Tome II, pp. 236–242
Par le nombre et l’action efficacement organisée, le Cœtus internationalis Patrum fut le plus important de tous les groupes de tendance conservatrice. En plus des membres qui y adhéraient explicitement, ce groupe demeurait largement ouvert aux sympathisants. Ses membres et sympathisants se comportèrent toujours avec une grande fidélité aux consignes transmises par la direction du groupe : cette discipline n’était pas due à un quelconque règlement interne, mais bien à des convictions communes.
Bien que l’on y trouvât une sensibilité particulière aux questions juridiques et procédurales (en général, il invoquait l’application rigide du règlement pour faire obstacle à l’approbation de textes qu’il jugeait erronés), c’était l’un des groupes que Gàmez de Arteche définit par « l’idéologie globale », autrement dit qui ne s’étaient pas constitués pour influer sur une question particulière, et dont le conservatisme, se manifestait dans tous les domaines ou sujets des délibérations conciliaires. « Il représentait la ligne conservatrice dans toute sa pureté, soit par ses attitudes fondamentales : scrupule quant à la formulation précise de la vérité ; tendance triomphaliste, et donc esprit méfiant face à tout changement ; peu d’intérêt et véritable appréhension face à l’ouverture oecuménique ; soit dans ses options les plus concrètes et les plus importantes ».
Geraldo de Proença Sigaud, archevêque de Diamantina (Brésil), de la Société du Verbe divin, fut le fondateur et l’âme du groupe. Il était lié aux éléments et aux organisations les plus réactionnaires du Brésil et de l’étranger [1]. Quand il était encore évêque de Jacarézinho, sa réponse à la consultation Tardini sur les objectifs du concile [2] révélait son obsession contre-révolutionnaire qui le conduisait à accabler les chrétiens sociaux ou démocrates (« maritainistes », « disciples de Teilhard de Chardin », « socialistes catholiques », « évolutionnistes », etc.) avec encore plus de violence que les communistes, car il voyait le clergé et le peuple chrétien infestés par les principes révolutionnaires et soumis à la strategia equi Troiani, face au silence de la majorité des évêques [3]. Il était convaincu qu’en régime de chrétienté Dieu pouvait plus facilement conquérir les âmes [4]. En 1965, il sera le grand promoteur de la pétition pour une condamnation conciliaire solennelle du communisme dans le treizième schéma [5]. Il était conscient d’être minoritaire dans l’épiscopat de son propre pays ; c’est pourquoi, promoteur de la consécration par tous les Pères conciliaires de leurs diocèses et surtout de la Russie au Cœur immaculé de Marie, il suggéra que fût formée une commission ad hoc, différente de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB) [6]. Selon ce qu’il déclara à Gômez de Arteche, Sigaud comprit clairement dès le premier moment la nécessité d’organiser les forces dispersées, en vue d’une action parlementaire disciplinée capable de résister aux Pères conciliaires de la majorité, qui se regroupaient par nations ou dans le bloc centre-européen. Au cours de la première session, il chercha en vain un groupe qui appuierait avec résolution cet objectif et une personnalité ecclésiastique qui accepterait d’en prendre la tête, mais ne les ayant pas trouvés, il se résigna à jouer lui-même ce rôle. La souveraineté dans le groupe revenait à une assemblée plénière, mais un « petit comité », qui se réunissait chaque semaine, en était l’organe exécutif pour le gouvernement et l’action. Ce comité fut créé, selon Wiltgen, dès la première semaine de la première session, ou dans sa seconde moitié, comme le déclara personnellement Sigaud à Gômez de Arteche.
