Sainte Jeanne d’Arc

Sainte Jeanne d'arc écoutant les voix par Léon-François Bénouville

Vierge, patronne de la France (1412–1431).

Fête le 30 mai.

Chacun de nous a une « mis­sion » à rem­plir sur la terre ; pour le plus grand nombre, c’est l’humble labeur quo­ti­dien, à d’autres le bon Dieu demande des œuvres plus impor­tantes. Sainte Jeanne d’Arc fut sus­ci­tée pour sau­ver un pays rava­gé par les guerres, et presque rayé de la carte de l’Europe ; mais ce qui fait de cette jeune fille un modèle, c’est moins la gran­deur de son œuvre, que sa pié­té, sa pure­té, son cou­rage, sa fidé­li­té aux enseigne­ments de l’Eglise, et son accep­ta­tion des des­seins de la Providence.

Enfance de Jeanne. — Sa mission.

Jeanne d’Arc naquit à Domremy, vil­lage de France situé près de la fron­tière du duché de Lorraine, le 6 jan­vier 1412

Ses parents se nom­maient Jacques d’Arc et Isabelle Romée. Excellents catho­liques, ils apprirent avec soin à leurs enfants les prin­cipes de la religion.

Jeanne prit grand goût à ce pre­mier ensei­gne­ment de la famille. Bien qu’elle ne sût ni lire ni écrire, elle pos­sé­dait par­fai­te­ment, dès son jeune âge, le Pater, l’Ave, le Credo et les prières usuelles. Sitôt qu’on put la conduire à l’église, elle s’y fit remar­quer par une tendre pié­té, se mon­trant, bien jeune encore, assi­due à la sainte messe, se confes­sant et com­mu­niant sou­vent. Secourable aux pauvres, elle visi­tait et soi­gnait aus­si les malades, et son curé, mes­sire Guillaume Fronte, disait d’elle : « C’est une bonne chré­tienne, je n’en ai jamais vu de meilleure et il n’y a pas sa pareille dans toute la paroisse. »

La France, à cette époque, était enva­hie par les Anglais. L’héri­tier de la cou­ronne, Charles VII, n’avait plus que peu de par­ti­sans et ne par­ve­nait pas à se faire sacrer roi à Reims, tan­dis qu’un jeune prince des­cen­dant des Plantagenets, Henri VI, avait été pro­cla­mé à Paris roi de France et d’Angleterre.

Un jour, vers midi, Jeanne, qui avait alors douze ans et demi, se trou­vait dans le jar­din de la mai­son pater­nelle, voi­sine de l’église. Tout à coup, l’enfant entend pro­non­cer dis­tinc­te­ment son nom. Elle se tourne aus­si­tôt du côté de l’église. Une grande clar­té l’envi­ronne et elle per­çoit une voix qui lui dit : « Jeanne, Jeanne, sois bonne et pieuse, aime Dieu, fré­quente l’église ! »

L’enfant tom­ba à genoux, et vou­lut se consa­crer tota­le­ment à Dieu par le vœu de vir­gi­ni­té. À par­tir de ce moment, l’archange saint Michel et les saintes vierges et mar­tyres Catherine et Marguerite lui appa­rurent sou­vent. Jeanne enten­dait leur voix qui disait :

« Il y a grande pitié au royaume de France », et encore : « Fille de Dieu, va en France, il le faut ! »

Elle répon­dait en pleurant :

— Je ne suis qu’une pauvre fille, je ne connais ni A ni B. Je ne sais ni mon­ter à che­val, ni manier la lance, ni faire la guerre !

Va ! va, fille au grand cœur !

Vers l’âge de dix-​sept ans, sur l’ordre de l’archange et des Saintes, elle alla trou­ver Robert de Baudricourt, gou­ver­neur de Vaucouleurs, lui deman­dant de l’en­voyer au roi de France. Elle fut d’abord très mal reçue ; mais le ciel vain­quit la résis­tance des hommes, et Baudricourt, remet­tant à Jeanne une épée, l’envoya au roi de France vers la fin de février 1429, sous l’escorte de six hommes armés. Elle arri­va, au bout de onze jours, au châ­teau de Chinon, en Touraine, où rési­dait Charles VIL

Jeanne examinée à Chinon.

