Nous célébrons cette année le cent cinquantième anniversaire des apparitions de la bienheureuse Vierge Marie à la petite Bernadette Soubirous, dans le village pyrénéen de Lourdes.
Cet événement, au départ apparemment mineur, va devenir très rapidement l’une des réalités spirituelles les plus considérables du XIXe siècle, puis du XXe, et sans aucun doute du XXIe.
Lourdes représente une véritable irruption du surnaturel dans un monde qui entendait se couper de Dieu, du Christ et de l’Église. Il fait également partie de cette chaîne d’insignes bénédictions spirituelles dont notre France a été comblée sans mérite de sa part.
Déluge surnaturel ! Souvenons-nous de Renan convoquant grotesquement Dieu à l’Académie des sciences pour examiner la réalité de ses miracles.
Dieu répond à cette insolence et à cette sottise par des moyens qui appartiennent à lui seul. Le Ciel parle à la terre (malgré les oukases des gendarmes et des préfets). La Vierge confirme personnellement la proclamation infaillible, par le pape, quatre ans plus tôt, du dogme de l’Immaculée Conception. Une grande sainte, Bernadette, est formée par la Mère de Dieu elle-même.
Les miracles de guérison corporelle et spirituelle se multiplient par milliers et millions (même si seulement une centaine ont été reconnus comme miracles au sens propre, à la suite d’une procédure scientifique d’une rare sévérité).
Et, au final, les pèlerins du monde entier se précipitent à la grotte de Lourdes où ils reçoivent des grâces sans nombre (six millions de pèlerins chaque année, et bien davantage en ce jubilé). L’apparition de la Vierge a ainsi fait de Lourdes le seul village français connu aussi bien dans les igloos des Inuits que dans les buildings de New York.
Mais Lourdes s’inscrit aussi dans la chaîne des bénédictions particulières que le Ciel a déversées sur notre France au cours du XIXe siècle. La Médaille miraculeuse (rue du Bac) en 1830 ; La Salette en 1846 ; Lourdes en 1858 ; Pontmain en 1871 ; Pellevoisin en 1876 : cette simple litanie suffit à montrer combien « le Ciel a visité la terre » de France à cette époque.
Et la France a répondu généreusement à cette invitation, par tous les géants de sainteté qu’elle a pu produire : Madeleine-Sophie Barat, Jeanne-Élisabeth Bichier des Ages, Marcellin Champagnat, Thérèse Couderc, Pierre-Julien Eymard, André-Hubert Fournet, Michel Garicoïts, Anne-Marie Javouhey, Catherine Labouré, Thérèse Martin, Marie-Euphrasie Pelletier, Jean-Gabriel Perboyre, Marie-Madeleine Postel, Bernadette Soubirous, Jean-Marie Vianney, ces seuls noms pris du missel (il y en aurait des dizaines d’autres à citer) suffisent à montrer la floraison de saints que notre France a produite, au milieu d’une persécution qui va des horreurs de la Révolution française, au début du siècle, à l’anticléricalisme de Jules Ferry.
Rappel puissant de l’existence du surnaturel dans un monde qui le rejette ; invitation à la sainteté au milieu des persécutions : n’est-ce pas là le programme qui convient en cette crise terrible de l’Église et de la société (même si chacun de nous, hélas ! le remplit bien imparfaitement) ? Cette vocation de la France au XIXe siècle n’avait-elle pas pour but, entre autres, de préparer sa participation exceptionnelle à la réaction face à la révolution religieuse des années 60, avec tant de prêtres et tant de fidèles résistant au milieu du cataclysme ? Et n’avons-nous pas à réfléchir nous-mêmes sur ce point aujourd’hui ?
C’est donc en action de grâce que nous méditerons dans quelques jours, en marchant de Chartres à Paris, sur le thème « Dieu dans l’Histoire, par Marie ». Et nous nous retrouverons exceptionnellement nombreux, je l’espère, pour le grand pèlerinage international du Jubilé du cent cinquantenaire, analogue à celui de l’Année sainte à Rome en 2000, que la Fraternité Saint-Pie X organise pour la fête du Christ-Roi, les 25–26-27 octobre 2008 à Lourdes.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 183