L’Ile Madame. Petit coin de terre, à ras de l’océan, non loin des îles d’Aix et d’Oléron, relié au continent par un passage (la Passe aux bœufs) découvert seulement à marée basse. C’est en ce lieu que 254 prêtres martyrs des pontons de Rochefort seront inhumés durant l’été et l’automne 1794, en pleine Terreur révolutionnaire.
C’est aussi vers ce lieu qu’en ce 30 septembre 2018 se dirigent des fervents pèlerins. Rendez-vous est fixé dans l’église de Brouage, haut-lieu du départ de la christianisation du Canada français, où les prêtres déportés seront déplacés après leur séjour à l’Ile Madame. Une plaque dans l’église rappelle le passage des prêtres déportés et le décès de 36 d’entre eux en ce lieu. Sous le regard des ex-voto des marins, dans l’éclat du soleil levant, une prière place notre marche sous la protection de Notre-Dame.
Le pèlerinage vers l’Ile Madame
Puis nous prenons la direction de Port-des-barques dans le petit matin, et par les sentiers à travers les marais salants, nous rejoignons la côte que nous longeons jusqu’à Port-des-Barques, petit village à l’embouchure de la Charente.
Nous méditons particulièrement cette année sur l’exemple de saint prêtre laissé par le Padre Pio, dont on commémore le 50e anniversaire du rappel à Dieu et le centenaire de la stigmatisation. Puisse ce modèle aider à faire lever une nouvelle moisson d’ouvriers évangéliques.
Les Ave Maria se succèdent, ainsi que les méditations sur le sacerdoce et le rôle du prêtre, tandis que les pénitents viennent chercher l’absolution auprès de M. l’abbé de Sainte-Marie. Cette année encore, on peut également voir les sœurs du Rafflay ainsi que les religieuses de la Fraternité, toujours bien présentes pour prier pour les prêtres !
Cette marche dans la nature est l’occasion de se rapprocher de Dieu, et de se rappeler aussi ce qu’eurent à endurer ces pauvres curés et religieux expédiés là de toute la France, dénués de tout, si ce n’est de leur Foi, de leur amour de l’Église et de leur charité sacerdotale.
A Port-des-Barques a lieu la pause déjeuner, avec ses succulentes huîtres de Marennes, appréciées des amateurs. De nombreux pèlerins rejoignent d’ailleurs la colonne à ce moment-là, dont nos abbés qui étaient en ministère le matin. Puis cap sur l’Ile Madame par la Passe-aux-Bœufs. Chacun prend soin d’y ramasser un galet qui sera pieusement déposé tout à l’heure à la Croix des Galets.
Passée la stèle à l’entrée de l’île, nous faisons halte à l’oratoire à la Vierge. Celui-ci rappelle que les prêtres, débarqués sur l’île le 18 août 1794, eurent comme premier soin de la consacrer à Notre-Dame de l’Assomption. La marche à travers l’île, au milieu des étangs, des chevaux et des genêts, nous permet d’imaginer le sort de ces prêtres, dépouillés même de leurs vêtements, n’ayant pour se protéger du soleil d’août comme des tempêtes d’équinoxe que de frêles toiles de tente, qui seront même arrachées par la violence des ouragans.
Notre méditation se poursuit alors à la Croix des Galets, où furent découverts au début du XXe siècle les corps de quatre prêtres disposés en forme de croix. C’est sur ce même emplacement que la piété populaire a érigé, au fil des décennies, cette grande croix que nous pouvons voir aujourd’hui, et qui s’édifie encore d’année en année.
