Saint Antoine-​Marie Zaccaria

Fondateur des Barnabites et des Angéliques de Saint-​Paul (1502–1539)

Fête le 5 juillet.

Antoine-​Marie Zaccaria naquit à Crémone, en Lombardie, vers la fin de l’année 1502. Quelques mois après sa nais­sance, il per­dait son père, le patrice Lazare Zaccaria. Sa mère, Antoi­nette Pescaroli, n’avait alors que dix-​huit ans ; riche et douée des plus brillantes qua­li­tés d’esprit et de cœur, elle aurait pu contrac­ter une nou­velle union, mais elle pré­fé­ra renon­cer aux plus flat­teuses espé­rances pour se dévouer tout entière à l’éducation de son fils et à la pra­tique des bonnes œuvres.

Pieuse éducation.

Dieu bénit cette abné­ga­tion. Antoine-​Marie pro­fi­ta des exemples de sa mère, et, de bonne heure, il se dis­tin­gua par son amour de la prière et sa tendre com­pas­sion pour les pauvres. Son plus grand bon­heur était d’assister aux divins offices, de ser­vir la messe et d’entendre la parole de Dieu. Dans un coin de sa mai­son, il avait dres­sé un petit autel qu’il se plai­sait à orner lui-​même. A son retour de l’église, il appe­lait les domes­tiques au pied de cet autel, et imi­tant de son mieux le ton et le geste du pré­di­ca­teur, il leur redi­sait gra­vement ce qu’il avait entendu.

Son amour pour les pauvres n’était pas moins remar­quable. En ren­trant à la mai­son, un jour d’hiver où le froid était particuliè­rement rigou­reux, il ren­contre un pauvre, à peine cou­vert par quelques haillons, qui lui demande l’aumône. Antoine, ému de pitié, cherche la petite bourse que sa mère met­tait à sa dis­po­si­tion pour ses menus plai­sirs. Hélas ! elle était vide. Désolé et le cœur ser­ré, il conti­nuait sa route, lorsque, tout à coup, il s’arrête, se retourne, regarde autour de lui pour s’assurer que per­sonne ne le voit, se dépouille du riche sur­tout de soie dont il était revê­tu, le jette au pauvre men­diant stu­pé­fait, et s’enfuit à toutes jambes.

Nouveau saint Martin, le petit Antoine-​Marie donne son vêle­ment à un pauvre.

Habitué à n’avoir point de secret pour sa mère, il se rend timi­dement auprès d’elle, lui avoue en rou­gis­sant ce qu’il vient de faire, et se déclare prêt à subir la péni­tence qui lui sera impo­sée. La mère, émue jusqu’aux larmes, embrasse avec amour ce fils dont elle est fière, et, pour toute péni­tence, aug­mente les petites res­sources dont celui-​ci fai­sait un si noble usage.

A par­tir de ce jour, l’enfant, éclai­ré des divines lumières de la grâce, renon­ça aux vains orne­ments qui étaient les signes dis­tinc­tifs des jeunes nobles, pour s’appliquer à orner son âme de la seule parure des ver­tus chrétiennes.

L’étudiant. — Le médecin.

Antoine-​Marie venait de ter­mi­ner auprès de sa mère ses pre­mières études. Il avait dix-​huit ans : l’heure était venue de choi­sir un état de vie. Désireux de se rendre utile à ses sem­blables, il embras­sa l’étude de la méde­cine. Il quit­ta donc sa mère et Crémone sa patrie, pour aller étu­dier d’abord à Pavie, puis à l’Université de Padoue, l’une des plus célèbres de l’époque.

Il était bien dif­fi­cile à un jeune homme vivant libre et indé­pen­dant, loin du regard de sa mère, de conser­ver sa pié­té et sa ver­tu au milieu des mau­vais exemples et des entraî­ne­ments d’une jeu­nesse licen­cieuse. Mais Antoine avait l’âme trop éle­vée, une foi trop vive, un carac­tère trop éner­gique pour dévier du droit chemin.

Dès son arri­vée à Padoue, il s’imposa un règle­ment de vie très sévère, qu’il sui­vit exac­te­ment. Levé de grand matin, il allait tous les jours à la messe, où il édi­fiait les fidèles par son recueille­ment. Souvent, on le voyait s’approcher, avec une pié­té angé­lique, de la Table sainte. Le reste de son temps était consa­cré à l’étude.

