Le Concile Vatican II et le salut des âmes

L’Église a clai­re­ment défi­nit dans son magis­tère pérenne la doc­trine catho­lique sur le salut des âmes. Une déna­tu­ra­tion, en revanche, advint durant le Concile Vatican II, où se véri­fie un volte-​face radi­cal sur l’Église et son rôle d’évangélisation.

La nou­velle base doc­tri­nale sur laquelle ces chan­ge­ments se fondent peut se résu­mer en une parole : œcu­mé­nisme.

Le terme œcu­mé­nisme désigne un mou­ve­ment, né dans des groupes de non-​catholiques du XIXe siècle, qui a pour but la col­la­bo­ra­tion et le rap­pro­che­ment des diverses confes­sions chré­tiennes. Ce cou­rant par­vint en 1948 à la fon­da­tion du Conseil œcu­mé­nique des Églises et les mêmes prin­cipes ont conduit ensuite au dia­logue inter­re­li­gieux avec les reli­gions non-chrétiennes.

L’Église en prit tout de suite ses dis­tances et le pape Pie XI publia, déjà en 1928, l’en­cy­clique Mortalium ani­mos, dans laquelle il le condam­nait, non seule­ment parce qu’i­nop­por­tun à cause des cir­cons­tances, mais parce que les prin­cipes aux­quels il fai­sait appel sont contraires à la foi et à la bonne doc­trine, puis­qu’ils induisent la confu­sion dans les âmes et le rela­ti­visme, lais­sant croire que chaque reli­gion peut contri­buer au salut.

Cette ency­clique est très claire et je dirais presque pro­phé­tique, parce que avec elle le magis­tère de l’Église condamne par anti­ci­pa­tion les erreurs actuelles.

Nous en repro­dui­sons les pas­sages les plus significatifs :

« Il est vrai, quand il s’a­git de favo­ri­ser l’u­ni­té entre tous les chré­tiens, cer­tains esprits sont trop faci­le­ment séduits par une appa­rence de bien. (…) De telles entre­prises ne peuvent, en aucune manière, être approu­vées par les catho­liques, puis­qu’elles s’ap­puient sur la théo­rie erro­née que les reli­gions sont toutes plus ou moins bonnes et louables. (…) En véri­té, les par­ti­sans de cette théo­rie s’é­garent en pleine erreur, mais de plus, en per­ver­tis­sant la notion de la vraie reli­gion ils la répu­dient, et ils versent par étapes dans le natu­ra­lisme et l’a­théisme. La conclu­sion est claire : se soli­da­ri­ser des par­ti­sans et des pro­pa­ga­teurs de pareilles doc­trines, c’est s’é­loi­gner com­plè­te­ment de la reli­gion divi­ne­ment révélée.

Dans ces condi­tions, il va de soi que le Siège Apostolique ne peut, d’au­cune manière, par­ti­ci­per à leurs congrès et que, d’au­cune manière, les catho­liques ne peuvent appor­ter leurs suf­frages à de telles entre­prises ou y col­la­bo­rer ; s’ils le fai­saient, ils accor­de­raient une auto­ri­té à une fausse reli­gion chré­tienne, entiè­re­ment étran­gère à l’u­nique Église du Christ. (…) Il n’est pas per­mis, en effet, de pro­cu­rer la réunion des chré­tiens autre­ment qu’en pous­sant au retour des dis­si­dents à la seule véri­table Église du Christ, puis­qu’ils ont eu jadis le mal­heur de s’en sépa­rer. (…) La conclu­sion est claire : se soli­da­ri­ser des par­ti­sans et des pro­pa­ga­teurs de pareilles doc­trines, c’est s’é­loi­gner com­plè­te­ment de la reli­gion divi­ne­ment révélée. »

De ce texte magis­tral on en déduit diverses véri­tés de foi, comme la claire iden­ti­fi­ca­tion de l’Église du Christ comme l’Église catho­lique laquelle pos­sède en soi l’u­ni­té de la foi, contrai­re­ment à ceux qui s’en sont éloi­gnés. Ceux-​ci pour­ront la retrou­ver seule­ment en reve­nant à la ber­ge­rie dont ils se sont sépa­rées c’est-​à-​dire l’Église catho­lique. Le Pontife enseigne clai­re­ment que c’est contraire à la reli­gion révé­lée de contri­buer à des réunions inter-​religieuse entre chré­tiens, parce que celles-​ci pré­sup­posent que toutes les diverses reli­gions sont toutes bonnes et louables.

Pour ces rai­sons l’Église s’est tou­jours effor­cée de rame­ner à l’u­ni­té du Corps mys­tique les membres des com­mu­nau­tés sépa­rées. Il suf­fit de pen­ser au concile de Lyon (1245–0274) et au concile de Florence (1439) par rap­port aux schis­ma­tiques.; à la sup­plique de Pie IX à l’oc­ca­sion du concile Vatican Ier et à celle de Léon XIII aux confes­sions chré­tiennes en 1894.

Le concile Vatican II

Le concile Vatican II a consa­cré le décret Unitatis redin­te­gra­tio à l’œcuménisme et la décla­ra­tion Nostra aetate au dia­logue interreligieux.

Une nou­velle doc­trine est à la base de ces textes, qui pré­sentent les autres confes­sions chré­tiennes et aus­si les reli­gions non chré­tiennes comme des expres­sions, moins par­faites mais valables, de la reli­gion divine et donc comme che­mins qui conduisent réel­le­ment à Dieu et au salut éternel.

