Bienheureuse Elisabeth de la Trinité

« Vivons dans le Ciel de notre âme »

Sœur Élisabeth fait com­prendre qu’en fai­sant orai­son, on… gagne du temps, on est beau­coup plus effi­cace pour faire ensuite notre devoir d’état.

Nous sommes en 1891, à Dijon. Une petite fille vient de faire sa pre­mière com­mu­nion, et le soir elle a un par­loir au car­mel de la ville. La car­mé­lite qui la reçoit lui demande son pré­nom. Elle répond : « Élisabeth. » « Oh, com­mente la reli­gieuse, cela signi­fie : mai­son de Dieu, heu­reuse petite mai­son du bon Dieu. »

À cette enfant, la Providence com­mence à révé­ler le mys­tère de l’inhabitation de la sainte Trinité dans l’âme bap­ti­sée. Cette Première com­mu­niante, en effet, n’est autre que la future car­mé­lite Élisabeth de la Trinité (18 juillet 1880, 9 novembre 1906), dont on dit que l’attrait pour le mys­tère de l’inhabitation l’a por­tée à faire de chaque dimanche une fête de la Sainte Trinité.

Ce qui marque chez cette car­mé­lite, c’est d’abord sa com­pré­hen­sion de la croix. On pour­rait jus­te­ment se méprendre, et croire que c’est très facile de pen­ser à la pré­sence de Dieu dans l’âme quand tout va bien, quand on n’a pas d’épreuves. Sœur Élisabeth a connu la souf­france. Son père meurt alors qu’elle n’a que 7 ans. A 11 ans, elle dit : « Il ne faut jamais pas­ser une heure sans faire un sacri­fice. » Par exemple, elle ne touche pas à une épingle qui lui tire les che­veux. A 19 ans, sa mère tombe gra­ve­ment malade. Quand elle finit par gué­rir, elle écrit : « (Mon Dieu), quelle épreuve vous m’avez envoyée là. Et cepen­dant, je vous dis mer­ci. Vous vous en êtes ser­vi pour me déta­cher des choses d’ici-bas et m’attacher toute à vous. » Après une mis­sion, elle fait cette réflexion : « Jésus-​Christ a opé­ré la Rédemption par la souf­france. Il nous appelle à le suivre dans cette voie de sacri­fice, moyen le plus sûr pour sau­ver les âmes. » Elle va éga­le­ment deman­der l’impression de la cou­ronne d’épines et va connaître des maux de tête pen­dant deux ans. Enfin, elle meurt à 26 ans, de la mala­die d’Addison, après un mar­tyre de huit mois. Les méde­cins ne peuvent rien pour elle : ni la gué­rir, ni la sou­la­ger. Deux mois avant sa mort, elle écrit à sa mère : « Le Maître a choi­si ta fille pour l’associer à sa grande œuvre de Rédemption. Il veut que je lui sois une huma­ni­té de sur­croît en laquelle II puisse encore souf­frir pour la gloire du Père, pour aider aux besoins de l’Église ; cette pen­sée me fait tant de bien. »

Mais, au milieu de ses épreuves, sœur Élisabeth vit d’une véri­té bien conso­lante : l’inhabitation de la sainte Trinité dans l’âme des justes. C’est en ren­trant au Carmel à 21 ans, qu’un Père domi­ni­cain lui confirme cette véri­té énon­cée par Notre-​Seigneur Lui-​même : Si quelqu’un m’aime, il gar­de­ra ma parole, et mon Père l’aimera, et nous vien­drons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure (Jn 14, 23). Dès lors, elle ne ces­se­ra de médi­ter ce mys­tère et d’en bien par­ler, comme en témoignent ses écrits, dont voi­ci quelques extraits :

« J’ai trou­vé mon Ciel sur la terre, puisque le Ciel c’est Dieu et Dieu est dans mon âme. Le jour où j’ai com­pris cela, tout s’est illu­mi­né pour moi. Je vou­drais dire ce secret à tous ceux que j’aime. »

« Je vais vous don­ner mon secret : pen­sez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le temple : c’est saint Paul qui parle ain­si, nous pou­vons le croire. Peu à peu, l’âme s’habitue à vivre en sa douce com­pa­gnie : elle com­prend qu’elle porte en elle un petit Ciel où le Dieu d’amour a fixé sa demeure. »

« Je n’ai qu’à me recueillir pour Le trou­ver au-​dedans de moi, et c’est cela qui fait tout mon bon­heur. Il a mis en mon cœur une soif d’infini et un grand besoin d’aimer, que lui seul peut ras­sa­sier ! Alors je vais à Lui comme le petit enfant à sa mère (…). Il me semble qu’il faut être si simple avec le bon Dieu. »

