La « théologie du corps » de Jean-​Paul II

Premier aper­çu d’une doc­trine à la mode : ses fon­de­ments et ses conséquences. 

Très en vogue dans nombre de pré­pa­ra­tions au mariage, la « théo­lo­gie du corps » est réguliè­rement pré­sen­tée comme la quin­tes­sence du mes­sage de l’Église sur le mariage et l’amour humain. Elle s’érige en consé­quence comme l’arme par excel­lence contre la « culture de mort » qui enva­hit nos socié­tés occi­den­tales mais aus­si, est-​il dit, contre un puri­ta­nisme tou­jours pré­sent en cer­tains milieux catho­liques. Sous ce der­nier aspect, cette théo­lo­gie pré­tend opé­rer « une dé­finitive réha­bi­li­ta­tion du corps et de la sexua­li­té dans l’enseignement de l’Église [1] ».

Cette « théo­lo­gie », nous le savons, fut bâtie par Jean-​Paul II. Elle fut le cœur de sa vie, ain­si qu’il l’a écrit : « Quand j’étais jeune prêtre, j’ai appris à aimer l’amour humain. C’est un des thèmes sur les­quels j’ai axé tout mon sacer­doce, tout mon minis­tère, dans la pré­di­ca­tion, au con­fessionnal, et à tra­vers tout ce que j’écrivais[2] ». Aussi Yves Semen n’hésite-t-il pas à dire que « la théo­lo­gie du corps peut être regar­dée comme l’aboutissement de toute la pen­sée phi­losophique et théo­lo­gique de Karol Wojtyla [3]. »

La théo­lo­gie du corps peut être regar­dée comme l’aboutissement de toute la pen­sée phi­losophique et théo­lo­gique de Karol Wojtyla.

Yves Semen

Une ana­lyse appro­fon­die de cette « théolo­gie du corps » n’a pas sa place ici, son ori­gine immé­diate le dit suf­fi­sam­ment : Karol Wojtyla l’a écrite suite à l’encyclique Humanæ vitæ de Paul VI inter­di­sant la contra­cep­tion. Tandis que cette ency­clique se réfé­rait, mal­gré cer­tains manques, à la loi natu­relle objec­tive pour mon­trer le carac­tère objec­ti­ve­ment désor­don­né de la contra­cep­tion, Karol Wojtyla était quant à lui per­sua­dé que seule une morale per­son­na­liste, par­tant de la sub­jec­ti­vi­té, serait une réponse valable au défi posé par la révo­lu­tion sexuelle en cours. C’est cette morale per­son­na­liste que pro­pose sa « théo­lo­gie du corps ». Si donc un ex­posé sys­té­ma­tique trou­ve­rait sa place dans une revue phi­lo­so­phique ou théo­lo­gique, rien n’em­pêche d’en don­ner ici un pre­mier aperçu.

Pour ce faire, nous com­men­ce­rons par ex­poser la saine doc­trine, en inter­ro­geant le plan de Dieu lorsqu’Il créa l’être humain homme et femme. À cette lumière, nous pour­rons ensuite résu­mer les thèses de Jean-​Paul II, pour en dé­crire enfin les consé­quences néfastes.

I – Le regard traditionnel

Dieu créa l’homme à son image ; il le créa à l’image de Dieu, il les créa un homme et une femme. Et Dieu les bénit, et leur dit : crois­sez et multipliez-​vous (Gn 1, 27–28). Annonçant créer l’homme à son image, le Dieu Un crée l’être hu­main « double » : homme et femme. Il importe de sai­sir le pour­quoi de cette volon­té divine.

En Dieu tout est simple, d’une sim­pli­ci­té de plé­ni­tude infi­nie, à rai­son même de son infi­nie richesse d’être : Je suis celui qui suis (Ex 3, 14). Cette plé­ni­tude d’être ne sau­rait sup­por­ter une quel­conque com­po­si­tion, laquelle entrai­ne­rait la pos­si­bi­li­té d’une décom­po­si­tion, impos­sible en Dieu. C’est en ce sens que Dieu est dit simple.

Par la créa­tion, Dieu donne à l’homme de par­ti­ci­per à sa richesse d’être. Mais là où il y a sim­pli­ci­té en Dieu, le Créateur intro­duit dans le créé la com­po­si­tion, qui est la marque de la li­mite inhé­rente à toute créa­ture, de sa finitude.

