Cet important discours de Pie IX dénonce les erreurs les modernes alors en plein essor dans les esprits. Ce discours est cité comme source des propositions condamnées n° 8, 17 et 19 du Syllabus. Ces trois propositions recouvrent les trois thèmes principaux du discours : rationalisme, indifférentisme et laïcisme :
8. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophiques.
17. Tout au moins doit-on avoir bonne confiance dans le salut éternel de tous ceux qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Église du Christ.
19. L’Église n’est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ; elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés par son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l’Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.
Propositions condamnées du Syllabus de 1864.
Dans le consistoire secret du 9 décembre 1854.
Vénérables Frères,
Nous tressaillons dans le Seigneur d’une joie profonde. Vénérables Frères, en vous voyant aujourd’hui réunis en si grand nombre à Nos côtés, vous que Nous pouvons à bon droit appeler Notre joie et Notre couronne. Vous êtes, en effet, une portion de ceux qui partagent les travaux et les soins que Nous mettons à paître le troupeau tout entier du Seigneur, confié à Notre faiblesse, à défendre les droits de la religion catholique, a lui conquérir de nouveaux disciples qui servent et honorent avec une foi sincère le Dieu de justice et de vérité. Cette parole que le Christ Notre-Seigneur adressa autrefois au Prince des Apôtres : « Lorsque vous serez converti, ayez soin d’affermir vos frères, » [1] semble donc, dans la circonstance présente, Nous inviter, Nous qui par la bonté divine avons été appelé, sans le mériter, à tenir sa place, à vous adresser la parole, Vénérables Frères, non pour vous rappeler votre devoir ou vous demander plus d’ardeur ; – Nous savons que vous êtes enflammés du zèle d’étendre la gloire du divin Nom ; – mais afin que, ranimés et fortifiés par la voix même du Bienheureux Pierre qui vit et vivra dans ses successeurs, vous y trouviez, en quelque sorte, une puissance nouvelle pour procurer le salut des ouailles qui vous sont confiées, et défendre avec courage et fermeté la cause de l’Église, au milieu de toutes les difficultés du temps présent.
Il n’y a pas eu, du reste, à délibérer sur le choix du patronage que Nous devions employer de préférence auprès du Père céleste des lumières, afin que sa grâce Nous aidât à vous parler avec fruit. Puisque, en effet, la cause de votre concours auprès de Nous a été d’unir, dans l’unanimité de nos esprits, notre zèle et nos soins pour étendre la gloire de l’auguste Marie, Mère de Dieu, Nous avons supplié par des prières réitérées la très sainte Vierge, Celle que l’Église appelle le Siège de la Sagesse, de vouloir bien Nous obtenir un rayon de la sagesse céleste qui nous éclairât et Nous inspirât les paroles les plus utiles au salut et à la prospérité de l’Église de Dieu. Or, considérant du haut de ce Siège, qui est comme la citadelle de la Religion, les erreurs monstrueuses qui, en ces temps si difficiles, se répandent dans le monde catholique, rien ne Nous a paru plus opportun que de vous les indiquer, afin que vous employiez toutes vos forces à les vaincre, Vénérables Frères, vous qui êtes constitués les gardiens et les sentinelles de la maison d’Israël.
Nous avons toujours à gémir sur l’existence d’une race impie d’incrédules, qui voudraient, s’il était possible, exterminer tout culte religieux ; et on doit mettre principalement dans cette classe les affiliés des sociétés secrètes, qui, unis entre eux par un pacte détestable, ne négligent aucun moyen pour bouleverser, détruire, par la violation de tous les droits, la Religion et l’État ; hommes sur qui tombent, sans aucun doute, ces paroles du divin Réparateur : « Vous êtes les enfants du démon, et vous voulez faire les œuvres de votre père. » [2] A part ces hommes, il faut avouer que la perversité des incrédules inspire généralement de l’horreur, et qu’il y a dans les esprits une certaine disposition à se rapprocher de la Religion et de la Foi.
Soit en effet qu’on en doive rapporter la cause à l’atrocité des forfaits commis principalement dans le siècle précédent, forfaits qu’il faut attribuer à l’incrédulité et qu’on ne peut se rappeler sans frémir, soit la crainte des troubles et des révolutions qui ébranlent si malheureusement et désolent les Etats et les nations, soit enfin l’action de cet Esprit divin qui souffle où il veut, il est évident que le nombre de ces malheureux qui se vantent et se glorifient de leur incrédulité est aujourd’hui diminué ; tandis qu’au contraire Nous entendons de temps en temps faire l’éloge de l’honnêteté de la vie et des mœurs, et Nous voyons un sentiment d’admiration s’élever dans les âmes pour la Religion catholique dont l’éclat brille du reste à tous les yeux comme la lumière du soleil.