« (Dieu) veut que vous quit­tiez toute pré­oc­cu­pa­tion pour vous reti­rer en cette soli­tude qu’il se choi­sit au fond de votre cœur. Il est tou­jours là, encore que vous ne le sen­tiez pas. Il vous attend et veut éta­blir en vous un admi­rable com­merce. (…) C’est Lui qui, par ce contact conti­nuel, veut vous déli­vrer de vos infir­mi­tés et de vos fautes, de tout ce qui vous trouble. »

« Que vous soyez enflam­mé ou décou­ra­gé, n’en tenez pas compte ; c’est la loi de l’exil de pas­ser ain­si d’un état à l’autre ; croyez alors que Lui ne change pas, qu’en sa bon­té, Il est tou­jours pen­ché sur vous (…) L’âme pos­sède au centre d’elle-même un Sauveur qui veut à toute minute la purifier. »

Ces quelques phrases doivent nous inci­ter à recher­cher le recueille­ment et à faire un peu orai­son quo­ti­dien­ne­ment. Elles nous poussent à conver­ser avec ce Dieu qui se fait si proche de nous. Mais savons-​nous prendre du temps pour cela ? Sœur Élisabeth fait com­prendre qu’en fai­sant orai­son, on… gagne du temps, on est beau­coup plus effi­cace pour faire ensuite notre devoir d’état. Elle devait en effet œuvrer à la robe­rie, et avait beau­coup de tra­vail. Au point de perdre son union à Dieu ? Elle ne s’empressa pas et expé­ri­men­ta des choses éton­nantes, de « vrais petits miracles », dit-​elle : elle voyait son ouvrage avan­cer d’autant plus que son union à Dieu était plus intime. Et c’est pour cela qu’elle pou­vait dire : « Tout est déli­cieux au Carmel, on trouve le bon Dieu à la les­sive comme à l’oraison. Il n’y a que Lui partout. »

Sœur Élisabeth de la Trinité n’est pas seule­ment un exemple pas­sé, c’est une âme tou­jours vivante au Ciel, et qui peut nous aider à vivre en pré­sence de la sainte Trinité. « Au Ciel, je le crois, ma mis­sion sera d’attirer les âmes dans le recueille­ment inté­rieur (…), de les gar­der en ce grand silence du dedans qui per­met à Dieu de s’imprimer en elles, de les trans­for­mer en Lui. » Le Carmel de Dijon reçut, pen­dant la pre­mière guerre mon­diale, de nom­breux témoi­gnages qui vont dans ce sens. « Que de pro­tec­tions visibles, attri­buées à notre petite sœur, nous furent signa­lées ! Mais tou­jours, selon l’expression d’un de ses pri­vi­lé­giés, elle était un bou­clier pré­ser­vant la vie de l’âme non moins que celle du corps. (…) Du front, nous reçûmes des lettres qu’on aurait crues sor­ties d’un cloître, plu­tôt que d’un champ de bataille. Telle la sui­vante (d’un prêtre) : « Comme la belle âme de votre petite sainte est bien, selon son désir, la demeure aimée, la louange de gloire de la Trinité sainte ! Au cours de mes études théo­lo­giques, j’a­vais été frap­pé de la condes­cen­dance mer­veilleuse, inef­fable qui déter­mine les trois divines Personnes à habi­ter réel­le­ment en nos âmes par la grâce, les sanc­ti­fiant, les embel­lis­sant, afin qu’elles deviennent, en quelque sorte, une demeure digne d’elles. Cette véri­té de foi a été si bien com­prise par sœur Élisabeth, qu’à son école, il semble qu’on l’apprenne de nou­veau et que, de fait, on la com­prend de mieux en mieux, on en goûte tou­jours davan­tage les inef­fables conso­la­tions. » » Un aumô­nier mili­taire a éga­le­ment consta­té une influence de sœur Élisabeth sur de nom­breux sol­dats : « La foi en l’inhabitation divine, que leur a révé­lé sœur Élisabeth, leur est un puis­sant récon­fort lorsque, sous la pluie de mitraille et de feu, ils se voient pri­vés même de l’assistance de leur aumô­nier. » A l’arrière du front, l’action de sœur Élisabeth se mani­feste non moins effi­cace. Un prêtre de paroisse, qui man­quait d’aide exté­rieure, la trouve en cette car­mé­lite : « Deux ou trois exem­plaires des Souvenirs me servent de vicaires : ils se pro­mènent dans ma paroisse et chez mes péni­tents ; par­tout où ils passent, je constate un accrois­se­ment notable d’union à Dieu. »

Lisons ou reli­sons la vie de cette car­mé­lite qui n’a pas man­qué d’épreuves, mais qui a su vivre d’un mys­tère si conso­lant. « C’est la loi ici-​bas, le sacri­fice à côté de la joie ; le bon Dieu veut nous rap­pe­ler que nous ne sommes pas arri­vés au terme du bon­heur. (…) En atten­dant, vivons dans le Ciel de notre âme, il y fait déjà si bon. »

Source : Lou Pescadou n° 222