Le dernier Latinobarómetro a confirmé que l’Église catholique continue de perdre des millions de fidèles baptisés, dont la plupart se dirigent vers le protestantisme évangélique.
Le catholicisme ne dépasse pas 50 % de la population en Uruguay et dans toute l’Amérique centrale, à l’exception du Costa Rica. Il en sera de même cette année au Brésil.
Le continent américain hispanophone et lusophone est en train de cesser d’être majoritairement catholique. Ni les documents, ni les synodes, ni les plans pastoraux aux mille et une conditions ne semblent pouvoir empêcher des millions de catholiques baptisés de rejoindre les communautés ecclésiales protestantes, en particulier celles des dénominations pentecôtistes.
En 1995, 80 % de la population latino-américaine s’identifiait comme catholique. Ils ne sont plus que 59 % en 2018. Le pourcentage de protestants évangéliques dépasse désormais les 20 %, et 65 % d’entre eux sont des pentecôtistes.
Le cas emblématique du Brésil
« Le Vatican est en train de perdre le plus grand pays catholique du monde : c’est une perte énorme, irréversible », a déclaré José Eustáquio Diniz Alves, démographe brésilien de renom et ancien professeur à l’agence nationale de statistiques. Au rythme actuel, il estime que les catholiques représenteront moins de 50 % de tous les Brésiliens au début du mois de juillet.
Les raisons de cette évolution sont complexes : les changements politiques qui ont réduit les avantages de l’Église catholique par rapport aux autres religions, et la sécularisation croissante. Pendant la pandémie, les églises évangéliques ont été particulièrement efficaces dans l’utilisation des médias sociaux pour maintenir l’engagement de leurs fidèles.
Les critiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’Église catholique soulignent aussi son incapacité à satisfaire les demandes religieuses et sociales de nombreuses personnes, en particulier les pauvres. Les Latino-Américains décrivent l’Église catholique comme déconnectée du quotidien de ses fidèles.
L’essor de la théologie de la libération qui a vu des ecclésiastiques insister sur la mission de justice sociale de l’Église, en s’inspirant souvent des idées marxistes, n’a pas réussi à contrer l’attrait des religions protestantes.
Ce déclin de l’influence du catholicisme a des conséquences sociales et politiques considérables. Dans des pays comme le Brésil, les conversions au pentecôtisme ont stimulé les opinions socialement conservatrices, des favelas aux halls du Congrès, contribuant à propulser le président de droite Jair Bolsonaro au pouvoir en 2018.
Alors que le président Bolsonaro s’identifie toujours comme catholique, il s’est fait baptiser par un pasteur pentecôtiste dans le fleuve Jourdain en 2016 dans le cadre de la préparation de sa campagne présidentielle. Les pentecôtistes et les évangéliques sont bien représentés dans son cabinet et constituent un tiers du congrès brésilien. Sa femme fréquente une église évangélique.
Un manque de spiritualité et d’esprit missionnaire
Selon le Wall Street Journal, les principales raisons pour lesquelles tant de catholiques quittent l’Église pour d’autres communautés ecclésiales sont, selon des études sociologiques, qu’ils y trouvent « une plus grande connexion personnelle avec Dieu » (81 %) et une plus grande aide pour leurs membres (60 %).
En outre, les fidèles évangéliques sont beaucoup plus pratiquants que les catholiques, la majorité des protestants (65 %) assistant au culte plus d’une fois par semaine, alors que seuls 16 % des catholiques font de même dans leur assistance à la messe.
Le P. Martín Lasarte, prêtre uruguayen présent au synode sur l’Amazonie, estime que le mouvement de la théologie de la libération a souvent placé les questions politiques et sociales au-dessus de l’expérience religieuse. Dans ce cas, « il manque le sens existentiel de la joie de vivre l’Évangile, cette rencontre personnelle que tant d’Églises pentecôtistes donnent à la personne », a‑t-il déclaré.
Certains mouvements catholiques d’Amérique latine ont cherché à regagner les brebis égarées, soit en imitant le pentecôtisme, soit par un certain traditionalisme.
Depuis les années 1970, le catholicisme charismatique tente de maintenir dans les rangs de nombreux catholiques attirés par le pentecôtisme, avec la guérison par la foi et le parler en langues, associés à des pratiques catholiques, notamment la dévotion à la Vierge Marie. En 2020, 22,8 % des catholiques d’Amérique latine étaient charismatiques, selon la World Christian Database.
Le catholicisme conservateur militant – plus récent – met l’accent sur l’apologétique. L’un des principaux chefs de file est le P. Paulo Ricardo, qui compte 1,5 million d’adeptes sur Facebook : il a condamné la théologie de la libération comme une hérésie et a soutenu avec enthousiasme des éléments du programme de M. Bolsonaro, comme l’assouplissement de la possession d’armes à feu.
La puissance financière des évangéliques
Les dîmes et les bénéfices d’un empire commercial géré par les Églises évangéliques du Brésil – qui comprend des réseaux de télévision et des compagnies de croisière – ont donné au mouvement une puissance financière qui lui permet de s’étendre dans les banlieues pauvres et de financer des campagnes politiques.
Dans le centre-ville de São Paulo, une réplique du temple de Salomon, d’une valeur de 300 millions de dollars, témoigne de l’ascension fulgurante de l’évangélisme. Construit en 2014 par l’une des plus grandes et des plus riches églises néo-pentecôtistes du Brésil, l’Église universelle du Royaume de Dieu, le temple peut accueillir jusqu’à 10 000 fidèles.
De nombreux pentecôtistes prêchent la “théologie de la prospérité” – plus connue aux États-Unis sous le nom de Prosperity Gospel – selon laquelle la grâce de Dieu se reflète dans la richesse matérielle. Au temple de Salomon à São Paulo, des hommes en costume font régulièrement la queue devant l’autel avec des sacs et des lecteurs de cartes de crédit pour recevoir les offrandes, tandis que le pasteur promet à ses fidèles qu’ils deviendront riches s’ils font des dons généreux.
Malheureusement, quoiqu’il ait effectué son premier voyage international au Brésil, en juillet 2013, et qu’il se soit rendu depuis dans neuf autres pays de la région, le pape François ne mène clairement pas une croisade pour reconquérir la région au catholicisme.
Sources : Wall Street Journal/InfoCatolica – FSSPX.Actualités.