Diacre, Docteur de l’Eglise (vers 306-vers 378).
Fête le 18 juin.
Voici le commencement de l’empire des chrétiens, disaient, en leur enthousiasme révélateur et naïf, les chroniqueurs de Byzance en saluant le règne de Constantin. Sur les ruines, en effet, de la civilisation antique, une jeune aube rayonnante avait paru : celle de l’ère byzantine, où allait s’épanouir, se répandre, s’imposer, demeurer à jamais vivante, la sainte, triomphante, irrésistible et très docte vertu du diacre d’Edesse. Non parfaitement connue et, par-là, sujette à nombre d’incertitudes ou d’objections, sa vie est entourée d’une mystérieuse et d’une surnaturelle auréole que d’aucuns, un peu témérairement peut-être, appellent légende. Certes, il existe de réelles contradictions entre son Testament et la Confession écrite en grec qui lui est attribuée. Certes, il peut se glisser, çà et là, avec gaucherie, quelque visible surenchère apportée ingénument par une postérité spirituelle, admiratrice fervente ; mais de ses innombrables écrits, grande leçon pour tous, jaillit en des gerbes d’une clarté fulminante le verbe de Dieu,
Sa naissance. – Premières années.
Au pays de Nisibe, dans cette contrée de la Mésopotamie sans cesse mise en effervescence par les guerres avec les Perses et par les émeutes des factions ariennes, bouleversées, parfois, par des sanguinaires persécutions, Ephrem naquit, selon les conclusions de Mgr Lamy, en l’année 306, sous Constantin le Grand. D’autres le font naître sous Dioclétien. La première opinion semble bien prévaloir. Sa mère était originaire d’Amid et son père de Nisibe. Celui-ci, d’après quelques-uns, était prêtre d’une idole nommée Abnil ou Abizal, et donc païen, ainsi que l’aurait été sa compagne.
Toutefois, l’on rapporte plus généralement que ses parents étaient chrétiens, qu’ils travaillaient à la sueur de leur front et vivaient de négoce. Plusieurs de leurs ancêtres avaient illustré la phalange des martyrs. Eux-mêmes avaient servi et confessé avec une opiniâtre fidélité le nom de Jésus-Christ.
Ils donnèrent au nouveau-né le nom d’Ephraim ou Ephrem, qui signifie croissant et abondant en fruits. Et cela, parce qu’ils se souvenaient d’avoir eu, quelque temps avant l’événement fortuné, une vision merveilleuse : une vigne lourde de raisins leur avait semblé surgir de la langue de leur fils, puis grandir et couvrir la terre de son ombre. N’est-ce point là le symbole de son éloquence future, si féconde ?
De bonne heure, il fut offert à Dieu, bien que, d’après la coutume suivie alors dans l’Eglise, il ne reçût le baptême qu’à l’âge de 17 ans, des mains de l’évêque Jacques de Nisibe, qui fut le maître de sa formation intellectuelle et religieuse. Innocence et piété ardente, telle fut son enfance tout entière. Il se reprochera plus tard, dans son humilité, la manière dont il avait vécu cette première époque de sa vie. Sozomène parle de ses faciles mouvements de colère. Ephrem enrichit ce témoignage en s’accusant sans réticence d’avoir, par espièglerie, chassé devant lui la génisse d’un voisin, si bien ou plutôt si mal qu’elle devint, au fond d’une forêt, la proie d’animaux sauvages.
Manifestation de la Providence.
Peccadille assurément dont nous sourions trop volontiers, nous, du commun des pauvres fidèles. Mais, pour Ephrem, quand c’est de lui qu’il s’agissait, point d’indulgence, de complaisance, de demi – mesure. Comme un crime involontairement commis, il déplorait aussi d’avoir été, en ce temps-là, effleuré par de persistantes, obsédantes tentations contre la Providence de Dieu. Le démon astucieux et subtil en malicieuses ressources ne lui suggérait-il pas que le jeu du hasard décide de la plus grande partie de notre vie ? Et ne croit – on pas, à s’y méprendre, entendre tinter le débit de la monnaie courante des esprits forts de tous les siècles : « Dieu ne s’occupe pas de ces choses » ?
