Précurseur du Messie
Fête le 24 juin.
Un jour que Jésus-Christ prêchait aux multitudes, il dit en parlant de Jean : « Qu’êtes-vous allés voir dans le désert ? Un roseau agité par le vent (c’est-à-dire un homme faible, sans caractère, qui tourne à tous vents d’opinions) ? Mais encore qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu mollement ? Vous savez que c’est dans les palais des rois qu’on trouve ceux qui portent des riches habits et qui vivent dans les plaisirs. Qu’êtes-vous donc allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu’un prophète. Car c’est de lui qu’il a été écrit : Voici que j’envoie mon ange devant ta face, afin qu’il prépare ton chemin devant toi. En vérité, je vous le dis, entre les fils des femmes, il n’en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste. » [1]
Quel éloge ! Et dans quelle bouche ! Celle du Fils de Dieu !
Saint Jean-Baptiste occupe dans l’histoire de l’humanité une place unique et incomparable, il est un trait d’union entre les deux mondes, il résume en lui tout l’Ancien Testament et prépare le Nouveau. Montrant le Messie promis déjà présent au milieu de son peuple, il ferme la succession des prophètes et il ouvre la mission des apôtres.
Par un privilège unique entre les prophètes, il a eu l’honneur d’être lui-même prophétisé, plus de sept siècles avant sa naissance, par Isaïe et Malachie.
Les parents de saint Jean-Baptiste.
Il y avait en Israël deux familles nobles entre toutes : la famille royale de David, d’où devait naître le Messie, et la famille sacerdotale d’Aaron, dont le sacerdoce figurait, annonçait et préparait le vrai et unique sacerdoce de Jésus-Christ. Marie, Mère de Jésus, était de la race de David ; Zacharie et son épouse Elisabeth, parents du saint Précurseur, étaient de la race d’Aaron. En outre, Elisabeth, fille d’une sœur de sainte Anne, mère de Marie, se trouvait être la cousine germaine de la Très Sainte Vierge. Elle était toutefois beaucoup plus âgée que Marie. Elisabeth et Zacharie avaient une autre noblesse, noblesse excellente et personnelle, celle de la sainteté : « Tous deux étaient justes devant Dieu, dit l’évangéliste saint Luc, marchant sans reproche dans tous les commandements et les ordonnances du Seigneur. »
Mais, tristesse immense pour les deux époux, « ils n’avaient point de fils », et humainement ne pouvaient plus en espérer, ce qui était considéré comme un opprobre et une malédiction chez les Hébreux. Dieu le permettait ainsi pour éprouver et perfectionner leur vertu et aussi parce que saint Jean-Baptiste, comme Isaac, Samson, Samuel, comme Marie enfin, la Vierge bénie entre toutes les créatures, devait être le fruit de la grâce et de la prière, plus encore que de la nature.
Apparition de l’archange Gabriel.
Les descendants d’Aaron avaient été divisés par David en classes ou familles qui se succédaient à tour de rôle pour exercer leur ministère dans le Temple de Jérusalem. Zacharie appartenait à la classe d’Abia, c’était la huitième. Le Temple était un vaste édifice, pas, comme le sont nos cathédrales, un édifice important n’offrant qu’un seul lieu de réunion. Qu’on imagine d’abord une vaste place ou esplanade, entourée d’une enceinte et flanquée de constructions diverses. Entrez sur cette esplanade, vous êtes dans une vaste cour, c’est le parvis des Gentils, où tout le monde peut entrer. Une sorte de balustrade et une double rangée de colonnes séparent cette première cour d’une seconde, le parvis des Juifs, où les Hébreux seuls peuvent pénétrer ; ce parvis est séparé lui-même d’un troisième, le parvis des Lévites ou des Prêtres, où l’on immole les victimes et au milieu duquel se dresse le sanctuaire ou temple proprement dit. Ce dernier édifice est très élevé et on y arrive par de nombreuses marches ; il est divisé en deux parties, le Saint et le Saint des saints. Le grand-prêtre seul, une fois l’an, peut entrer dans le Saint des saints. Dans le Saint on voit, entre autres, l’autel des parfums, petite table en bois de sétim, couverte de lames d’or.
