Par Antoine Baudouin – Fidèle de Slovaquie
Oh ! oui, quelle grande joie aujourd’hui que ce Motu Proprio qui rétablit explicitement et intégralement la Sainte Messe Catholique dans son plein droit. Il s’agit là d’un acte de justice à la fois très important et très courageux de la part de Benoît XVI. Nous devons le remercier pour cela et le soutenir par nos prières, comme nous le demandait Mgr Fellay dimanche.
Un acte important.
Acte important, car il s’agissait d’une injustice criante qui durait depuis si longtemps, qui fut à l’origine de tellement de souffrances, et malheureusement, à l’origine de l’apostasie de beaucoup, trop faibles pour résister à de telles pressions injustes, à de telles contradictions entre un magistère d’aujourd’hui et un magistère d’hier…
Tant de prêtres ont été persécutés et poursuivis pour leur attachement au beau et au sacré, mais surtout pour leur attachement à une messe sacrificielle et propitiatoire.
Tant de fidèles ont été marginalisés et considérés comme les pestiférés de l’Eglise, et cela en raison même de leur attachement à l’Eglise.
Tant de fidèles, et même de prêtres qui, en raison de ces persécutions, ont fini par abandonner une Eglise qui ne voulait plus d’eux, qui ne voulait plus de ses fils et qui les rejetait, alors qu’eux-mêmes La chérissaient tendrement.
Certes, il y eu cet indult qui, tout en condamnant la FSSPX définitivement, visait à en contenter d’autres, à leur permettre de conserver cette messe de toujours. Mais là encore, force est de constater qu’ils continuèrent à être marginalisés et poursuivis dans leurs derniers retranchements, l’actualité est là pour en témoigner.
Le combat de la messe, titre d’un livre que l’abbé Aulagnier, fidèle défenseur le la sainte messe, a eu tant de mal à faire accepter, mais triste réalité d’une Eglise rejetant comme la peste, son bien le plus précieux….
Un acte courageux.
Acte courageux, car on a pu ressentir, au milieu de toute ces agitations médiatiques, le déchaînement qui subsiste contre cette messe, à la fois de la part des médias, mais de façon plus grave, de la part de certains évêques et même cardinaux…
« Cette messe, le pape la voulait, mais nous ne la voulions pas » …. Cri de déception de ceux qui sont conscients, au fond d’eux, que cette messe soulève bien d’autres interrogations que de simples questions de sentimentalisme….
Oui, il aura fallu du bien du courage à Benoît XVI pour réhabiliter cette messe…
Combien de fois a‑t-on craint que ce Motu Proprio ne soit rejeté aux oubliettes ?
Alors aujourd’hui, l’heure est à la réjouissance et à la reconnaissance.
Laissons-nous inonder de cette joie, et ne ménageons pas nos remerciement au Très Saint Père par nos prières. Sachons saluer de tels gestes venant de Rome, nous qui en sommes si peu coutumiers, et profitons-en pour renouveler notre attachement à l’Eglise qui retrouve aujourd’hui son plus grand trésor liturgique.
Un hommage à un héraut de Dieu.
Mais souvenons nous qu’il y eut un homme, qui, plus que tout autre, eut à subir cette injustice.
Il y eut un homme, qui sut dans ces temps troublés, aller vers les enfants abandonnés, traqués et pourchassés.
Il sut leur apporter le réconfort du droit, le réconfort de la Tradition multiséculaire de l’Eglise, de la théologie et du dogme.
Il sut les rassembler et les apaiser dans les tourments qu’ils traversaient, dans leur attachement viscéral à la messe et aux sacrements de toujours, en leur rappelant la profondeur de cette messe, bien au-delà de simples questions sentimentales.
Il les prit alors sous son aile protectrice et, à leur demande pressante, justifiée par un état de nécessité évident, il fit son devoir en sauvant cette messe et en formant de nouveaux prêtres à ce magnifique trésor. La messe dont on ne voulait plus retrouva alors sa place, le très saint rejeton dont on ne voulait plus trouva en lui son plus fidèle défenseur et son sauveur.
Il apprit alors à tous ces séminaristes qui venaient à lui, les richesses de cette liturgie, la profonde catholicité de cette messe, et la profondeur des dogmes qu’elle renferme.
Cet homme était profondément attaché à l’Eglise, il avait vu les cœurs se transformer et s’ouvrir à Dieu au contact de cette messe, lui qui fut missionnaire en Afrique.
Il avait vu la civilisation se transformer au contact de cette messe, jusqu’à produire des chefs d’Etat hors du commun, honorés pour leurs valeurs chrétiennes et pour leur sagesse, qui puisaient toutes ces richesse au cœur même du Saint Sacrifice de la Messe en y assistant quotidiennement. Ce Sacrifice qu’ils avaient mis au cœur de leur vie, leur faisant prendre conscience alors de la misère de la nature humaine, de la place nécessaire et salutaire du sacrifice dans la vie quotidienne, de l’Amour miséricordieux de Dieu, et de l’importance d’œuvrer en vue du règne social de Notre Seigneur Jésus Christ.
Et c’est bien en raison de son attachement à l’Eglise, et en La voyant renoncer à ce qu’Elle avait de plus précieux, que le cœur de cet homme fut blessé, déchiré….
Quelles souffrances il eut à subir pour conserver à l’Eglise cette messe, ce trésor….