Ce fut dans sa pié­té solide et dans son amour du tra­vail qu’il pui­sa le cou­rage de résis­ter à toutes les séduc­tions et d’affronter toutes les raille­ries. Il ne man­quait pas, en effet, de jeunes liber­tins pour se moquer de lui en l’appelant « le dévot ».

Antoine-​Marie les lais­sait dire ; tou­jours aimable envers tous, il n’en conti­nuait pas moins à ser­vir Dieu avec fidé­li­té. Il finit par gagner l’estime, le res­pect et la véné­ra­tion de ceux-​là mêmes qui l’avaient le plus tourmenté.

Au bout de quatre années d’études, il était reçu solen­nel­le­ment doc­teur en méde­cine. Il n’avait que vingt-​deux ans. Il revint aus­si­tôt à Crémone, auprès de sa mère, et com­men­ça l’exercice de sa profession.

Le jeune méde­cin joi­gnait à une grande science pro­fes­sion­nelle une exquise affa­bi­li­té, aus­si ne tarda-​t-​il pas à conqué­rir la confiance de ses conci­toyens. Il ne se conten­tait pas de soi­gner le corps. « C’est le péché, disait-​il, qui est la cause de tout mal : c’est donc l’âme qu’il faut gué­rir avant tout. » Dès qu’il était appe­lé auprès d’un malade, il l’ex­hor­tait d’abord à mettre sa conscience en règle et à rece­voir les sacre­ments. Les pauvres sur­tout étaient l’objet de ses soins désintéressés.

Vocation. — Un miracle pendant sa première messe.

Cependant, il sen­tit bien­tôt naître en son âme le désir d’une per­fection plus haute, d’un apos­to­lat plus sublime et plus éten­du. Il révé­la, avec une sim­pli­ci­té d’enfant, toutes ses pen­sées et ses aspi­rations à un saint et savant reli­gieux Dominicain, qu’on appe­lait le P. Marcel. Celui-​ci ne tar­da pas à décou­vrir la volon­té de Dieu sur son nou­veau pénitent.

« Ce n’est plus à gué­rir les corps que Dieu vous appelle, lui dit-​il, c’est au salut des âmes que vous devez tra­vailler. Allez, et préparez- vous par l’étude des sciences sacrées à la mis­sion sublime que Dieu vous confiera. »

Le jeune doc­teur obéit aus­si­tôt et se mit avec ardeur à étu­dier la théo­lo­gie, l’Ecriture Sainte, les Pères de l’Eglise, l’histoire ecclésias­tique. En même temps, il tra­vaillait à sa propre sanc­ti­fi­ca­tion. La prière, la mor­ti­fi­ca­tion, la fré­quen­ta­tion assi­due de l’église et des sacre­ments entre­te­naient et aug­men­taient sans cesse en lui l’amour divin. Son amour du pro­chain se déve­lop­pait par des visites fré­quentes faites aux hôpi­taux où il soi­gnait les malades. Enfin, il s’exerçait déjà à l’apostolat en assem­blant les enfants aban­don­nés pour leur ensei­gner le caté­chisme. Son zèle pre­nait une nou­velle force à mesure qu’il l’exerçait. On le vit bien­tôt, encore simple laïque, réunir les jeunes gens des familles nobles, dans l’église Saint-​Vital, à Crémone, et leur faire de petites confé­rences où il les exhor­tait à la fré­quen­ta­tion des sacre­ments et leur don­nait de sages avis pour leur conduite.

En 1528, étant âgé de vingt-​six ans, il eut le bon­heur de rece­voir Ponction sacer­do­tale. Dieu se plut à mani­fes­ter par un pro­dige la sain­te­té du nou­veau prêtre. Afin de pou­voir s’entretenir plus faci­lement avec son divin Maître dans le calme et le recueille­ment, Antoine avait vou­lu célé­brer sa pre­mière messe sans aucune solen­nité. Sa répu­ta­tion avait cepen­dant atti­ré une foule consi­dé­rable au pied de l’autel où il devait offi­cier. Au moment de la Consé­cration, pen­dant que les assis­tants émus tenaient leurs regards fixés sur lui, une clar­té éblouis­sante enve­lop­pa tout à coup l’autel et le prêtre ; au milieu de cette lumière, une mul­ti­tude d’anges for­maient un cercle autour de la divine Hostie et s’inclinaient avec res­pect ; ils res­tèrent en ado­ra­tion jusqu’après la Communion.

