PIE X, PAPE
Ad perpetuam rei memoriam.
Il n’est pas un seul juste appréciateur des choses qui ne place parmi les premiers sujets de louange à l’adresse de Léon XIII, d’heureuse mémoire, Notre prédécesseur, ce fait que, ayant entrepris de réformer les études du jeune clergé et de les adapter aux besoins du temps présent, il ait dès l’abord consacré tous ses efforts à restaurer la méthode de saint Thomas d’Aquin. Frappé, en effet, de la nouvelle orientation des esprits et constatant quel crédit prenaient chaque jour certains procédés, nullement conformes à la vérité catholique, de philosopher et de discuter sur les plus graves questions, il estima de son devoir d’écarter avec prudence le danger qui en découlait pour les étudiants ecclésiastiques ; d’autant plus qu’il avait remarqué que la méthode traditionnelle des études, approuvée par le jugement de l’Eglise et l’usage des siècles, avait faibli en beaucoup de points par suite du désir de s’attacher aux formes plus récentes. C’est pourquoi, aux institutions et aux préceptes de la philosophie chrétienne et de la théologie, il donna à nouveau pour chef et pour maître le Docteur angélique, dont le génie sublime avait préparé des armes on ne peut plus puissantes, même à cette époque, pour la défense de la vérité et la réfutation de multiples erreurs ; puisque, mieux que personne, saint Thomas avait rapproché et développé avec une abondance inouïe les sages principes qu’il avait recueillis dans les écrits des Pères et des Docteurs de l’Eglise, destinés à demeurer utiles dans tous les temps. — Toutefois, ce Pontife ne dédaigna en aucune façon les véritables progrès de la science engendrés par l’activité des esprits modernes ; bien au contraire, persuadé que le clergé ne pouvait dignement tenir son rang s’il n’était pourvu d’une science abondante, il voulut que leur instruction sur les plus graves sujets fût enrichie des données opportunes de l’érudition.
Pour aider à la restauration de la méthode thomiste, qu’il avait prescrite dans ses lettres Encycliques Æterni Patris, il institua plus tard dans cette ville de Rome, qui devait même en ce point donner l’exemple au monde catholique, une Académie spéciale, à laquelle il donna le nom de saint Thomas d’Aquin, et dont le but était d’expliquer, de défendre, de propager la doctrine du Docteur angélique, spécialement en philosophie. Avec munificence il assura à l’Académie des revenus annuels, suffisants pour assurer son existence. Il lui concéda de plus le pouvoir, semblable à celui accordé aux autres Universités ou Facultés, d’élever au grade de docteur en philosophie ceux de ses étudiants qui, le cours de leurs études étant achevé, auraient, en un solennel examen, donné de leur savoir un satisfaisant témoignage. Enfin, en l’année 1895, modifiant les statuts provisoires qu’il avait imposés à l’Académie, il lui fixa définitivement les règles dont l’expérience avait démontré la convenance.
Pour Notre part, dès le début de Notre pontificat, placé en des temps peut-être plus hostiles encore que ceux du passé à la sagesse traditionnelle de nos pères, Nous avons estimé absolument indispensable de maintenir scrupuleusement les prescriptions de Notre illustre prédécesseur touchant l’enseignement de la philosophie et de la doctrine thomiste, et Nous porterons Notre sollicitude à les développer dans l’espoir de fruits plus abondants. Pour cela, Nous voulons que l’Académie romaine de Saint-Thomas, qui tient à bon droit la première place parmi les autres institutions de cette sorte, s’épanouisse sous Notre protection comme elle le lit sous celle toute particulière de Léon XIII.
Nous savons, en effet, avec quel zèle et quel profit les membres de cette Académie s’adonnent au labeur qui leur est confié, soit eu ajoutant de doctes commentaires à la doctrine de Thomas d’Aquin, soit en développant ses pensées et en déduisant de ses sentences des conclusions nouvelles, soit en estimant à la lumière de ses principes les affirmations des philosophes récents. Aussi les félicitons-Nous volontiers pour l’aide puissante qu’ils apportent aux véritables progrès de la philosophie.
Mais, afin que la pratique continue n’apporte aucun relâchement à leur très noble émulation, Nous voulons que Notre parole et Notre autorité donnent à leurs volontés une vigueur nouvelle dans l’accomplissement de leur tâche. Et cette exhortation ne s’adresse pas seulement à ceux dont Nous avons parlé, mais, comme il convient, à tous ceux qui enseignent la philosophie dans les écoles catholiques de l’univers entier, en sorte qu’ils aient soin do ne s’écarter jamais de la voie et de la méthode de Thomas d’Aquin et de s’y affermir avec soin chaque jour. Et Nous insistons vivement auprès de tous pour qu’ils consacrent leur sagacité et leurs travaux à combattre virilement ce fléau commun de la raison et de la foi qui se répand partout : Nous voulons dire le néo-rationalisme, dont la pernicieuse influence doit être écartée à tout prix, particulièrement de la jeunesse ecclésiastique.
D’ailleurs, Nous ratifions et confirmons tous et chacun des statuts, biens, privilèges et droits que Notre prédécesseur a donnés et attribués à l’Académie romaine de Saint-Thomas, contrariis non obstantibus quibuscumque.
Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 23 janvier, fête de saint Raymond de Pennafort, en l’année 1904, de Notre pontificat la première.
Louis, card. Macchi.