De tels ensei­gne­ment se relient à une nou­velle concep­tion de l’Église qui trouve son fon­de­ment dans la fameuse affir­ma­tion de la Constitution Lumen gen­tium au n° 81, selon laquelle l’Église du Christ sub­siste dans celle catho­lique. Avec cela on veut signi­fier, comme il appa­raît du contexte conci­liaire, que l’Église du Christ ne cor­res­pond pas à l’Église romaine, visible dans son appa­rat hié­rar­chique, à laquelle on appar­tient par la foi, le bap­tême et la sou­mis­sion aux pas­teurs légi­times, mais qu’en réa­li­té elle est plus ample, une enti­té plus vaste qui com­prend toutes les reli­gions chré­tiennes et, par exten­sion, aus­si celles non chré­tiennes, dont Dieu se sert comme moyen pour conduire les hommes au salut.

Le pas­teur pro­tes­tant Wilhelm Schmidt, obser­va­teur au concile, a reven­di­qué la pater­ni­té de cette nou­velle expression :

« J’ai pro­po­sé par écrit la for­mule « sub­sis­tit in »(1) à celui qui était alors le conseiller théo­lo­gique du car­di­nal Frings, Joseph Ratzinger, qui l’a trans­mise alors au cardinal. »

L’Église du Christ, donc, se réa­li­se­rait par­fai­te­ment dans l’Église catho­lique (sa sub­sis­tance) mais elle s’é­ten­drait en-​dehors d’elle de manière impar­faite, grâce à « des élé­ments ecclé­siale » pré­sents dans d’autres confes­sions chrétiennes.

Le décret Unitatis redin­te­gra­tio confirme cette nou­velle doc­trine avec des paroles très claires :

« En consé­quence, ces Églises et com­mu­nau­tés sépa­rées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de défi­ciences, ne sont nul­le­ment dépour­vues de signi­fi­ca­tion et de valeur dans le mys­tère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se ser­vir d’elles comme de moyens de salut, dont la ver­tu dérive de la plé­ni­tude de grâce et de véri­té qui a été confiée à l’Église catholique. »

D’une telle théo­rie il résulte que la grâce du salut peut être concé­der en-​dehors de l’Église catho­lique, sans son inter­mé­diaire, dans une autre reli­gion et par une autre religion.

Ainsi l’Église romaine n’est plus pré­sen­tée comme l’u­nique socié­té reli­gieuse qui conduit au salut, et les autres confes­sions chré­tiennes (et aus­si les reli­gions non chré­tiennes comme il res­sort de Nostra aetate) sont consi­dé­rées comme d’autres expres­sions, moins par­faites mais valables, de la reli­gion divine et donc comme che­mins qui conduisent réel­le­ment à Dieu et au salut éternel.

Une telle inter­pré­ta­tion a été confir­mée par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans la décla­ra­tion Dominus Jesus du 6 août 2000(2), par laquelle on rejette l’in­ter­pré­ta­tion moder­niste la plus extrême, selon laquelle l’Église catho­lique ne serait qu’une réa­li­sa­tion par­mi les autres de l’Église du Christ. On y affirme en effet que l’Église du Christ conti­nue à exis­ter dans sa plé­ni­tude dans l’Église catho­lique, mais on réitère que de nom­breux élé­ments de sanc­ti­fi­ca­tion et de véri­té sub­sis­te­raient en-​dehors de ses struc­tures, c’est-​à-​dire dans les églises et com­mu­nau­tés sépa­rées qui ne sont pas encore en pleine com­mu­nion avec elle, réaf­fir­mant ain­si l’en­sei­gne­ment du concile. 

Ceci ne cor­res­pond abso­lu­ment pas à la doc­trine tra­di­tion­nelle et Pie XII ensei­gnait clai­re­ment qui s’il est vrai que par excep­tion le salut pour­rait se réa­li­ser en-​dehors des limites visibles de l’Église, cela ne peut se pro­duire que de manière stric­te­ment indi­vi­duelle, tou­jours à tra­vers la vraie Église et non par la média­tion des fausses reli­gions. Celles-​ci, en effet, par leurs erreurs éloignent plu­tôt les hommes de la voie de la justification.

Vatican II, au contraire, affirme que le salut peut se réa­li­ser, bien qu’im­par­fai­te­ment, en dehors des limites visibles de l’Église, d’une manière non seule­ment indi­vi­duelle, mais sociale : l’Esprit-​Saint uti­li­se­rait la média­tion sociale et visible des autres reli­gions pour dis­pen­ser le salut, média­tion bien réelle, même si moins par­faite, de celle de l’Église catho­lique qui devient ain­si le moyen géné­ral du salut, à côté d’é­co­no­mies impar­faites, mais valides, dont le Christ peut se ser­vir. C’est l’af­fir­ma­tion expli­cite de Unitatis redin­te­gra­tio, avec laquelle l’en­sei­gne­ment de Jean-​Paul II in Redemptoris mis­sio se trouve en par­faite continuité.

De là naît la nou­velle notion de « com­mu­nion impar­faite ».

L’enseignement tra­di­tion­nel de l’Église est simple : pour être sau­vé il faut appar­te­nir à l’Église ou réel­le­ment (à tra­vers les trois condi­tions clas­siques : bap­tême, foi catho­lique, sou­mis­sion aux pas­teurs légi­times) ou au moins de vœu (par un désir expli­cite ou impli­cite). Ceux, donc, qui n’ap­par­tiennent pas à l’Église et qui n’en ont aucun désir même impli­cite, ne peuvent pas, dans ces dis­po­si­tions, obte­nir le salut.