Cependant le Seigneur, en son incommensurable bonté, veillait, lui ménageant une profitable leçon. Un jour qu’il voyageait dans la campagne de la Mésopotamie, le jeune homme rencontra un berger qui, vu l’heure tardive, lui offrit hospitalité. Au milieu de la nuit, des loups assaillirent le troupeau et le dispersèrent. Pris d’ivresse, le berger n’avait rien entendu. C’est pourquoi ceux à qui le troupeau appartenait le firent mettre en prison et, avec lui, Ephrem qu’ils accusaient de complicité et de rapine. Nulle protestation n’y fît. Un cachot se referma sur les deux compagnons où furent jetés, bientôt après, deux autres hommes : l’un accusé d’adultère, l’autre de meurtre, tous les deux pareillement innocents. Sept jours s’étant écoulés, tandis qu’Ephrem était endormi, un ange lui apparut en songe et lui dit :
– Vis dans la piété, et tu reconnaîtras qu’il y a une Providence. Examine ce que tu as pensé et ce que tu as fait, et tu sauras par toi – même que tes compagnons ne souffrent pas injustement, et que les auteurs des crimes dont ils sont accusés seront découverts et punis.
Après soixante-dix jours de captivité, les prisonniers furent amenés au tribunal, où Ephrem entra le dernier, harassé, demi-nu et ployant sous les chaînes. Ami des siens et l’ayant reconnu, le juge l’interrogea, fit mettre le berger à la question, lequel ne tarda point d’avouer et d’entraîner ainsi l’évidence de l’entière innocence d’Ephrem. Quant aux deux autres hommes insidieusement soupçonnés, l’un avait rendu un faux témoignage, l’autre avait, dans le passé, laissé périr quelqu’un qu’il aurait pu sauver.
Alors Ephrem se souvint des paroles de l’ange. A la lumière de faits irrécusables, il fut inébranlablement convaincu et armé de cette vérité que rien, pas le moindre fétu de paille, n’échappe au gouvernement et à la justice de Dieu. Tôt ou tard, même en ce monde, tout se paye. Aussi importe-t-il, et sans retard, de faire pénitence.
Dans la solitude.
Dès lors la salutaire et vivifiante pensée de la fin dernière, unie à la pieuse crainte de la sentence divine, ne quittera plus son âme généreuse, prompte à tous les renoncements. Entre autres, il écrira dans un langage d’or cette page sans pareille :
A la porte du tombeau viennent s’arrêter et se confondre le coupable audacieux, le brigand avide de pillage, le savant et l’ignorant, le maître et le disciple, jetés pêle-mêle au-devant d’un tribunal, où toutes leurs actions sont pesées dans les balances d’une justice rigoureuse ; où il n’y a plus de distinction de rang et de conditions ; où le monarque comparaît dépouillé de son diadème ; où le magistrat vient recevoir son arrêt ; où le juste, si souvent égorgé par le crime, attend un nouveau jugement qui le réhabilite et lui assure la récompense de ses vertus ; où le mauvais riche, autrefois nageant dans l’opulence, implore vainement une goutte d’eau ; où Lazare est mis en possession de tous les biens. Quel contraste 1 D’une part, pour l’homme opulent, à la place de ces richesses qui le rendaient si fier, des feux vengeurs, une nuit épaisse ; de l’autre, pour l’humble solitaire, à la place du cilice et de la bure grossière qui le couvrait, les plus brillantes parures, un paradis tout de lumière et toute la magnificence des rois.
Tableau saisissant qui n’est point, si l’on peut dire, l’aboutissant dû à des expériences successives, à des efforts réitérés pour se convaincre du néant des plaisirs qui passent.
On aurait, après cela, de fortes raisons de s’étonner qu’Ephrem n’eût pas embrassé, et tout de suite, la vie monastique, qu’il n’eût pas choisi, la plus proche de lui à cette époque, celle des solitaires de la Mésopotamie.
Ce n’étaient pas complètement des ermites. Ils vivaient, sinon en large communauté, du moins, le plus souvent, chacun dans une sorte de pauvre hutte voisine qui lui servait de cellule. Souvent il advenait qu’ils demeurassent dans les cavernes ou les creux des rochers. De plantes sauvages, ils faisaient leur nourriture ; de l’eau des ruisseaux, leur breuvage. La prière, l’étude, de pieux écrits composés pour la défense de la doctrine et l’exhortation des énergies hésitantes ou attiédies, la constante mortification extérieure et intérieure, formaient la discipline de leurs âmes toujours plus pénétrées de l’horreur du péché, si minime puisse-t-il paraître, toujours plus avides d’entrer en possession du divin et parfait amour.