Le collaborateur principal de Sigaud fut, dès le début, le supérieur général des Pères du Saint-Esprit, Marcel Lefebvre. Celui-ci manifestait une vive aversion pour le principe « collectiviste », qui à son avis régnait dans tout ce que proposaient les conférences épiscopales. Mais, selon ce qu’il expliqua dans un entretien avec Wiltgen, il voyait moins dans l’existence de conférences épiscopales puissantes une menace contre le pape que contre l’autorité magistérielle et la responsabilité pastorale de chacun des évêques ; il pouvait parler de ce problème avec autorité, car il avait fondé les conférences épiscopales nationales de Madagascar, du Congo-Brazzaville, du Cameroun et de l’Afrique occidentale française quand il était délégué apostolique pour l’Afrique francophone, de 1948 à 1959. Avec Sigaud, il partageait aussi le sentiment de l’importance accordée à la dimension idéologique, plus que nationale, dans l’importante question de la formation et de la rencontre des groupes conciliaires. Toutefois, Sigaud ne voulait pas que son groupe se fondât sur la simple affinité doctrinale, et il estimait qu’il gagnerait en extension et en vigueur s’il reposait sur des structures préexistantes ; « en d’autres termes, il proposait un groupe mixte idéologico-national, dans le style des comités internationaux de la majorité et de la minorité au concile Vatican I ». Il chercha donc à recruter quelques présidents de conférences épiscopales, mais il ne réussit à en convaincre aucun. Son plan était de créer une « conférence de conférences », qui aurait pour organisme suprême une « conférence des présidents de conférences épiscopales ».
Après Marcel Lefebvre, le principal adjoint de Sigaud fut Luigi M. Carli, évêque de Segni (Italie), qui s’était déjà distingué par son zèle dans la stricte observance du règlement conciliaire.
Le Coetus organisa chaque semaine, pendant toute la durée du concile, des conférences tenues par des Pères conciliaires, parfois des cardinaux, pour diffuser son point de vue sur les thèmes débattus. Ces conférences représentaient autant d’occasions de connaître d’autres Pères conciliaires et de s’en faire connaître. Au début, le texte des conférences était distribué aux Pères via les présidents des conférences épiscopales, mais quand le peu d’intérêt de la grande majorité de ceux-ci à diffuser leurs documents devint manifeste, les membres du Coetus passèrent à la distribution directe aux évêques. En outre, le Coetus suscitait des interventions dans l’aula conciliaire et y cherchait un soutien. Il réussit parfois à élaborer des contre-projets, comme dans le cas de la liberté religieuse.
Le Coetus « fut peut-être, à l’intérieur du concile, l’association la plus consciente de sa qualité de groupe parlementaire », d’autant plus qu’à cause de sa nature transnationale il était privé du soutien d’institutions déjà existantes, comme les conférences nationales ou régionales. Quand le Coetus s’adressait aux Pères uti singuli (par exemple dans les circulaires), il se présentait ouvertement comme une entité collective, avec son nom de groupe, alors que, quand il interpellait les Pères uti universi (l’assemblée conciliaire ou l’un quelconque des organismes officiels du concile), il se présentait comme un simple rassemblement de Pères, et la responsabilité de leurs interventions ou propositions était assumée simplement, à titre personnel, par certains évêques, généralement les plus importants du groupe.
Un chroniqueur définit à l’époque le Coetus comme une « société secrète » alors qu’il s’agissait seulement d’un groupe particulièrement clos. Quant à l’extension du groupe, il faudrait distinguer entre les membres proprement dits, peu nombreux mais très disciplinés, et les simples sympathisants, lesquels, en proportion variable mais beaucoup plus nombreux, suivaient les indications de vote du Coetus. On peut considérer que les membres proprement dits sont ceux dont les noms apparaissent dans les interventions du Coetus pendant cette première session [7].
Même si le Coetus représente le catalyseur de la minorité, tous les Pères de cette minorité, strictement parlant, n’y appartenaient pas, et certains tinrent même à faire savoir clairement qu’ils ne faisaient pas partie de ce groupe. Les évêques espagnols qui se trouvèrent d’accord avec le Coetus dans l’opposition à la déclaration sur la liberté religieuse, et dans une large mesure aussi sur l’exigence d’une condamnation explicite du communisme, déclarèrent ouvertement n’avoir aucun lien avec le Coetus. Les épiscopats les plus influencés par la propagande de ce groupe furent l’italien, l’espagnol, le philippin, le latino-américain et le français.
Etaient également sympathisants les deux groupes formés pour défendre le status religieux, classés par Gômez de Arteche comme « groupes corporatistes ». Au groupe d’évêques des missions (Vriendenclub), le Coetus était associé par l’intermédiaire du père Schütte, supérieur général de la Congrégation du Verbe divin à laquelle, nous l’avons dit, appartenait Sigaud, qui sera plus tard rapporteur du schéma De activitate missionaria Ecclesiae.