C’est là un bien considérable, Vénérables Frères, et comme une sorte de progrès vers la vérité ; mais il reste encore bien des obstacles qui détournent les hommes de s’attacher tout à fait à la vérité ou qui du moins les retardent.
En effet, parmi ceux qui sont chargés de la direction des affaires publiques, il en est beaucoup qui prétendent favoriser et professer la Religion, qui lui prodiguent leurs éloges, qui la proclament utile et parfaitement appropriée à la société humaine ; mais qui n’en veulent pas moins régler sa discipline, gouverner ses ministres, s’ingérer dans l’administration des choses saintes ; en un mot, ils s’efforcent de renfermer l’Église dans les limites de l’État, de la dominer, elle qui cependant est indépendante, qui, selon l’ordre divin, ne peut être contenue dans les bornes d’aucun empire, mais doit s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre et embrasser dans son sein tous les peuples et toutes les nations pour leur montrer le chemin de l’éternelle félicité.
Et, chose douloureuse ! au moment où Nous parlons, Vénérables Frères, une loi est proposée dans les États Sardes, qui a pour objet de détruire les instituts réguliers et ecclésiastiques, qui foule entièrement aux pieds et efface, autant qu’il est possible, les droits de l’Église. Mais Nous Nous réservons de traiter ici même, une autre fois, ce sujet si grave. Puissent ceux qui combattent la liberté de la Religion catholique reconnaître enfin combien cette Religion est utile à la chose publique, elle qui, au nom de la doctrine qu’elle a reçue du Ciel, propose et inculque à chaque citoyen les devoirs qu’il a à remplir ; puissent-ils enfin se persuader ce qu’écrivait jadis à l’empereur Zenon Notre Prédécesseur saint Félix, « qu’il n’est rien de plus utile aux princes que de permettre à l’Église de suivre ses lois, car cela leur est salutaire en ce que, dans les choses de Dieu, ils s’efforcent de subordonner leur volonté royale aux Prêtres du Christ et non de la mettre au-dessus d’eux. »
En outre, Vénérables Frères, il est des hommes distingués par leur érudition qui, tout en avouant que la Religion est le don le plus excellent que Dieu ait accordé aux hommes, font néanmoins un si grand cas de la raison humaine et l’exaltent à un degré tel, que, par la plus grande des folies, ils se figurent qu’elle doit être égalée à la Religion elle-même. Par suite de cette vaine opinion de leur part, les sciences théologiques leur semblent devoir être traitées de la même manière que les sciences philosophiques ; tandis que les premières reposent pourtant sur les dogmes de la foi, lesquels l’emportent sur tout en fermeté et en solidité, et que, d’autre part, les dernières sont développées et mises en lumière par la raison, qui est ce qu’il y a de plus incertain, vu qu’elle change suivant la diversité des esprits et qu’elle est sujette à des déceptions et à des illusions sans nombre. Ainsi, l’autorité de l’Eglise se trouvant rejetée, le plus vaste champ s’est ouvert à toutes les questions les plus difficiles et abstraites, et la raison de l’homme, confiante dans ses faibles forces, se donnant plus librement carrière, est tombée dans les plus honteuses erreurs, que Nous n’avons ni le temps ni la volonté de retracer ici, puisque vous les connaissez et les avez constatées parfaitement, et qui ont aussi produit, pour la Religion et dans l’ordre civil, les plus pernicieux effets. C’est pourquoi il faut faire voir à ces hommes qui élèvent plus qu’il ne convient les forces de la raison humaine, que cela est contraire à cette maxime très vraie du Docteur des nations : « Si quelqu’un pense qu’il est quelque chose, alors qu’il n’est rien, il se trompe lui-même. » [3] Il faut leur démontrer combien c’est un trait d’arrogance que de chercher la raison dernière des mystères que, dans l’excès de sa clémence, Dieu a daigné nous révéler, et d’oser se les approprier et les embrasser par l’impuissante et étroite raison de l’homme, puisqu’ils dépassent de très loin les forces de notre intelligence, laquelle, suivant la parole du même Apôtre, doit être captivée sous l’obéissance de la foi.