Les deux Julien. – Concile de Nicée.
Dans sa retraite, dont la crainte constante du jugement dernier fut l’aiguillon et le foyer jamais éteint, Ephrem, pendant les premières années, eut, entre autres, deux compagnons très avancés dans les voies de la lumière surnaturelle et de la sainteté. D’abord Julien, qui, plus tard, devait être mis sur les autels, mais, de son vivant, surnommé « Sabbas » ou « vénérable vieillard » par ses fils spirituels, dont les plus en renom furent Astère, Agrippa et Jacques de Perse, le disciple préféré. Puis, un autre Julien, barbare originaire d’Occident, peut-être Goth, et dont toute la science venait directement de Dieu. Un jour Ephrem lui demanda pourquoi, sur certains livres, les mots « Seigneur », « Jésus-Christ », étaient effacés.
– Je ne puis, répondit-il, vous rien cacher. La femme pécheresse arrosa de ses larmes les pieds du Sauveur et les essuya de ses cheveux. Ainsi, partout où je trouve le nom de mon Dieu, je l’arrose de mes larmes pour obtenir de lui la rémission de mes péchés.
– Je souhaite, reprit Ephrem, que Dieu, selon sa bonté et sa miséricorde, récompense votre dévotion ; néanmoins je vous prie d’épargner les livres.
La perte de ce digne solitaire à qui, croit-on, il ferma les yeux et dont il retraça l’existence volontairement immolée, lui fut un sujet d’affliction profonde.
La renommée des vertus d’Ephrem et celle de sa science, elle aussi véritablement inspirée par le Saint-Esprit, avait dépassé non seulement les austères limites de sa retraite, mais encore les murs de sa ville natale et les confins de son pays.
La langue grecque lui était devenue tout aussi familière que la langue syriaque. Aussi ne doit-on pas s’étonner de sa présence, en 325, au Concile de Nicée, laquelle ne peut plus se qualifier de légendaire. Nul n’ignore que ce Concile, si important, si définitif pour le dogme catholique, fut convoqué par le Pape saint Silvestre sur les instances de l’empereur Constantin le Grand qui, bien que catéchumène encore, voulut y assister pour être témoin et médiateur de la paix de l’Eglise, et ainsi apaiser le trouble grandissant suscité par les hérétiques propositions d’Arius. Celui-ci, appelé à comparaître à la séance préparatoire du 19 juin pour s’en expliquer, proclama sans vergogne que le Fils de Dieu n’était pas de toute éternité, qu’il avait été tiré du néant et que, simple créature de Dieu, en raison même du commun libre arbitre, il pouvait choisir entre le bien et le mal. Après de tels blasphèmes, si injurieux quant à la forme, si piètre en réalité quant au fond, et qui, par leur cynisme, dissipaient toute espèce de malentendu, les Pères, dès le début du mois suivant, commencèrent le procès de l’hérésiarque, qui devait aboutir, avec sa condamnation et ses fausses promesses de repentir, à l’impérissable profession de foi, connue dans la suite sous le nom de Symbole de Nicée.
A Edesse. – L’éloquence de saint Ephrem.
Une tradition rapporte que, s’en revenant du Concile, les évêques fondèrent des écoles dans les villes de leur siège. Ephrem fut appelé à diriger celle qu’avait ouverte Jacques de Nisibe. Ce fut aussi lui qui, voyant la cité assiégée par Sapor, roi des Perses, en 338, obtint par de ferventes prières que l’ennemi, cette fois, s’éloignât sans parachever un avantage incontestable, une victoire, selon les prévisions des hommes, inévitable. Quelque dix ans plus tard mourait le saint évêque Jacques. Puis, vers 363, les Perses s’étant désormais rendus maîtres du territoire de Nisibe, Ephrem gagna Edesse.
« Diacre de l’Eglise d’Edesse. » Ainsi est-il appelé par saint Jérôme et par Pallade ; mais on a des raisons assez convaincantes de penser que, transportés par l’attrait de son éloquence et conquis par l’exemple de ses mérites, les fidèles demandèrent qu’il fût élevé à la dignité sacerdotale.
