Mère de la divine joie, Marie se réjouit de nous voir grandir en sainteté, mettant sa joie à chaque jour toujours plus l’engendrer.
C’est avec un détail surprenant que l’Évangile souligne la réaction de saint Jean à la parole du divin crucifié, lui léguant Marie pour mère : Dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui (Jn 19, 27). Il est pourtant évident que ni saint Jean, et encore moins Marie, quittèrent à l’instant le pied de la croix pour rejoindre la demeure de l’apôtre. En mentionnant d’ailleurs « le disciple », et non plus le « disciple que Jésus aimait » selon l’expression par laquelle saint Jean se désigne lui-même, l’évangéliste universalise son propos. C’est que Marie a été également donnée pour Mère à tout disciple du Christ.
Prendre Marie pour Mère, c’est lui confier notre vie chrétienne. Car il relève de la mère d’être gardienne de vie. Elle apprend à l’enfant à faire ses premiers pas, elle l’assiste pour accomplir la volonté paternelle, elle lui en donne l’énergie par l’amour qui l’anime. Ainsi en est-il de Marie à notre endroit. Mère du bel amour (Si 24, 24), elle nous entraîne vers Dieu et guide nos pas. Le Faites tout ce qu’Il vous dira prononcé à Cana (Jn 2, 5) prend alors autant de déclinaisons que de situations concrètes que nous traversons. Gardienne de vie, elle est aussi celle qui engage son énergie à protéger son petit de la menace qui le poursuit. Qui le ferait mieux que Marie, l’Immaculée qui dès sa conception écrase la tête du démon ? Saint Bernard nous a appris à en vivre : Si le vent de la tentation s’élève, si l’orage des passions se déchaîne, regarde l’étoile, invoque Marie, si tu la suis tu ne dévies pas, si tu la prie tu ne faiblis pas.
Prendre Marie pour Mère, c’est encore en faire la confidente de nos vies. Une mère est celle à qui l’on peut tout dire, car on sait combien son amour est inconditionnel. La sagesse maternelle devient alors lumière pour nos doutes,persuasion pour nos hésitations, force en nos chancellements. Qui plus que Marie, trône de la Sagesse, pourrait être pour nous Mère du bon conseil ? Le moment privilégié d’une telle intimité est bien sûr celui du chapelet quotidien. L’amour maternel de Marie est tellement inconditionnel que toujours on peut s’approcher d’elle, alors même que l’on n’en serait pas digne. L’hébreu biblique l’envisage lorsqu’il désigne du même mot la miséricorde et les entrailles maternelles, rahamin. Ainsi la fille de Joachim est-elle pour nous refuge des pécheurs, mère de miséricorde. Saint Bernard la prie magnifiquement en son Souvenez-vous : On n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection ait été abandonné. Animé d’une pareille confiance, je me jette à vos pieds, gémissant sous le poids de mes péchés.
Une mère est aussi celle qui s’efface et s’oublie pour le bien de son fils, pour qu’il devienne grand. Qui le fait plus que Marie ? Mère de Dieu, elle s’efface pour laisser entière place à son divin Fils, elle nous le présente et nous le confie, à lui elle nous conduit. Les mystères de son chapelet sont tout à la gloire de son fils, gloire qu’elle veut nous voir partager. Elle ne sera heureuse de nous qu’à la mesure de notre grandeur aux yeux de Dieu, qu’à la mesure de notre sainteté. Elle fut l’âme de nos Cités, le cœur de notre chrétienté, celle qui lui a assuré toute sa grandeur, malgré le poids inhérent à la faiblesse humaine. L’artiste ne s’y est pas trompé lorsqu’il a sculpté en Notre-Dame de Paris la vierge au sourire. Mère de la divine joie, Marie se réjouit de nous voir grandir en sainteté, mettant sa joie à chaque jour toujours plus l’engendrer.
En ce mois de mai, prenons sans tarder Marie pour Mère. Alors, sans doute aucun, de tous les mois de l’année, celui-ci sera le plus beau.
Abbé Patrick de la Rocque
Source : Lou Pescadou n° 210
Image : Détail de la Vierge à l’Enfant, cathédrale d’Amiens (trumeau du portail de la Vierge dorée).