Le bruit de ce miracle ne fît qu’augmenter la répu­ta­tion de sain­te­té d’Antoine-Marie, qu’on appe­lait déjà l”« ange de Dieu », l”« homme angélique ».

L’apôtre de Crémone.

La ville de Crémone était alors dans le plus pitoyable état, ain­si que toute la Lombardie. A la faveur des guerres conti­nuelles qu’occa­sionnait la riva­li­té de François Ier et de Charles-​Quint, la divi­sion avait péné­tré par­tout et jusqu’au sein des familles ; le cler­gé et les Ordres reli­gieux étaient tom­bés dans le relâ­che­ment, le peuple vivait dans l’i­gno­rance et dans l’erreur ; enfin la cor­rup­tion des mœurs était effroyable.

Antoine-​Marie reprit avec une nou­velle ardeur les pré­di­ca­tions qu’il avait com­men­cées à Saint-​Vital. Son lan­gage simple, éner­gique, plein de cha­leur et de convic­tion, atti­ra bien­tôt une foule si consi­dérable, que l’église devint trop petite pour conte­nir les audi­teurs de tout âge et de toute condi­tion accou­rus à ses confé­rences ; on ne se conten­tait pas de l’écouter, on allait s’agenouiller aux pieds du saint prêtre, on lui avouait ses fautes et on se corrigeait.

On le voyait encore s’en aller dans les hôpi­taux, dans les pri­sons, pour dis­tri­buer à tous le pain de la parole divine. Aussi était-​il l’objet de la véné­ra­tion publique. Son cœur, disait-​on, était l’asile de la com­pas­sion, comme sa mai­son était le refuge des pauvres.

Il jouis­sait sur­tout d’une puis­sance extra­or­di­naire pour conso­ler les affli­gés et exci­ter les pécheurs à la contri­tion. Les conver­sions qu’il opé­ra furent innom­brables, si bien qu’au bout de deux ans la ville était com­plè­te­ment renouvelée.

Le fondateur.

Don Zaccaria ne devait pas bor­ner son zèle à la ville de Crémone. A la fin de 1530, pous­sé par un secret des­sein de la Providence, il se ren­dit à Milan, où ses pré­di­ca­tions eurent le même suc­cès qu’à Cré­mone. Il y fit la ren­contre de deux jeunes nobles pleins de fer­veur, Barthélemy Ferrari et Jacques Morigia, qui devinrent ses pre­miers auxi­liaires. Deux prêtres mila­nais ne tar­dèrent pas à se joindre à eux, et pen­dant plus d’un an ces quatre col­la­bo­ra­teurs, sous sa direc­tion, s’exer­cèrent en com­mun aux œuvres de pié­té. Ils allaient aus­si dans les dif­fé­rents quar­tiers de la ville pour y prê­cher la parole de Dieu et se livrer à tous les actes de cha­ri­té que leur ins­pi­rait leur amour des âmes.

Plusieurs témoins, édi­fiés de leur vie pauvre, humble et aus­tère, sol­li­ci­tèrent la faveur d’être admis dans leur petite Société, qui se com­po­sait de clercs vivant selon une règle. Antoine-​Marie deman­da alors pour la Congrégation nais­sante l’approbation du Vicaire de Jésus-​Christ. Clément VII la lui accor­da par un Bref daté du 18 février 1533. Les nou­veaux reli­gieux por­taient le nom de Clercs Réguliers de Saint-​Paul. Ce ne fut que plus tard, en 1547, lorsqu’ils prirent pos­ses­sion d’une église dédiée à saint Barnabé, à Milan, qu’on prit l’habitude de les appe­ler du nom qui a pré­va­lu : Barnabites.

