Demeurer dans la vérité du Christ – Mariage et communion dans l’Eglise catholique. Textes rassemblés par le Père Robert Dodaro, o.s.a. – Artège éditions, 312 p., 19,90 €.
I. L’objet du débat
Père Robert Dodaro, o.s.a., Président de l’Institut de patristique Augustinianum (Rome).
« Les essais réunis dans cet ouvrage exposent les réponses apportées par cinq cardinaux de l’Eglise catholique romaine et quatre autres spécialistes à un ouvrage publié en début d’année par le Cardinal Walter Kasper et intitulé L’Evangile de la famille. Ce livre reprend l’essentiel de la conférence donnée par le Cardinal au Consistoire extraordinaire des cardinaux des 20 et 21 février 2014. » (p. 7)
« Les auteurs de cet ouvrage sont unanimes à défendre l’idée que le Nouveau Testament présente le Christ comme interdisant sans ambiguïté le divorce et le remariage par fidélité au plan originel de Dieu énoncé en Gn 1, 27 et 2, 24. La solution ‘miséricordieuse’ du divorce soutenue par le Cardinal Kasper n’est pas inconnue dans l’Eglise primitive, mais elle n’est en réalité défendue par aucun des auteurs dont les textes sont parvenus jusqu’à nous et qui font autorité. De fait, quand ils la mentionnent, c’est plutôt pour la condamner comme dépourvue de fondement scripturaire. Il n’y a rien de surprenant à cela : des abus peuvent exister ici ou là, mais leur simple existence ne garantit pas que ce ne sont pas des abus, et encore moins que ce sont des modèles à suivre. (…) Ce ne sont pas là des séries de règles forgées par l’Eglise ; c’est la loi divine, et l’Eglise ne peut la changer. » (p. 30–31)
II. L’enseignement de Jésus sur le divorce et le remariage – Dossier biblique
Père Paul Mankowski, s.j., Scholar-in-Residence au Lumen Christi Institute (Chicago).
« En réaction à l’affirmation, par Jésus, que le remariage après divorce est un adultère, ses disciples lui dirent : ‘Si c’est la situation d’un homme avec sa femme, il vaut mieux ne pas se marier’ (Mt 19, 10). Depuis les premiers jours, ce que Jésus enseignait comme étant la volonté de Dieu a été source de désarroi, même chez des hommes de bonne volonté. Les siècles suivants ont déployé beaucoup d’énergie et de subtilité pour affaiblir ou annuler la force de cet enseignement et, chaque fois qu’on jugera expédient de contourner cette doctrine, on tentera de se débarrasser de son ancrage scripturaire. Mais la doctrine est énoncée comme absolue chez Matthieu, Marc et Luc, et même Paul éprouve le besoin de dire avec insistance qu’en sa qualité de messager, et non pas d’auteur de la doctrine, ce n’est pas à lui qu’il faut imputer la rigueur de celle-ci : ‘à ceux qui sont mariés je commande – non pas moi mais le Seigneur…’ Il ne peut y avoir de doute : cet enseignement est du Seigneur. » (p. 59–60)
III. Divorce et remariage dans l’Eglise primitive – Quelques réflexions historiques et culturelles
John M. Rist, Professeur émérite de littérature classique et de philosophie à l’Université de Toronto et ancien titulaire de la chaire de philosophie Kurt Pritzl, O.P., de l’Université catholique d’Amérique. »
Si nous demandons comment certains peuvent faire appel aux sources anciennes dans le cadre d’un argumentaire en faveur du changement, nous sommes obligés de conclure que ces auteurs, ou leurs sources, sont coupables d’une pratique malheureuse et trop courante dans les milieux universitaires : la supériorité des sources en faveur d’une thèse a beau être écrasante, quelques cas isolés, à l’interprétation peut-être même largement incertaine, indiquent la conclusion contraire. L’on prétend alors que les sources, bien que n’étant pas en faveur du changement, laissent au moins la porte ouverte à une solution. Cette méthodologie erronée trouve généralement son origine dans des considérations idéologiques, quand elle ne cherche pas tout simplement à valider les idées des auteurs. » (p. 89)
IV. Séparation, divorce, dissolution du lien matrimonial et remariage – Approche théologique et pratique des Eglises orthodoxes – Interrogations et orientations pour la pratique catholique
Mgr Cyril Vasil’, s.j., Secrétaire de la Congrégation pour les Eglises Orientales.
« Le Christ a apporté un message nouveau, inouï, révolutionnaire et ‘à contre-courant’ dans le monde païen, barbare et incrédule. Ses disciples ont annoncé sa Bonne Nouvelle, sans avoir peur de présenter des exigences trop hautes, impossibles à atteindre ou en contradiction avec la culture de l’époque. Peut-être le monde d’aujourd’hui est-il également marqué par le néo-paganisme de la consommation, du bien-être, de l’égoïsme, et rempli de nouveaux actes de barbarie perpétrés avec des moyens toujours plus modernes et inhumains. Aujourd’hui plus que jamais, la foi dans les principes surnaturels est exposée à la dérision.
« Tout cela pourrait faire considérer la dureté de cœur (cf. Mt 19, 8 ; Mc 10, 5) comme un argument décisif auquel devrait se plier l’enseignement limpide de l’Evangile sur l’indissolubilité du mariage chrétien. Mais, face à tant d’interrogations, de doutes, de tentations de prendre des raccourcis, de capitulations devant le saut existentiel du grand défi de la vie matrimoniale, face à toute cette confusion et parmi tant de voix contradictoires qui égarent les esprits, ce sont les paroles du Seigneur qui continuent à retentir : ‘Mais je vous dis… Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas …’(Mc 10, 9), avec la remarque finale de Paul : ‘ Ce mystère est grand…’ (Ep 5, 32). » (p. 125)
V. Unité et indissolubilité du mariage du haut Moyen Age au concile de Trente
Cardinal Walter Brandmüller, Président émérite du Comité pontifical pour les Sciences historiques.