Ainsi, l’intelli­gence humaine peut par­ti­ci­per à Dieu Vérité, mais en pas­sant par la com­po­si­tion du lan­gage (sujet, verbe, complé­ment). Il en est de même dans tous les domaines. Si Dieu est la Vie même, l’homme lui n’est que vi­vant, et sa vie est mar­quée par la com­po­si­tion : rythme car­diaque, res­pi­ra­tion, temps, etc. C’est ce qui rend l’homme mor­tel, là où Dieu est im­mortel. Ainsi, en don­nant à l’homme de partici­per à son œuvre créa­trice (crois­sez et multipliez- vous), Dieu intro­duit de même la com­po­si­tion : Dieu les créa un homme et une femme et leur dit : “crois­sez et multipliez-​vous”.

Selon le des­sein de Dieu, la com­po­si­tion homme/​femme s’explique donc fondamentale­ment par la pro­créa­tion, prise dans toute son ac­ception : non seule­ment l’acte pro­créa­teur, mais cet engen­dre­ment quo­ti­dien qu’est l’éducation. À cette seule lumière s’explique la si belle com­plémentarité de l’homme et de la femme posée par Dieu, non seule­ment dans leur corps, mais encore dans leur psychologie.

Mais là ne s’arrête pas le plan divin. Parce que Dieu a tout créé par amour, il entend que l’homme et la femme entrent en par­ti­ci­pa­tion à son acte créa­teur par un acte d’amour, et qu’ils soient pour l’enfant le reflet de son propre amour créa­teur. Là se fonde la beau­té de l’acte conju­gal vécu confor­mé­ment à ce des­sein divin. Enraciné dans l’engagement et l’union des cœurs autour d’un même idéal fami­lial (c’est le mariage), il est l’union ponc­tuelle des corps (Gn 2, 24 : ils ne feront qu’une seule chair), ren­voyant à l’unité de Dieu créateur.

Faut-​il aller plus loin, et voir dans la famille une image du Dieu tri­ni­taire, comme le laisse en­tendre le texte hébraïque de la Genèse (Gn 1, 27-​­28) ? Si tel était le cas, cette image serait moindre que celle posée en la par­tie spi­ri­tuelle de chaque homme. Mais peut-​être peut-​on dire que la fa­mille, prise dans son ensemble, est comme un ves­tige de la Trinité : le père et la mère, en leur com­plé­men­ta­ri­té réunie, repré­sentent alors le Père ; les enfants engen­drés chaque jour par l’éducation repré­sentent le Fils, et l’esprit de fa­mille qui en découle, si les choses sont vécues dans l’amour, ren­voie au Saint-​Esprit. Un théo­logien dirait que l’ordre des pro­ces­sions tri­ni­taires se retrouve ain­si dans l’ordre familial.

Si le bien des enfants est la pre­mière rai­son d’être du mariage, l’amour mutuel est quant à lui pre­mier chro­no­lo­gi­que­ment, car c’est dans la mesure où les parents ne sont qu’un de cœur qu’ils reflètent l’image de la pater­ni­té créa­trice de Dieu.

De ce regard découlent les deux grandes fins qui défi­nissent le mariage chré­tien, ain­si que leur ordon­nance. Si le bien des enfants est la pre­mière rai­son d’être du mariage, l’amour mutuel est quant à lui pre­mier chro­no­lo­gi­que­ment, car c’est dans la mesure où les parents ne sont qu’un de cœur qu’ils reflètent l’image de la pater­ni­té créa­trice de Dieu.

II – La relecture personnaliste de Jean-​Paul II

Parce que le regard catho­lique pré­sup­pose que l’homme soit fina­li­sé, il est insup­por­table au per­son­na­liste. On le sait, le per­son­na­lisme a fait sien l’adage réduc­teur de Kant : « Ne consi­dère jamais l’homme comme un moyen, mais tou­jours comme une fin ». Ainsi, selon Vatican II, l’homme est la « seule créa­ture sur terre que Dieu a vou­lue pour elle-​même » (GS 24, 3), si bien que « tout sur terre doit être ordon­né à l’homme comme à son centre et à son som­met » (GS 12, 1). Aussi le per­son­na­lisme entend-​il dé­barrasser de tout recours à la fina­li­té sa nou­velle défi­ni­tion du mariage, consi­dé­ré désor­mais dans le cadre de l’épanouissement de la personne.