Selon cer­tains textes conci­liaires, en revanche, les chré­tiens non catho­liques seraient en soi en « com­mu­nion impar­faite » avec l’Église, et tous les hommes, même les non chré­tiens, seraient « ordon­nés au peuple de Dieu ».

Le décret Unitatis redin­te­gra­tio, par­lant des célé­bra­tions des com­mu­nau­tés schis­ma­tiques ortho­doxes, affirme que : 

« Ainsi donc, par la célé­bra­tion de l’Eucharistie du Seigneur dans ces Églises par­ti­cu­lières, l’Église de Dieu s’édifie et gran­dit, la com­mu­nion entre elles se mani­fes­tant par la concélébration. »

Avec ce texte on com­prend clai­re­ment qu’une com­mu­nau­té sépa­rée de la vraie Église catho­lique est consi­dé­rée appar­te­nir à « l’Église de Dieu ».

La décla­ra­tion Nostra aetate, ensuite, chante des hymnes de louanges en l’hon­neur de l’hin­douisme, du boud­dhisme, de l’is­la­misme et du judaïsme.

Le Postconcile

Ces nou­velles doc­trines ensei­gnés au Concile ont été expli­ci­tées dans les années sui­vantes dans leur sens évident.

Le car­di­nal Wojtyla, durant la retraite qu’il prê­cha au Vatican en 1976, déve­lop­pa la thèse selon laquelle tous les hommes, quelle que soit sa reli­gion, prient le vrai Dieu :

« Ce Dieu, dans son silence, que pro­fesse le trap­piste ou le camal­dule. A lui s’a­dresse le bédouin dans le désert, quand arrive l’heure de la prière. E peut-​être aus­si le boud­dhiste concen­tré dans sa contem­pla­tion qui puri­fie sa pen­sée en pré­pa­rant la route au nir­va­na. Dieu, dans sa trans­cen­dance abso­lue, Dieu qui trans­cende abso­lu­ment tout le créé, tout ce qui est visible et compréhensible. »

Une fois élu pape, Jean-​Paul II dans son ency­clique Ut unum sint (n°11) affir­ma que : 

« Dans les autres com­mu­nau­tés chré­tiennes il y a une pré­sence active de l’u­nique Église du Christ. »

Dans l’en­cy­clique Redemptor homi­nis il cherche une jus­ti­fi­ca­tion patris­tique aux nou­velles doctrines :

« A juste titre les pères de l’Église voyaient dans les diverses reli­gions comme autant de reflets d “une unique véri­té, comme des « semences du Verbe. »

Il se réfère à saint Justin et à saint Clément d’Alexandrie. Le Concile avait lan­cé cette idée mais les Pères de l’Église n’ont recon­nu rien de tel. Leurs textes, qui sont invo­qués, ne parlent en réa­li­té d’au­cune reli­gion païenne, mais des phi­lo­sophes et des poètes. Saint Justin pré­cise que cette « semence » répan­due sur toute l’hu­ma­ni­té est la rai­son natu­relle et il la dis­tingue avec soin de la grâce.

Personne ne peut nier que, suite aux nou­velles doc­trines ensei­gnées par le Concile, il y ait eu un vrai chan­ge­ment dans l’at­ti­tude envers ces autres reli­gions. L’Église a tou­jours essayé d’é­van­gé­li­ser les adeptes des fausses reli­gions pour les conver­tir, tan­dis que l’é­glise post-​conciliaire, en revanche, assume l’at­ti­tude du « dia­logue ».

Le docu­ment Dialogue et mis­sion du Secrétariat pon­ti­fi­cal pour les non chré­tiens l’af­firme clairement :

« Vatican II a mar­qué une nou­velle étape dans les rela­tions de l’Église catho­lique avec les croyants des autres reli­gions. (…) Cette nou­velle atti­tude prend le nom de dialogue. »

Au n°13 de ce docu­ment, on parle de dia­logue comme du moyen « grâce auquel les chré­tiens ren­contrent les croyants des autres tra­di­tions reli­gieuses pour che­mi­ner ensemble à la recherche de la véri­té et pour col­la­bo­rer à des œuvres d’in­té­rêt commun.. »

Si les catho­liques « che­minent » avec les non chré­tiens à la recherche de la véri­té, et il s’a­git d’un enri­chis­se­ment réci­proque, il est clair que l’Église aban­donne la pré­ten­tion de pos­sé­der seule la véri­té.

C’est ce qui res­sort aus­si de la décla­ra­tion Nostra aetate, dans laquelle on lit au n° 2 : 

« L’Église catho­lique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces reli­gions. Elle consi­dère avec un res­pect sin­cère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doc­trines qui, quoiqu’elles dif­fèrent sous bien des rap­ports de ce qu’elle-même tient et pro­pose, cepen­dant reflètent sou­vent un rayon de la véri­té qui illu­mine tous les hommes. »

Dans ce texte fon­da­men­tal on enseigne, disons-​le clai­re­ment, que dans les reli­gions non chré­tiennes exis­te­raient « des doc­trines » qui, même si elles dif­fèrent « de ce que l’Église tient et pro­pose », reflé­te­raient cepen­dant « un rayon de la véri­té qui illu­mine tous les hommes. » Cette affir­ma­tion incroyable sup­pose que ces reli­gions peuvent conte­nir des véri­tés mani­fes­tées par Dieu, mais en contra­dic­tion avec ce que l’Église enseigne ! Comme si Dieu, auteur de la vraie Révélation confiée à l’Église, pou­vait se contre­dire ! Se fai­sant l’écho de cet ensei­gne­ment, le pape François dans son Exhortation apos­to­lique (3), va jusqu’à affir­mer que cer­tains rites des non chré­tiens seraient « fruit de l’ac­tion divine » à cause de la « dimen­sion sacra­men­telle de la grâce » ! 

