Istanbul – François demande au Grand Mufti de prier avec lui et au Patriarche de le bénir – 29 novembre 2014

Mosquée bleue à Istanbul, Turquie, 2007. Crédit photo : Wikipédia, domaine public.

Lors de son récent voyage en Turquie, dans la Mosquée bleue d’Istambul, François s’est déchaus­sé, s’est fait lire et expli­quer le Coran par le Grand Mufti, lui a pro­po­sé de prier et, les deux ensemble, tour­nés vers la Mecque, ont prié osten­si­ble­ment pen­dant un long moment :

« Je suis venu en Turquie comme pèle­rin, pas comme tou­riste (…) Quand je suis allé à la mos­quée, je ne pou­vais pas dire : « Non, main­te­nant, je suis un tou­riste ». Non, tout était reli­gieux. Et j’ai vu cette mer­veille : le muf­ti m’expliquait bien les choses, avec beau­coup de dou­ceur, y com­pris le Coran, où l’on parle de Marie et de saint Jean-​Baptiste… Il m’expliquait tout. J’ai alors res­sen­ti le besoin de prier, et j’ai dit : « Peut-​on prier un peu ? ». « Oui, oui », a‑t-​il dit. Et j’ai prié : pour la Turquie, pour la paix, pour le muf­ti… pour tous… et pour moi, qui en ai bien besoin. J’ai prié, vrai­ment. Et j’ai dit : « Seigneur, finissons-​en avec la guerre ». Ce fut un moment de prière intense. » [1]

Jean-​Marie Guenois du Figaro rap­porte, qua­si inter­lo­qué, dans un article [2] inti­tu­lé » Le pape François ose prier dans la Mosquée bleue d’Istanbul » :

« Le pape a croi­sé très visi­ble­ment les doigts, incli­né lon­gue­ment la tête en fer­mant pro­fon­dé­ment les yeux, deux à trois minutes, pour prier à l’é­vi­dence. Et pour… signi­fier qu’il priait. Et ce en direc­tion du mih­rab, cette niche cer­née de deux colonnes, qui indique la qibla, donc la direc­tion de la ka’ba de la Mecque. »

Et M. Guenois de conclure son article par ces mots :

« Cette étape à la mos­quée, où aucun dis­cours n’é­tait pré­vu, devait être l’un des moments forts de son dépla­ce­ment de trois jours en Turquie. Il le fut mais res­te­ra comme un geste fort du pape François. Car il aura osé là ce qu’au­cun de ses pré­dé­ces­seurs n’a jamais fait : prier ouver­te­ment dans une mos­quée à côté d’un digni­taire musul­man. »

Dans son com­men­taire des faits, DICI, écrit dans son numé­ro 306 du 5 décembre 2014 [3] :

« La sin­cé­ri­té est une chose, la véri­té en est une autre. Le pape priait pour la Turquie, la paix, le muf­ti, pour lui-​même… mais qui priait-​il dans cette mos­quée en direc­tion du mih­rab, qui indique la qibla, la direc­tion de la ka’ba de la Mecque ? Jésus dont les musul­mans nient la divi­ni­té ? La Trinité que les musul­mans rejettent abso­lu­ment ? Bien sûr, dans « l’esprit d’Assise », on pré­ten­dra que le pape et le muf­ti ne priaient pas ensemble, qu’ils étaient ensemble dans la Mosquée bleue pour prier… Mais qu’en pense Asia Bibi condam­née à mort au Pakistan pour sa foi ? Et que dire aux trois enfants de Shazad et Shama, ce couple de catho­liques pakis­ta­nais brû­lés vifs dans un four à briques en haine du christianisme ? »

Le risque étant grand de voir écla­ter un nou­veau scan­dale contre la Foi, le Père Federico Lombardi, porte-​parole du Vatican, a vou­lu rapi­de­ment allu­mer un contre­feu en décla­rant « qu’il s’agissait, en fait, d’une ado­ra­tion silen­cieuse ».

Tentative vaine et inutile, car aus­si­tôt dans une envo­lée lyrique et admi­ra­tive, Sébastien Maillard, jour­na­liste à La Croix [4], nous apprend que :

« dans un geste spon­ta­né au siège du Patriarcat ortho­doxe à Istanbul, same­di 29 novembre, le pape François s’est incli­né pour que le patriarche Bartholomeos le bénisse ain­si que l’Église de Rome.[…] Aussitôt après, le pape François a don­né une ami­cale tape dans le dos au patriarche. Il s’est aus­si pen­ché pour bai­ser sa main, comme il l’avait fait lors de leur ren­contre au Saint-​Sépulcre à Jérusalem en mai dernier.