Le roi consen­tit, après trois jours d’attente, à lui accor­der une audience. C’était le 9 mars.

Toutefois, il lais­sa à un per­son­nage de sa suite les attri­buts royaux et se dis­si­mu­la par­mi ses cour­ti­sans, après avoir revê­tu un cos­tume très simple. Jeanne, nul­le­ment éblouie par le faste de la cour, s’abandonna à la conduite des anges du Seigneur. Sans hési­ter, elle recon­nut Charles VII, alla droit vers lui et lui mon­tra qu’elle connais­sait les plus intimes secrets de son âme. Le roi, stu­pé­fait et ému jusqu’aux larmes, fut bien­tôt convaincu.

Charles convo­qua alors son Parlement à Poitiers, sous la prési­dence de l’archevêque de Reims. La jeune fille dut four­nir des preuves de la véri­té de ses affir­ma­tions. On lui deman­da entre autres choses d’accomplir un prodige.

— Au nom de Dieu, répondit-​elle, je ne suis pas venue à Poitiers pour faire des pro­diges. Mais envoyez-​moi à Orléans : là, je vous mon­tre­rai les miracles que je suis venue faire. Qu’on me donne des sol­dats en tel nombre que l’on vou­dra et je ferai lever le siège de la ville.

— Pourquoi demandez-​vous des sol­dats ? objec­ta l’un des exami­nateurs. Si Dieu veut déli­vrer la France, il n’a pas besoin de guer­riers pour cela.

— Les sol­dats com­bat­tront, et Dieu don­ne­ra la vic­toire, répli­qua Jeanne.

La sagesse de cette réponse et de toutes les autres frap­pa les exa­mi­na­teurs. Ils acce­ptèrent volon­tiers la déli­vrance d’Orléans comme signe de la mis­sion de Jeanne, et rédi­gèrent une sen­tence très favo­rable au nom de l’Eglise et de la patrie.

Délivrance d’Orléans.

La jeune fille reçut alors une armure sem­blable à celle des che­valiers, et se fit appor­ter une épée qui se trou­vait cachée dans l’église de Sainte-​Catherine de Fierbois. Sur l’ordre de ses Saintes, elle fît peindre un éten­dard sur lequel on lisait ces mots : Jhesus Maria.

Puis Charles VII l’envoya à Blois, où était réuni un corps de troupes des­ti­né à mar­cher sur Orléans.

En arri­vant dans cette ville, Jeanne pria son aumô­nier, Fr. Pasquerel, et les autres prêtres de prê­cher à ses sol­dats, et de leur dire qu’aucun ne l’accompagnerait à Orléans qui ne se fût confes­sé et n’eût com­mu­nié avant le départ.

Le 29 avril 1429, elle péné­trait dans Orléans, rame­nant dans cette place déso­lée l’inébranlable espoir d’une pro­chaine délivrance.

Le ven­dre­di 6 mai, Jeanne orga­ni­sa une sor­tie et empor­ta d’assaut la bas­tille des Augustins, où les Anglais avaient réuni celles de leurs troupes qui occu­paient la rive gauche de la Loire.

Rentrée triom­phante dans Orléans, elle décla­ra, devant de nom­breux témoins, que le len­de­main elle déli­vre­rait la ville, et annon­ça au Fr. Pasquerel quelle serait bles­sée à la poitrine.

Blessée et victorieuse.

Le same­di 7, avant l’aube, Jeanne enten­dit la messe, et, après avoir com­mu­nié avec une grande fer­veur, elle revê­tit son armure et s’avança à l’attaque. Le fort des Tourelles était répu­té impre­nable. Néanmoins, l’attaque com­men­ça aus­si­tôt, et des pro­diges de valeur furent accom­plis dans les deux camps.