Les confes­sions chré­tiennes non catho­liques, en défi­ni­tive, ne peuvent se consi­dé­rer réa­li­sa­tions par­tielles de l’Église du Christ parce que cela s’op­pose au magis­tère de l’Église, syn­thé­ti­sé dans l’en­cy­clique Mystici Corporis, dans laquelle Pie XII rap­pelle clai­re­ment que sans le bap­tême, la vraie foi et la sou­mis­sion à l’au­to­ri­té légi­time on ne peut être membre de l’Église.

Ces sectes donc (pour les appe­ler avec leur vrai nom) ne peuvent être en aucune manière des moyens de salut, ni ordi­naires ni extra­or­di­naires, bien au contraire, objec­ti­ve­ment, elles deviennent pour leurs membres des obs­tacles pour y par­ve­nir. Les réa­li­tés saintes indu­bi­ta­ble­ment déte­nues par les héré­tiques ou les schis­ma­tiques, comme l’Écriture Sainte pour les pro­tes­tants (plus ou moins alté­rée), les sacre­ments pour les schis­ma­tiques orien­taux, ne peuvent don­ner la grâce et le salut si ce n’est dans la mesure avec laquelle ceux qui les reçoivent refusent (au moins impli­ci­te­ment) l’adhésion for­melle à l’hé­ré­sie ou au schisme. La théo­lo­gie tra­di­tion­nelle ne désigne pas ces réa­li­tés « volées » à l’Église catho­lique comme des « élé­ments de sanc­ti­fi­ca­tion » ou comme des « élé­ments ecclé­siales », mais plu­tôt comme des « ves­tiges » de la vraie reli­gion ; en effet, sous­traits à la vraie Église, ils cessent par le fait même d’être une réa­li­té vivante (et sanc­ti­fiante) et ils tombent en ruines.

Si cer­tains sacre­ments, comme le bap­tême, peuvent être valides dans cer­taines com­mu­nau­tés sépa­rées, ils ne sont pas en soi fruc­tueux dans le sens qu’ils ne pro­duisent pas la grâce à cause de l’obs­tacle que pose l’adhé­sion à l’hé­ré­sie ou au schisme de qui les reçoit.

Un sacre­ment en effet, même si reçu vali­de­ment, peut ne pas pro­duire la grâce s’il ren­contre dans l’âme un obs­tacle comme le péché mor­tel. Recevoir dans cet état par exemple la confir­ma­tion ou le mariage non seule­ment ne serait pas source de grâces, mais consti­tue­rait un nou­veau péché : un sacri­lège. L’appartenance au schisme est en soi un péché grave, et consti­tue un empê­che­ment à la grâce.

Aussi, une réa­li­té en soi sainte, comme un sacre­ment, ne peut être « un élé­ment de sain­te­té » en tant que tel (comme le sou­tient le Concile), dans une com­mu­nau­té sépa­rée de l’Église.

Une telle com­mu­nau­té est en soi un empê­che­ment à l’ef­fi­ca­ci­té sanc­ti­fi­ca­trice du sacre­ment dont elle s’est empa­rée. Ce der­nier pour­ra être fruc­tueux seule­ment si la per­sonne qui le reçoit se trouve dans la situa­tion excep­tion­nelle de ne pas adhé­rer for­mel­le­ment à l’hé­ré­sie ou au schisme. C’est le cas des enfants avant l’âge de rai­son ou des per­sonnes qui se trouvent dans l’i­gno­rance invin­cible qui, cepen­dant, ne peut se sup­po­ser chez les adultes.

Saint Bède le Vénérable, dans son com­men­taire sur la pre­mière épître de saint Pierre, explique très clai­re­ment que pour les bap­têmes en dehors de l’Église, le bap­tême n’est pas un ins­tru­ment de salut, mais plu­tôt de damnation : 

« Le fait que l’eau du déluge ne sauve pas, mais tue ceux qui sont en dehors de l’arche, pré­fi­gure sans aucun doute que l’hé­ré­tique, bien qu’il pos­sède le sacre­ment de bap­tême, n’est pas immer­gé en enfer par d’autres eaux, mais pré­ci­sé­ment par celles qui sou­lèvent l’arche vers le ciel. »

La par­ti­ci­pa­tion active à une céré­mo­nie reli­gieuse d’une com­mu­nau­té héré­tique ou schis­ma­tique consti­tue en soi, par sa nature propre, un assen­ti­ment à la foi de cette com­mu­nau­té. Pour cela rece­voir un sacre­ment dans ces condi­tions devient pec­ca­mi­neux et est occa­sion de scandale.

Lumineux est l’exemple de saint Satyr, frère de saint Ambroise. Lorsqu’il était encore caté­chu­mène, durant un voyage en mer il se retrou­va pris dans une tem­pête et fit nau­frage en Sardaigne. Il aurait vou­lu rece­voir le bap­tême mais, une fois appris que l’é­vêque local adhé­rait au schisme de Lucifer, évêque de Cagliari, il déci­da de le repous­ser jus­qu’à ce qu’il trouve un évêque fidèle au pape.

