Le pape François peut-il être considéré comme voulant allier tradition et modernisme ?
Note de la rédaction de La Porte Latine : il est bien entendu que les commentaires repris dans la presse extérieure à la FSSPX ne sont en aucun cas une quelconque adhésion à ce qui y est écrit par ailleurs. |
François, pape « pastoral » Comment les nouveaux progressistes, actuellement au pouvoir dans l’Eglise, ne veulent pas changer la doctrine, mais « travailler autour ». Et comment, avec la FSSPX, est liquidée l’herméneutique de la réforme dans la continuité chère à Benoît XVI. (1)
Rorate Coeli (2) donne une tribune à un invité, un ecclésiastique qui garde l’anonymat et se fait appeler Don Pio Pace. Ce dernier « tente de déchiffrer François, en prenant également en considération les enjeux du Synode des évêques qui débute ce dimanche et l’étrange cordialité envers la Fraternité Saint-Pie X. »
Le Pape François vient tout juste d’être frappé par le non possumus exprimé par un total de dix cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, et pas parmi les moindres, s’élevant contre la remise en cause de l’indissolubilité du mariage.
Avec ce débat ouvert par le Pape lui-même, des journalistes comme Sandro Magister, Marco Tosatti, entre autres, ont contribué à canaliser une opposition cardinalice et cléricale qui, après le conclave de 2013, avait tardé à se faire entendre, à la différence de l’opposition à Benoît XVI, qui avait surgi dès l’instant suivant le conclave de 2005.
Antonio Socci ajoute : « Jamais auparavant dans l’histoire de l’Eglise, il n’était arrivé que la majorité des cardinaux dussent prendre publiquement position contre une inversion du Magistère et de la discipline de l’Église, qui avait été proposée par le cardinal Kasper, mais qui en réalité étaient venue de Bergoglio lui-même ». (Libero du 22 Septembre 2014)
Mais la férocité de Socci montre que les opposants se trompent de chemin, jusqu’à un certain point.
Le Pape ne veut pas « changer la doctrine » c’est-à-dire attenter à la Tradition et au Magistère. Mais, d’un autre côté, il estime que, pastoralement, afin de répondre aux attentes de l’homme de cette époque, il est nécessaire de trouver de nouvelles modalités de « miséricorde ». Pas une seconde union sacramentelle, mais la coexistence de cette seconde union avec une vie sacramentelle.
Au fond, avec François, nous arrivons au plein épanouissement de cette « priorité de la pastorale », chère à Yves Congar, qui avait vu le jour dès l’ouverture du dernier Concile : sans toucher au Magistère infaillible, on peut « aller de l’avant » plus librement dans un registre qui est en dessous de celui du dogme, qui est celui du travail « pastoral », afin de s’ajuster aux modes de pensée et aux sentiments du monde moderne. Plutôt que de foncer dans l’opposition tête baissée, on le fait en « travaillant autour ».
Toutefois, jusqu’à présent, il restait le souci d’établir une continuité entre nouveautés pastorales et Tradition dogmatique : ce souci de l’affirmation de la continuité est d’ailleurs la clé de l’œuvre de Joseph Ratzinger/Benoît XVI.
Mais désormais, avec le pape Bergoglio, nous découvrons une dynamique que même Paul VI, le pape sans repos (restless), ne connaissait pas.
Nous devons prendre François très au sérieux quand il se présente comme le premier [pape] à avoir véritablement intégré Vatican II, ce Concile qui « produisit un mouvement de renouveau qui venait simplement de l’Evangile lui-même … une chose est claire : la dynamique de la lecture l’Evangile, en actualisant son message pour aujourd’hui, qui est typique de Vatican II est absolument irréversible » (Interview de Antonio Spadaro, SJ, pour Civiltà Cattolica).
Ce que confirme la grave chasse aux sorcières contre ceux considérés (à juste titre ou non) comme conservateurs, qui sont même légèrement « restationnistes » (le cardinal Piacenza, les Franciscains de l’Immaculée, le cardinal Burke, tel prélat de la Curie, puis tel autre …)
A propos, les véritables « progressistes », au moins à Rome, craignent autant que les ratzingeriens les nouvelles purges à venir : les hommes qui sont aujourd’hui au pouvoir à Rome pourraient être qualifiés non pas de « progressistes à l’ancienne », mais de « centre-gauche ». Pas partisans d’une rupture dogmatique, mais de « travailler autour » des choses.
En ce qui concerne certains traditionalistes, déjà encore plus marginalisés depuis la démission de Benoît XVI, ils sont profondément désorientés, mais pas désespérés. Ils suivent les événements, mais d’une manière complètement différente de celle du temps de Benoît XVI, qui voulait les voir adhérer de force à l”«herméneutique de la continuité ».
Avec l’accord de François, et même avec son encouragement positif, les négociations avec la Fraternité Saint-Pie X en vue de sa régularisation canonique se poursuivent sur cette base : la Fraternité n’est pas en rupture de communion.
De là on peut comprendre le ton de la très chaleureuse rencontre qui a eu lieu le 23 Septembre, au Palais du Saint-Office, entre le cardinal Müller et l’évêque Fellay (malgré tout, un aboutissement est encore peu probable à court terme : en lisant le communiqué plus détaché de la FSSPX après la rencontre, et l’interview de Mgr Fellay publiée le 3 Octobre, nous comprenons que l’évêque suisse fait son maximum pour que ces bons sentiments durent plus longtemps). On peut même dire que les contacts entre les supérieurs de la FSSPX et les bureaux romains en charge du dossier de la FSSPX n’avaient jamais atteint un tel niveau de cordialité. Jean-Marie Dumont, correspondant du mensuel catholique français Famille chrétienne, mentionne même une visite discrète de Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la Commission Ecclesia Dei, à Écône (il veut probablement parler de la Maison générale de la Fraternité Saint-Pie X à Menzingen, également en Suisse).
En fait, cette façon de considérer la « question lefebvriste » est elle-même « pastorale ». Demander à Mgr Fellay, comme cela a été fait sous Benoît XVI, de signer de laborieuses « déclarations doctrinales » était essentiel seulement dans la mesure où la FSSPX devait se trouver en conformité avec l”«herméneutique de la continuité ». Mais, aussi paradoxal que cela puisse paraître à un premier regard non averti, libre de toute fixation ou de tout scrupule « restaurationniste », il n’y a pas de nouveau malaise à propos du décalage entre pastorale et dogme.
Tant et si bien que la critique du Concile au nom du dogme de la part de la Fraternité Saint-Pie X, qui avait tellement perturbé Benoît, ne perturbe pas du tout François. Dans le pire des cas, elle le renforce.
Sources : Rorate-Coeli/Benoit-et-Moi/
Notes de LPL
(1) In Benoit-et-Moi : blog francophone d’actualités touchant à la Tradition
(2) Blog anglophone d’actualités touchant à la Tradition : An International Traditional Catholic Weblog