Les forces humaines ont une limite. Vers 1 heure de l’après-midi, la Pucelle voit ses sol­dats épui­sés ; elle seule conserve tou­jours la même vigueur. Voulant à son tour ten­ter l’assaut, elle dresse une échelle contre le rem­part. Les Anglais l’ont recon­nue ; une grêle de traits s’abat sur elle, et une flèche lui trans­perce l’épaule. On emporte l’héroïne loin du rem­part, on la dépose sur l’herbe. Le trait sor­tait d’un demi-​pied de l’autre côté de la poitrine.

Bientôt ses célestes Visions lui pro­mettent de nou­veau la vic­toire, et elle sent aus­si­tôt son cou­rage renaître.

— Je suis bien conso­lée, dit-elle.

Elle arrache elle-​même le fer de la bles­sure. Puis elle se con­fesse en ver­sant d’abondantes larmes, annonce la défaite des Anglais et se retire pour prier. Une heure plus tard, elle s’élance vers son éten­dard, le sai­sit, puis, d’un geste éner­gique, le plante dans le rem­blai de l’ouvrage assié­gé en répétant :

— Tout est vôtre ! Entrez ici !

Les Français se pré­ci­pitent à l’assaut. Rien ne les arrête. Ils sont mira­cu­leu­se­ment sou­te­nus tan­dis que les défen­seurs des Tourelles suc­combent, et bien­tôt Jeanne, pour venir remer­cier Dieu dans la cathé­drale d’Orléans, peut tra­ver­ser la Loire sur le pont des Tourelles.

Les Anglais, décou­ra­gés, levèrent le siège le len­de­main 8 mai ; tout de suite les Orléanais orga­ni­sèrent une pro­ces­sion d’action de grâces qui s’est conti­nuée fidè­le­ment à tra­vers les siècles.

Quelques jours plus tard, Jeanne prit le com­man­de­ment d’une armée, et en moins d une semaine, arra­cha aux Anglais les villes de Jargeau, Meung et Beaugency et rem­por­ta la vic­toire de Patay.

Pris d’une ter­reur panique, les Anglais s’enfuirent devant nos troupes et n’osèrent plus s’arrêter qu’à Paris.

Sacre du roi à Reims.

Jeanne la Pucelle, ain­si qu’on l’appelait, c’est-à-dire la vierge, n’était pas sus­ci­tée par Dieu seule­ment pour rem­por­ter des vic­toires sur les champs de bataille, mais aus­si pour réfor­mer la France ou mieux la refaire, après les mal­heurs affreux qui l’avaient défigurée.

Elle s’acquitta avec zèle de cette mis­sion, pré­ci­sant les obli­ga­tions du cler­gé, du peuple, des sol­dats, des membres de la famille royale, du roi lui-​même. La libé­ra­trice d’Orléans attache une impor­tance capi­tale à un point : c’est pour le divin Roi, avant tout, qu’elle est venue recon­qué­rir la France ; c’est sur le front du Christ qu’elle veut d’abord voir repo­ser la cou­ronne de saint Louis.

Enfin, Jeanne obtient du roi qu’il se mette en marche vers Reims.

Charles VII, qu’accompagnait la vaillante jeune fille, s’avança donc à tra­vers un pays occu­pé par l’ennemi. Mais l’armée qui le sui­vait n’eut pas à livrer bataille. Villes et châ­teaux forts se ren­daient au sou­ve­rain légi­time, et le dimanche 17 juillet 1429, la pompe d’un sacre royal se dérou­la dans la cathé­drale de Reims.

Hélas ! à par­tir de ce jour, le roi pré­fé­ra écou­ter ses ministres.

Ceux-​ci contre­car­rèrent la jeune guer­rière, et com­men­cèrent des négo­cia­tions avec l’ennemi, puis firent reprendre à l’armée, mal­gré les pro­tes­ta­tions de la Pucelle et des patriotes éclai­rés, la direc­tion de la Loire.

Hésitations de Charles VII. — Revers devant Paris.