En conclu­sion, les bons élé­ments que peuvent conte­nir les fausses reli­gions doivent être consi­dé­rés dans le contexte de la secte qui en empri­sonne la force sal­va­trice. Même dans l’ordre natu­rel un gâteau est jugé bon ou mau­vais non seule­ment à par­tir des ali­ments qu’il contient mais aus­si par le tout. La mau­vaise répar­ti­tion des ingré­dients, excel­lents en soi, peut être suf­fi­sante à gâcher l’en­semble. L’introduction d’un seul ingré­dient ava­rié peut faire pire encore ; le fait, ensuite, d’a­jou­ter quelques gouttes de poi­son aura, sur l’ef­fet final, un poids majeur que les bons ingrédients.

Dans l’ordre spi­ri­tuel, une reli­gion n’est pas seule­ment un agglo­mé­rat d’éléments : elle forme un tout et ce tout est bon ou mau­vais, vrai ou faux dans son tout. Peut importe les bons élé­ments pris séparément.

Les véri­tés par­tielles, conte­nues dans un sys­tème faux ou dans une reli­gion fausse, sont réduites en escla­vage par ce sys­tème qui s’empare d’elles et les uti­lise à son pro­fit, comme force de séduction.

L’islam, par exemple, se pré­sente comme une reli­gion mono­théiste. Cet aspect est juste et rai­son­nable, mais ce mono­théisme est féro­ce­ment anti-​trinitaire. Le mono­théisme, vrai en soi, est faus­sé par le sys­tème d’er­reurs dont il est esclave. Bien qu’il y ait des degrés dans l’er­reur, on peut dire para­doxa­le­ment qu’un sys­tème qui reprend plus d’élé­ments de véri­té est plus dan­ge­reux d’un autre qui en pos­sède moins. Une chaise à trois pieds qui se tient droite est plus dan­ge­reuse qu’une chaise qui en a seule­ment deux, parce qu’on peut se trom­per et s’asseoir des­sus. Les mis­sion­naires en effet ont tou­jours eu plus de dif­fi­cul­tés à conver­tir des musul­mans que des animistes.

Pour décou­vrir l’o­ri­gine de ces erreurs il faut remon­ter à la doc­trine de Rahner, selon laquelle les reli­gions non chré­tiennes seraient un chris­tia­nisme ano­nyme et donc des voies de salut « par les­quelles les hommes s’a­vancent vers Dieu et son Christ. »

La rédemption universelle

La doc­trine catho­lique nous enseigne que Jésus-​Christ, en mou­rant sur la Croix, a offert à tous les hommes la pos­si­bi­li­té de se sau­ver, en méri­tant pour tous les grâces suf­fi­santes pour arri­ver au Paradis. Mais pour être sau­vé, de fait, il convient d’être uni à Jésus dans cette vie à tra­vers la vraie foi, le bap­tême et la grâce sanc­ti­fiante qui nous rend effec­ti­ve­ment ses enfants, nous don­nant ain­si la pos­si­bi­li­té de méri­ter la vie éter­nelle. Si quel­qu’un refuse la grâce, il reste dans un état de perdition.

Lors du der­nier concile, en revanche, on a mis les bases d’une nou­velle doc­trine. Gaudium et spes au n° 22, 2, affirme que « avec l’Incarnation le Fils de Dieu s’est uni d’une cer­taine manière à chaque homme. » Par la suite cette affir­ma­tion a été expli­ci­tée dans le sens que, à cause de cette union réa­li­sée avec l’Incarnation et par la mort de Jésus sur la croix, chaque homme serait déjà sauvé.

L’alors car­di­nal Wojtyla, au cours d’exer­cices spi­ri­tuels prê­chés au Vatican, ensei­gnait que : 

« Tous les hommes, depuis le début du monde et jus­qu’à sa fin, ont été rache­tés et jus­ti­fiés par le Christ et par sa Croix. (…) La nais­sance de l’Église, au moment de la mort mes­sia­nique et rédemp­trice du Christ, a été aus­si, en sub­stance, la nais­sance de l’Homme, et elle l’a été indé­pen­dam­ment du fait que l’homme le sache ou pas, l’ac­cepte ou pas ! A cet ins­tant l’homme est pas­sé à une nou­velle dimen­sion de son exis­tence, suc­cinc­te­ment expri­mée par saint Paul : « in Cristo. » « La Révélation consiste dans le fait que le Fils de Dieu, à tra­vers son Incarnation, s’est uni à chaque homme. »

Comme pape, il repren­dra cet ensei­gne­ment dans sa pre­mière encyclique(4) :

« Il s’a­git de chaque homme, parce que cha­cun a été com­pris dans le mys­tère de la Rédemption, et avec cha­cun le Christ s’est uni, pour tou­jours, à tra­vers ce mys­tère. (…) C’est l’homme dans toute la plé­ni­tude du mys­tère dont il est deve­nu par­ti­ci­pant en Jésus-​Christ, mys­tère dont devient par­ti­ci­pant cha­cun des quatre mil­liards d’hommes vivants sur notre pla­nète, du moment où il est conçu sous le cœur de sa mère. »

Si l’homme est uni dès l’ins­tant de sa concep­tion au Christ, on ne voit plus trop quel est le besoin du bap­tême et de l’ap­par­te­nance à l’Église.