Quant au soutien extérieur, il faudrait mentionner l’université du Latran (où Carli avait été formé) et le Séminaire romain. Plus lointaine, mais avec une influence notable sur les intellectuels français les plus réactionnaires, rappelons la Cité catholique, qui appuya dès le début le Coetus et ses membres. Pour ses campagnes, il bénéficia aussi de l’agence de presse de la Congrégation du Verbe divin, Divine Word News Service, dont le fondateur, Wiltgen (souvent cité), appartenait, comme Sigaud, à cette famille religieuse. Tous deux résidaient à la maison généralice des Verbites. On peut signaler aussi les liens du Coetus avec des organisations politiques de droite en quête d’une couverture idéologique religieuse, comme le mouvement « Tradition, famille, propriété », originaire du Brésil mais enraciné dans les milieux les plus conservateurs et contre-révolutionnaires de toute l’Amérique latine, et aussi en Espagne [8], qui avait Sigaud pour mentor. Le groupe avait en outre accès à la Commission de coordination du concile, via le cardinal Siri, et au conseil de présidence, via le cardinal Ruffini. Le fait que le secrétaire général du concile, Felici, soit originaire de Segni, diocèse de Carli, explique leur étroite relation.
Tome 3, pp. 190–196
Comparativement à de nombreux autres regroupements épiscopaux (les conférences nationales ou continentales, par exemple), le Coetus internationalis patrum a pour caractéristique d’être « intercontinental », comme la Conférence des vingt-deux, mais dans une tout autre orientation d’esprit.
Le « groupe international de Pères » est certainement le plus important et le plus efficace de tous ceux de tendance conservatrice. Composé de membres formellement inscrits [9], il reste ouvert en permanence aux sympathisants, beaucoup plus nombreux [10]. En raison d’une identité de convictions, tant les uns que les autres font preuve d’une grande discipline vis-à-vis des consignes émanant de la direction. Spécialement attentif aux questions de procédure (surtout pour entraver l’approbation de textes jugés ambigus), le Coetus peut être considéré comme un groupe d”«idéologie globale », dont le conservatisme pur et dur se manifeste sur tous les thèmes des délibérations conciliaires : approche anhistorique des vérités de foi, triomphalisme catholique romain, méfiance à l’égard du changement, appréhension devant l’ouverture oecuménique.
Mgr de Proença Sigaud, archevêque de Diamantina (Brésil), membre de la Société du Verbe divin, est le fondateur et l’animateur du groupe. Il n’est pas « réactionnaire » qu’en matière ecclésiastique : une obsession « contre-révolutionnaire » le caractérise, ainsi qu’une opposition véhémente aux chrétiens sociaux et démocrates (H/V II, p. 238). Dès le début du concile, il avait vu la nécessité d’organiser les forces dispersées en vue d’une action « parlementaire » capable de résister à la majorité conciliaire. Ainsi, dès la seconde moitié de la première période [11], avait-il créé un petit comité, organe habituel de décision et d’action [12], même si l’appellation Coetus internationalis patrum évoque évoque plutôt une assemblée plénière [13]. Il rêvait en fait d’un « groupe mixte idéologico-national, à la manière des comités internationaux de la majorité et de la minorité au premier concile du Vatican » ; son plan était de constituer, mais en vain, une « Conférence des conférences épiscopales », dont l’instance suprême serait une « Conférence des présidents de conférence ».
Les principaux collaborateurs du prélat brésilien avaient été, dès le départ, Mgr M. Lefebvre, archevêque français et supérieur général des Spiritains et ensuite Mgr L. Carli, évêque de Segni (Italie). C’est au cours de la 44è congrégation générale du 7 octobre 1963, que le contact s’était établi entre Carli et de Proença. Ce dernier, dans un discours à l’assemblée, venait de s’opposer à l’existence d’un collège apostolique et épiscopal de droit divin. À peine revenu à sa place, il avait reçu un billet de Carli, le félicitant de cette intervention. Était ainsi née une solide amitié ; de Proença l’avait ensuite présenté à Lefebvre et l’évêque de Segni avait accepté de rejoindre leur comité [14].