Antoine-​Marie se pro­po­sait de rame­ner à Dieu toutes les classes de la socié­té ; c’est là une œuvre néces­saire à toutes les époques, mais le xvie siècle, époque de jouis­sance et de paga­nisme, en avait autant besoin que notre époque pré­sente. Pour atteindre ce but, l’action du Fondateur s’étendit à toutes sortes de per­sonnes. Pour les prêtres, il ins­ti­tua des confé­rences spi­ri­tuelles qu’il pré­si­dait lui-​même ; on s’y exhor­tait mutuel­le­ment à la fer­veur, à la pra­tique du zèle apos­to­lique, et on y exa­mi­nait les moyens à prendre pour sanc­ti­fier les âmes. Pour les per­sonnes enga­gées dans les liens du mariage, il fon­da la

Congrégation des mariés : les membres de cette asso­cia­tion rivali­sèrent d’ardeur pour leur sanc­ti­fi­ca­tion avec les reli­gieux cloî­trés les plus fer­vents ; ils s’exerçaient aus­si aux bonnes œuvres, en allant dans les hôpi­taux, dans les pri­sons, conso­ler les mal­heu­reux, en ensei­gnant le caté­chisme aux enfants pauvres et aux ignorants.

Enfin, le P. Zaccaria ins­ti­tua aus­si à Milan, en 1534, un Ordre de reli­gieuses, qui prirent le nom d’Angéliques de Saint-​Paul. Elles se consa­craient par­ti­cu­liè­re­ment à l’éducation des jeunes filles pauvres et à la confec­tion de linges et d’ornements d’église. Elles furent approu­vées par le Pape Paul III, le 15 jan­vier 1535, et confir­mées le 6 août 1545. Saint Charles Borromée, qui les avait en très haute estime, s’occupa de fixer défi­ni­ti­ve­ment leurs règles et leurs consti­tutions. Frappées par un décret de Napoléon Ier sup­pri­mant les Ordres reli­gieux, elles s’éteignirent peu à peu. Rétablies en 1879, elles ont été approu­vées par Léon XIII le 21 avril 1882 et res­tau­rées dans leurs anciens privilèges.

Institution des Quarante-Heures.

La dévo­tion envers Jésus pré­sent dans la sainte Eucharistie avait tou­jours été le centre de la vie d’Antoine Zaccaria. Son amour lui ins­pi­ra d’établir dans l’église Sainte-​Catherine, à Milan, l’exposition publique du Très Saint Sacrement, pen­dant qua­rante heures, en sou­ve­nir du temps que le corps du Sauveur demeu­ra au tom­beau. La nou­veau­té du spec­tacle, l’ornementation de l’église que le saint prêtre avait fait déco­rer avec soin, les nom­breuses lumières qui brû­laient devant la sainte Hostie, la majes­té des céré­mo­nies, atti­rèrent et émurent la foule. De cha­leu­reuses exhor­ta­tions ache­vèrent l’œuvre si bien com­men­cée. Cet usage, éta­bli vers la fin de l’année 1534, s’étendit rapi­de­ment aux autres églises de Milan, et bien­tôt à tout le monde catholique.

Persécution.

Les œuvres vou­lues de Dieu sont tou­jours mar­quées du sceau de la per­sé­cu­tion : elle les conso­lide et les gran­dit. Les per­sé­cu­tions ne man­quèrent pas au P. Zaccaria, qui appar­te­nait, ain­si que ses pre­miers reli­gieux, aux plus hautes classes de la socié­té. On leur fit un crime d’avoir embras­sé une vie si humble et si pauvre. Quelques esprits mal­in­ten­tion­nés allaient même jusqu’à les trai­ter de fous ou d’hypocrites : piqûres de mou­che­rons pour le saint Fondateur.

Le peuple, mobile dans ses affec­tions, écou­ta ces insi­nua­tions per­fides. Les reli­gieux furent dénon­cés au Sénat, à l’archevêque de Milan, au Pape, comme des nova­teurs dangereux.