Arrive alors le deuxième adage personna­liste : « L’homme […] ne peut plei­ne­ment se trou­ver que par le don dés­in­té­res­sé de lui- même » (GS 24, 3). Autrement dit, l’homme ne s’accomplit que dans la « com­mu­nion des per­sonnes », dont l’union de l’homme et de la femme est l’expression pre­mière (GS 12, 4).

À ce niveau se situe la « théo­lo­gie » du corps de Jean-​Paul II. Elle s’appuie sur une re­lecture per­son­na­liste du cha­pitre deux de la Ge­nèse, consi­dé­ré comme « la des­crip­tion et la trace les plus anciennes de l’autocompréhen­sion de l’homme » (TDC 3, 1) [4]. À ses dires, à tra­vers l’attirance réci­proque que leur révèlent leur mas­cu­li­ni­té et fémi­ni­té cor­po­relles, Adam et Ève découvrent qu’ils sont faits pour « se don­ner l’un à l’autre réci­pro­que­ment, dans la plé­ni­tude de leur sub­jec­ti­vi­té » (TDC 18, 5). Il faut sai­sir la por­tée de cette affir­ma­tion constam­ment répé­tée par Jean-​Paul II. Il s’en était expli­qué dès 1960, dans son livre Amour et res­pon­sa­bi­li­té. Au-​delà de l’amour d’amitié qui consiste à vou­loir le bien de l’autre comme le sien propre, K. Wojtyla sup­pose un degré supé­rieur d’amour, dénom­mé « spon­sal ». Il « consiste dans le don de la per­sonne. Son essence est le don de soi-​même, de son propre ‘moi’ […]. L’amour le plus com­plet [l’amour spon­sal] s’exprime précisé­ment dans le don de soi-​même, donc dans le fait de don­ner en toute pro­prié­té ce ‘moi’ inalié­nable et incom­mu­ni­cable. » [5] Nous sai­sis­sons com­bien ce sup­po­sé amour spon­sal s’identifie avec la consé­cra­tion totale de son être, qui n’est due qu’à Dieu. Seul Dieu en effet, et non pas l’homme, doit être aimé de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit (Mt 22, 39) car Dieu seul, « plus pré­sent à nous-​mêmes que nous-​mêmes » (saint Augustin) est le bien par essence, et donc plei­ne­ment digne d’amour, ce qui n’est pas le cas de l’homme. Celui-​ci n’est appe­lé à être aimé que comme soi-​même (Mt 22, 39), sachant que tout n’est pas aimable en moi, à com­men­cer par ce « moi haïs­sable » (cf. Lc 14, 26). Mais cela, Jean-​Paul II l’oublie, et il n’hésite pas à écrire : « Le don révèle […] l’essence même de la per­sonne. […] “Seul”, l’homme ne réa­lise pas com­plètement cette essence. Il ne la réa­lise qu’en exis­tant “avec quelqu’un”, et, encore plus pro­fondément et plus com­plè­te­ment “pour quelqu’un”. […] Communion de per­sonnes si­gnifie exis­ter dans un “pour” réci­proque, dans une rela­tion de don réci­proque » (TDC 14, 2). De ce prin­cipe découlent toutes les dérives de la « théo­lo­gie des corps ».

Pour Jean-​Paul II, comme pour Vatican II (GS 24, 3), la com­mu­nion inter­per­son­nelle est ce par quoi l’homme est à l’image de Dieu, lui-​même com­mu­nion de Personnes en sa Trinité : « L’homme devient image de Dieu non pas tant au moment de la soli­tude qu’au moment de la com­mu­nion. “Dès l’origine” en effet, il est non seule­ment une image dans laquelle se reflète la soli­tude d’une Personne qui régit le monde, mais aus­si, et essen­tiel­le­ment, l’i­mage d’une inson­dable com­mu­nion divine de Personnes » (TDC 9, 3). On voit la trans­for­ma­tion pro­fonde qu’a pris l’image tri­ni­taire dans la famille, dont au pas­sage l’enfant est exclu [6] : n’est plus rete­nu l’ordre fami­lial image de l’ordre des pro­ces­sions tri­ni­taires, mais la com­mu­nion de don entre per­sonnes égales… 