L’on ne peut douter encore que cette classe de partisans ou plutôt d’adorateurs de la raison humaine, qui s’en font comme une maîtresse sûre et, sous sa conduite, se promettent toute espèce de bonheur, a oublié de quelle grave et cruelle blessure la faute du premier père a frappé la nature humaine, puisque tout à la fois l’esprit a été rempli de ténèbres et la volonté inclinée vers le mal. C’est pour cela que les plus célèbres philosophes de l’époque la plus reculée, quoiqu’ils aient excellemment écrit un grand nombre de choses, ont cependant souillé leurs doctrines de très graves erreurs ; de là encore ce combat continuel que nous éprouvons en nous, et dont parle l’Apôtre : « Je sens dans mes membres une loi qui répugne à la loi de mon esprit. » Maintenant qu’il est constant que la tache originelle propagée à tous les descendants d’Adam a affaibli la lumière de la raison, et que le genre humain a fait une chute très- malheureuse de l’état primitif de justice et d’innocence, qui trouvera la raison suffisante pour arriver à la vérité ? qui niera qu’au milieu de si pressants dangers, et de l’infirmité si grande qui a atteint ses forces, afin de ne point tomber et de n’être point renversé, il ait besoin, pour son salut, des secours de la religion divine et de la grâce céleste ? Or, ces secours, Dieu les donne dans sa très grande bonté à ceux qui les demandent par une humble prière, selon qu’il est écrit : « Dieu résiste aux superbes, mais il donne sa grâce aux humbles. » [4] C’est pourquoi le Christ notre Seigneur, s’adressant un jour à son Père, déclara que les mystères les plus profonds des vérités n’avaient point été manifestés aux prudents et aux sages de ce siècle, qui s’enorgueillissent de leur génie et de leur science et n’admettent point que l’obéissance de la foi soit plus excellente, mais au contraire aux hommes humbles et simples qui s’appuient et se reposent sur l’oracle de la foi divine. Il importe que vous inculquiez ce salutaire enseignement aux esprits de ceux qui exagèrent la puissance de la raison humaine au point qu’ils osent, par son secours, scruter et expliquer les mystères eux-mêmes, entreprise la plus inepte et la plus insensée de toutes ; efforcez-vous de les détourner d’une si grande perversité d’esprit, en leur faisant voir que la Providence n’a rien donné de plus excellent aux hommes que l’autorité de la foi divine, que c’est en elle qu’ils trouveront comme un flambeau dans les ténèbres, un guide à suivre pour arriver à la vie ; qu’elle est d’une absolue nécessité pour le salut, puisque « sans la foi il est impossible de plaire à Dieu » [5], et que « celui qui n’aura point cru sera condamné. » [6]
Nous avons appris avec douleur qu’une autre erreur non moins funeste s’était répandue dans quelques parties du monde catholique, et qu’elle s’était emparée des esprits d’un grand nombre de Catholiques qui s’imaginent qu’on peut espérer le salut éternel de ceux qui ne font point partie de la vraie Eglise du Christ. De là vient qu’ils posent fréquemment la question de savoir quels seront, après la mort, le sort et la condition de ceux qui n’ont été nullement attachés à la foi catholique, et, après avoir produit les raisons les plus vaines, ils attendent une réponse qui favorise cette opinion erronée. Loin de Nous, Vénérables Frères, que Nous osions mettre des limites à la miséricorde divine, qui est infinie ; loin de Nous que Nous voulions approfondir les conseils et les jugements cachés de Dieu, abîme immense où la pensée de l’homme ne peut pénétrer. Mais, selon le devoir de Notre charge Apostolique, Nous voulons exciter votre sollicitude et votre vigilance épiscopale, afin que, dans toute l’étendue de vos forces, vous chassiez de l’esprit des hommes cette opinion impie et funeste que le chemin du salut éternel peut se trouver dans toutes les religions. Démontrez, avec cette habileté et cette science par lesquelles vous excellez, aux peuples qui sont confiés à vos soins, que les dogmes de la foi catholique ne sont nullement contraires à la miséricorde et à la justice de Dieu. Il faut en effet admettre de foi que, hors de l’Eglise Apostolique Romaine personne ne peut être sauvé, qu’elle est l’unique arche du salut, que celui qui n’y serait point entré périra par le déluge : cependant il faut aussi reconnaître d’autre part avec certitude que ceux qui sont à l’égard de la vraie Religion dans une ignorance invincible n’en portent point la faute aux yeux du Seigneur. Maintenant, à la vérité, qui ira, dans sa présomption, jusqu’à marquer les limites de cette ignorance, suivant le caractère et la diversité des peuples, des pays, des esprits et de tant d’autres choses ? Oui sans doute, lorsque, affranchis de ces entraves corporelles, nous verrons Dieu tel qu’il est, nous comprendrons quel lien étroit et beau unit en Dieu la miséricorde et la justice ; mais tant que nous sommes dans ce séjour terrestre, affaissés sous ce fardeau mortel qui écrase l’âme, croyons fermement, d’après la doctrine catholique, qu’il est un Dieu, une foi, un baptême ; aller plus loin dans ses recherches n’est plus licite. Au reste, suivant que la charité le demande, faisons des prières fréquentes pour que toutes les nations, quelles que soient les régions qu’elles habitent, se convertissent au Christ, et dévouons-nous de toutes nos forces au salut commun des hommes, car le bras du Seigneur n’est point raccourci, et les dons de la grâce céleste ne sauraient nullement faire défaut à ceux qui désirent et demandent sincèrement à être réjouis de cette lumière.
