La Communauté des Béatitudes (anciennement du Lion de Juda et de l’Agneau immolé) fait partie de ces communautés « nouvelles » ou « charismatiques » nées dans les années soixante-dix en réaction à certaines dérives constatées dans l’Église. Face à l’esprit de sécularisation, de politisation, de mépris de la grande tradition catholique de prière, de culte, d’oraison, de silence, qui faisait rage dans les années d’après Vatican II, des hommes et des femmes ont voulu agir et réagir pour conserver ce précieux patrimoine spirituel enraciné dans la foi et dans l’histoire de l’Église : visée noble et louable.
Ces chrétiens se sont donc regroupés en petites communautés ferventes, qui ont eu rapidement du succès auprès de nombreuses âmes assoiffées de Dieu et qui ne trouvaient plus, dans des mouvements d’Action catholique moribonds et très politisés, de quoi apaiser leur désir spirituel. La crise, étant généralisée, avait frappé tous les milieux et de multiples façons. Selon l’expression de Péguy, « quand il y a une éclipse, tout le monde est à l’ombre ». Il n’est donc pas étonnant que ces pionniers du « renouveau » (comme ils se nomment eux-mêmes) aient été affectés de diverses erreurs et insuffisances qui mettaient en péril leur désir sincère de s’inscrire dans la droite ligne de la foi et de la vie catholiques.
Dans le cas des Béatitudes, le fondateur, frère Éphraïm (Gérard Croissant), était un protestant qui se préparait à devenir pasteur : ce n’est que deux ans après la fondation de la communauté qu’il se convertit au catholicisme sous l’influence de Marthe Robin. Par ailleurs, le charismatisme catholique, né en février 1967 à Pittsburgh (USA), a pour origine le pentecôtisme apparu au sein du protestantisme nord-américain et gallois au début du xxe siècle. On constate donc aux sources de cette communautée une forte influence protestante. Les Béatitudes, de plus, y ajoutent une contamination par le judaïsme talmudique, le judaïsme moderne qui n’a pas reçu Jésus comme Messie et Fils de Dieu. Ses membres célèbrent, en particulier, le shabbat.
Ces errements ne seraient évidemment pas un motif de rejeter la Communauté des Béatitudes s’ils appartenaient au passé. La conversion comporte, forcément, le fait de passer de l’erreur à la vérité, du péché à la sanctification. Après tout, saint Paul était un pharisien acharné avant sa conversion, un persécuteur de l’Église, et le futur saint Augustin fut de longues années un manichéen militant. Malheureusement, les fondateurs n’ont pas fait l’effort (mais les autorités ecclésiastiques ne les ont guère aidés en ce sens) de réviser leur doctrine et leurs pratiques à l’aune exclusive de la foi catholique et de la Tradition de l’Église. Ils ont donc conservé, au cœur même de leur vie, des erreurs, des illusions, des faux principes, des pratiques douteuses.
Ainsi, ces groupes, dont l’inspiration était bonne (revenir à une vie de prière, vivre en communauté et pratiquer l’évangélisation, spécialement auprès des plus démunis), n’ont pas donné les fruits doctrinaux et spirituels qu’on aurait été en droit d’espérer, à l’instar de ces mouvements de renouveau que nous présente l’histoire de l’Église, comme les ordres mendiants au xiiie siècle ou les jésuites au xvie. Il est donc à désirer que les personnes généreuses qui se sont engagées de bonne foi dans ces mouvements, pour le salut de leur âme et le service de l’Église, s’aperçoivent des erreurs dont elles sont les victimes et, avec une énergique résolution, les arrachent pour y planter uniquement ce qui est conforme à l’enseignement de la foi et à la Tradition catholique.
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France
Source : Fideliter n° 203