Par le Docteur Jean-Pierre Dickès au nom des Boulonnais
Une joie immense étreignait le cour des survivants du » petit reste » qui en 1975 avaient commencé à Boulogne-sur-mer ce long combat pour la Messe Traditionnelle dans le salon d’un particulier. La vie de salon, puis la vie de château dans de telles circonstances n’ont rien de réjouissant.
L’achat d’une ancienne chapelle il y a 17 ans permit à leur petit groupe de se renforcer. Restaurée, transformée, puis consacrée sous le nom de Église Saint-Louis-les-Boulonnais eurent enfin un cadre idéal pour prier. Mais des années d’efforts viennent ensuite de porter enfin leurs fruits. Ce fut une apothéose.
L’opportunité paraît à priori bien minime. Une statue, une simple statue. Mais à la Vierge tout est possible, même des miracles.
L’histoire est la suivante. À Boulogne se tint en 1938 un Congrès Marial qui rassembla 150.000 personnes. Pour l’occasion furent confectionnées quatre statues grandeur nature de la Vierge Nautonière. Or en 1943 un prêtre eut l’idée de les envoyer dans toute la France sous le vocable de Notre Dame du Grand Retour. Elles passèrent de villes en villages, de bourgs en hameaux. Des prières innombrables montèrent vers le Ciel pour demander la libération de la France. Il était dit que la guerre serait terminée quand elle reviendrait à Boulogne. Sauf que l’une d’entre elles partit de Bordeaux pour rejoindre la Martinique où un sanctuaire à sa gloire fut ensuite édifié. Mais avant de quitter la France métropolitaine, elle passa à Souilliac où un pieux paroissien doué pour la sculpture en fit une reproduction en chêne massif qui continua à bénir par sa présence toute l’Aquitaine. La veuve de ce sculpteur dont hélas nous ne connaissons pas le nom, en fit cadeau au prieuré de la FSSPX de Bordeaux. Puis elle fut récupérée par l’Abbé Bonneterre de Nantes qui en fit une thésaurisation affectueuse. Son successeur au prieuré trouvant qu’elle occupait trop de place la fit s’épanouir près du radiateur de la sacristie où la pauvre s’ennuyait passablement ; puis il la céda volontiers à Boulogne. I
ll fallait que nos concitoyens lui fassent un accueil des plus chaleureux digne d’elle. Une procession partant du port, de là même où elle était arrivée en 636 sous les mérovingiens, semblait être la meilleure des solutions.
Et en ce dimanche 10 septembre, le soleil rayonnait sur la ville. Le miracle commençait. Deux de ces magnifiques chevaux boulonnais de couleur blanche devaient tirer une plate-forme sur laquelle la Vierge rayonnait. Le miracle commençait.
Venus de Paris, de Bruxelles, de Pontoise, de Lille, de Calais, d’Arras, d’Amiens, les fidèles s’agglutinaient pour commencer la marche après la messe solennelle du matin. Le doyen de la cathédrale Notre Dame de Boulogne avait prêté pour l’occasion chaises et oriflammes afin de rehausser le lieu d’accueil de la Vierge à l’Église Saint Louis. Le long cortège s’ébranla lentement après le beau sermon prononcé par l’abbé de Cacqueray supérieur du district de France, qui avait fait l’honneur aux Boulonnais de présider la procession.
En tête les enfants de chour derrière la Croix, puis la troupe de scouts de Boulogne, celle de Calais, et celle des guides renforcée par un peloton venant de Lille. Puis la Vierge lentement tirée par les chevaux un peu rétifs. