« Je demande humblement à un homme simple, au sourire sincère, à un Évêque à la stature énorme, Monseigneur Bernard Fellay, de m’accueillir dans le combat contre l’autodémolition de l’Église »
Dans les trois lettres reproduites ci-dessous, Don Massimo Sbicego, 38 ans, curé d’une paroisse du diocèse de Vincenza (Italie) expliques les raisons qui l’ont « obligé » à rejoindre la FSSPX
Lettre à ses anciens paroissiens du 11 janvier 2011
Bien chers Fidèles,
Il me semble opportun, après quelques jours, de sortir de la réserve qui a caractérisé mon départ : sachez avant tout que cela m’a fait de la peine à moi aussi de ne pas vous avoir salué en personne pour vous témoigner l’estime que j’ai pour vous.
Ma décision d’entrer dans la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, et les motivations qui l’ont déterminée ne datent pas d’hier : déjà il y a deux ans j’en avais parlé avec Monseigneur Nosiglia, qui était alors l’archevêque de Vicenza (Vicence) pour lui demander de m’accorder une année « sabbatique » pour me rendre dans l’une des maisons de la Fraternité.
À la mi-décembre j’ai parlé de nouveau et en toute franchise de ma décision avec Monseigneur Furian ; l’administrateur diocésain m’a reçu et écouté avec une extrême bienveillance, en me manifestant son désir que je laisse l’autorité diocésaine se charger elle-même de la tâche de donner des explications. Cette intention m’a également été manifestée par le Vicaire du lieu. Cette demande m’est parue raisonnable et j’ai trouvé que l’accepter était de ma part un signe de bonne volonté envers mes supérieurs que je voulais laisser libres de gérer au mieux la situation qui se présentait : je m’en suis donc allé sans bruit afin, entre autre, d’éviter de vous impliquer directement dans cette délicate question de conscience. C’est tout.
Vous trouverez ci-joint la même lettre et le même petit mot d’accompagnement que j’ai envoyés à Monseigneur Furian, après notre entretien personnel de la mi-décembre ; ce sont des textes qui expriment non seulement la conscience d’une situation ecclésiale, mais aussi ce que je pense au fond de moi.
Je remercie tous ceux qui au cours des derniers jours m’ont exprimé qu’ils m’étaient proches. Je vous salue affectueusement et je demande au Seigneur de vous bénir.
Don Massimo
Lettre à Don Ludovico du 21 décembre 2010
Très cher don Ludovico,
Je te remercie de tout cœur pour l’entretien paternel du 14 décembre et pour la lettre que tu m’as envoyée par la suite ; j’ai ressenti dans cette lettre l’estime, la compréhension et l’humanité qui du reste est réciproque.
Le choix de la Fraternité Saint Pie X, à part être un choix de conscience, se base sur de profondes convictions doctrinales, sur une recherche de Vérité, qui est Notre Seigneur, qui m’ont interrogé, et parfois inquiété, pendant des années jusqu’à remettre en discussion le ministère que j’ai reçu. Dans la Fraternité j’ai trouvé le sens profond du Prêtre Catholique, à tel point que je pourrais oser dire : « La plupart penseront que je quitte le Diocèse ; en réalité, en tant que Catholique, je suis en train de revenir à la maison « .
Don Massimo
Lettre du 14 décembre 2010 à Mgr Ludovico Furian, Administrateur diocésain
Je m’apprête à écrire ces quelques lignes pour rendre raison d’un choix qui est un choix de conscience, de Foi, et surtout de cohérence avec l’appel de Notre Seigneur au Sacerdoce et avec l’idéal sacerdotal.
Souvent on nous demande à nous prêtres si nous avons rencontré Jésus ; aujourd’hui je peux dire : « Oui ! Je L’ai rencontré ». Je l’ai rencontré aux pieds d’une croix qui surplombait un vieil autel, pendant que j’offrais la Victime Sainte et Immaculée, pour mes péchés, pour ceux qui assistaient à la Sainte Messe, pour tous les fidèles chrétiens vivants et défunts. Je l’ai rencontré à travers un rite liturgique, celui de toujours, celui que le Saint Père veut revaloriser malgré des milliers d’obstacles, qui signifie bien plus qu’une cérémonie extérieure : ce rite rend réellement présent le Calvaire et le Sacrifice de la Croix entre mes mains, d’une manière mystérieuse mais claire, il me fait être et sentir uni au Christ, surtout à travers le désir de L’imiter comme prêtre, pasteur et d’une certaine manière comme victime, en offrant mes croix quotidiennes en union avec Lui.
Pendant que je célébrais le Saint Sacrifice le Seigneur lui-même a réveillé en moi une graine assoupie, presque suffoquée par des pastorales qui ne mènent à rien et par des « virages anthropologiques » poétiques, la graine de Son appel au Sacerdoce : « Je te veux pour Moi, pour le Salut des âmes » : voilà l’idée qui jaillit du Saint Sacrifice de la Messe, l’unique, la Sainte Messe de toujours. Pour moi aujourd’hui, il est incroyable et insupportable que la Sainte Messe, le cœur vivant et battant de la Grâce dans l’Église, soit soumise au crible de ceux qui la trouvent « ennuyeuse », qu’il y ait besoin de « réfléchir sur comment valoriser les signes » de manière créative, avec des personne qui, de la vie et du Sacrifice de Notre Seigneur ont compris peu de choses, voire rien. Par ailleurs, je me rends compte que ce problème est lié à la nature conviviale du Novus Ordo : le repas s’il n’est pas séduisant, vivant, émotionnant est une invitation importune ; je pense que le risque concret est de construire une célébration et une Église adolescentes, qui cherchent à « séduire » plus qu’à « sanctifier ».
Une voix influente a parlé d’ « apostasie silencieuse » : la même que celle que j’ai par expérience vu se répandre chez nos enfants et nos jeunes en enseignant dans les collèges et les lycées, en les rencontrant à la paroisse plutôt que dans la rue ; je pense que cela dérive d’avoir endossé inconsciemment la mentalité du monde contemporain avec son égoïsme, l’absence d’esprit de sacrifice, de la mortification, la négation ou l’ignorance du surnaturel, le relativisme religieux et éthique, etc. Pourtant, le point dolens est que nos parcours de catéchisme, les groupes, l’IRC (NDLR : Enseignement de la Religion Catholique.), favorisent tout cela, pendant que la doctrine catholique est oubliée, non enseignée, parfois même ridiculisée en faveur de « dimensions humaines » qui n’en viennent jamais au fait : mûrir un choix conscient et inconditionnel de Foi et de vie Catholique.
Face à cela, la Sainte Messe Tridentine impose, avec la force de la Grâce et de la Tradition, une mise en discussion de notre tiédeur, une réforme personnelle de vie, en même temps qu’une ecclésiologie sensée dans laquelle les fidèles continuent leur combat dans le monde, au travail, en famille, dans le sport, en découvrant que le monde ne les aime pas parce qu’ils sont du Christ et de l’Église Catholique ; les Prêtres se consacrent à Dieu, dans l’oraison et dans l’apostolat, pour soutenir, exhorter, faire mûrir, donner la Grâce sacramentelle qui est le Christ lui-même.
Un combat pacifique, et non pas irénique, et certainement pas avec un « profil bas » ; je sens qu’on ne peut proroger une Églisequi ait le courage de la Vérité, le courage de la redire aujourd’hui, parce que la Doctrine n’est pas sa propriété mais représente le Bon Dépôt que le Christ Lui a donné : l’Unicité du Salut de Notre Seigneur ; le sens de la vie orientée vers les quatre fins de l’Homme ; le sens du Sacrifice du Christ dont chacun peut recevoir la Grâce qui sauve ; le sens d’un engagement sérieux, fait d’ascèse et de caritas, que le Seigneur récompensera au moment opportun ; le sens de la Présence Vraie, Réelle, du Christ dans l’Hostie ; le sens de l’Espérance pour tous les crucifiés de l’histoire, parce que le Christ a été le premier d’entre eux et qu’Il continue à l’être quotidiennement sur l’Autel ; le sens d’une Église capable encore d’enseigner aux jeunes à se mettre à genoux pour réciter le Saint Rosaire ; le sens d’une Parole au service du Saint Sacrifice ; une Parole illuminée par la Tradition constante plutôt qu’abandonnée à des interprétations hors du temps, éphémères, au « magistère » subjectif de la ménagère lambda, plutôt que de l’improbable exégète de service, en opposition avec le Magistère de l’Église.
Combien ce passage de Saint Paul me fait réfléchir, qui dit : « En effet, un jour viendra où l’on ne supportera plus la saine doctrine, mais, pour le plaisir d’entendre quelque chose, les hommes s’entoureront de maîtres selon leurs propres désirs, refusant d’écouter la vérité pour se tourner vers les fables »…. Et que de confusion j’entends, que de banalités, que de sottises, que de « théologies » à la page* (*NDLR : en français dans l’original italien).
Aujourd’hui je suis prêt pour choisir Notre Seigneur, plus peut-être que lorsque j’ai été ordonné, il y a dix ans, parce que je vois l’histoire qu’Il a écrite avec moi ; tout en étant triste pour tant de confrères qui, même récemment, ont abandonné le ministère, avec un peu de nostalgie pour le Diocèse que je continue d’aimer et auquel je reste profondément lié, aujourd’hui je choisis de continuer ma vie de consécration là où Il est présent avec Vérité, Foi, Doctrine, Espérance, pour un avenir de reconstruction de l’Église : je choisis la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.
Je demande humblement à un homme simple, au sourire sincère, à un Évêque à la stature énorme, Monseigneur Bernard Fellay, de m’accueillir dans le combat contre l’autodémolition de l’Église, afin que le Christ ressuscite dans les cœurs et dans les sociétés.
Par la présente je donne donc ma démission en tant que prêtre de l’Unité pastorale Alta Valdastico à partir de midi du 30 décembre, en priant pour Vous, Monseigneur Vicaire, en vous demandant de pourvoir au soin pastoral de ces paroissiens que j’aime.
Tant que je suis resté, je Vous ai donné mon cœur et je me suis efforcé de transmettre un peu de la Foi Catholique. Cependant, sans la Sainte Messe de toujours, la Messe Tridentine, le ciel reste fermé et la dérive est inévitable. (M. Devies, « La riforma liturgica anglicana »).
Convaincu du respect réciproque pour ce choix de conscience si longuement préparé et de la prière réciproque qui nous unit à l’Unique Église Catholique, je supplie le Seigneur afin que : « Corpus Domini nostri Iesu Christi custodiat animam nostram in vitam æternam ».
Don Massimo
Traduction par La Porte Latine