Le Coetus organise chaque semaine des conférences, données par des Pères, parfois des cardinaux, pour diffuser son point de vue sur les thèmes conciliaires. Il distribue aux Pères ces exposés, au début via les présidents des conférences épiscopales, puis directement aux évêques. Il suscite des interventions in aula et leur cherche des appuis parmi les Pères [15].
Sans qu’on puisse ni doive d’ailleurs toujours les rattacher explicitement au Coetus internationalis patrum [16], plusieurs interventions in aula de la deuxième période conciliaire, à s’en tenir même au débat De episcopis, vont tout à fait dans le sens de ce groupe et partagent plus globalement les convictions de la minorité. Ainsi notamment la Relatio Carli, les prises de parole de Ruffini et Browne (6 novembre), de Florit, Batanian, Del Pino Gômez et Mason (7 novembre), d’Ottaviani, Browne, de Castro Mayer, M. Lefebvre et Ruffini (8 novembre), de Carli (13 novembre) [17]. On est tout d’abord frappé par le « tir groupé » des premiers jours du débat sur les évêques et le gouvernement des diocèses. Quant au contenu ensuite, on retrouve certaines grandes caractéristiques de la sensibilité minoritaire, évoquées ci-dessus à propos du Coetus : ultramontanisme radical contre tout ce qui apparaît comme une atténuation de l’absolutisme pontifical (Relatio Carli, Ruffini, Batanian, Ottaviani, Browne, M. Lefebvre), quasi-identification de la Curie au pape (Batanian, Del Pino Gômez, Mason, Ottaviani), résistance tenace à la « nouvelle » doctrine de la collégialité (Ruffini, Florit, Del Pino Gômez, Ottaviani, de Castro Mayer, M. Lefebvre, Carli), opposition procédurière entre vote d’orientation du 30 octobre et décision finale du concile, voire opposition de la Commission doctrinale (Ruffini, Browne, Florit, Ottaviani, Carli) [18].
L’intervention de Carli le 13 novembre présente en outre la particularité d’être faite au nom de plusieurs autres Pères. Les neuf signatures sont toutes de membres formels du Coetus internationalis patrum. C’est l’occasion de rappeler une des manières de faire de l’association. Quand elle vise chaque père en particulier comme dans la diffusion de circulaires, elle se présente explicitement comme entité collective [19] ; en revanche, quand elle s’adresse à l’ensemble des Pères comme dans les discours in aula, chaque intervenant parle en son nom propre, et éventuellement comme Carli au nom de quelques autres Pères individuels ou en faisant référence à des orateurs antérieurs, mais pas au nom du Coetus.
L’organisation traditionaliste, outre des appuis extérieurs à l’université du Latran, au Séminaire romain ou dans la revue française La Pensée catholique, peut aussi compter sur l’agence de presse Divine Word News Service du verbite Ralph Wiltgen, déjà mentionné, sans parler de liens avec des milieux politiques conservateurs d’Amérique latine et d’Espagne. C’est Wiltgen qui interviewera le cardinal Ottaviani le 13 novembre sur la Curie et la collégialité ; il devait accueillir aussi dans ses colonnes le rapport de Mgr Romoli, o. p., évêque de Pescia et ancien membre du Saint-Office, sur la procédure de condamnation suivie par ce dicastère.
Le Coetus bénéficie donc non seulement de soutiens importants, mais il est aussi introduit dans les organes directeurs du concile : au Conseil de présidence grâce aux cardinaux Ruffini et Siri ; au Secrétariat général et à la Commission de coordination : Mgr Felici, originaire de Segni, est un précieux allié de Mgr Carli, et donc du « Comité ». C’est seulement le 29 septembre 1964 qu’un cardinal apportera officiellement son support à l’organisation. Dès lors, le cardinal Santos, archevêque de Manille (Philippines), lui servira de porte-parole jusqu’au sein du Sacré Collège et d’autres cardinaux (Ruffini, Siri, Larraona et Browne [20] ) patronneront les réunions-conférences du groupe le mardi soir. L’audience de celui-ci, consolidée, lui permettra de recueillir jusqu’à quatre cent cinquante signatures de Pères pour certaines pétitions [21].
