Histoire d’une dévotion

Crédit : Pascal Deloche / Godong

La forme du Rosaire telle que nous la connais­sons aujourd’­hui ne s’est fixée qu’au XVIème siècle.

La prière du Rosaire, encou­ra­gée par les Papes et enri­chie d’in­dul­gences, est véri­ta­ble­ment une dévo­tion, c’est-​à-​dire qu’elle est davan­tage qu’une simple prière vocale. Elle a une âme. En effet, la dévo­tion n’est rien d’autre qu’une volon­té de se livrer promp­te­ment à ce qui concerne le ser­vice de Dieu et, ici en l’oc­cur­rence, par l’in­ter­mé­diaire de Notre-​Dame. Nous retrou­vons dans la prière du Rosaire les deux élé­ments qui sont liés à la dévo­tion : la contem­pla­tion et la joie. C’est d’a­bord la contem­pla­tion des mys­tères de la vie de Jésus qui pro­duit dans notre âme la dévo­tion, cette dis­po­si­tion de l’âme qui se porte vers Dieu, comme nous disons de la prière qu’elle est une élé­va­tion de l’âme vers Dieu. Et ensuite, la dévo­tion pro­duit la joie, cette allé­gresse de l’âme qui est unie à Dieu. Nous retrou­vons dans l’his­toire de la for­ma­tion du Rosaire ces deux élé­ments de la dévotion.

La forme du Rosaire telle que nous la connais­sons aujourd’­hui ne s’est fixée qu’au XVIème siècle :

Les prières répé­ti­tives remontent aux pre­miers siècles de l’Église sur­tout en Orient où les litur­gies conservent encore de nom­breux signes de croix, génu­flexions et litanies.

Le Moyen-​Âge déve­loppe la pié­té mariale autour du sym­bole de la rose qui est le sym­bole de la joie, et la réci­ta­tion des Ave forme une cou­ronne ou un cha­pe­let de roses offert à Notre-​Dame. Cette réci­ta­tion des Ave n’é­tait pas une simple prière répé­ti­tive, mais elle était comme ren­due vivante par l’as­so­cia­tion au culte des joies où le but est de par­ve­nir à l’in­ti­mi­té béa­ti­fiante qui unit Notre-​Dame à son Fils. Ces Ave Maria ne com­pre­naient que la pre­mière par­tie du « Je vous salue Marie », renou­ve­lant la salu­ta­tion de l’ange Gabriel à Marie. Ces joies, dont le culte fait son appa­ri­tion dès la fin du Xlème siècle mais sur­tout aux Xllème siècle, se retrouvent dans les antiennes mariales ; on comp­ta ain­si jus­qu’à cinq joies de la Vierge : Annonciation, Noël, Pâques, Ascension, Assomption.

Le « Dominus Tecum » de l’Ave Maria expri­mant un élé­ment essen­tiel de cette joie, il était donc natu­rel de la célé­brer par la prière de l’Ave Maria. Avec le temps, les joies se mul­ti­plient de façon à englo­ber tous les évé­ne­ments notables de la vie du Christ aux­quels fut unie Marie, y com­pris la Passion, en tant que joie de la Rédemption du monde.

Saint Dominique ne reçut pas de la Sainte Vierge le Rosaire tel qu’on le connait, mais bien la pra­tique d’u­nir la réci­ta­tion de l’Ave aux pré­di­ca­tions. Ces prières joyeuses deviennent peu à peu liées à la médi­ta­tion des mys­tères de la vie de Jésus. Les Prêcheurs furent les cham­pions et les pro­pa­ga­teurs de cette dévo­tion. Au Xlllème siècle, les formes de ces réci­ta­tions étaient alors nom­breuses et variées, soit par rap­port au nombre d’Ave, soit par rap­port aux dif­fé­rents mys­tères joyeux. Par exemple, un abbé cis­ter­cien don­nait des médi­ta­tions où appa­rais­saient quinze joies de Notre-Dame.

C’est le prieur de la char­treuse de Trêves, Adolphe d’Essen, qui, influen­cé par les domi­ni­cains, met en avant une nou­velle forme de prière médi­ta­tive. Il répand cette prière de réci­ter des Ave Maria en médi­tant la vie de Jésus et de sa Mère. C’est donc une forme de contem­pla­tion qui dans sa sim­pli­ci­té est acces­sible à tous, et en pre­mier lieu aux fidèles. Dominique de Prusse (1384–1460) éprou­vant des dif­fi­cul­tés à contem­pler les scènes du Rosaire par la médi­ta­tion, trouve donc cin­quante for­mules en fin de chaque invo­ca­tion. Dans le même temps, Jacques Sprenger, prieur du couvent domi­ni­cain de Cologne répar­tit les quinze médi­ta­tions sur trois séries et éta­bli l’u­sage de réci­ter la pre­mière cin­quan­taine en hon­neur et en action de grâces de l’in­car­na­tion et de l’en­fance du Sauveur ; la seconde de sa Passion ; et la troi­sième de sa glorification.

Le domi­ni­cain Alain de La Roche (1428–1475) don­na un nou­vel élan en liant le Rosaire à une confré­rie, favo­ri­sant ain­si une dif­fu­sion pra­ti­que­ment universelle.

Ces Confréries du Rosaire auront un déve­lop­pe­ment immense et seront l’a­pa­nage de l’ordre des frères Prêcheurs.

Au cours du XVIème siècle, le mono­pole de l’ordre des Prêcheurs sur les confré­ries du Rosaire s’af­firment pro­gres­si­ve­ment. Les papes sol­li­ci­tés octroient des bulles et des indul­gences. Avec saint Pie V, la forme domi­ni­caine est comme recon­nue offi­ciel­le­ment par la bulle du 17 sep­tembre 1569 où le pape réserve expli­ci­te­ment au seul Maître de l’ordre le pou­voir d’au­to­ri­ser la fon­da­tion d’une confré­rie du Rosaire. À par­tir de cette date, on peut consi­dé­rer la prière du Rosaire comme étant éta­blie dans sa forme défi­ni­tive et elle ne va pas ces­ser de se répandre.

Plus tard, dans les pre­mières années du XVIIIème siècle, saint Louis-​Marie Grignion de Montfort fut le grand pro­pa­ga­teur, l’a­pôtre de la dévo­tion au saint Rosaire. Il n’y a pas eu d’homme plus zélé que ce grand mis­sion­naire pour l’é­ta­blis­se­ment de la confré­rie du Rosaire : il l’é­ri­geait dans tous les lieux où elle ne l’é­tait pas ; c’est le moyen qu’il jugeait le plus puis­sant pour éta­blir le règne de Dieu dans les âmes.

L’histoire de la for­ma­tion du Rosaire fait ain­si appa­raitre les deux élé­ments de la vraie dévo­tion : la contem­pla­tion des mys­tères de Notre-​Seigneur et la joie d’être uni à Dieu par la prière. Notre prière du Chapelet en devien­dra plus pro­fonde et plus agréable à notre Mère du Ciel.

Source : Notre-​Dame d’Aquitaine – Automne 2024