m’occuper des prêtres, des reli­gieux et reli­gieuses, dans le monde entier.

En quoi consis­tait votre fonc­tion d’assistant du Supérieur géné­ral ?

Nos sta­tuts le disent clai­re­ment et, de tout mon cœur, j’ai cher­ché à y être fidèle : 

« Le Supérieur Général et ses deux Assistants feront tout ce qu’ils juge­ront utile pour pré­ser­ver entre­te­nir et aug­men­ter dans les cœurs de tous ceux qui ont des fonc­tions et de tous les membres de la Fraternité une grande géné­ro­si­té, un pro­fond esprit de foi, un zèle ardent au ser­vice de l’Eglise et des âmes. A cet effet, ils orga­ni­se­ront et diri­ge­ront des exer­cices spi­ri­tuels, des réunions qui aide­ront la Fraternité à ne pas tom­ber dans la tié­deur, dans les com­pro­mis­sions avec l’esprit du monde. Ils mani­fes­te­ront dans leur atti­tude et leur vie quo­ti­dienne l’exemple des ver­tus sacerdotales. »

La fonc­tion d’assistant vous a donc ame­né à beau­coup voya­ger ?

Oui, jus­te­ment pour mani­fes­ter à tous les membres de la Fraternité sacer­do­tale Saint-​Pie X – pré­sente dans 37 pays et des­ser­vant 35 autres pays, soit un nombre de 72 contrées (avril 2018) – cette sol­li­ci­tude vou­lue par notre fon­da­teur. Avec le Supérieur géné­ral et le 1er Assistant, nous avons prê­ché de nom­breuses retraites, non seule­ment pour nos membres mais encore pour les com­mu­nau­tés amies, don­né des confé­rences aux prêtres, aux fidèles, et cela dans de nom­breuses langues. Il m’a fal­lu pour cela, en plus de l’anglais et de l’italien, apprendre l’espagnol.

Pouvez-​vous nous racon­ter des ren­contres ori­gi­nales faites au cours de vos dépla­ce­ments ?

Il y a, certes, des ren­contres éton­nantes dans les avions ou les aéro­ports. Le cos­tume ecclé­sias­tique que je porte per­met à ceux que je croise de savoir à qui ils s’adressent. Il m’est arri­vé quel­que­fois – je me sou­viens pré­ci­sé­ment de l’aéroport de Tokyo ou de celui de Zurich – de ren­con­trer des évêques, qui réagissent plus ou moins bien, ou des prêtres qui viennent me voir, ont envie de dis­cu­ter, veulent connaître la Fraternité. Mais nous pas­sons de l’aéroport au prieu­ré et du prieu­ré à l’aéroport dans des délais courts, qui ne laissent pas beau­coup de place aux entre­vues inopi­nées. Une ren­contre faite au cours d’un voyage au Vanuatu, au mois de février 2017, me revient à l’esprit.

Nous venions d’ouvrir là-​bas une mis­sion dans un vil­lage et je vou­lais ren­con­trer l’évêque du lieu pour faire sa connais­sance. J’arrive donc dans la cour de l’évêché avec l’abbé Louis Bochkoltz, qui s’occupait du Vanuatu, de la Nouvelle-​Calédonie et de la Nouvelle Zélande. J’aperçois un mon­sieur cor­pu­lent en maillot bleu, pieds nus dans des san­da­lettes. Je lui dis que je suis de la Fraternité Saint-​Pie X et que j’aimerais ren­con­trer l’évêque. « Ah non ! Il n’a rien à faire avec vous, me répond-​il, vous êtes hors de l’Eglise… » « Mais qui êtes-​vous ? » lui dis-​je alors. « Je suis l’évêque… » « Monseigneur, je suis déso­lé, je suis l’abbé Nély, deuxième Assistant, etc. » « Mais vous venez dans mon dio­cèse mettre la pagaille », me répond-​il. « J’ai ren­con­tré le Saint-​Père il y a quelques jours, il a été beau­coup plus agréable que vous ! » lui ai-​je rétor­qué. Je lui montre une pho­to sur laquelle je suis avec le pape François. Changeant alors com­plè­te­ment d’attitude, il m’a dit à ce moment-​là qu’il nous tolé­rait, et nous nous sommes quit­tés là-​dessus. Je lui ai alors pro­mis de lui envoyer un petit mot de Rome lors de mon pro­chain séjour…

La fonc­tion d’assistant vous a donc aus­si ame­né à avoir des contacts avec les auto­ri­tés romaines ?