Antoine-​Marie, loin de s’affliger, se réjouit d’avoir été trou­vé digne de souf­frir pour Jésus-​Christ. Il ras­sem­bla ses reli­gieux pour les ras­su­rer, et leur par­la en ces termes : « Nous sommes insen­sés pour l’amour de Jésus-​Christ, disait saint Paul, notre guide et notre maître. Il n’y a donc pas lieu de nous éton­ner et de craindre, si main­tenant nous sommes en butte à divers pièges du démon ou aux calom­nies des méchants. Le dis­ciple n’est pas au-​dessus du maître, ni le ser­vi­teur au-​dessus de son sei­gneur. Loin de haïr ceux qui nous per­sé­cutent, nous devons plu­tôt les plaindre, les aimer, prier pour eux, ne pas nous lais­ser vaincre par le mal, mais vaincre le mal par le bien. »

Ses com­pa­gnons, émus, se jetèrent à ses pieds et pro­tes­tèrent que jamais ni mépris, ni injures, ni contra­dic­tions d’aucune sorte ne les détour­ne­raient de leur voca­tion et qu’ils étaient prêts à ver­ser leur sang pour Jésus-Christ.

Leur inno­cence fut enfin recon­nue et solen­nel­le­ment proclamée.

Pour évi­ter à l’avenir des dif­fi­cul­tés qui pou­vaient deve­nir sérieuses, Antoine-​Marie deman­da la confir­ma­tion de son Ordre au Pape Paul III. La réponse ne se fit pas attendre ; la bulle, expé­diée le 24 juillet 1535, renou­ve­lait l’approbation don­née par Clément VII et met­tait les Clercs Réguliers de Saint-​Paul sous l’autorité immé­diate du Saint-Siège.

Afin de se confor­mer plei­ne­ment aux inten­tions pon­ti­fi­cales, le Fondateur vou­lut qu’on pro­cé­dât à la nomi­na­tion régu­lière du supé­rieur. Tous les reli­gieux réunis en Chapitre décla­rèrent que nul autre qu’Antoine-Marie ne pou­vait exer­cer cette charge. Mais le P. Zaccaria n’aspirait qu’à obéir, non à com­man­der ; il s’efforça de se faire oublier et réus­sit à faire élire le P. Morigia. Ce fut alors un spec­tacle émou­vant, comme on n’en ren­contre que dans la vie des Saints. Le P. Morigia se pros­terne devant ses Frères, exa­gère son indi­gni­té, pro­teste que l’œuvre ne sau­rait que périr entre ses mains, sup­plie le P. Zaccaria d’avoir pitié de sa fai­blesse et de son inexpé­rience ; Antoine-​Marie le relève avec bon­té, lui montre le Crucifix qui domine l’assemblée, puis, se pros­ter­nant à ses pieds, il lui pro­met l’obéissance la plus entière (15 avril 1536).

Mission de Vicence (1537).

L’évêque de Vicence, plein d’admiration pour les ver­tus d’Antoine et de ses reli­gieux, vou­lut pro­cu­rer à sa ville épis­co­pale les bien­faits qu’ils avaient appor­tés aux villes de Crémone et de Milan. Le P. Zaccaria par­tit donc à son appel avec quelques Pères et un cer­tain nombre d’Angéliques. Tous les exer­cices de pié­té qu’il avait intro­duits à Milan, il les éta­blit avec suc­cès à Vicence.

Dieu mani­fes­tait déjà par des grâces extra­or­di­naires la sain­te­té de son ser­vi­teur. Un jour, il ren­contre un groupe de jeunes gens gais et bruyants, qui se ren­daient sans doute à quelque fête. Avisant le chef de la bande, il va droit à lui, le regarde avec affec­tion et trace len­tement sur le front du jeune homme stu­pé­fait le signe de la croix. Quelques jours après, le jeune homme renon­çait au monde et se consa­crait à Dieu dans l’Ordre des Barnabites, où il devint un reli­gieux d’une grande vertu.

Un autre jour, se trou­vant à Guastalla, petite ville voi­sine de Milan, le mis­sion­naire se pro­me­nait sur les rives du Pô, lorsqu’il aper­çut un jeune homme qui venait vers lui. Antoine-​Mairie le salue d’un ton plein de bon­té et lui dit en le regar­dant très atten­ti­ve­ment : « Je vou­drais, ô mon fils, vous voir ren­trer en vous-​même et son­ger au salut de votre âme. Vous savez bien que rien n’est plus fra­gile que la vie humaine. Mon cœur me dit que Dieu vous appel­le­ra à lui beau­coup plus tôt que vous ne pensez. »

Le jeune homme était pour­tant plein de san­té et de vie et ne son­geait nul­le­ment à la mort. Cependant, cet aver­tis­se­ment inat­ten­du le frap­pa, et, comme entraî­né par une force irré­sis­tible, il s’age­nouilla sur-​le-​champ aux pieds du Père et lui fit l’aveu de ses fautes avec un sin­cère repen­tir. Le len­de­main, il périt vic­time d’un acci­dent, heu­reux de n’avoir pas dif­fé­ré sa conversion.

