1. À l’issue de la conférence qu’il donna en Pologne en juillet dernier [1], Mgr Pozzo [Photo ci-dessus] répondit à quelques questions posées par ses auditeurs. La situation actuelle de la Fraternité Saint Pie X dans l’Église fut ainsi l’un des thèmes abordés, dans le fil de ce propos d’ordre liturgique, à l’occasion d’une septième question : « Peut-on considérer la décision du pape François accordant aux prêtres de la FSSPX la possibilité d’absoudre sacramentellement comme un encouragement aux fidèles à solliciter les prêtres de la Fraternité pour d’autres sacrements ? »
2. La réponse de Mgr Pozzo a le mérite d’être sans équivoque.
h bien non, je ne pense pas qu’on puisse interpréter la chose ainsi ; ce n’est pas un encouragement à aller voir les prêtres de la Fraternité. Le motif a été donné par le Pape dans son décret même. Le Pape s’inquiète du salut spirituel des fidèles de la Fraternité Saint Pie X. C’est la raison qui l’a amené à accorder encore après l’Année sainte la validité et la licéité de l’absolution sacramentelle des péchés, ainsi que l’extrême-onction pour les malades, pour le bien des âmes. Suprema lex salus animarum. Donc pour cette raison il y avait aussi la Lettre sur les mariages, pour concéder la possibilité que le mariage soit valide, selon la forme canonique, toujours pour le bien des fidèles, en vue de la réconciliation, certainement. Il n’en demeure pas moins que les prêtres et les évêques de la Fraternité Saint Pie X exercent leur ministère d’une manière illicite et illégitime. Ils ne sont pas excommuniés, bien sûr, plus maintenant, l’excommunication est enlevée, donc ils ne sont pas formellement schismatiques – il est absolument faux d’affirmer que la Fraternité Saint Pie X est schismatique du point de vue formel, canonique – parce qu’il n’y a plus de schisme dans la mesure où ils ne sont plus excommuniés, c’est clair. Mais ils sont donc une situation irrégulière, et dans la mesure où ils n’ont pas la reconnaissance canonique, ils n’exercent pas légitimement un ministère, sauf pour les confessions et les mariages concédés par le pape. En cela il faut être clair. La nécessité d’une reconnaissance canonique n’est pas seulement un acte notarial, formel. L’Église est structure visible et il est essentiel que le clergé jouisse d’une reconnaissance canonique par le Saint-Siège. Et ceci est encore une vérité de la réalité de l’Église et ils devraient l’admettre. [2]
Cette réponse appellerait dans l’immédiat deux remarques. [3]. Première remarque : « Il est absolument faux d’affirmer que la Fraternité Saint Pie X est schismatique du point de vue formel, canonique. » Faut-il voir là un désaveu des propos tenus l’an dernier par le cardinal Burke, dans une conférence donnée le 15 juillet 2017 à Merdford, aux États-Unis ? En tout état de cause, Mgr Pozzo entend bien disculper la Fraternité de l’accusation de schisme. Le motif qui autorise ce constat est le retrait de la peine d’excommunication visant les évêques et les prêtres de la FSSPX. Voilà qui soulève la question de la portée exacte de cette peine d’excommunication. Si l’on s’en tient aux Réponses adressées par le Saint-Siège à Mgr Brunner évêque de Sion en 1997
3, les évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988 auraient subi l’excommunication en raison du délit représenté par le sacre sans mandat pontifical [4]. Par ailleurs, l’excommunication frapperait aussi tous ceux qui adhèrent formellement au mouvement schismatique inauguré par cette consécration épiscopale [5]. Dans sa Lettre aux Évêques du 10 mars 2009, Benoît XVI déclare avoir levé ni plus ni moins que l’excommunication encourue par les quatre évêques consacrés en 1988 par Mgr Lefebvre. Il n’est pas déraisonnable de penser qu’il lève aussi par le fait même l’excommunication qui résulterait d’une adhésion formelle à un état de schisme, estimant que les quatre évêques avaient suffisamment exprimé « leur reconnaissance de principe du Pape et de son autorité de Pasteur, bien qu’avec des réserves en matière d’obéissance à son autorité doctrinale et à celle du Concile ». La réponse présente de Mgr Pozzo viendrait alors confirmer cette interprétation.
