Petite explication du « Je vous salue, Marie »

Annonciation – bas-relief cathédrale de Rodez

Si vous réci­tez votre cha­pe­let quo­ti­dien­ne­ment, vous dites au moins chaque jour cinquante-​trois Je vous salue, Marie. Voici quelques expli­ca­tions tra­di­tion­nelles sur la prière la plus répé­tée par vous.

La prière com­mence par les paroles de l’ange Gabriel, le jour de l’Annonciation : Je vous salue, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes (Lc 1, 28). Saint Thomas d’Aquin déclare que c’est la pre­mière fois qu’un ange s’incline devant une créa­ture humaine, car c’est la pre­mière fois qu’une créa­ture humaine sur­passe les anges.

Dieu est esprit. Il a créé de purs esprits, plus par­faits et plus nom­breux que les hommes. C’est l’Écriture qui nous en parle et nous montre les hommes s’inclinant devant les anges. En quoi les anges sont-​ils supé­rieurs aux hommes ? Ils sont supé­rieurs en digni­té ; ce sont des natures spi­ri­tuelles, incor­rup­tibles. Ils sont encore supé­rieurs en fami­lia­ri­té avec Dieu ; ils se tiennent en pré­sence de Dieu. Enfin ils sont supé­rieurs en grâce ; ils ont la grâce sanc­ti­fiante, à un degré plus grand que les hommes. « C’est pour­quoi, dit Saint Thomas, ils appa­raissent tou­jours lumineux. »

La Très Sainte Vierge Marie sur­passe les anges, et d’abord en grâce. C’est pour­quoi l’ange Gabriel dit qu’elle est pleine de grâce. Son âme pos­sède toute la plé­ni­tude de la grâce. « A elle fut don­né, enseigne encore saint Thomas, une grâce plus abon­dante pour triom­pher du péché. » Elle a été pré­ser­vée du péché ori­gi­nel et elle n’a pas com­mis de péché actuel, ni mor­tel, ni véniel. On peut dire avec l’auteur du Cantique des can­tiques : Vous êtes belle, mon amie, et sans tache aucune (Ct 4, 7). Saint Albert le Grand remarque que le pré­nom Maria signi­fie « mer », « océan de grâce ».

Cette plé­ni­tude de grâce rejaillit sur le corps de la Très Sainte Vierge Marie. Et c’est pour cela qu’à Lourdes, sainte Bernadette a dit que l’Immaculée est « si belle que lorsqu’on l’a vue une fois, on vou­drait mou­rir pour la revoir ». La Très Sainte Vierge répand encore de sa plé­ni­tude sur tous les hommes. Ce qui fait dire à Saint Alphonse : « Ceux qui ont per­du la grâce doivent recou­rir à Marie pour la retrouver. »

L’Immaculée sur­passe aus­si les anges en fami­lia­ri­té avec Dieu. C’est pour­quoi l’ange Gabriel ajoute : Le Seigneur est avec vous. Selon saint Thomas d’Aquin, l’ange confesse qu’elle est plus proche de Dieu que tous les anges. Car Dieu le Père est avec elle ; Il ne se sépare pas de son Fils. Dieu le Fils est avec elle ; le Fils ne se sépare pas de sa mère. Dieu le Saint-​Esprit est avec elle ; Elle est le temple où II opère : Le Saint-​Esprit sur­vien­dra en vous (Lc 1,35), a pré­ve­nu l’ange Gabriel. C’est donc la créa­ture la plus proche de la Sainte Trinité.