Et comme, aux dires de Jean-​Paul II, Adam et Ève sont cen­sés avoir décou­vert leur dimen­sion inter­sub­jec­tive à tra­vers l’attirance réci­proque de leur corps mas­cu­lin et fémi­nin, le pape défunt n’hésite pas à en tirer une conclu­sion ra­dicale : l’union char­nelle de l’homme et de la femme est le « sacre­ment » du mys­tère tri­ni­taire, en ce sens qu’il lui revient de rendre visible l’in­visible : « Dans cette dimen­sion [inté­rieure du don], se consti­tue un sacre­ment pri­mor­dial en­tendu comme signe qui trans­met effi­ca­ce­ment dans le monde visible le mys­tère invi­sible caché en Dieu de toute éter­ni­té. Et cela est […] le mys­tère de la vie divine à laquelle l’homme par­ti­cipe réel­le­ment. […] Comme signe visible, le sacre­ment se consti­tue avec l’être humain en tant que “corps”, à tra­vers sa “visible” mas­cu­li­ni­té et fé­minité. Le corps, en effet, et seule­ment lui, est capable de rendre visible ce qui est invi­sible : le spi­ri­tuel et le divin » (TDC 19, 3–4).

Idéalisant donc l’amour humain expri­mé dans l’acte conju­gal pour en faire l’image vi­vante de Dieu Trinité – ce par quoi l’homme par­ticipe à la vie divine – Jean-​Paul II fait de l’« in­tersubjectivité » l’essence même de la grâce

Idéalisant donc l’amour humain expri­mé dans l’acte conju­gal pour en faire l’image vi­vante de Dieu Trinité – ce par quoi l’homme par­ticipe à la vie divine – Jean-​Paul II fait de l’« in­tersubjectivité » l’essence même de la grâce, ain­si décrite : « ce don mys­té­rieux fait au plus intime de l’homme – au “cœur” humain – qui per­met à tous deux, l’homme et la femme, d’exister dès l’“origine” dans la rela­tion réci­proque du don dés­in­té­res­sé de soi » (TDC 16, 3). Nous voi­ci en pleine confu­sion de la nature et de la grâce, si bien que désor­mais, le bon­heur de nos pre­miers parents avant le péché se réduit à leur union : « La révé­la­tion et la décou­verte de la signi­fi­ca­tion spon­sale du corps expliquent le bon­heur ori­gi­nel de l’homme » (TDC 15, 5).

III – Les conséquences de la « théologie » du corps

Face à la bana­li­sa­tion de la sexua­li­té hu­maine, où l’autre est trop sou­vent réduit à un ob­jet d’assouvissement, K. Wojtyla a certes rap­pe­lé ce qui devrait être une évi­dence, à savoir que l’être aimé est quelqu’un, une personne-sujet. La double par­ti­cu­la­ri­té de sa « théo­lo­gie du corps » est ailleurs. En sup­pri­mant le regard de fina­li­té, Jean-​Paul II a fait de l’amour humain, vécu comme « rela­tion inter­per­son­nelle », le constitu­tif même du mariage ; il a ensuite sacra­li­sé l’acte sexuel ain­si vécu au point d’en faire un « sacre­ment » apte par lui-​même à rendre visible l’invi­sible, à savoir la com­mu­nion tri­ni­taire des Per­sonnes divines.

Quant à ce deuxième point, qui trop sacra­lise ridi­cu­lise. Sans sou­li­gner ici les enjeux théo­logiques – et dra­ma­tiques – de cette affir­ma­tion, on dira sim­ple­ment qu’elle relève de l’illusion, et qu’il est bien dan­ge­reux d’engager une vie sur une uto­pie. Non, l’acte sexuel vécu dans toute sa sup­po­sée véri­té « inter­per­son­nelle » n’est pas le para­dis sur terre.

Mais c’est sur­tout le pre­mier point qui doit ici rete­nir l’attention. En éta­blis­sant l’amour hu­main comme consti­tu­tif du mariage, Jean-​Paul II a opé­ré une véri­table révo­lu­tion, dont les consé­quences appa­raissent chaque jour davan­tage. Si l’amour n’est plus l’âme par laquelle chaque époux vivi­fie quo­ti­dien­ne­ment son mariage, mais éga­le­ment la défi­ni­tion même du lien conju­gal, alors une équa­tion peut faci­le­ment être posée : là où il y a amour authen­tique il y a mariage, tan­dis que son absence implique l’absence de tout lien. C’est ain­si que, depuis le code de 1983, nombre de mariages sont abu­si­ve­ment consi­dé­rés comme nuls, sous pré­texte d’immaturité psycho­logique de l’un des contrac­tants : il était, dit-​on, insuf­fi­sam­ment mûr pour poser un acte interper­sonnel authen­tique ! Ce que les ortho­doxes com­mentent en disant que l’Église catho­lique a in­troduit le divorce dans sa législation.