« L’évolution réelle du dogme, des sacrements et de la hiérarchie de la loi divine ne résulte donc pas du hasard historique, mais de l’Esprit de Dieu. Par voie de conséquence, elle est irréversible et reste orientée exclusivement dans le sens de la connaissance parfaite. C’est pourquoi la Tradition a, dans ce sens, un caractère normatif. Cela signifie, dans notre cas, que derrière le dogme de l’unité, de la sacramentalité et de l’indissolubilité du mariage entre deux êtres baptisés, qui y trouve son enracinement, il n’existe aucun chemin de retour, à moins qu’il ne s’agisse du chemin vers l’erreur. » (p. 141)
VI. Un témoignage en faveur du pouvoir de la grâce sur l’indissolubilité du mariage et le débat sur les divorcés remariés civilement et les sacrements
Cardinal Gerhard Ludwig Müller, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
« Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale. En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Eglise, un sacrement, sur la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Eglise, dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême. » (p. 158–159)
VII. Ontologie sacramentelle et indissolubilité du mariage
Cardinal Carlo Caffarra, Archevêque de Bologne.
« C’est l’Eglise qui a la mission de guider l’homme, de lui apprendre à surmonter ‘la divergence entre ce qui se trouve à la surface et ce qui est le mystère de l’amour’. Autrement dit, elle a la mission d’annoncer l’Evangile du mariage : telle est l’urgence prioritaire qui ne peut être éludée. L’Eglise annonce l’Evangile – je répète l’Evangile – de l’indissolubilité, véritable trésor qu’elle conserve dans des vases d’argile. » (p. 175)
VIII. Les divorcés remariés et les sacrements de l’eucharistie et de la pénitence
Cardinal Velasio De Paolis, c.s., Président émérite de la Préfecture des Affaires économiques du Saint-Siège.
« Souvent la miséricorde est présentée comme opposée à la loi, et même à la loi divine. Cette vision est inacceptable. Le commandement de Dieu est une manifestation de l’amour avec lequel Il nous indique la route à emprunter pour ne pas nous perdre sur le chemin de la vie. Opposer la miséricorde de Dieu à sa loi, c’est créer une contradiction inacceptable. » (p. 199)
» Ce qui précède montre que l’admission des divorcés remariés aux sacrements de la pénitence et de l’Eucharistie est une question sans issue, tant qu’ils demeurent dans cet état. Cela ne peut être attribué à la sévérité et à la rigueur de la loi, parce que nous n’avons pas affaire à des lois humaines qui pourraient être adoucies ou même abrogées, mais à des lois divines qui sont un bien pour l’homme et indiquent la route du salut montré par Dieu lui-même. » (p. 205)
IX. Le procès canonique en nullité de mariage : une recherche de la vérité
Cardinal Raymond Leo Burke, Préfet du Tribunal suprême de la Signature apostolique.
« Lors de son exposé au Consistoire extraordinaire des Cardinaux, le 20 février 2014, le Cardinal Walter Kasper a soulevé la question de la convenance d’une procédure judiciaire. Au sujet de la déclaration de nullité d’un mariage, il remarque :
‘Puisque le mariage en tant que sacrement a un caractère public, la décision sur sa validité ne peut pas être laissée simplement au jugement subjectif des parties concernées. Par contre, on peut se demander si le parcours juridique, qui n’est pas de droit divin, mais a subi un développement au cours de l’histoire, est le seul chemin vers la solution du problème, ou si l’on ne pourrait pas aussi concevoir d’autres procédures plus pastorales et spirituelles. Alternativement, on pourrait imaginer que l’évêque confie cette tâche à un prêtre fort d’une expérience spirituelle et pastorale, comme le pénitencier ou le vicaire épiscopal.’
« Il poursuit par une caricature du procès en nullité de mariage en deuxième et troisième instance, en posant la question rhétorique : ‘Est-il vraiment possible de prendre des décisions touchant au bonheur ou au malheur des personnes en deuxième ou troisième instance, uniquement au vu de dossiers, c’est-à-dire de papiers, sans connaître ni les personnes ni leur situation ?’ (p. 207–208)
Après une démonstration très documentée, le cardinal Burke conclut en ces termes : « La procédure judiciaire de déclaration de nullité d’un mariage est essentielle pour découvrir la vérité en cas de contestation de la validité d’un consentement matrimonial. Compte tenu de la complexité de la nature humaine et du rôle qu’elle joue dans la plupart des cas de nullité de mariage, le seul moyen de parvenir à la vérité avec une certitude morale est la dialectique résultant du procès juridique tel qu’il a été soigneusement articulé et développé dans l’histoire de la discipline de l’Eglise. » (p. 233)
« En conclusion, la réponse à la question soulevée dans le Document préparatoire à propos de la procédure canonique se trouvera dans le respect absolu de la nature de la demande de nullité du mariage et de la nature du procès qui aboutit à la vérité et la déclare. Mon espoir est que le prochain Synode revalorise cette procédure et incite à en faire bénéficier les fidèles qui la demandent en son intégrité, par souci de leur salut éternel. » (p. 234)
Source : DICI n°301 du 26/09/14