Par la démarche d’adoption, des époux décident d’accueillir en leur foyer un enfant qui n’est pas de leur propre sang et, de surcroît, un enfant blessé par la vie. Il s’agit d’une démarche « lourde », comme on dit en ces matières, à toutes les étapes du processus.
D’abord, l’adoption est souvent la suite d’une souffrance intime du foyer, celle de n’avoir pu concevoir un enfant, malgré sa fidélité aux lois de la vie et du mariage chrétien. Ensuite, les démarches d’adoption elles-mêmes sont longues, complexes, éprouvantes, parfois même humiliantes voire désespérantes. Enfin, il est toujours à craindre que la bouture ne prenne pas, que le courant ne passe pas, que la vie familiale ne s’enclenche pas vraiment.
Élever des enfants nés de son propre sang dans une bonne atmosphère n’est déjà pas toujours facile, en raison des circonstances, de la liberté, du poids du péché originel. Que dire lorsque s’ajoutent à ces aléas la différence génétique entre les parents et l’enfant, ainsi que la blessure affective qui a frappé ce dernier, même s’il l’ignore provisoirement, du fait de la mort de ses parents ou de leur abandon ! L’adoption est donc souvent le fruit d’une grande générosité qui, ne s’arrêtant ni aux obstacles, ni aux déceptions, veut donner de l’amour et un vrai foyer à un enfant déshérité par le sort.
Or c’est précisément ce qui nous arrive, mais à un degré infiniment supérieur, lors de l’adoption divine dont nous sommes gratifiés en Jésus- Christ. Ce dossier sur l’adoption est donc l’occasion de nous émerveiller de nouveau devant cette charité divine à notre égard, qui dépasse infiniment tout ce que les parents adoptifs humains, même les plus généreux, ont jamais pu accomplir en faveur de l’enfant qu’ils accueillent à leur foyer. Car Dieu n’avait nullement besoin de nous pour être pleinement fécond et infiniment heureux.
Nous ne lui apportons rien : c’est uniquement pour déverser gratuitement sur nous la surabondance de sa bonté que le Père a voulu nous appeler à partager son bonheur par la filiation divine.
Ensuite, le prix qu’a payé Dieu pour réaliser ce plan d’amour dépasse infiniment les difficultés que peuvent rencontrer des parents humains dans une adoption. Le Seigneur, pourtant gravement offensé par le péché, a en effet choisi d’en payer lui-même le prix. Et c’est pour nous mériter l’adoption divine que le Fils unique s’est fait chair, qu’il a habité parmi nous et qu’il a voulu subir une Passion ignominieuse, versant pour notre salut jusqu’à la dernière goutte de son sang.
Enfin, si les parents qui adoptent donnent à l’enfant qu’ils accueillent leur nom, leur amour, leur héritage, leur maison, leur parenté, ils ne peuvent changer sa nature : cet enfant n’est pas né d’eux, il n’a pas les mêmes gènes, la même physionomie. Au contraire, Dieu est si bon et si puissant que, par l’adoption qu’il nous confère en Jésus-Christ, il transforme par sa grâce notre être même, nous divinisant, nous rendant semblables à lui.
Jamais, de notre propre chef, nous n’aurions osé imaginer ou revendiquer ce qu’affirme nettement la Parole de Dieu sous la plume du Prince des Apôtres : « Dieu vous a donné les plus grandes et les plus précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine. » (2 P 1, 4)
Soyons donc toujours dans l’action de grâce, nous souvenant (Tt 3, 4–7, épître de la deuxième messe de Noël) que « la bonté et l’amour de notre sauveur Dieu se sont manifestés, (…) non à cause de nos bonnes œuvres mais par sa miséricorde, (…) afin que nous devenions héritiers en Jésus-Christ Notre-Seigneur ».
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 204