Chaque matin à neuf heures et chaque soir à trois heures, l’un des prêtres de semaine, désigné par le sort, entrait dans le Saint et faisait brûler une poignée d’encens sur l’autel des parfums ; puis il sortait, et du haut des degrés du sanctuaire il bénissait le peuple réuni dans les parvis : « Que le Seigneur, disait-il en croisant les mains, te bénisse et te conserve ; que le Seigneur te découvre son visage et ait pitié de toi ; que le Seigneur tourne vers toi son visage et te donne la paix. » Triple invocation qui s’adressait mystérieusement à la Sainte Trinité, en faveur de son peuple choisi.
Or, raconte l’évangéliste, lorsque Zacharie remplissait devant Dieu les fonctions du sacerdoce, selon le rang de sa classe, il arriva qu’il lui échut par le sort, suivant la coutume observée entre les prêtres, d’entrer dans le temple du Seigneur pour y offrir l’encens. Et toute la multitude était dehors priant, à l’heure de l’encens. Et un ange lui apparut, debout à droite de l’autel des parfums. A cette vue, Zacharie se troubla et fut saisi de crainte. Mais l’ange lui dit :
— Ne craignez point, Zacharie, parce que votre prière a été exaucée, et Elisabeth votre épouse vous donnera un fils que vous nommerez Jean (nom qui veut dire grâce de Dieu). Il sera pour vous un sujet de joie et de ravissement, et à sa naissance beaucoup se réjouiront. Car il sera grand devant le Seigneur ; il ne boira point de vin ni d’aucune liqueur enivrante, il sera rempli de l’Esprit-Saint dès le sein de sa mère. Il convertira un grand nombre d’enfants d’Israël au Seigneur leur Dieu ; il marchera devant sa face dans l’esprit et la vertu d’Elie, afin qu’il unisse les cœurs des pères à ceux des fils (c’est-à-dire apprenne aux Juifs d’alors à imiter la foi de leurs pères les patriarches anciens), qu’il ramène les désobéissants à la prudence des justes, pour préparer au Seigneur un peuple parfait.
— A quoi reconnaîtrai-je la vérité de ce que vous me dites ? répondit Zacharie, car je suis vieux et ma femme est avancée en âge.
Alors l’ange répondit avec majesté :
— Je suis Gabriel qui me tiens devant Dieu, et j’ai été envoyé pour vous parler et vous annoncer cette heureuse nouvelle. Et voici que vous serez muet et ne pourrez parler parce que vous n’avez pas cru à mes paroles, qui s’accompliront en leur temps.
Cependant le peuple attendait Zacharie et s’étonnait qu’il demeurât si longtemps dans le Temple.
Enfin il sortit pour donner la bénédiction accoutumée, mais « il ne pouvait parler et ils comprirent qu’il avait eu une vision dans le Temple. Quant à lui, h leur faisait des signes, et il resta muet.
« Quand les jours de son ministère furent accomplis, Zacharie revint à la maison », triste, dit saint Paulin, demandant pardon à Dieu dans le secret de son cœur. Sa maison était à Aïn-Karim, petite ville située à deux lieues de Jérusalem, sur un plateau incliné, au bas d’une montagne, et au-dessus d’une riante vallée. Bientôt Elisabeth eut la certitude de donner le jour à un enfant.
La Visitation.
Six mois après, l’ange Gabriel apparaissait à l’humble et incomparable Vierge de Nazareth, il annonçait à Marie sa maternité virginale et divine, et ajoutait en témoignage de ses paroles : « Voilà qu’Elisabeth, votre cousine, a elle-même conçu un fils dans sa vieillesse, et c’est le sixième mois de celle qui était appelée stérile, parce que rien n’est impossible à Dieu. » Ainsi, Jean semblait déjà remplir son rôle de précurseur ; mais cette âme d’élite gémissait encore captive sous les ruines du péché originel : une inspiration intérieure apprend à Marie que la visite de la Mère de Dieu sera le salut de Jean, non moins que la joie d’Elisabeth.