Tandis que le roi per­dait ain­si un temps pré­cieux, le duc de Bedford, régent de France pour les Anglais, et Philippe le Bon, duc de Bourgogne, res­ser­raient leur alliance. Une armée enne­mie sor­tit de Paris et s’opposa au pas­sage de la Seine par l’armée royale.

Cependant Charles VII, qui avait conclu une trêve avec Philippe le Bon, s’obstinait à ne pas atta­quer Paris. Tandis que lui-​même se trou­vait à Compiègne, son armée exé­cu­tait, à tra­vers l’Ile-de- France et les régions avoi­si­nantes, une marche à l’aventure, durant laquelle villes et for­te­resses conti­nuaient à lui ouvrir leurs portes et à faire leur sou­mis­sion. Jeanne n’y tint plus : accom­pa­gnée du duc d’Alençon et sui­vie d’une moi­tié de l’armée, elle prit le che­min de Paris, s’arrêta à Saint-​Denis, qui accueillit la libé­ra­trice, et pré­pa­ra tout pour l’attaque de la capi­tale, espé­rant que le roi ne tar­de­rait pas à ame­ner le reste des troupes.

Celles-​ci, au contraire, se firent attendre long­temps. Enfin, le 7 sep­tembre, le roi arri­vait, et dès le 8, au matin, la Pucelle diri­geait la marche sur Paris.

Jeanne for­ça la pre­mière bar­rière de la porte Saint-​Honoré, puis, l’étendard à la main, se jeta avec les plus braves dans les fos­sés, mal­gré le feu nour­ri des assié­gés ; mais un trait d’arbalète la bles­sa griè­ve­ment à la cuisse. Elle n’en conti­nua pas moins à don­ner des ordres, pro­met­tant que la place serait prise sans tarder.

Une lâche tra­hi­son s’accomplit alors. Le pre­mier ministre, La Trémoille, et les chefs à sa dévo­tion, voyant Jeanne si près de réus­sir, ordon­nèrent aux sol­dats de leurs com­pa­gnies de ces­ser le combat.

Mais la Pucelle réitère son affir­ma­tion et pro­teste encore lorsque le duc d’Alençon, avec quelques che­va­liers, revient cher­cher la blessée.

De fait, on sut plus tard qu’une effroyable panique s’était répan­due dans Paris et que bien des bour­geois son­geaient à se rendre.

Malgré sa bles­sure, le len­de­main, de grand matin, Jeanne était levée, et elle allait recom­men­cer l’attaque, quand le roi don­na l’ordre for­mel de battre en retraite.

L’armée se replia sur les bords de la Loire, et un peu plus tard, Charles VII emme­na la jeune fille, avec la cour, au châ­teau de Sully, rési­dence de la Trémoille.

A la fin de mars 1430, ne pou­vant sup­por­ter l’inaction, Jeanne quit­tait Sully avec quelques che­va­liers, se diri­geant vers le Nord, où Philippe le Bon s’apprêtait à ren­trer en campagne.

« Tu seras prise. » — Trahie et vendue.

La Pucelle par­cou­rait les fes­sés de la ville de Melun, quand ses Saintes lui firent une révé­la­tion qui gla­ça son âme d’épouvante :

— Tu seras prise, lui dirent-​elles, avant la Saint-Jean.

Puis, vou­lant la récon­for­ter, elles ajoutèrent :

— Prends tout en gré. Dieu t’aidera.

Malgré cette ter­rible révé­la­tion, Jeanne n’en conti­nua pas moins à faire héroï­que­ment son devoir, et, avec une com­pa­gnie de 200 hommes, se jeta dans Compiègne assiégé.

C’était le 23 mai 1430. Guillaume de Flavy, gou­ver­neur de la ville, créa­ture des ministres de Charles VII, pro­po­sa à la jeune guer­rière d’opérer une sor­tie le soir même, lui fai­sant espé­rer qu’elle sur­pren­drait l’ennemi. Mais celui-​ci l’attendait, tout pré­pa­ré comme s’il avait été averti.