Ces sortes de vérités doivent être gravées très profondément dans les esprits des fidèles, afin qu’ils ne puissent être corrompus par de fausses doctrines qui vont à entretenir l’indifférence, que nous voyons se répandre de plus en plus et se fortifier au détriment mortel des âmes.
Pour combattre les erreurs que Nous avons exposées jusqu’à présent, erreurs les plus importantes, qui surtout attaquent aujourd’hui l’Eglise, opposez, Vénérables Frères, et votre vertu et votre constance, et pour les ruiner et les effacer entièrement, il est nécessaire que vous vous entouriez d’Ecclésiastiques, les compagnons et les auxiliaires de vos travaux. C’est pour Nous un sujet d’immortelle joie que le Clergé catholique ne néglige rien, ne recule devant aucune fatigue pour satisfaire amplement à son devoir et à sa charge ; et bien plus, que ni la difficulté et la longueur du chemin, ni la crainte de quelque inconvénient que ce soit, ne l’arrêtent pour l’empêcher de gagner les continents et les îles les plus séparés entre eux, et par ses leçons salutaires d’y civiliser et établir, dans la discipline de la loi chrétienne, les nations barbares. Nous Nous réjouissons aussi que ce même Clergé, au milieu de la calamité d’une épidémie très cruelle qui a rempli de deuil tant de cités, un si grand nombre des villes les plus populeuses, ait rempli avec tant d’empressement tous les devoirs de la charité, qu’il ait considéré comme glorieux et beau pour lui de donner sa vie pour le salut du prochain. Non, sans doute, il n’est point d’argument plus fort pour prouver que dans l’Eglise catholique, qui est la seule vraie, brûle sans pouvoir s’éteindre le feu si beau de la charité que le Christ est venu répandre sur la terre pour l’en embraser.
Nous avons vu, en effet que les femmes consacrées à Dieu ont rivalisé avec le Clergé dans le soin des malades, et que l’aspect de la mort que la plupart ont endurée avec la plus grande constance, ne leur a point inspiré de crainte : exemple de courage extraordinaire que ceux-là mêmes qui n’appartiennent point à la foi catholique n’ont pu voir sans une stupéfaction mêlée d’admiration.
C’est là un juste motif de nous réjouir, Vénérables Frères : mais ce qui rend les soucis de Notre cœur durs et pénibles, c’est qu’en certains lieux il y a dans le Clergé des hommes qui ne se montrent pas en tout les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. Il en résulte que le Pain de la Parole divine manque au peuple chrétien, qui n’en reçoit point la nourriture nécessaire à la vie, qu’il abandonne le fréquent usage des Sacrements, où se puise une si grande force pour obtenir ou conserver la grâce de Dieu. Ces prêtres doivent être avertis, Vénérables Frères, et ardemment excités à remplir avec soin, régularité et fidélité, les fonctions du saint ministère ; il faut leur représenter toute la gravité de la faute dont ils se rendent coupables, en refusant, dans un temps où la moisson est si abondante, de travailler dans le champ du Seigneur. Il faut les exhorter à expliquer fréquemment aux fidèles combien l’Hostie divine a de force pour détourner les châtiments dus aux crimes des hommes, et combien il importe, par conséquent, d’assister au saint sacrifice de la Messe avec religion et de manière à en recueillir les fruits abondants qu’il produit. Sans aucun doute, les fidèles seraient en certains lieux plus empressés à produire les actes de piété, s’ils recevaient du Clergé une direction plus vive et de plus grands secours. Vous voyez par-là, Vénérables Frères, combien les Séminaires, dont le gouvernement et la direction appartient aux Evêques seuls, et non pas au pouvoir civil, sont aujourd’hui importants et nécessaires pour préparer de dignes ministres du Christ. Avez soin de former à la piété et à la doctrine les jeunes gens, espoir de la Religion, qui croissent dans ces asiles, afin que, munis de ce double glaive, ils deviennent un jour de bons soldats pour combattre les combats du Seigneur. Soit pour les sciences théologiques, soit même pour les sciences philosophiques, ne leur mettez entre les mains que des auteurs d’une foi éprouvée, afin qu’ils ne soient en aucune façon imbus d’opinions moins conformes à la doctrine catholique.