de Manille ; Garibi y Rivera, de Guadalajara ; de Arriba y Castro, de Tarragone ; les cardinaux Castaldo, de Naples, et Quiroga y Palacios, de Saint-Jacques-de-Compostelle, étaient absents. Il s’agissait d’analyser le décret sur l’oecuménisme et de se concerter en vue de la réunion des organismes directeurs du lendemain. Si Ruffini appuie la démarche du Coetus, Siri hésite (Berto note cependant son ralliement le 9 novembre 1963).
- Dans ses archives, on peut voir l’affectueuse correspondance échangée avec Plinio Corréa de Oliveira et avec Georges Bidault, ex-ministre des Affaires étrangères français, un démocrate-chrétien qui avait commencé sa carrière politique plutôt à gauche, mais qui avait fini à l’extrême droite, aux côtés des militaires révoltés de l’OAS, et avait dû s’exiler au Brésil. Dans une lettre de Bidault à Sigaud (Belo Horizonte, 22 avril 1963), le premier se définit comme proscrit et remercie Sigaud pour l’accueil réservé au palais archiépiscopal de Diamantina et pour les livres dédicacés qu’il lui a envoyés (Fonds Sigaud, Institut pour les sciences religieuses de Bologne). [↩]
- Datée de Jacarézinho, 22 août 1962 (AD II/VII, p. 180–195). Minute originale dans Fonds Sigaud. [↩]
- « Raro sacerdos qui Revolutionem impugnat ad Episcopatum evehitur ; frequenter ii qui ei favent ». [↩]
- « In societate revolutionaria Deus animas piscat hamo. In societate christiana animae piscantur retibus ». [↩]
- Dans ses archives personnelles, on peut voir la liste des évêques du monde entier qui signèrent cette pétition. Le groupe principal est l’italien (cent quatre), suivi de celui de Chine (trente évêques expulsés).[↩]
- Sigaud à Joao Pereira Venancio, évêque de Leiria, Diamantina, 15 février 1963 (Fonds Sigaud, ISR). [↩]
- Gomez de Arteche a identifié comme premiers signataires, en dehors des trois grands dirigeants (Geraldo de Proença Sigaud, Marcel Lefebvre et Carli), Antonio de Castro Mayer, évêque de Campos (Brésil) et Pierre de La Chanonie, évêque de Clermont-Ferrand. Vinrent ensuite les signatures de Luis Gonzaga Da Cunha Marelim, évêque de Caxias do Maranhào (Brésil) ; Joào Pereira Venancio, évêque de Leiria (Portugal) ; Carlos Eduardo Saboia Bandeira de Mello, ofm, évêque de Palmas (Brésil) ; Jean Rupp, évêque de Monaco ; Xavier Morilleau, évêque de La Rochelle ; José Nepote Fus, des missionnaires de la Consolata, prélat nullius de Rio Branco (Brésil) ; Giocondo M. Grotti, des Servites de Marie, nommé au tout début du concile (16 novembre 1962), prélat nullius d’Acre et Purùs (Brésil) ; Auguste Grimault, de la Congrégation du Saint-Esprit, comme Marcel Lefebvre, évêque titulaire de Maximianopolis de Palestine (originaire du Canada et résidant en France) ; dom Jean Prou, abbé de Solesmes, supérieur général de la Congrégation bénédictine de France ; Luciano Rubio, supérieur général de l’ordre des Ermites de Saint-Augustin. On notera que ces seize Pères sont surtout brésiliens et français. Outre les évêques et supérieurs généraux, le Coetus comptait aussi quelques periti et certains membres de la Curie, mais les dirigeants furent toujours des Pères conciliaires. [↩]
- Le nom officiel de l’organisation espagnole est actuellement Sociedad Espanola de Defensa de la Tradiciôn, Familia y Propiedad (TFP-Covadonga). Selon un bulletin de propagande de la branche espagnole de cette organisation (1990), qui se définit comme « la plus grande force civique et culturelle anticommuniste d’inspiration catholique au monde », « son point de départ fut la ville de Sào Paulo (Brésil) où en 1928 le professeur Plinio Corréa de Oliveira, alors jeune étudiant en droit, commença à militer dans le mouvement des congrégations mariales. Sous sa direction se forma dans les années 1930 un groupe de catholiques qui élargit progressivement son influence et donna naissance plus tard à la TFP brésilienne ». [↩]