Marie se lève donc et se met en route. Quatre ou cinq jours de marche séparent Nazareth des montagnes de Judée où demeure sa cousine, mais la charité semble lui donner des ailes ; elle voyage rapidement, dit l’évangéliste, afin de saluer Elisabeth. La Mère de Dieu prévient la mère de Jean ; Jésus prévient son précurseur ; Jésus parle par la bouche de Marie, et sa voix pénétrant jusqu’à l’âme du fils d’Elisabeth, celui-ci se réveille à la vie de la grâce, il a reconnu son Sauveur, il tressaille dans le sein de sa mère. L’Esprit-Saint, qui illumine lame du fils, rejaillissant sur la mère, Elisabeth s’écrie d’une grande voix (comme si elle parlait au nom de tous les siècles à venir) : « Vous êtes bénie entre toutes les femmes et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient ce bonheur que la Mère de mon Seigneur vienne me visiter ? Vous êtes heureuse, vous qui avez cru que les choses qui vous ont été dites de la part du Seigneur s’accompliraient. »
Mais Marie, repoussant la louange qui s’adresse à elle pour reporter à Dieu toute gloire, s’écrie : « Mon âme glorifie le Seigneur », et elle fait entendre, pour la première fois en ce lieu solitaire, les sublimes accents du Magnificat, répété depuis par tous les siècles, en souvenir d’elle. Si cette première rencontre fut si merveilleuse pour l’âme du Précurseur, combien de grâces durent accompagner le séjour de Marie auprès d’Elisabeth pendant environ trois mois ?
Naissance de saint Jean-Baptiste.
Quand le temps fut arrivé, Elisabeth mit au monde un fils ; les parents et les voisins, qui estimaient la vertueuse mère, apprirent avec joie la miséricorde dont le Seigneur avait usé envers elle. Le huitième jour, on vint, suivant l’usage, circoncire l’enfant, et ils lui donnaient le nom de Zacharie porté par son père.
— Il n’en sera pas ainsi, dit Elisabeth, mais il s’appellera Jean.
On lui dit :
— Il n’y a personne dans votre famille qui ait reçu ce nom.
Et on demandait par signe au père comment il voulait qu’on le nommât. Zacharie se faisant donner ce qu’il faut pour écrire traça ces mots : « Jean est son nom. »
Mais à peine a‑t-il réparé, par cet acte de foi et d’obéissance, son doute d’autrefois, que l’esprit des prophètes illumine son âme, sa langue se délie, le beau cantique du Benedictus jaillit de ses lèvres inspirées : « Béni soit le Seigneur, Dieu d’Israël, parce qu’il a visité et racheté son peuple… Et toi, petit enfant, tu seras appelé le prophète du Très-Haut, car tu marcheras devant sa face pour préparer ses voies… »
Les miracles s’ajoutaient donc aux miracles autour du berceau de l’enfant ; ceux qui demeuraient dans les lieux voisins furent saisis d’une crainte respectueuse. Le bruit de ces merveilles se répandit sur toutes les montagnes de Judée, tous ceux qui les entendirent raconter les conservèrent dans leur cœur, et ils disaient : « Que pensez-vous que sera un jour cet enfant ? Car la main du Seigneur était avec lui. »
Marie assistait-elle à ces joyeux événements ? Quelques-uns pensent qu’elle était déjà retournée à Nazareth ; mais saint Ambroise et beaucoup d’autres croient qu’elle ne quitta la maison de Zacharie qu’après la naissance de Jean. Nous aimons à nous représenter le petit saint Jean, toujours précurseur, précédant Jésus dans les bras de Marie ! Quand le divin Sauveur fut né à Bethléem, Elisabeth et Zacharie vinrent-ils rendre à Marie sa visite d’autrefois ? L’évangéliste ne nous l’apprend pas ; mais, étant donnée la proximité des lieux (d’Aïn-Karim à Bethléem il y a environ deux heures), de bonnes raisons nous autorisent à le penser. Et si le petit Jean qui, malgré son enfance, jouissait déjà de l’usage de sa raison, fut alors porté à Bethléem, qui pourra décrire les scènes ravissantes qui se passèrent alors !
Bientôt, Hérode, usurpateur du trône de David, apprend la naissance du Messie, il craint pour son autorité, il envoie des satellites massacrer tous les petits enfants de Bethléem et des environs ; Jésus, emporté en Égypte par Joseph et Marie, échappe à la mort. Mais que devint le fils de Zacharie, né non loin de Bethléem ? D’anciennes légendes racontent qu’il fut miraculeusement sauvé. Quoi qu’il en soit, Zacharie, qui remplissait à Jérusalem ses fonctions sacerdotales, fut massacré, d’après quelques auteurs, par ordre du roi, entre le Temple et l’autel, et la trace de son sang resta indélébile sur le pavé.
Elisabeth mourut à son tour dans le désert montagneux, quelque temps après, et les anges, dit-on, prirent soin du petit orphelin, dont la vie tout entière devait être si semblable à la leur.
Saint Jean au désert.
