Qui donc prétendrait être plus chrétien que sainte Jeanne d’Arc ?
Depuis qu’il y a I’aggiornamento, depuis la remise à jour continuelle de l’après-concile, la réponse à la question « qu’est-ce qu’un chrétien ? » ne laisse place à aucune hésitation :
Un chrétien c’est une nouille. Une nouille qui prend la forme de l’endroit où on la pose : elle est plate si l’assiette est plate, tordue si les autres houilles sont tordues, visqueuse si I’environnement est visqueux.
Voilà ce que devient un chrétien si l’on définit le christianisme uniquement par une pseudo charité fraternelle, tellement souple, tellement adaptée au monde qu’elle en prend toutes les tares et jusqu’à l’athéisme.
Mais le vrai chrétien a foi en Dieu et en Jésus-Christ, Fils de Dieu, il a l’espérance de la vie éternelle et par la grâce divine, la charité qu’iI pratique ne I’oblige pas à se mouler parmi les autres nouilles en glissant vers le fond du plat.
En ce mois de mai nous avons célébré une vraie chrétienne Sainte Jeanne d’Arc, chrétienne, sainte et charitable.
Elle a 13 ans quand les voix du ciel lui disent non pas encore de se préoccuper de la marche du monde mais « de bien se conduire et de fréquenter l’église ». Nous savons cela par les minutes exactes de son procès prises par Manchon, greffier d’une admirable conscience professionnelle. Cette chrétienne aura le culte de l’état de grâce, chose presque inconnue aujourd’hui, qui a disparu des catéchismes. Je veux parler de la chose elle-même et non pas seulement des mots. Car vous chercherez en vain l’état de grâce et son contraire, l’état de péché, sous quelque mot que ce soit dans les nouveaux catéchismes.
L’état de grâce tient tellement à cœur à sainte Jeanne d’Arc que ses juges comptent bien y trouver un piège contre elle. Ce fut l’occasion de la réponse célèbre de Jeanne :
Si Je ne suis, pas en état de grâce que Dieu m’y mette, si j’y suis que Dieu m’y garde.
Cette chrétienne ne vivra pourtant pas comme une ermite. Remarquez que je n’ai rien contre les ermites. Je trouve même absurde que les conciliaires veuillent rayer de l’histoire de l’église tous les ermites comme si pour se sanctifier il était indispensable de vivre serrés les uns contre les autres, ensemble, et de prendre le métro plus souvent qu’un prie-dieu.
Sainte Jeanne d’Arc a souci de la communauté et elle a même affirmé que « Dieu et l’Eglise c’est tout un », mais cela ne voulait pas dire qu’un évêque Cauchon a toujours raison.
Sainte Jeanne d’Arc ne réduit pas l’Eglise aux gens d’Eglise de son temps. Elle sait que l’Eglise englobe les siècles et comporte l’Eglise « victorieuse » comme elle dit, c’est à dire l’Eglise qu’on appelait triomphante quand il y avait encore des catéchismes.
La charité de sainte Jeanne d’Arc, enfin, n’est pas la sauce d’un plat de macaroni. Ses bourreaux, tristes cuistots, raffolaient à cette époque là comme d’autres actuellement d’une charité chrétienne accommodée à la reculade. « Vos sainte Catherine et sainte Marguerite ne peuvent pas bien sûr, disaient-ils à Jeanne d’Arc, haïr les anglais ? » et elle répondait :
de l’amour ou de la haine que Dieu a aux Anglais et de ce qu’il fera de leurs âmes je ne sais rien, mais je sais bien qu’ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront.
Qui donc prétendrait être plus chrétien que sainte Jeanne d’Arc ? Alors les chrétiens doivent charitablement et hardiment faire la guerre aux ennemis de I’Eglise, à ceux du dehors et à ceux qui se sont infiltrés à l’intérieur.
Abbé Philippe Sulmont
Source : Bulletin paroissial de Domqueur n° 102