Nous avons été asso­ciés aux contacts que le Supérieur Général avait avec Rome. Il y a eu des moments très dif­fi­ciles, comme ceux qu’a connus notre fon­da­teur en 1987–1988, juste avant les sacres épis­co­paux. Mais ce qui avait chan­gé, c’est le rôle néfaste d’internet : les pro­pos du moindre pré­di­ca­teur étaient connus du monde entier en quelques minutes…

A pro­pos de ces contacts avez-​vous sen­ti, après les avan­cées du pape François (à pro­pos des confes­sions, des mariages…), un chan­ge­ment d’attitude des évêques ?

Plusieurs évêques en France ont trans­mis tout pou­voir pour les mariages à la Fraternité : Mgr Alain Planet, évêque de Carcassonne et Narbonne, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-​Toulon et Mgr Luc Ravel, arche­vêque de Strasbourg (et co-​consécrateur de Mgr Jean-​Marie Lovey). Un évêque en Nouvelle Zélande l’a fait éga­le­ment, et le nonce en Argentine a écrit à tous les évêques pour leur deman­der de lais­ser à la Fraternité les cou­dées franches. Et bien d’autres…

L’évêque de Sion, Mgr Jean-​Marie Lovey, n’a‑t-il pas agit de même ?

Dans un pre­mier temps oui, il décla­ra à M. l’abbé Pascal Schreiber qu’il don­ne­rait sans dif­fi­cul­té la délé­ga­tion à tous les prêtres de la Fraternité mais qu’il sou­hai­tait que les mariages aient lieu dans nos églises ou cha­pelles (juin 2017). Puis il pro­mul­ga un décret ren­dant « obli­ga­toire l’utilisation des docu­ments offi­ciels de l’Eglise dio­cé­saine » (17 août 2017). Comme les for­mu­laires dio­cé­sains divergent sur quelques points des nôtres (qui reprennent en géné­ral les for­mu­laires dio­cé­sains d’avant le Concile Vatican II), en ce qui regarde notam­ment l’ordre des fina­li­tés du mariage, nous sou­hai­tions pou­voir conser­ver les nôtres. De plus, il nous était deman­dé d’inscrire nos mariages dans les registres parois­siaux (décembre 2017). Par ce pro­cé­dé, Mgr Jean-​Marie Lovey veut faire des mariages célé­brés par les prêtres de la Fraternité des mariages dio­cé­sains. Cela nous semble contraire à ce qu’a vou­lu nous accor­der le pape.

Une der­nière ques­tion pour ter­mi­ner : connaissez-​vous déjà vos collaborateurs ?

J’ai connu l’abbé Pierre-​Marie Maret au sémi­naire puisqu’il a été ordon­né deux ans après moi. De plus, sémi­na­riste, je don­nais des cours de caté­chisme à Martigny et l’actuel abbé Claude Pellouchoud a été mon élève. Je ne connais pas encore beau­coup le frère Michel, mais je suis sou­la­gé de consta­ter qu’il parle un peu le fran­çais. L’allemand est une langue que je n’ai mal­heu­reu­se­ment pas eu le temps d’apprendre…

Nous vous sou­hai­tons la bien­ve­nue et espé­rons que les fidèles sau­ront pro­fi­ter de toute votre expé­rience pour « ne pas tom­ber dans la tié­deur, dans les com­pro­mis­sions avec l’esprit du monde ».

Vous pou­vez comp­ter sur moi pour faire tout mon pos­sible, avec la grâce de Dieu et l’aide de mes pré­cieux col­la­bo­ra­teurs, « pour pré­ser­ver entre­te­nir et aug­men­ter dans les cœurs de tous une grande géné­ro­si­té, un pro­fond esprit de foi, un zèle ardent au ser­vice de l’Eglise et des âmes. » Avec mes col­la­bo­ra­teurs, nous nous recom­man­dons par contre à vos fer­ventes prières. Avec ma béné­dic­tion sacerdotale. 

Sources : Mitis et Humilis (1) n° 74 /​La Porte Latine du 30 octobre 2018

(1) Bulletin des cha­pelles de Sion et Sierre – Prieuré du Sacré-​Cœur – Route des Lacs 25 – 3960 Sierre (VS) – tél. 027 455 53 22)