Combien chacun de ces actes importants, actes qu’il eut à poser par nécessité, le fit souffrir…
On lui demandait alors de choisir entre Rome et cette précieuse messe, entre Rome et la Tradition catholique, cette Tradition qui depuis presque 2 000 ans se contentait de transmettre la parole de Notre Seigneur Jésus Christ.
Au nom de l’obéissance, il devait renoncer au plus beau des sacrifices, Sacrifice Saint, Sacrifice admirable, qui nous fait passer d’un état de pécheur à un état d’enfant de Dieu, qui nous fait comprendre l’immense et incroyable bonté d’un Dieu unique qui se fait Homme pour racheter sa créature…
Quel déchirement à chaque fois qu’il remplissait son devoir, en conscience, en faisant prévaloir cette messe et toute la tradition qu’elle contient, plutôt qu’une fausse obéissance aux autorités romaines.
Cet homme, ce fut Mgr Lefebvre, celui qui, aujourd’hui encore, est considéré comme un ennemi de l’Eglise, lui qui a dédié toute sa vie au service de l’Eglise, qui L’a aimée et L’a chérie, qui a œuvré jusqu’à sa mort pour la plus grande gloire de l’Eglise et pour sauvegarder l’héritage qu’il avait reçu…
Sur sa tombe restera écrit à tout jamais : « J’ai transmis ce que j’ai reçu ».
Et parmi ce qu’il a reçu, il y a le plus beau trésor qui ait été donné aux hommes, cette messe tridentine, qu’il s’est contenté de transmettre contre vents et marrées, qu’il a sauvé d’un vent conciliaire déchaîné et dévastateur qui s’avérait être la révolution dans l’Eglise.
C’est grâce à lui qu’aujourd’hui nous pouvons assister au Saint Sacrifice de la messe, et l’histoire se souviendra certainement de lui comme de celui qui aura gardé à la messe, son caractère sacrificiel et propitiatoire.
Alors n’oublions pas ce valeureux combattant de Dieu en ces instants bénis, et sachons le remercier, lui qui sauva pour l’Eglise ce bienfait inestimable.
Sachons, comme l’évoquait l’abbé de Cacqueray peu de temps avant le Motu Proprio, œuvrer pour la transmettre à notre tour à ceux qui voudront bien la recevoir.
Un autre combat qui commence.
Mais n’oublions pas non plus, qu’après le combat de la lex orandi, il reste le combat de la lex credendi. Mgr Fellay nous y invite clairement à la suite de Mgr Lefebvre dont il est l’héritier.
Forts de ces soutiens, sachons une fois de plus œuvrer avec beaucoup de charité, charité de la vérité bien sûr, mais aussi charité du cœur, pour rétablir cette lex credendi que Mgr Lefebvre avait définitivement inscrit sur le carnet de route de la FSSPX, en parlant d’éventuels accords avec Rome :
« Nous n’avons pas la même façon de concevoir la réconciliation. Le cardinal Ratzinger la voit dans le sens de nous réduire, de nous ramener à Vatican II. Nous, nous la voyons comme un retour de Rome a la Tradition. On ne s’entend pas. C’est un dialogue de sourds. Je ne peux pas beaucoup parler d’avenir, car le mien est derrière moi. Mais si je vis encore un peu, et en supposant que d’ici a an certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là, c’est moi qui poserai les conditions.
Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini. Je poserai la question au plan doctrinal : « Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas Praestantissimum de Léon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primas de Pie XI, Humani generis de Pie XII ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment antimoderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de reformer le Concile, en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédé, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile ». Les positions seraient ainsi plus claires.
Ce n’est pas une petite chose qui nous oppose. II ne suffit pas qu’on nous dise : « Vous pouvez dire la messe ancienne, mais il faut accepter cela [le Concile] ». Non, ce n’est pas que cela (la messe) qui nous oppose, c’est la doctrine. C’est clair. C’est ce qui est grave chez dom Gérard et c’est ce qui l’a perdu. Dom Gérard n’a toujours vu que la liturgie et la vie monastique. II ne voit pas clairement les problèmes théologiques du Concile, de la liberté religieuse. Il ne voit pas la malice de ces erreurs. Il n’a jamais été très soucieux de cela. Ce qui le touchait, c’était la réforme liturgique, la réforme des monastères bénédictins. Il est parti de Tournay en disant : » je ne peux pas accepter cela ». Alors, il a reformé une communauté de moines avec la liturgie, dans la pensée bénédictine. Très bien, c’était magnifique. Mais je pense qu’il n’a pas suffisamment mesure que ces reformes qui l’avaient amené à quitter son monastère étaient la conséquence des erreurs qui sont dans le Concile. Pourvu qu’on lui accorde ce qu’il cherchait, cet esprit monastique et la liturgie traditionnelle, il a ce qu’il veut et le reste lui est indifférent. Mais il tombe dans un piège, car les autres n’ont rien cédé sur ces faux principes. C’est dommage, car cela fait tout de même soixante moines, dont une vingtaine de prêtres et trente moniales. II y a presque une centaine de jeunes qui sont là, complètement désemparés et dont les familles sont inquiètes ou même divisées. C’est désastreux. »
Mgr Lefebvre, « Je poserai mes conditions a une reprise éventuelle des colloques avec Rome » dans Fideliter n° 66 (septembre-octobre 1988), p. 12–14.
Antoine BAUDOUIN,
Bratislava,
le 11 juillet 2007, Fidèle de Slovaquie