Monsieur l’abbé Amaury Graff rappelle que ces prêtres ont été déportés avec un immense esprit de Foi, et qu’ils ont laissé pour les prêtres d’aujourd’hui, un modèle de pauvreté, chasteté et obéissance, ainsi qu’en témoignent les récits laissés par plusieurs d’entre eux :
« Mais si notre corps souffrait, quelle joie ne sentions-nous pas au fond de nos cœurs, d’avoir été trouvés dignes de souffrir quelque chose pour Jésus-Christ. Nous nous rappelions cette nuit où notre divin Sauveur fut pris dans le jardin des olives et conduit à Jérusalem… »
Obéissance et sacrifice de la volonté : 2ème résolution prise par les prêtres du ponton ‘Les Deux-Associés’ :
« Si Dieu permet qu’ils recouvrent, en tout ou partie, cette liberté après laquelle soupire la nature, ils éviteront de se livrer à une joie immodérée, lorsqu’ils apprendront la nouvelle. En conservant une âme tranquille, ils montreront qu’ils ont supporté sans murmure la croix qui leur avait été imposée, et qu’ils se disposaient à la supporter plus longtemps encore, avec courage et en vrais chrétiens qui ne se laissent pas abattre par l’adversité. »
Pauvreté et dépouillement : 8ème résolution
« Ils ne montreront aucun regret de la perte de leurs biens, aucun empressement à les recouvrer, aucun ressentiment contre ceux qui les possèdent ; mais ils recevront sans murmure les secours que la nation pourra leur accorder pour leur subsistance, toujours contents du simple nécessaire, tant pour les vêtements que pour la nourriture. »
Chasteté et mortification : 5ème résolution :
« Ils se comporteront avec la plus grande modération et la plus exacte sobriété dans les auberges ; ils se garderont bien de faire la comparaison, surtout devant des étrangers des mets qu’on leur servira avec leur ancienne nourriture, et de paraître y mettre trop de jouissance ; l’empressement pour la bonne chère deviendrait un grand sujet de scandale pour les fidèles qui s’attendent à retrouver dans les ministres de Jésus-Christ les imitateurs de sa pénitence. »
Enfin, ces prêtres furent remplis d’une charité sacerdotale et fraternelle admirable : 9ème résolution :
« Ils ne feront ensemble, dès à présent, qu’un cœur et qu’une âme, sans acception de personnes, et sans montrer d’éloignement pour aucun de leurs frères, sous quelque prétexte que ce soit. Ils ne se mêleront point de nouvelles politiques, se contentant de prier pour le bonheur de leur patrie et de se préparer eux-mêmes à une vie nouvelle, si Dieu permet qu’ils retournent dans leurs foyers, et à y devenir un sujet d’édification et des modèles de vertu pour les peuples, par leur éloignement du monde, leur application à la prière et leur amour pour le recueillement et la piété. »
La messe à Port-des-Barques
Puis nous retournons à Port-des-Barques pour la messe en plein air, célébrée par M. l’abbé Loïc Duverger, Assistant du District de France, assisté par les abbés Jean-Luc Radier (Prieur de Gastines et doyen de Nantes) et Benoît-Joseph de Villemagne (Directeur des écoles Saint-Michel et Philibert-Vrau, et Doyen de Châteauroux), et chantée par les religieuses de la Fraternité Saint-Pie‑X, devant une assistance d’environ 300 fidèles.
On peut voir dans le chœur, côté évangile, une reproduction de la statue de Notre-Dame de Recouvrance, patronne mariale du diocèse de La Rochelle-Saintes et gardienne des vocations, conservée dans l’église Saint-Vivien de Pons (17). Cette statue fut préservée miraculeusement de la fureur des protestants durant les Guerres de religion. A droite de l’autel, on voit une reproduction agrandie d’une petite croix sculptée par l’un des prêtre déportés, et qui servait à assister les prêtres mourants. Ces objets liturgiques furent aimablement à notre disposition par les autorités du diocèse.
Les nombreux pèlerins sont venus de tout l’Ouest, de Nantes à Lourdes, en passant par les Deux-Sèvres, la Vendée, Angoulême… Un verre de l’amitié a terminé cette belle journée dans la convivialité.
Mais avant de partir, M. l’abbé Amaury Graff nous a laissé un dernier mot d’ordre : revenez encore plus nombreux l’an prochain, et surtout, continuez de prier pour les prêtres, actuels et futurs !
Que la Vierge Marie, Mère du Souverain Prêtre et Reine du Clergé, bénisse tous les pèlerins de l’Ile Madame, et les conserve dans la fidélité à la Foi et à l’Église, à l’exemple des prêtres-martyrs !
Sources : Prieuré de Bruges-Abbé Graff