Ne le fait-il pas, d’ailleurs, entendre dans le discours sur le sacerdoce qu’il adresse au clergé, et dans lequel il se met parmi ceux qui ont reçu cette dignité « par la vertu du Saint-Esprit et l’imposition des mains » ? A la prédication, il se préparait par la prière et par les larmes. Car il eut, faveur habituelle chez lui, le don des larmes, ce signe visible de l’amour parfait. Son zèle suscitait sa parole et la dépassait. Les Écritures, toujours présentes à la pensée d’Ephrem, étaient le suc, sans cesse renouvelé, de ses exhortations. Il advenait qu’il fût envahi par une connaissance infuse, au point de s’écrier un jour, sous l’abondance des inspirations célestes : « Retenez, Seigneur, les flots de votre grâce. » Et c’est pourquoi, dans le testament laissé à ses disciples, il recommande avec insistance aux habitants d’Edesse de ne jamais oublier ni ses conseils ni ses préceptes, et de se bien garder de les mépriser comme des paroles humaines ; il ne leur avait donné que ce qu’il avait reçu de la bonté divine.
Union de la vie ascétique et de la vie apostolique.
Il ne menait plus seulement, on le voit, la rigoureuse vie d’un Père du désert. Ses occupations l’obligeaient à demeurer quasi continuellement en relation avec le monde. Sinon, point d’apostolat possible. Obligation lui était donc de tempérer son ascétisme et ses mortifications excessives. La mesure, lorsqu’on songe à cette âme aux surnaturelles et débordantes ardeurs, apparaît bel et bien comme une vertu héroïque. De là, ses avis de modération et de prudence.
– Mieux vaut, disait-il, manger en rendant grâces à Dieu qui nous nourrit, que de jeûner en critiquant, en condamnant ceux qui mangent et rendent grâces à Dieu. Etes-vous à table, mangez, mais ne déchirez pas la réputation de votre prochain…
Voilà tracé, en termes d’une simplicité frappante, l’indispensable moyen de parvenir à la sanctification. Savoir réprimer l’intempérance du parler, dompter tout semblant de médisance, à plus forte raison de calomnie, c’est un invisible cilice jamais relâché, le règne invincible de la mortification intérieure qu’exaltera, quelques siècles plus tard, saint Ignace de Loyola dans ses Exercices.
Renoncement, oraison, labeur intellectuel et doctrinal, apostolat prodigué quand il importait, donnaient à Ephrem une autorité aussi réelle que l’évidence même. Outre les instructions publiques qui, autour de lui, réunissaient les habitants d’Edesse ; outre les conseils que, dans sa cellule, venaient quérir religieux et fidèles, il répondait encore à des étrangers qui le consultaient par lettres. Devant tant de marques de vénération et de confiance, son humilité, toujours vigilante, s’interposait.
Lutte contre l’hérésie.
L’humilité, source intarissable de charité, n’est pas, ne saurait être, à moins de se travestir et de s’amoindrir, une abdication. Le nom, les perfections et les droits de Dieu méconnus ou injuriés, l’enseignement de l’Eglise renié ou contrefait, imposent à certaines heures de ne pas craindre, selon la force dont on dispose, d’intervenir et d’élever la voix. De toute la puissance non seulement de son éloquence, mais encore de sa doctrine et de sa science, Ephrem se dressa contre les innombrables hérésies qui infestaient la chrétienté.
Ses œuvres, écrites en langue syriaque et grecque, et traduites en latin par Pierre Mobarak, et, après la mort de celui-ci, par Étienne Evode Assémani dans la première moitié du xviiie siècle, en demeurent le témoignage immortel. Elles forment six in-folio imprimés par la typographie Vaticane, de 1732 à 1746. Nous y apprenons avec quelle ardeur il combattit tour à tour et victorieusement les erreurs des anoméens, des macédoniens, des milliénaires, des marcionites, des manichéens, des messaliens ou euchites, des apollinaristes et des novatiens. Saint Grégoire de Nysse rapporte que ces hérétiques, malgré leur audace et leurs artifices, furent incapables de résister à la vigueur de ses réfutations.