« Bénissez-​moi et bénis­sez l’Eglise de Rome » a décla­mé François au Patriarche
qui a hési­té un moment devant le pape qui bais­sait la tête, il l’a alors embrassé.

Mais nous devons boire ce funeste breu­vage de la cuvée Nostra Aetate jus­qu’à la lie et écou­ter ces paroles pro­non­cées par le pape le 30 novembre en réponse aux jour­na­listes dans l’a­vion du retour de Turquie :

« Je crois qu’a­vec l’or­tho­doxie nous sommes en che­min. Ils ont les sacre­ments, ils ont la suc­ces­sion apos­to­lique… nous sommes en che­min. Que devons-​nous attendre ? Que les théo­lo­giens se mettent d’ac­cord ? Ce jour n’ar­ri­ve­ra jamais, je vous l’as­sure, je suis scep­tique. Ils tra­vaillent bien, les théo­lo­giens, mais je me rap­pelle de ce qu’on disait à pro­pos de ce qu’a­vait dit Athénagoras à Paul VI : « Nous, avan­çons seuls ; et met­tons tous les théo­lo­giens sur une île, qu’ils réflé­chissent ! » (…) On ne peut pas attendre : l’u­ni­té est un che­min, un che­min que l’on doit faire, que l’on doit faire ensemble. Et c’est cela l’œ­cu­mé­nisme spi­ri­tuel : prier ensemble, tra­vailler ensemble, il y a beau­coup d’œuvres de cha­ri­té, beau­coup de tra­vail… Enseigner ensemble… Aller de l’a­vant ensemble. C’est l’œ­cu­mé­nisme spi­ri­tuel (…) Je dirai une chose que peut-​être l’un ou l’autre ne pour­ra pas com­prendre, mais… Les Églises catho­liques orien­tales ont le droit d’exis­ter, c’est vrai. Mais l’u­nia­tisme est un mot d’une autre époque. Aujourd’hui on ne peut pas par­ler ain­si. On doit trou­ver une autre route. »

Et voi­là com­ment le suc­ces­seur de Pierre enterre sans autre forme de pro­cès « l’u­nia­tisme » dépas­sé pour un aller sur une route que pour notre part nous ne pou­vons suivre sans nous perdre.

Restons fidèles à l’en­sei­gne­ment de notre véné­ré fon­da­teur Mgr Marcel Lefebvre qui lors de sa cin­quième inter­ven­tion au concile sur l’œ­cu­mé­nisme décla­rait aux Pères conci­liaires[5] :

« L’unique et indis­pen­sable source d’unité est le Souverain pon­tife, Successeur de Pierre et Vicaire du Christ. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise catho­lique. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise des Apôtres. Un est Dieu, Un est le Christ, Un est le Vicaire du Christ, Une est l’Eglise. Or, le Vicaire du Christ n’est autre, ici sur terre, que le Pontife romain. Cette véri­té, d’elle-même, avec force et dou­ceur, attire les âmes vers l’Eglise, Epouse du Christ et notre Mère. […] C’est pour­quoi per­sonne ne sera sau­vé qui, sachant que l’Eglise a été divi­ne­ment ins­ti­tuée par le Christ, refuse pour­tant de se sou­mettre à l’Eglise, ou bien dénie l’obéissance due au Pontife romain, Vicaire du Christ. En effet, notre Sauveur n’a pas seule­ment pres­crit à tous les hommes d’entrer dans l’Eglise ; il a aus­si ins­ti­tué l’Eglise comme moyen de salut sans lequel per­sonne ne peut entrer dans le royaume de la gloire céleste. »

La Porte Latine, 6 décembre 2014

Notes de bas de page
  1. Site du Vatican – VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS EN TURQUIE (28–30 NOVEMBRE 2014) – CONFÉRENCE DE PRESSE DU SAINT-​PÈRE AU COURS DU VOL DE RETOUR DE TURQUIE – Dimanche 30 novembre 2014[]
  2. Figaro du 29 novembre 2014 : Le pape François ose prier dans la Mosquée bleue d’Istanbul, par Jean-​Marie Guenois[]
  3. Dici n° 306 du 5 décembre 2014 : La visite du pape François en Turquie[]
  4. La Croix du 30 novembre 2014[]
  5. Intervention du 26 novembre 1963 []