Le 21 février 1981, dans son mes­sage aux peuples d’Asie, Jean-​Paul II affir­mait encore plus clairement :

« Dans l’Esprit-Saint chaque per­sonne et chaque peuple sont deve­nus, par la croix et la résur­rec­tion du Christ, des enfants de Dieu, pre­nant part à la nature divine et héri­tier de la vie éternelle. »

L’Ancienne Alliance

Jean-​Paul II, plu­sieurs fois, a pris l’i­ni­tia­tive de déve­lop­per cette nou­velle doc­trine dans son ensei­gne­ment par rap­port au judaïsme actuel, en le recon­nais­sant comme voie de salut, puisque l’Ancienne Alliance serait encore en vigueur. En 1980, au cours de sa visite à la syna­gogue de Magonza, il dit : 

« La ren­contre entre le peuple de Dieu de l’Ancienne Alliance, qui n’a jamais été abro­gée par Dieu (cf. Rm 11, 29), et celui de la Nouvelle Alliance, est en même temps un dia­logue interne dans notre Église, d’une cer­taine manière entre la pre­mière et la seconde par­tie de sa Bible. »

Plus tard, en 1986, s’a­dres­sant à la com­mu­nau­té juive d’Italie, lors de sa visite à la syna­gogue de Rome, il déclarait : 

« L’Église du Christ découvre son lien avec le judaïsme « en scru­tant son propre mys­tère » (cf. Nostra aetate, 4). La reli­gion juive ne nous est pas « extrin­sèque », mais, d’une cer­taine manière, « intrin­sèque » à notre reli­gion. Nous avons donc à son égard des rap­ports que nous n’a­vons avec aucune autre reli­gion. Vous êtes nos frères de pré­di­lec­tion et, d’une cer­taine façon, nous pour­rions dire nos frères aînés. »

Ces consi­dé­ra­tions sont, d’autre part, l’en­sei­gne­ment du Catéchisme de l’Église catho­lique qui récite au n° 83920 :

« A la dif­fé­rence des autres reli­gions non-​chrétiennes la foi juive est déjà réponse à la révé­la­tion de Dieu dans l’Ancienne Alliance. C’est au Peuple Juif qu’ » appar­tiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la légis­la­tion, le culte, les pro­messes et les patriarches, lui de qui est né, selon la chair le Christ » (Rm 9, 4–5) car » les dons et l’appel de Dieu sont sans repen­tance » (Rm 11, 29). »

Il a quelques années, le car­di­nal Bagnasco, ren­con­trant les rab­bins Laras et Di Segini, sou­li­gnait clai­re­ment que : 

« Il n’y a pas, de la manière la plus abso­lue, aucun chan­ge­ment dans l’at­ti­tude que l’Église catho­lique a déve­lop­pé envers les juifs, sur­tout à par­tir du concile Vatican II. A cet égard, la Conférence Épiscopale Italienne confirme que ce n’est pas l’in­ten­tion de l’Église catho­lique d’œuvrer acti­ve­ment pour la conver­sion des juifs. »

Même le pape François dans sa récente Exhortation apos­to­lique sou­ligne le concept erro­né selon lequel l’Ancienne Alliance n’au­rait jamais été révo­quée.

La renonciation à convertir

Dans d’autres texte de l’en­sei­gne­ment post-​conciliaire, on affirme clai­re­ment la renon­cia­tion de l’Église à un apos­to­lat tour­né vers la conver­sion des non chré­tiens, en se basant sur les nou­velles doc­trines du Concile. Citons, par exemple, mon­sei­gneur Rossano, Recteur de l’Université Pontificale du Latran. Dans son dis­cours à la confé­rence pro­mue par le Conseil Pontifical du Dialogue inter-​religieux, à l’oc­ca­sion de l’an­ni­ver­saire de sa fon­da­tion et de la décla­ra­tion Nostra aetate, il affirmait : 

« Avec la décla­ra­tion conci­liaire du 28 octobre 1965, le dia­logue devient « une forme par­ti­cu­lière à part entière » qui inau­gure une nou­velle « métho­do­lo­gie mis­sion­naire » basée sur « la réci­pro­ci­té du rap­port exis­ten­tiel ». L’autre n’est plus « objet de mis­sion, mais sujet concret dont on s’ap­proche avec le regard tour­né vers « ce qui est com­mun ».

La même atti­tude a été adop­tée envers les com­mu­nau­té schis­ma­tiques. A ce pro­pos la lec­ture de la Convention de Balamand (Liban) du 23 juin 1993 est très intéressante.

Après le XIe siècle, diverses par­ties de l’é­glise orien­tale qui avaient adhé­ré au schisme se sont réunie à Rome, recon­nais­sant le pri­mat du Souverain Pontife tout en conser­vant leur rite, comme cela était avant le schisme. Après les chan­ge­ments poli­tiques inter­ve­nus en Union Soviétique, ces Églises, dîtes Uniates parce que reve­nues à la com­mu­nion de l’Église catho­lique, ont connu un grand déve­lop­pe­ment. Beaucoup, en effet, per­sé­vé­raient dans le schisme uni­que­ment en rai­son de la pres­sion externe, mais ils avaient le désir de s’u­nir à Rome. Face à ce mou­ve­ment, les auto­ri­tés ortho­doxes mena­cèrent de rompre les rela­tions œcu­mé­niques avec Rome. La Conférence de Balamand fut une ten­ta­tive de sau­ver l’œcuménisme. Le texte de la décla­ra­tion se trouve sur le site du Vatican (en anglais et en fran­çais). On y déclare ouver­te­ment la volon­té d’a­ban­don­ner toute ten­ta­tive d’a­pos­to­lat tour­né vers la conver­sion des grecs-​schismatiques.
Voici les points les plus importants :

