Très saint Père,
Sur la demande de son Eminence le Cardinal Seper, je vous transmets ci-joint le questionnaire et les réponses corrigées, résumé de l’entretien des 11 et 12 janvier à la S.C. pour la Doctrine de la Foi.
Par ces quelques lignes je voudrais attirer l’attention de Votre Sainteté sur l’extrême gravité de la situation des catholiques et spécialement de la jeunesse dans les pays dits catholiques du monde libre.
La plupart des catholiques se trouvent ou sans prêtres ou dirigés par des prêtres qui n’ont plus la foi catholique. En effet, si les prêtres sont âgés de moins de quarante ans, et ils sont peu nombreux, ils ont été mal formés dans des groupes de formation modernistes ou protestants, sinon marxistes. Si les prêtres sont plus âgés, ils se servent de catéchismes remplis d’erreurs et même d’hérésies, de Bibles œcuméniques pour instruire leurs fidèles.
Le désastre est énorme. C’est avec joie que nous vous voyons insister sur la sainteté du prêtre. Mais qui va la lui procurer si les séminaires ont de mauvais professeurs. Pour rénover l’Eglise, il faut à tout prix rénover le sacerdoce et donc rénover les séminaires. Or on ne refera de vrais séminaires qu’en restaurant le saint sacrifice de la Messe selon l’esprit défini dans le Concile de Trente, en restaurant dans le même esprit les Sacrements et la Liturgie.
Notre expérience est probante et elle le serait bien davantage si nous n’avions pas été persécutés, mais encouragés.
Nos cinq séminaires pourraient être dix ou vingt demain, nos 170 grands séminaristes, 1.000, si une approbation même provisoire était accordée. Nous pourrions rendre un immense service aux évêques en leur préparant de vrais prêtres, comme l’ont fait les saints Jean Eudes, Vincent de Paul, le bienheureux Olier.
Pour arriver à ce résultat il suffirait de constater l’approbation générale de fait, accordée à nos prêtres qui sont demandés partout, dans tous les pays catholiques. Nombreux sont les membres du clergé qui nous encouragent.
N’est-il pas possible de nous accorder le statut qui est déjà en vigueur dans les prélatures nullius comme les chanoines de St-Maurice en Suisse qui ont à leur tête un évêque : Mgr Salina, statut qui est également celui de la Mission de France, dont le supérieur est lui aussi évêque.
Mon successeur désigné selon les statuts de la Fraternité recevrait la consécration épiscopale. C’est un usage très ancien dans l’Eglise qui a montré ses fruits.
Combien je souhaiterais que vous demandiez à S. Eminence le Cardinal Palazzini d’être le visiteur de nos maisons et de vous en faire un rapport ! Les cardinaux Siri et Seper sont très occupés et ne peuvent prendre cette charge.
Veuillez croire, très saint Père, que nous n’avons qu’un but : rendre service à l’Eglise, au pape et aux âmes en leur préparant de saints prêtres, sel de la terre et lumière du monde.
Que Votre Sainteté daigne agréer mes respectueux hommages et mes sentiments filiaux in Christo et Maria.
+ Marcel Lefebvre, Ancien Archevêque-Evêque de Tulle
Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pontificat de Jean-Paul II