- Outre les trois grands leaders dont il va être question (de Proença Sigaud, M. Lefebvre et Carli), les premiers signataires sont A. de Castro Mayer (Campos, Brésil), P. de La Chanonie (Clermont, France) ; parmi les membres ultérieurs, on relève L. G. da Cunha Marelim (Caxias do Maranhâo, Brésil), J. Pereira Venâncio (Leiria, Portugal), C. E. Saboia Bandeira de Mello, o. f. m. (Palmas, Brésil), J. Rupp (Monaco), X. Morilleau (titulaire de Cappadoce, France), J. Nepote-Fus, des missionnaires de la Consolata (titulaire de Elo, Brésil), G. M. Grotti, des Servites (prélat nullius de Acre y Punis, Brésil). A. Grimault, spiritain (titulaire de Maximianopolis de Palestine, originaire du Canada, résidant en France), J. Prou (abbé de Solesmes, supérieur général de la congrégation bénédictine de France), L. Rubio (supérieur général des Ermites de saint Augustin). Une majorité de Brésiliens et de Français donc, et plusieurs religieux, auxquels il faut ajouter quelques periti et des membres de la Curie. [↩]
- Les sympathisants viendront, entre autres, des opposants à la collégialité, à la fusion du De beata et du De Ecclesia, et à la liberté religieuse. Contre cette dernière, militera, par exemple, l’analyse critique du De libertate religiosa, produite à la fin de l’intersession 1965 par le Comitatus episcopalis internationalis seu Coetus internationalis patrum, intitulée Animadversiones criticae in textum reemendatum (28 mai 1965) Schema declarationis de libertate religiosa » et stipulée « Patribus conciliaribus reservatum », Fonds Dupont, n° 1516 20 p.. [↩]
- Selon l’indication personnelle de Mgr de Proença Sigaud à Gômez de Arteche (t. II/3, p. 243, n. 8). L. Perrin, dans son intervention au colloque bolonais précité de décembre 1996 («« Il Coetus internationalis patrum » e la minoranza conciliare », Evento, p. 173–187), se montre réservé quant à l’existence d’un « piccolo comitato » dès 1962 : « Je n’en ai pas trouvé la moindre trace et il est intéressant de noter que le dossier CIP de Mgr Lefebvre ne contient aucun document antérieur à 1963. Ce n’est d’ailleurs qu’à l’été 1963 que le Supérieur général des Spiritains demande l’assistance de l’abbé V. Berto comme théologien personnel ». Le même historien retient comme date de naissance du Coetus internationalis patrum le 3 octobre 1963 (selon le procès-verbal de Berto) ou le 2 (selon l’agenda de dom Prou). Ajoutons une précision : d’après le diaire de G. Barabino, secrétaire du cardinal Siri, ce dernier a participé à une réunion du groupe (une trentaine de Pères insatisfaits par les travaux in aula) le 22 octobre 1963, réunion qui prendrait la dénomination de Coetus internationalis patrum et où les Pères ont décidé de se revoir tous les mardis (Siri a continué d’être informé, mais sans plus prendre part aux rencontres). [↩]
- Il se réunissait chaque semaine. [↩]
- Au cours de la quatrième période, ce nom lui vaudra des difficultés de la part de Paul VI lui-même, estimant qu’un « Groupe international de Pères partageant les mêmes opinions en matière théologique et pastorale », créé au sein du concile, était de nature à porter préjudice aux libres débats de celui-ci. Aussi le Coetus deviendrait-il simplement Comitatus, mais sans rien changer à son esprit. [↩]