12 : « cette forme « d’apostolat mis­sion­naire », … qui a été appe­lée « unia­tisme », ne peut plus être accep­tée ni en tant que méthode à suivre, ni en tant que modèle de l’unité recher­chée par nos Églises. »

13 : « depuis les confé­rences pan-​orthodoxes et le deuxième Concile du Vatican, la redé­cou­verte et la remise en valeur tant par les ortho­doxes que par les catho­liques, de l’Église comme com­mu­nion, ont chan­gé radi­ca­le­ment les pers­pec­tives et donc les attitudes. »

22 : « L’action pas­to­rale de l’Église catho­lique tant latine qu’orientale ne tend plus à faire pas­ser les fidèles d’une Église à l’autre ; c’est-à-dire ne vise plus au pro­sé­ly­tisme par­mi les orthodoxes. »

30 : Il faut dépas­ser « l’ecclésiologie péri­mée du retour à l’Église catholique. »

35 : « En excluant pour l’avenir tout pro­sé­ly­tisme et toute volon­té d’expansion des catho­liques aux dépens de l’Église ortho­doxe, la com­mis­sion espère qu’elle a sup­pri­mé l’obstacle qui a pous­sé cer­taines Églises auto­cé­phales à sus­pendre leur par­ti­ci­pa­tion au dia­logue théo­lo­gique et que l’Église ortho­doxe pour­ra se retrou­ver au com­plet pour conti­nuer le tra­vail théo­lo­gique si heu­reu­se­ment commencé. »

Dans ce contexte doc­tri­nal, les affir­ma­tions de François dans l’in­ter­view don­née à Scalfari où il déclare n’a­voir aucune inten­tion de le conver­tir et que « le pro­sé­ly­tisme est une bêtise » n’é­tonnent plus. Elles s’in­sèrent dans une par­faite conti­nui­té avec ce nou­vel ensei­gne­ment, mais en contraste avec le magis­tère pérenne de l’Église.

La nouvelle évangélisation

Face à cette nou­velle doc­trine, on peut se deman­der alors : on quoi consiste la nou­velle évan­gé­li­sa­tion dont on parle tel­le­ment depuis le Concile ?

En pre­mier il faut noter que, même si on parle d’é­van­gé­li­ser, on ne recon­naît plus la néces­si­té de conver­tir à Jésus-​Christ et à l’Église. Ce lan­gage a dis­pa­ru après le Concile. Pour com­prendre en quoi consiste la nou­velle évan­gé­li­sa­tion, nous pos­sé­dons une grille de lec­ture dans le dis­cours à la curie romaine que Benoît XVI pro­non­ça le 21 décembre 2007, et dans lequel il explique ce que signi­fie être mis­sion­naire aujourd’­hui. En voi­ci les mor­ceaux les plus significatifs :

« Est-​il encore licite aujourd’­hui d” »évan­gé­li­ser » ? Toutes les reli­gions et les concep­tions du monde ne devraient-​elles pas plu­tôt coexis­ter paci­fi­que­ment et cher­cher à réa­li­ser ensemble le meilleur pour l’hu­ma­ni­té, cha­cune à sa manière ? De fait, il est indis­cu­table que nous devons tous coexis­ter et coopé­rer dans la tolé­rance et dans le res­pect réci­proques. L’Église catho­lique s’en­gage en ce sens avec une grande éner­gie et, avec les deux ren­contres d’Assise, elle a aus­si lais­sé des indi­ca­tions claires dans ce sens, des indi­ca­tions que nous avons à nou­veau repris dans la ren­contre de Naples de cette année. (…)

La recon­nais­sance com­mune de l’exis­tence d’un Dieu unique, Créateur pro­vi­den­tiel et Juge uni­ver­sel du com­por­te­ment de cha­cun, consti­tue la pré­misse d’une action com­mune en défense du res­pect effec­tif de la digni­té de chaque per­sonne humaine pour l’é­di­fi­ca­tion d’une socié­té plus juste et solidaire.

Mais cette volon­té de dia­logue et de col­la­bo­ra­tion signifierait-​elle éga­le­ment dans le même temps que nous ne pou­vons plus trans­mettre le mes­sage de Jésus Christ, que nous ne pou­vons plus pro­po­ser aux hommes et au monde cet appel et l’es­pé­rance qui en découle ? Celui qui a recon­nu une grande véri­té, qui a trou­vé une grande joie, doit la trans­mettre, il ne peut abso­lu­ment pas la gar­der pour lui. Des dons si grands ne sont jamais des­ti­nés à une seule per­sonne. En Jésus Christ est née pour nous une grande lumière, la grande Lumière : nous ne pou­vons pas la mettre sous le bois­seau, mais nous devons l’é­le­ver sur le lam­pa­daire, pour qu’elle brille pour tous ceux qui sont dans la mai­son (cf. Mt 5, 15). Saint Paul a été inlas­sa­ble­ment en che­min en appor­tant avec lui l’Évangile. Il se sen­tait même sou­mis à une sorte de « néces­si­té » d’an­non­cer l’Évangile (cf. 1 Co 9, 16) – non tant du fait d’une pré­oc­cu­pa­tion pour le salut de la per­sonne non bap­ti­sée, qui n’a­vait pas encore été tou­chée par l’Évangile, que parce qu’il était conscient que l’his­toire dans son ensemble ne pou­vait pas arri­ver à son achè­ve­ment tant que la tota­li­té (plé­ro­ma) des peuples n’au­rait pas été tou­chée par l’Évangile (cf. Rm 11, 25). Pour par­ve­nir à son achè­ve­ment, l’his­toire a besoin de l’an­nonce de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, à tous les hommes (cf. Mc 13, 10). »