Nous enten­dons ensuite cette parole : Vous êtes bénie entre toutes les femmes. Qui le dit ? L’ange Gabriel (Lc 1, 28) ? Sainte Élisabeth (Lc 1, 42) ? Oui, toutes les créa­tures recon­naissent cette béné­dic­tion sur Marie. Des malé­dic­tions ont été por­tées par Dieu contre tous les hommes à cause du péché. A la femme il a été dit : Tu enfan­te­ras dans la dou­leur (Gn 3, 16). A l’homme et à la femme il a été ajou­té : Vous êtes pous­sière et vous retour­ne­rez en pous­sière (Gn 3, 19). La Très Sainte Vierge Marie est la seule à avoir été exemp­tée de toutes ces malé­dic­tions, elle est vrai­ment la seule bénie entre toutes les femmes. Mais c’est aus­si elle qui leva ces malé­dic­tions et appor­ta la béné­dic­tion au monde : Jésus-​Christ, le fruit béni de ses entrailles.

Et le fruit de vos entrailles est béni (Lc 1,42). Saint Thomas d’Aquin fait un paral­lèle avec le fruit défen­du pris par Ève sur l’arbre de la science du bien et du mal. Ève dési­ra trois choses du fruit défen­du, et tout d’abord la déi­fi­ca­tion. Vous serez comme des dieux, a dit le père du men­songe (Gn 3, 5). Or, loin de deve­nir sem­blables à Dieu, nos pre­miers parents sont deve­nus dis­sem­blables et se sont éloi­gnés de Dieu. Au contraire, par le Christ, fruit béni des entrailles, nous nous unis­sons à Dieu et lui deve­nons semblables.

Ève a ensuite dési­ré la joie de la délec­ta­tion : Ce fruit était bon à man­ger (Gn 3,6). Or, c’est la dou­leur qui entra dans sa vie. Au contraire, dans le fruit béni de la Très Sainte Vierge Marie, nous trou­vons la sua­vi­té et le salut : Celui qui mange ma chair (…) a la vie éter­nelle (Jn 6, 55).

Enfin, Ève a remar­qué que c’était un fruit sédui­sant à voir (Gn 3, 6). Mais qu’est-ce en com­pa­rai­son du fruit béni de l’immaculée ? C’est le plus beau des enfants des hommes (Ps 44, 3), c’est la splen­deur de la gloire du Père (He 1,3).

Tout ce début du Je vous salue, Marie est un can­tique de louanges. La fin est une prière, celle que l’Église a ajou­tée à par­tir du 15e siècle : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous. On remar­que­ra que l’on cite l’Immaculée sous son titre de Mère de Dieu, titre qui explique toutes les faveurs accor­dées à la Très Sainte Vierge Marie. Et que lui demande-​t-​on ? Qu’elle prie pour nous, que son âme imma­cu­lée s’élève vers Dieu, pour nous. Que peut refu­ser la Sainte Trinité à une telle prière ? Notre-​Seigneur Jésus-​Christ n’a‑t-il pas mon­tré, à Cana, qu’il était prêt à devan­cer l’heure des miracles à la prière de sa Mère ?

Priez pour nous, pauvres pécheurs : Saint Alphonse écrit que la Très Sainte Vierge Marie témoigne une affec­tion par­ti­cu­lière pour eux, car son Fils est mort pour eux.

Priez pour nous… main­te­nant… : Nous deman­dons la grâce de l’instant pré­sent. Voilà pour­quoi il est bon de faire pré­cé­der les dif­fé­rentes acti­vi­tés de nos jour­nées par la réci­ta­tion d’un Je vous salue, Marie.

Et à l’heure de notre mort : C’est le moment sur­tout d’assaut du démon. Saint Antonin affirme : « Tous les enne­mis s’enfuient du lit du mou­rant quand la Reine du Ciel appa­raît. » Notons que nous devons cette der­nière demande à Saint Pie V, qui l’a fait insé­rer dans tous les livres de prières en 1570.

Que ces petits rap­pels nous incitent à bien dire ce Je vous salue, Marie avec atten­tion. Nous pou­vons aus­si mieux dire notre cha­pe­let, en étant davan­tage atten­tifs à la signi­fi­ca­tion des paroles de cette prière. Que Notre-​Dame elle-​même nous y aide.

Source : Lou Pescadou n° 216