En éta­blis­sant l’amour hu­main comme consti­tu­tif du mariage, Jean-​Paul II a opé­ré une véri­table révolution.

Une telle logique peut encore être appli­quée en bien d’autres domaines. Ainsi, le pape Fran­çois n’hésite pas à dire qu’il trouve beau­coup plus la réa­li­té du sacre­ment chez des concu­bins qui s’aiment que chez des époux mariés qui ne s’aiment plus. Il ne fait en cela que s’appuyer sur les prin­cipes posés par son pré­dé­ces­seur. Il est d’ailleurs de noto­rié­té publique qu’une part non négli­geable du jeune cler­gé fran­çais, for­mé à cette « théo­lo­gie » du corps, estime qu’il n’y a aucun péché à avoir des rela­tions sexuelles avant mariage, « pour­vu qu’on s’aime ! » …

Enfin, puisque c’est à tra­vers leur atti­rance cor­po­relle réci­proque qu’Adam et Ève sont cen­sés avoir décou­vert leur voca­tion divine à une rela­tion inter­per­son­nelle, qu’est-ce qui empê­cherait deux per­sonnes de même sexe éprou­vant entre elles une atti­rance cor­po­relle à ne pas déve­lop­per eux aus­si une rela­tion interperson­nelle authen­tique ? On en vient alors à bénir ce couple en ce qu’il a de bon, même si l’acte ho­mosexuel reste publi­que­ment décla­ré mau­vais. Il est évident que Jean-​Paul II n’a tiré au­cune de ces conclu­sions, sinon la pre­mière. C’est en effet lui qui a intro­duit dans le code cano­nique de 1983 le nou­veau – et illé­gi­time – motif de nul­lité de mariage pour cause d’immaturité psycho­logique. Mais s’il s’est bat­tu sur les autres points pour défendre la famille, on constate que le fon­dement même de sa nou­velle « théo­lo­gie » du corps, à savoir la vision per­son­na­liste du ma­riage, loin d’être un rem­part impre­nable pour la famille, était le che­val de Troie qui a péné­tré la pre­mière socié­té fon­dée par Dieu.

Source : Lou Pescadou n°244

Notes de bas de page
  1. Y. Semen, in JP II, La théo­lo­gie du corps (TDC), Le Cerf 2014, in­troduction, p. 25[]
  2. JP II, Entrez dans l’Espérance, Plon Mame 1994, p. 192[]
  3. Y. Semen, in JP II, La théo­lo­gie du corps, Le Cerf 2014, in­troduction, p. 22[]
  4. Autocompréhension : le terme est lourd de signi­fi­ca­tion. La Genèse n’est plus une révé­la­tion de Dieu sur l’homme tel que créé par lui, sur sa nature et sa fina­li­té, mais une auto-​découverte de l’homme ; non une théo­lo­gie de l’homme (ce que Dieu dit de l’homme), mais une conscien­ti­sa­tion par l’homme lui-​même de ce qu’il vit. Cette pers­pec­tive est encore plus mar­quée quand Jean-​Paul II sou­ligne le « carac­tère mythique pri­mi­tif » (TDC 3, 1) de la Genèse, pour expli­quer en note que « le mythe […] ex­prime, en terme de monde, voire d’outre-monde ou de second-​monde, la com­pré­hen­sion que l’homme prend de lui-​même par rap­port au fon­de­ment et à la limite de son exis­tence ».[]
  5. K. Wojtyla, Amour et res­pon­sa­bi­li­té, Stock 1978, p. 87–88[]
  6. Selon Jean-​Paul II, l’enfant est une « béné­dic­tion » divine de l’amour inter­per­son­nel vécu en véri­té ; un effet, et non une fin.[]

FSSPX

M. l’ab­bé Patrick de la Rocque est actuel­le­ment prieur de Nice. Il a par­ti­ci­pé aux dis­cus­sions théo­lo­giques avec Rome entre 2009 et 2011.