Jeanne lan­ça ses sol­dats avec suc­cès sur Margny, poste avan­cé des Bourguignons, mais les troupes anglaises, inter­ve­nant, provo­quèrent un flé­chis­se­ment dans l’intrépide com­pa­gnie. Bien que plu­sieurs chefs fran­çais pro­po­sassent de battre en retraite, Jeanne l’entraîna à une seconde attaque, qui fut sui­vie d’un nou­veau recul.

Flavy, fei­gnant alors de redou­ter une sur­prise, fit fer­mer le pont- levis et les portes de Compiègne. L’héroïne et les cinq ou six braves res­tés autour d’elle ne son­geaient qu’à com­battre, du haut de leurs des­triers. Cernés de toutes parts, ils ne pou­vaient tenir tête à cette cohue d’ennemis. La jeune fille, pour­tant, conti­nuait à se défendre avec l’énergie du déses­poir. Enfin, un archer picard, taillé en her­cule, la sai­sit par les bords de sa huque d’étoffe rouge et la désar çon­na. Les sol­dats la main­te­naient à terre, lui criant d’une voix triomphante :

— Rendez-​vous ! Rendez-​vous ! Donnez-​nous votre foi !

— J’ai don­né et octroyé ma foi à un autre que vous, reprit-​elle, et je lui tien­drai mon serment.

À cette heure suprême, l’héroïque vierge n’oubliait pas qu’elle appar­te­nait à Jésus-Christ.

Prise et enchaî­née, elle fut traî­née de pri­son en pri­son par Jean de Luxembourg, qui, défi­ni­ti­ve­ment, la ven­dit aux Anglais pour 10 000 livres d’or.

La prison. — Condamnée sur un faux.

Les Anglais condui­sirent Jeanne à Rouen, où ils l’enfermèrent dans un étroit et dur cachot.

Voulant décon­si­dé­rer aux yeux du peuple les révé­la­tions qu’elle disait avoir, ils lui inten­tèrent un pro­cès en cour ecclé­sias­tique. Dans ce des­sein, ils s’assurèrent, à prix d’argent, un pré­lat indigne, Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, qui récla­ma Jeanne parce qu’elle avait été faite pri­son­nière sur le ter­ri­toire de son dio­cèse. Durant plu­sieurs mois, ce juge pré­va­ri­ca­teur inter­ro­gea la jeune fille et cher­cha à lui arra­cher l’aveu d’un crime imaginaire.

L’accusée, durant son pro­cès, répon­dit avec une remar­quable sagesse et un admi­rable esprit de foi à toutes les ques­tions qui lui furent posées.

Le 24 mai 1431 Cauchon fit dres­ser son tri­bu­nal sur la place de Saint-​Ouen, où il essaya d’obtenir une rétrac­ta­tion publique de Jeanne. La pauvre pri­son­nière s’écria aus­si­tôt, par trois fois :

— J’en appelle au Pape !

Le juge infâme ne tint pas compte de cet appel, et fei­gnit de croire que Jeanne renon­çait à sa mission.

Il revint la voir dans sa pri­son, après quelques jours, et lui deman­da si elle avait encore enten­du ses voix.

— Oui, répondit-elle.

Alors Cauchon se reti­ra et rédi­gea une sen­tence décla­rant que Jeanne était retom­bée dans ses erreurs et la livrant au bras sécu­lier, c’est-à-dire, en fait, l’abandonnant aux Anglais et à leur cruelle vengeance.

Sur le bûcher. — La Patronne de la France.

Le mer­cre­di 30 mai, de grand matin, un reli­gieux Dominicain vint annon­cer à la pri­son­nière le sup­plice qui l’attendait.

La pauvre enfant s’écria :

— J’en appelle à Dieu !

Ensuite elle deman­da le saint Viatique et com­mu­nia avec une tou­chante pié­té, une foi vive, un grand amour et d’abondantes larmes. On la fît mon­ter dans une char­rette et on la condui­sit sur la place du Vieux-​Marché, où l’on avait éle­vé un bûcher à une grande hau­teur. Arrivée au lieu du sup­plice, tout d’abord elle s’agenouille et prie à haute voix la Sainte Trinité, ia Bienheureuse Vierge Marie, les Saints et Saintes du para­dis, en par­ti­cu­lier ceux que sa pié­té a tou­jours spé­cia­le­ment invo­qués. Elle pro­teste de sa foi de fer­vente chré­tienne et demande hum­ble­ment à Dieu d’oublier les fautes qu’elle a pu com­mettre au cours de sa vie.