- Sur l’anecdote, voir R. WILTGEN, p. 88–89. Notons, à ce propos, que Wiltgen, fondateur de l’agence de presse Divine Word News Service, est lui-même verbite comme de Proença et habite comme lui à la maison généralice de leur congrégation (via dei Verbiti). Toujours selon R. WILTGEN (p. 148), le 9 novembre 1963 (au lendemain, peut-on spécifier, de l’intervention remarquée de Lercaro in aula), Carli aurait préparé à l’intention du pape une lettre dans laquelle il le suppliait « de demander aux cardinaux modérateurs de s’abstenir absolument d’intervenir en public en leur nom propre, tant à l’intérieur de l’aula conciliaire qu’au-dehors », car ils apparaissaient comme « les interprètes de la pensée du Souverain Pontife », tout en étant soupçonnés de pencher « dans une certaine direction, bien précise » ; c’est le cardinal Ruffini qui l’aurait dissuadé d’envoyer cette lettre. [↩]
- Cela ira jusqu’à la rédaction de contre-projets de schémas, comme sur la liberté religieuse. [↩]
- En effet, si le Coetus est bel et bien le catalyseur de la minorité conciliaire, tous les Pères de celle-ci n’appartiennent pas au sens strict à ce « groupe international » et certains nient explicitement une telle appartenance. Les épiscopats italien, espagnol, philippin, latino-américain et français sont les plus influencés par la propagande du groupe. Un lien existe aussi avec le groupe des évêques missionnaires (Vriendenclub) par l’intermédiaire du père Schütte, supérieur général de la Congrégation du Verbe divin, futur rapporteur du De activitate missionaria Ecclesiae. On peut relever aussi que des Pères conciliaires de sensibilité conservatrice, sans se réclamer formellement du Coetus, organisent des réunions entre eux. Ainsi, pour la période qui nous concerne, le 14 novembre 1963, les cardinaux Siri et Ruffini se sont réunis avec quatre confrères étrangers : les cardinaux Caggiano, de Buenos Aires ; Santos,[↩]
- On notera l’origine massivement « latine » de ces intervenants : italienne, « romaine » (curiale), espagnole, brésilienne, française. [↩]
- On constate une parfaite convergence avec l’objet déclaré de la première réunion du Coetus (procès-verbal de V. Berto, 3 octobre 1963) : l’opposition au thème de la collégialité dans le schéma De Ecclesia avec comme étendard la défense des droits du souverain pontife et, secondairement, ceux de l’évêque individuellement. [↩]
- Ce sera le cas, par exemple, pour la circulaire du 2 novembre 1964 (adressée à « Venerabilis Pater »). Elle traite du vote du nouveau schéma De pastorali episcoporum munere in Ecclesia le surlendemain et invite à voter non placet ; elle est signée « Nomine Coetus intemationalis patrum Geraldo de Proença Sigaud ». La même feuille annonce pour le lendemain la réunion publique du Coetus à 17 heures à l’Hôtel Columbus (via della Conciliazione, 33) ; y prendra la parole Mgr Franic, Fonds Prignon, n° 971. [↩]
- Browne, rappelons-le, est vice-président de la Doctrinale (le seul jusqu’en décembre 1963), aux côtés du président Ottaviani ; Santos est lui-même membre de cette Commission, ainsi que d’autres de même tendance, Florit et Franic. Larraona était à la tête de la Commission liturgique jusqu’à la fin de la deuxième période, et dom Prou en était membre. Ces quelques indications, partielles, contribuent à dresser le tableau des « antennes » du Coetus dans différents lieux stratégiques des assises conciliaires.[↩]
- Par exemple : sur la pétition du Coetus internationalis patrum contre l’absence d’une condamnation explicite du communisme marxiste dans le schéma XIII. La tactique retenue par le « groupement international » est de « fédérer les Romains », dira l’abbé Berto en 1964, afin d’empêcher « l’unanimité morale » autour des schémas majoritaires. II estimera réaliste de rallier un quart des Pères à ses thèses. L’objectif sera presque atteint à deux reprises : en septembre 1964, avec la pétition sur la consécration du monde au Cœur immaculé de Marie (510 signatures), et avec la pétition précitée relative au communisme en 1965 (exactement 454 signatures selon le décompte de Mgr Carbone). Le plus souvent, on oscille cependant entre 100 et 250. [↩]