Jusqu’à l’âge de trente ans, saint Jean vécut dans les déserts, loin de tout ce qui pouvait ternir l’incomparable pureté de son innocence ; la prière, l’adoration, la louange de Dieu, la contemplation des grandeurs divines, voilà l’occupation de cet ange de la terre. Le lieu le plus habituel de son séjour était une grotte taillée dans le roc, que le pèlerin peut visiter encore, dans une vallée solitaire, étroite et profonde, non loin de l’ancienne Aïn-Karim, la ville natale du saint Précurseur. N’en déplaise à l’imagination des peintres, saint Jean-Baptiste n’allait point à demi couvert d’une peau de mou ton : une sorte de robe ou tunique tissée, en poil de chameau, serrée autour des reins par une ceinture de cuir, tel était son vêtement, tunique rude et pauvre, véritable cilice et instrument de perpétuelle souffrance. Du miel sauvage, des sauterelles, voilà sa nourriture, nous dit l’évangéliste. Et quand le désert lui refusait ces maigres aliments, on raconte qu’il y suppléait par les fruits du caroubier. Venait-il quelquefois au Temple de Jérusalem ? C’est possible, mais saint Luc ne nous l’apprend point.
N’allait-il jamais à Nazareth voir Jésus ? Un passage de ses discours au peuple semble indiquer que non. Le témoignage que Jean était appelé à rendre de Jésus devait paraître aux Juifs plus désintéressé et plus divin, venant d’un homme qui avait grandi et vécu loin de Nazareth et de la société du Fils de Marie. Mais quelle mortification intérieure pour lame si aimante de Jean ! Savoir son doux Sauveur si près et ne point aller jouir de sa suave et sainte présence ! … « Qu’est-ce que cela, s’écrie saint François de Sales, si ce n’est se priver de Dieu pour l’aimer d’autant mieux et plus purement ? Cet exemple accable mon esprit par sa grandeur… »
Saint Jean prêche aux foules et baptise le Fils de Dieu.
Enfin, les temps sont venus ; Jésus, caché à Nazareth, va bientôt se manifester au monde. Jean a trente ans, c’est l’âge qu’on exige des docteurs en Israël pour leur accorder le droit d’expliquer au peuple les Livres Saints ; Dieu l’envoie annoncer aux hommes la grande nouvelle qu’ils ignorent et préparer les voies à Jésus-Christ. Jean commence à prêcher dans les montagnes de Judée, non loin du lieu de sa retraite, et bientôt il vient faire entendre sa parole sur les rives du Jourdain. Après quatre cents ans de silence, la voix des prophètes se fait de nouveau entendre en Israël ; toute la Palestine s’émeut, les multitudes s’ébranlent et affluent vers le Jourdain, on admire la sainteté du Précurseur, son austérité extraordinaire ; les merveilles qui ont jadis signalé sa naissance reviennent sans doute à la mémoire de plusieurs.
« Race de vipères, s’écriait le nouvel Elie en s’adressant aux Pharisiens, qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Faites donc de dignes fruits de pénitence, et n’essayez pas de dire : Abraham est notre père ; car je vous dis que de ces pierres mêmes Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la cognée est à la racine de l’arbre. Tout arbre donc qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu ! »
Et les foules l’interrogeaient : « Que pouvons-nous faire ? » Jean ne se perdait pas en vaines formules. Sa réponse était nette et pratique. A tous il se contentait de rappeler la règle de la charité et de l’aumône : « Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. » Aux publicains il répondait : « N’exigez rien au-dessus du tarif. » Aux soldats : « Ne molestez personne, ne calomniez personne, contentez – vous de votre solde. » On voit que Jean connaissait son milieu.
Beaucoup se repentent de leurs péchés et, comme témoignage de ce repentir, reçoivent de Jean le baptême de la pénitence dans les eaux du Jourdain.
Enfin, le Baptiste – car tel sera désormais son nom – paraît un personnage tellement surhumain, qu’on se demande si peut-être il ne serait pas le Christ. Une députation de prêtres et de lévites vient de Jérusalem l’interroger. « Je ne suis pas le Christ, répond Jean. Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les chemins du Seigneur, ainsi que l’a dit Isaïe… Moi je baptise dans l’eau, mais il en est un qui a paru au milieu de vous et que vous ne connaissez pas ; c’est lui qui doit baptiser dans l’Esprit-Saint et dans le feu (c’est-à-dire dans la grâce sanctifiante et la charité). Il viendra après moi, mais il est avant moi et je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure. »
Un jour, voici un homme de Nazareth qui arrive à son tour et demande à Jean de le baptiser. Jean a reconnu son Maître : cet homme est Jésus, l’âme du Précurseur tressaille de joie :
— C’est moi qui dois être baptisé par vous, lui dit-il, et c’est vous qui venez à moi !