De toutes les hérésies, celles qu’il attaqua avec plus d’impétuosité encore que les autres, et que, de son lit de mort, il anathématisa d’une façon particulière, furent les erreurs des apollinaristes et celles des messaliens. A quel degré éminent de savoir Apollinaire, le fondateur de la première, n’était-il point parvenu ! Membre du clergé de Laodicée, ayant connu le grand Athanase, il passait parmi ses contemporains pour un des esprits les plus remarquables de son époque, l’égal même de saint Basile et de saint Grégoire de Nazianze.
Consacré évêque, mais devenu la proie de l’orgueil, il commença à enseigner l’erreur et à former des disciples.
Les apollinaristes, que saint Epiphane appelle dimoerites « partagés », prétendaient que dans l’humanité de Notre-Seigneur Jésus-Christ il n’y avait point d’âme et que la divinité animait immédiatement les organes du corps. Néanmoins, ils finirent par accorder au Fils de Dieu l’âme « sensitive » différente de lame « intelligente ». « Ils lui donnaient, dit saint Augustin, l’âme des bêtes et lui refusaient celle de l’homme. » Quant à la Trinité, tels les sabelliens, ils n’y reconnaissent le Père, le Fils et le Saint-Esprit que comme des « noms » ou des « rôles » appartenant à la même personne.
Les messaliens, eux, semblaient ne prendre le nom de chrétiens que pour le déshonorer. De chef attitré, ils n’en possédaient pas, non plus que de dogme précis. Comme ils faisaient profession de renoncer au monde et que, sous la robe monastique, ils enseignaient les impiétés des manichéens, ils passaient pour des religieux. Ils croyaient que chacun est soumis à un démon ; que le baptême est semblable à une hache coupant les branches extérieures du péché, mais que, l’homme ne pouvant enlever de son âme le démon, que seule la prière serait capable de chasser, il est inutile de recevoir le baptême. Ils condamnaient le travail des mains, mendiant leur pain sous prétexte de pauvreté, prétendant que la prière devait rester toute leur occupation. Ils employaient, néanmoins, la plus grande partie du jour à dormir, puis débitaient leurs songes comme des révélations et des prophéties.
Visite à saint Basile. – Retour à Edesse.
Mort de saint Ephrem.
Certains biographes veulent qu’Ephrem, sur le tard de sa vie, ait, durant huit années, parcouru l’Egypte, pour y combattre les ariens. Le plus certain est qu’on le trouve, vers 373, à Césarée, auprès de saint Basile.
Un jour, celui-ci, par une révélation intérieure, reconnut dans la foule, après l’office divin, cet étranger dont il avait déjà entendu parler, soit dans sa visite aux solitaires de la Mésopotamie, soit par Eusèbe de Samosate. Il s’approcha de lui :
– N’êtes-vous pas Ephrem le Syrien, ami de la solitude, celui qui s’est soumis avec tant de courage au joug du Seigneur ?
– Je suis, répondit l’inconnu interpellé, Ephrem qui marche le dernier dans la carrière céleste.
De retour dans la ville d’Edesse, qu’avait épargnée sans doute la persécution de Valens, mais qui restait privée de son clergé et désolée par la famine, le voici soignant les pauvres, adoucissant leur misère, exhortant les riches à la générosité. Charitable, il l’est jusqu’au dernier instant, où, dans la sérénité, il rend son âme à Dieu pour les droits de qui il avait toujours bataillé. C’est, croit-on, en l’an 378, le 18 juin (ailleurs on lit le 9) ; la date du 18 juin, à la fois quant au jour et au mois, serait tenue aussi pour l’anniversaire de la naissance du grand apôtre que Benoît XV, le 5 octobre 1920, a proclamé Docteur de l’Eglise. Le même Pape a fixé au 18 juin la fête de saint Ephrem, alors que précédemment le Martyrologe romain citait son nom au 1er février.
Dominique Roland Gosselin.
Sources consultées. – Saint Ephrem (Lille, 1849) – Casimir Emereau, Saint Ephrem le Syrien, son œuvre littéraire grecque (Paris). – F. Nau, article « Ephrem (Saint) », dans Dictionnaire de théologie catholique de A. Vacant (Paris, 1924). – Annuaire pontifical catholique de 1921 (Paris). – (V. S. B. P., n° 259.)
Source de l’article : Un saint pour chaque jour du mois, Juin, 2e série, La Bonne Presse