25 avril 1979

Lettre de Mgr Lefebvre au Souverain Pontife du 25 avril 1979

Très saint Père,

Sur la demande de son Eminence le Cardinal Seper, je vous trans­mets ci-​joint le ques­tion­naire et les réponses cor­ri­gées, résu­mé de l’entretien des 11 et 12 jan­vier à la S.C. pour la Doctrine de la Foi.

Par ces quelques lignes je vou­drais atti­rer l’attention de Votre Sainteté sur l’extrême gra­vi­té de la situa­tion des catho­liques et spé­cia­le­ment de la jeu­nesse dans les pays dits catho­liques du monde libre.

La plu­part des catho­liques se trouvent ou sans prêtres ou diri­gés par des prêtres qui n’ont plus la foi catho­lique. En effet, si les prêtres sont âgés de moins de qua­rante ans, et ils sont peu nom­breux, ils ont été mal for­més dans des groupes de for­ma­tion moder­nistes ou pro­tes­tants, sinon mar­xistes. Si les prêtres sont plus âgés, ils se servent de caté­chismes rem­plis d’erreurs et même d’hérésies, de Bibles œcu­mé­niques pour ins­truire leurs fidèles.

Le désastre est énorme. C’est avec joie que nous vous voyons insis­ter sur la sain­te­té du prêtre. Mais qui va la lui pro­cu­rer si les sémi­naires ont de mau­vais pro­fes­seurs. Pour réno­ver l’Eglise, il faut à tout prix réno­ver le sacer­doce et donc réno­ver les sémi­naires. Or on ne refe­ra de vrais sémi­naires qu’en res­tau­rant le saint sacri­fice de la Messe selon l’esprit défi­ni dans le Concile de Trente, en res­tau­rant dans le même esprit les Sacrements et la Liturgie.

Notre expé­rience est pro­bante et elle le serait bien davan­tage si nous n’avions pas été per­sé­cu­tés, mais encouragés.

Nos cinq sémi­naires pour­raient être dix ou vingt demain, nos 170 grands sémi­na­ristes, 1.000, si une appro­ba­tion même pro­vi­soire était accor­dée. Nous pour­rions rendre un immense ser­vice aux évêques en leur pré­pa­rant de vrais prêtres, comme l’ont fait les saints Jean Eudes, Vincent de Paul, le bien­heu­reux Olier.

Pour arri­ver à ce résul­tat il suf­fi­rait de consta­ter l’approbation géné­rale de fait, accor­dée à nos prêtres qui sont deman­dés par­tout, dans tous les pays catho­liques. Nombreux sont les membres du cler­gé qui nous encouragent.

N’est-il pas pos­sible de nous accor­der le sta­tut qui est déjà en vigueur dans les pré­la­tures nul­lius comme les cha­noines de St-​Maurice en Suisse qui ont à leur tête un évêque : Mgr Salina, sta­tut qui est éga­le­ment celui de la Mission de France, dont le supé­rieur est lui aus­si évêque.

Mon suc­ces­seur dési­gné selon les sta­tuts de la Fraternité rece­vrait la consé­cra­tion épis­co­pale. C’est un usage très ancien dans l’Eglise qui a mon­tré ses fruits.

Combien je sou­hai­te­rais que vous deman­diez à S. Eminence le Cardinal Palazzini d’être le visi­teur de nos mai­sons et de vous en faire un rap­port ! Les car­di­naux Siri et Seper sont très occu­pés et ne peuvent prendre cette charge.

Veuillez croire, très saint Père, que nous n’avons qu’un but : rendre ser­vice à l’Eglise, au pape et aux âmes en leur pré­pa­rant de saints prêtres, sel de la terre et lumière du monde.

Que Votre Sainteté daigne agréer mes respec­tueux hom­mages et mes sen­ti­ments filiaux in Christo et Maria.

+ Marcel Lefebvre, Ancien Archevêque-​Evêque de Tulle

Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pon­ti­fi­cat de Jean-​Paul II



Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.