Après avoir célébré ces derniers mois, plusieurs mariages, j’ose penser avoir un avis quelque peu autorisé sur le choix d’une église ou d’une chapelle pour « son » mariage. Plusieurs options peuvent se présenter : la chapelle de son prieuré, une église non loin du lieu de la réception, son église tout simplement paroissiale, celle de son quartier ou de son village etc. Il y aura toujours de bonnes raisons pour jeter son dévolu sur tel ou tel lieu. Le tout est d’établir un ordre de critères qui donne la priorité à l’essentiel et non pas au secondaire ni à l’accessoire. Il est bien entendu que le choix d’une église au seul motif de son « décor » ou de son cadre, n’est pas sérieux. La plupart de vos prêtres ont reçu l’onction sacerdotale sous une tente !
La célébration de son mariage est un acte grave ; il est l’acte fondateur de son nouveau foyer. Il doit alors s’accomplir dans le respect des principes qui guideront la vie conjugale puis familiale des jeunes époux. Aujourd’hui, plus que jamais, se marier chrétiennement est une profession de foi eu égard à l’institution du mariage chrétien lui-même mais aussi par rapport à tout ce à quoi le mariage est lié : le sacerdoce catholique, le sacrement de l’Eucharistie, la sainte messe, le règne sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ etc. Donc, autant choisir une chapelle ou une église qui corresponde au combat qu’il nous faut mener aujourd’hui pour défendre la foi catholique, c’est-à-dire là où la messe se conserve sans ambiguïté aucune, là où se prêche toute la vérité catholique et en toute liberté – ce qui n’est pas forcément le cas dans une église extérieure, là où nos parents ont conservé la foi pour nous la transmettre. Nos chapelles ou églises, acquises, aménagées parfois édifiées au prix de grands sacrifices doivent avoir tout leur sens le jour où deux jeunes époux s’unissent pour transmettre à leur tour, tout ce qu’ils y ont reçu.
Si aujourd’hui, l’on ne peut plus généralement se marier dans sa véritable paroisse, il ne faut pas pour autant trop s’éloigner du sens de cette pratique. En effet, comme le voulait le rituel de l’Église, c’était dans la paroisse le plus souvent de l’épouse ou parfois de l’époux que le mariage devait se célébrer. Car le mariage est un sacrement qui s’inscrit dans la suite de tous les autres qui initient ou entretiennent la vie chrétienne et que l’on recevait précisément dans sa paroisse d’origine. De ce point de vue, il n’y a donc aucune raison de choisir, pour son mariage, une église qu’on ne fréquente jamais.
Par contre, nos prieurés, comme le disait déjà Monseigneur Lefebvre, sont nos paroisses, auxquelles nous nous trouvons liés par tous les sacrements que nous y avons reçus. Ils se sont en effet implantés pour suppléer aux graves défaillances des ministres de l’Église et aujourd’hui encore, leur existence se justifie tout autant. Ils font figure de « bastions », là où peut, le mieux, se conserver et se transmettre la foi catholique dans toute son intégralité. Choisir de se marier dans l’un ou l’autre de nos « bastions », c’est alors une manière d’affirmer sa volonté de poursuivre sans compromis, désormais dans l’état de la vie conjugale, le combat initié par ses aînés, qui en leur temps ont eu le mérite de se réfugier dans des garages ou hangars ou granges ou salons particuliers, sous les quolibets des bien pensants, plutôt que s’exposer à perdre la foi et la faire perdre à leurs enfants.
Cette exigence de cohérence s’impose d’autant plus que la cérémonie de mariage est pratiquement, dans tous les cas, célébrée dans le cadre de la sainte messe, l’action la plus sacrée qui soit et pour laquelle il n’y a jamais rien de plus digne. Or je constate, par expérience, que beaucoup d’églises pourtant belles architecturalement ne se prêtent pas parfaitement à la célébration traditionnelle de la sainte messe et d’autant plus si elles ont malheureusement été profanées par des cérémonies sacrilèges, comme les prières œcuméniques ou d’autres cérémonies scandaleuses. Nous pouvons être contraints d’officier sur le nouvel autel, certes dans le bon sens mais si peu compatible avec le véritable rite romain ; ou alors par chance, il nous arrive de célébrer sur le véritable maître autel, quand encore il ne reste pas dans le chœur « la table » s’interposant entre cet ancien autel et l’assemblée. Et parfois dans quel état trouvons-nous cet autel, si beau soit-il, mais abandonné depuis tant d’années ? Il est souvent crasseux malgré un effort de dépoussiérage et demeure privé de toute sa parure originelle. C’est ainsi que j’ai officié sur un immense autel de cathédrale, s’il vous plaît ! Mais presque dépouillé, tellement les nappes trouvées pour la circonstances et autres objets étaient sous dimensionnés… Dans beaucoup de ces lieux de culte, les objets liturgiques adaptés à la messe traditionnelle ont pratiquement disparu ou ne sont plus en état d’usage. C’est pourquoi il nous faut souvent nous munir de notre propre matériel avec tous les risques que cela peut entraîner. Il est évident qu’en ce cas, nous évitons d’emporter nos plus beaux ornements et objets liturgiques dont nous nous serions pourtant volontiers servis « à domicile ». Pour le coup, la messe de mariage ne se célèbre pas avec toute la solennité qu’elle aurait pu avoir. Finalement, tout est beau sauf l’autel !
Il faut aussi ajouter les dangers pour la sainte Eucharistie, en particulier quand un prêtre du lieu assiste à la cérémonie. C’est évidemment son droit de se proposer pour la distribution de la sainte communion. Et quand il en prend l’initiative en se servant à son tabernacle c’est-à-dire en distribuant la communion avec des hosties consacrées dans la nouvelle messe, que faire ? Ou quand il récupère les hosties consacrées mais non consommées lors de la messe de mariage pour les enfermer lui-même dans son tabernacle, sans laisser le temps au confrère de réagir. Ces hosties seront dès lors exposées à des profanations au moins matérielles : communion dans la main, distribution par des laïcs, à des fidèles qui ne sont pas en état de communier etc. En organisant leur messe de mariage dans une magnifique église, les futurs époux mesurent-ils vraiment tous ces risques ?
Nonobstant ces remarques, j’entends bien qu’il n’est pas toujours possible de célébrer son mariage dans l’une ou l’autre de nos chapelles. Il est vrai que toutes nos chapelles n’ont pas la capacité d’accueil suffisante pour une telle cérémonie. Et dans ce cas, il n’y a pas l’obligation de se marier dans une chapelle trop distante. Évidemment il y aura toujours des situations exceptionnelles. Mais au-delà de ces cas particuliers, il est plus cohérent et plus logique de privilégier nos lieux de culte pour son mariage qui reste un événement avant tout d’ordre religieux et spirituel. Cette ligne de conduite est d’ailleurs de moins en moins contraignante depuis que notre Fraternité a déployé tant d’efforts pour bâtir, aménager et acquérir de belles chapelles ou églises qui pour la plupart, sont suffisamment spacieuses.
Abbé Laurent Ramé
Source : Spes Unica n°39