De la sorte vous pourvoirez, Vénérables Frères, au bien et à l’accroissement de l’Eglise. Mais pour que nos efforts en faveur de l’Église aient d’excellents résultats, la concorde la plus parfaite, l’union des esprits est indispensable : il faut éloigner toute espèce de dissensions, elles brisent le lien de la charité, et le perfide ennemi du genre humain ne manque pas de les fomenter, sachant bien de quel secours elles lui sont pour faire le mal. Rappelons-nous les défenseurs de la foi catholique dans les temps anciens ; ils triomphèrent des hérésies les plus opiniâtres parce qu’ils descendaient dans l’arène intimement unis entre eux et avec le Siège Apostolique, comme les soldats avec leur chef.
Telles sont les choses que Nous avons jugé devoir vous faire entendre, Vénérables Frères, dans Notre soin et Notre sollicitude à remplir le ministère Apostolique que la clémence et la bonté de Dieu ont imposé à Notre faiblesse. Mais Nous Nous sentons relevé et fortifié, d’abord par l’espérance du secours céleste ; ensuite le zèle ardent dont vous avez donné tant de preuves pour la Religion et la piété est un secours sur lequel Nous comptons avec confiance dans de si grandes difficultés. Dieu protégera son Eglise, il favorisera nos vœux communs, surtout si nous obtenons l’intercession et les prières de la très sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, que Nous avons, à Notre grande joie, en Notre présence et au milieu de vos applaudissements, proclamée exemple de la tâche du péché originel. C’est un glorieux privilège assurément, et qui convenait pleinement à la Mère de Dieu, d’avoir échappé saine et sauve au désastre universel de notre race. La grandeur de ce privilège servira puissamment à réfuter ceux qui prétendent que la nature humaine n’a pas été détériorée par suite de la première faute, et qui exagèrent les forces de la raison pour nier ou diminuer le bienfait de la religion révélée. Fasse enfin la bienheureuse Vierge, qui a vaincu et détruit toutes les hérésies, que soit aussi entièrement déracinée et effacée cette pernicieuse erreur du Rationalisme, qui, à notre malheureuse époque, ne tourmente pas seulement la société civile, mais qui afflige encore si profondément l’Église !
Maintenant il Nous reste, Vénérables Frères, à vous dire qu’autant Nous avons éprouvé de consolation à vous voir arriver avec le plus grand empressement des contrées les plus lointaines vers cette Chaire apostolique, boulevard de la foi, maîtresse de la vérité, soutien de l’unité catholique, autant Nous mettons d’ardeur à vous souhaiter, avant que vous retourniez vers vos sièges, toutes sortes de félicités, de biens et de joies. Que Dieu, arbitre de toutes choses et auteur de tout bien, vous donne l’esprit de sagesse et d’intelligence, afin que vous détourniez de vos ouailles les pièges tendus pour leur perte, et que ce Dieu bon et propice favorise et confirme par sa puissance ce que vous avez entrepris déjà ou entreprendrez à l’avenir pour l’avantage de vos Eglises ; qu’il donne aux fidèles confiés à vos soins un tel esprit qu’ils ne cherchent jamais à s’éloigner des côtés du pasteur ; mais qu’ils écoutent sa voix, et courent partout où les appelle sa volonté. Que la Vierge très sainte, immaculée dans sa Conception, vous assiste ; qu’elle vous serve, dans vos doutes, de fidèle conseil, dans vos angoisses de soutien, dans les adversités de secours. Enfin, levant au ciel Nos mains, Nous vous bénissons, vous et votre troupeau, du fond du cœur. Que cette bénédiction Apostolique soit comme un gage assuré de Notre charité envers vous, qu’elle soit comme un présage infaillible de la vie éternelle et bienheureuse que Nous souhaitons à vous et à votre troupeau, et que Nous demandons du Souverain Pasteur des âmes, Jésus-Christ, à qui soit, ainsi qu’au Père et au Saint-Esprit, honneur, louange et action de grâces pendant toute l’éternité.
Source : Recueil des allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques citées dans l’encyclique et le Syllabus, Librairie Adrien Le Clere, Paris, 1865.