Dans ce texte, trai­tant d’é­van­gé­li­sa­tion, on n’é­voque nul­le­ment l’ur­gence de conver­tir les âmes qui sont dans l’er­reur à la vraie foi catho­lique pour leur salut. Il s’a­git plu­tôt de vivre ensemble dans le res­pect réci­proque de toutes les reli­gions, comme l’ont démon­tré les dif­fé­rentes réunions inter-​religieuses dans les­quelles on deman­dait aux repré­sen­tants de toutes les reli­gions de prier pour la paix, « pour l’é­di­fi­ca­tion d’une socié­té plus juste et soli­daire. » La nou­velle évan­gé­li­sa­tion part d’un autre fon­de­ment : « qui a trou­vé une grande joie, doit la trans­mettre, il ne peut abso­lu­ment pas la gar­der pour lui » et cela, comme ce fut le cas pour saint Paul » non tant du fait d’une pré­oc­cu­pa­tion pour le salut de la per­sonne non bap­ti­sée » mais parce que » pour par­ve­nir à son achè­ve­ment, l’his­toire a besoin de l’an­nonce de la Bonne Nouvelle à tous les peuples, à tous les hommes. »

En cohé­rence avec le nou­vel ensei­gne­ment inau­gu­ré au Concile et déve­lop­pé par Jean-​Paul II, il semble que la mis­sion de l’Église soit donc deve­nue celle d’an­non­cer à chaque homme la grande joie qu’il est, en ver­tu du mys­tère de l’Incarnation,et même s’il l’i­gnore, uni à Jésus-​Christ et par le fait même déjà sauvé.

Puisqu’il n’y a plus la néces­si­té de la conver­sion à la vraie foi et à l’Église catho­lique pour obte­nir le salut éter­nel, les hommes des autres reli­gions doivent tra­vailler ensemble dans « le res­pect et la tolé­rance » pour « l’é­di­fi­ca­tion d’une socié­té plus juste et solidaire. »

A la « seule foi » de Luther pour le salut, il semble qu’on veuille sub­sti­tuer « la seule Incarnation. »

Mais on s’in­car­nant, le Verbe divin a assu­mé une seule nature humaine, celle de Jésus-​Christ, et pas celle de chaque homme. S’il est vrai que Jésus est mort pour tous, il est tout autant vrai que pour béné­fi­cier des fruits de sa rédemp­tion, il faut être uni à lui à tra­vers la foi et la vie de la grâce, dans la vraie Église fon­dée par lui.

L’œcuménisme, au lieu d’être une exi­gence de la cha­ri­té, comme on cherche à nous le faire croire, est un péché contre elle. Le vrai amour, en effet, réclame qu’on veuille le bien de notre pro­chain et le bien le plus grand est de le conduire à la véri­té, pour qu’il puisse accé­der à la vie éternelle.

L’œcuménisme, au contraire, aban­donne les hommes dans leurs erreurs, les récon­forte en elles, leur lais­sant croire qu’ils pour­ront être sau­vés grâce au secours de leurs fausses religions.

Ceux qui pro­pagent ces nou­velles doc­trines agissent comme un méde­cin qui, au lieu d’avertir le malade de la gra­vi­té de son mal et de le soi­gner, l’en­tre­tient dans ses illusions. 

A cin­quante ans du Concile, face aux ten­ta­tives ecclé­sias­tiques de conti­nuer à sou­te­nir le mythe désor­mais en ruines, il est néces­saire plus que jamais de consi­dé­rer luci­de­ment et avec objec­ti­vi­té les nou­velles doc­trines qu’il a trans­mit et qui ont miné l’Église, para­ly­sant la force mis­sion­naire pour conver­tir les âmes et pour la trans­for­ma­tion spi­ri­tuelle et morale de la société.

Outre la prière pour notre Mère l’Église, nous sommes convain­cus que faire la lumière sur ces doc­trines erro­nées soit le plus grand ser­vice que nous puis­sions lui rendre et auquel nous ne pour­rons jamais renon­cer, sans deve­nir com­plice de son autodestruction.

Abbé Pierpaolo Maria Petrucci, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X, Supérieur du District d’Italie

Sources : La Tradizione Cattolica N° 4 – 2015/​Traduction de Francesca de Villasmundo pour La Porte Latine du 15 février 2016

Notes de la rédaction de La Porte Latine

(1) Lire à ce sujet : Abbé Schmidberger – La pro­tes­tan­ti­sa­tion du Concile Vatican II – Symposium de théo­lo­gie à Paris, Octobre 2005
(2) Dominus Jesus sur l’u­ni­ci­té et l’u­ni­ver­sa­li­té sal­vi­fique de Jésus-​Christ et de l’Eglise – Cal Ratzinger – 6 août 2000
(3) Evangelii Gaudium du 24 novembre 2013
(4) Redemptor Hominis du 4 mars 1979