— Laissez faire maintenant, dit le Sauveur, il nous faut accomplir ainsi toute justice.
Jésus descend dans l’eau, il reçoit le baptême de la pénitence ; ce n’est pas l’eau qui sanctifie Jésus, mais Jésus qui sanctifie l’eau, et désormais le véritable baptême, le baptême de Jésus-Christ qui efface le péché, est institué. Le fils de Dieu remonte hors de l’eau, les cieux s’entr’ouvrent, la voix du Père se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toutes mes complaisances. » Le Saint-Esprit descend sous forme de colombe et repose sur Jésus. Journée de bonheur et de gloire pour Jean, car il a baptisé le Fils bien-aimé de Dieu !
Martyre de saint Jean-Baptiste.
Un autre jour, Jean-Baptiste voit encore Jésus venir à lui : « Voici l’Agneau de Dieu, s’écrie-t-il, voici Celui qui efface le péché du monde. » Deux de ses disciples l’entendent et suivent Jésus : c’étaient André, frère aîné de Pierre, et Jean, le futur évangéliste, image vivante de Jean-Baptiste lui-même.
Bientôt le divin Maître commence ses prédications et ses miracles sans nombre, les foules accourent autour de lui. Quelques disciples de Jean s’en affligent, mais le Précurseur surabonde de joie : « Ne vous avais-je pas dit que je n’étais pas le Christ, mais que je le précédais ? Il faut qu’il croisse et que moi je diminue. »
Hérode l’Ancien, le bourreau des Innocents, était mort depuis longtemps, mais son fils, Hérode le tétrarque, était souverain de la Galilée. Prince débauché, il avait enlevé à son frère Philippe sa femme, Hérodiade, pour l’épouser lui-même. Jean-Baptiste, dont les persécutions des pharisiens n’avaient pu vaincre le courage et l’apostolique franchise, osa également dire la vérité à Hérode : « Il ne t’est pas permis, lui répéta-t-il, d’avoir la femme de ton frère. » Hérode fit enfermer le Précurseur dans la forteresse Machéronte, au-delà de la mer Morte. Toutefois, il le craignait et l’estimait, et même lui demandait conseil sur beaucoup de choses. Hérodiade, nouvelle Jésabel, n’en était que plus furieuse contre le nouvel Elie. Au jour anniversaire de sa naissance, Hérode offrit un grand festin aux principaux personnages de ses États, la fille d’Hérodiade, Salomé, vint danser devant les convives. Ce spectacle plut tant au prince que, dans un moment d’exaltation, il dit à la danseuse : « Demande-moi tout ce que tu voudras, serait-ce la moitié de mon royaume. » Salomé courut prendre conseil près de sa mère ; elle revint bientôt : « Je veux, dit-elle, que vous me donniez à l’instant ici, dans ce bassin, la tête de Jean-Baptiste. » Hérode fut attristé, mais par respect humain il n’osa manquer à sa promesse devant ses invités ; un garde fut envoyé dans la prison, coupa la tête de Jean, l’apporta dans un plat à la danseuse, et celle-ci la donna à sa mère. Quelle atrocité dans un festin ! A cette nouvelle, les disciples de Jean vinrent et ensevelirent le corps du martyr, mis à mort pour avoir défendu les lois sacrées du mariage.
Le culte de saint Jean-Baptiste a toujours tenu une grande place dans l’église, qui a toujours fêté sa naissance le 24 juin et sa « décollation » ou martyre le 29 août. Les feux de joie allumés en son honneur sont un antique et louable usage, pourvu qu’on en écarte tout désordre et toute superstition. Saint Jean-Baptiste reçoit des honneurs spéciaux dans une multitude d’églises, depuis Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale de Rome et du monde, jusqu’en de nombreux sanctuaires qui attirent des pèlerins en foule. La cathédrale d’Amiens possède la majeure partie de son chef.
A. E. L.
Sources consultées. – Evangiles. – R. P. D. Buzy, Saint Jean-Baptiste (Études historiques et critiques, Paris, 1922). – (V. S. B. P., nos 436 et 1069.)
- Saint Matthieu, xi, 7–11.[↩]