La mort. — Les miracles.

Cependant les labeurs d’une vie plus rem­plie de mérites que d’années avaient, avant qua­rante ans, épui­sé la san­té déjà faible du P. Zaccaria. Une mis­sion qu’il don­na à Guastalla le fati­gua telle­ment qu’il fut obli­gé de s’aliter. Prévoyant sa fin pro­chaine : « Conduisez-​moi à Crémone, dit-​il à ceux qui l’entouraient. Avant la fin de l’octave des saints apôtres, je dois quit­ter ce monde, et je veux remettre mon âme à mon Créateur là même où j’ai reçu la vie. »

A Crémone, sa pieuse mère le reçut toute en larmes : « Ah ! douce mère, lui dit-​il, ces­sez de pleu­rer, car bien­tôt vous joui­rez avec moi de cette gloire éter­nelle où j’espère entrer main­te­nant. » La mère devait mou­rir, en effet, peu de temps après son fils.

Autour de la couche du Père, une foule de per­sonnes accou­rurent pour rece­voir une der­nière béné­dic­tion. Il accueillait tout le monde avec un sou­rire, et de sa voix mou­rante les exhor­tait encore à tra­vailler au salut de leur âme. Enfin, il reçut le sacre­ment de l’Extrême- Onction avec une pié­té angé­lique. Quand on lui appor­ta le saint Viatique, son visage prit une expres­sion radieuse, qu’il gar­da jusque dans la mort. Il mou­rut le same­di 5 juillet 1539 : il avait à peine trente-​sept ans.

Son corps, trans­por­té à Milan, fut dépo­sé sur l’autel, dans la crypte de la cha­pelle des Angéliques ; il y demeu­ra pen­dant envi­ron vingt ans, sans subir de cor­rup­tion. En 1559, pour obéir aux décrets de saint Pie V, inter­di­sant de conser­ver sur terre les corps des servi­teurs de Dieu non béa­ti­fiés, les Angéliques l’inhumèrent dans la crypte de leur couvent.

On avait com­men­cé, peu après sa mort, à lui rendre un culte public, mais les décrets d’Urbain VIII (1636) exi­geant une posses­sion de cent ans, ce Pape deman­da la ces­sa­tion du culte, ce à quoi les Barnabites se sou­mirent hum­ble­ment. L’introduction de la cause fut signée par Pie VII en 1807. Pie IX, le 2 février 1849, ren­dait le décret d’héroïcité des ver­tus. Mais se basant sur de récentes déci­sions, les Barnabites deman­dèrent pour leur saint Fondateur le décret de réin­té­gra­tion de culte qui équi­va­lait à une béa­ti­fi­ca­tion. Léon XIII l’accorda le 3 jan­vier 1890. En 1891 la cause fut reprise, et les reliques du Bienheureux furent trans­fé­rées à l’église des Barnabites.

Antoine-​Marie Zaccaria a été cano­ni­sé à Saint-​Pierre le 27 mai 1897, en même temps que saint Pierre Fourier. Le 7 décembre sui­vant, sa fête a été éten­due à l’Eglise uni­ver­selle, et, le 11, por­tée au rite double.

Sa sta­tue figure en la basi­lique Vaticane avec celles des Fondateurs d’Ordres. Quant aux Barnabites, le Pape Jules III les a décla­rés Ordre reli­gieux en 1550 ; Grégoire XIII en a approu­vé les Constitutions le 7 novembre 1579. Très éprou­vés lors de la Révolution, ils se sont recons­ti­tués après 1815. 

Gausbert Broha.

Sources consul­tées. — P. Albert Dubois, Barnabite, Le bien­heu­reux Antoine-​Marie Zaccaria (Tournai). — Annuaire pon­ti­fi­cal catho­lique (1898, 1899, 1901). — (V. S. B. P., n° 904.)

Source de l’ar­ticle : Un saint pour chaque jour du mois, Juillet, La Bonne Presse, 1932