4. Deuxième remarque : la situation des prêtres de la FSSPX n’est pas pour autant satisfaisante, aux yeux du Saint-Siège. Car ces prêtres ne bénéficient pas d’une reconnaissance canonique, indispensable à qui veut exercer légitimement un ministère dans l’Église. Les faveurs qui leur ont été accordées par le Pape François demeurent donc des mesures d’exception, entreprises pour le bien spirituel (le salut) des fidèles ayant recours à ces prêtres. Elles ne rendent pas légitime, aux yeux de Rome, le ministère accompli par les prêtres de la FSSPX, indépendamment de conditions prévues par le Pape (pour les sacrements de pénitence et d’extrême-onction ainsi que pour l’octroi d’une délégation pour la célébration des mariages). Mgr Pozzo manifeste ainsi que Rome ne reconnaît toujours pas l’état de nécessité qui autorise les prêtres de la Tradition à oeuvrer pour le salut des âmes, nonobstant l’absence de reconnaissance officielle de la part des autorités conciliaires.
5. Mais alors, si la Fraternité n’est pas schismatique, pourquoi Rome continue-t-elle à considérer sa situation comme irrégulière ? L’explication nous est donnée par Mgr Pozzo, dans la réponse qu’il donne à une autre question précédente (la sixième) :
Le problème demeurera aussi longtemps que la Fraternité Saint Pie X n’adhérera pas à la déclaration doctrinale approuvée par le pape François et présenté par la Congrégation de la doctrine de la foi. [6]
Le problème est donc bel et bien, d’abord et avant tout, doctrinal. C’est de sa solution que doit dépendre, aux yeux même de Rome, la reconnaissance canonique.
6. En cela, il faut être clair, aussi. En effet.
Abbé Jean-Michel Gleize, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Courrier de rome n° 612 de juillet-août 2018 /La Porte Latine du 31 août 2018
- Cf. l’article « Nova et vetera » dans le présent numéro du Courrier de Rome.[↩]
- Par souci de clarté, nous reproduisons ici en note la transcription de l’original italien : « Et no, no direi que cose da interpretare si ; no è un questo di encouragamento di andare del preti di la Fraternita. Et il motivo e stato bien clarito del decreto stesso del papa. Il papa è preoccupato per la salute spirituale del fedeli [il crie presque] della Fraternita San Pio X. Questo il motivo che lo ha spinto a concedere anche dopo l’anno santo la validita et la liceita del absolution sacramentale per il peccati anche l’extreme unzione del ilfermi, per il bene del il anime. Suprema lex salus animarum. Quindi per questa ragione anche la lettera sur il matrimoni per concedere la possibilità che il matrimonio venga si avvenuto valido, secondo la forma canonica – sempre e per il bene delle anime del fedeli in vista de la ospitata riconciliazione, certamente. Rimano pero il fatto que il sacerdoti, vescovi della Fraternita San Pio X esercitano il modo illecito, illegittimo il ministero. Non sono scomunicati, chiaramente, non più, scomunice è tolte, quindi non sono formalmente schismatici – è sbagliatissimo affermare che il la Fraternita San Pio X sia schismatica dal punto del vista formale, canonico, perché non che più lo schismo in quando non che su non più scomunice – è chiaro. Ma sono in una situazione irregolare et quindo non avendo lo riconoscimento canonico, non exercito no legittimamente il ministero, tranne che per la confessione, per il matrimoni concesse dal papa. In questo dev’essere chiaro. Per qui la necessita del riconoscimento canonico non è sul tantum fatto notorile, formale. La Chiesa e una struttura visible, qui ne è essenziale per il clero non avere il riconoscimento canonico della Santa Sede. Et questo è ancora una verita della realta della Chiesa et loro dovrebbero esserne et consapevoli. »[↩]
- « La situation canonique de la Fraternité Saint-Pie X et des disciples de Mgr Lefebvre. Réponses de la Congrégation des Évêques et du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs à une demande de Mgr Norbert Brunner évêque de Sion » dans la Documentation catholique n° 2163 du 6 juillet 1997, p. 621–623.[↩]
- Cf. la « Réponse de la Congrégation des Évêques », p. 622.[↩]
- Cf. la « Mise au point du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs », n° 1–2, p. 622- 623 et n° 5, p. 623.[↩]
- « Il problemi rimangono fintanto que la Fraternita San Pio X non adherera a la dichiarazione dottrinale approvata dal papa Francesco et presentata dalla Congregazione per la dottrina de la fede. »[↩]