La jeune vierge songe à pré­mu­nir son âme contre toute défail­lance. Jésus, son divin Roi, a expi­ré sur une croix : elle réclame, elle aus­si, une croix pour mou­rir. Un sol­dat en fit une de deux mor­ceaux de bois. Jeanne la bai­sa dévo­te­ment et la pla­ça sur son cœur. Mais cela ne lui suf­fi­sait pas : elle dési­ra avoir un Crucifix afin de pou­voir contem­pler l’image du Rédempteur. De l’église Saint-​Sau­veur on lui rap­por­ta la croix des pro­ces­sions ; elle la sai­sit avec un inef­fable bon­heur, adres­sant à son Dieu immo­lé une fer­vente prière.

Deux ser­gents s’emparèrent alors de la condam­née et la pous­sèrent vers le bûcher. Elle en gra­vit les degrés, escor­tée des Domi­nicains Martin Ladvenu et Isambard de La Pierre.

On lui enlève des mains le Crucifix. On l’attache bru­ta­le­ment au poteau, et l’on couvre son front d’une mitre d’ignominie por­tant ces mots : « Hérétique, relapse, apos­tate, idolâtre. »

— Non, non, je ne suis pas héré­tique ni schis­ma­tique, pro­teste éner­gi­que­ment la Pucelle, je suis bonne chré­tienne… Non, non, mes voix ne m’ont pas trom­pée, elles venaient vrai­ment du ciel.

Bientôt les étin­celles jaillissent, une fumée intense enve­loppe la vic­time, l’air se raré­fie, les choses de la terre s’effacent.

— De l’eau bénite ! implore Jeanne.

Puis, ne son­geant plus désor­mais qu’au Christ-​Roi, dont elle est venue rap­pe­ler à la France l’autorité sou­ve­raine, la vic­time, d’une voix haute et ferme qui stu­pé­fie la mul­ti­tude, clame un suprême appel à son divin Bien-Aimé :

— Jésus ! Jésus ! Jésus !

Puis, incli­nant dou­ce­ment la tête, elle rend son âme à Dieu.

Quand le bûcher eut ache­vé son œuvre, le bour­reau retrou­va intact au milieu des cendres le cœur de Jeanne. Il ral­lu­ma vive­ment le feu ; ce cœur pré­cieux et saint ne put être consu­mé et fut jeté dans la Seine avec les cendres de la Libératrice.

Jeanne en avait appe­lé au Souverain Pontife, ce ne fut pas en vain. En 1456, Calixte III cas­sa la sen­tence de Cauchon et réha­bi­li­ta Jeanne. Proclamée véné­rable par Léon XIII le 27 jan­vier 1894, béa­ti­fiée par Pie X le 18 avril 1909, elle fut cano­ni­sée le 16 mai 1920 par Benoît XV. Enfin, Pie XI la don­née pour patronne à la France le 2 mars 1922. C’est donc sainte Jeanne d’Arc que doivent prier tous ceux qui veulent obte­nir que le Christ-​Roi règne sur la France.

Mgr Henri Debout.

Sources consul­tées. — Mgr H. Debout, Grande vie illus­trée de sainte Jeanne d’Arc (Paris, 1922) ; Histoire admi­rable de sainte Jeanne d’Arc (Paris, 1922) ; Lectures spi­ri­tuelles sur sainte Jeanne d’Arc (Paris, 1922). — L. Petit de Julleville, Jeanne d’Arc (Collection Les Saints, 1909). — (V. S. B. P., nos 743, 1523 et 1524.)

Source de l’ar­ticle : Un Saint pour chaque jour du mois, Mai, La Bonne Presse, 1932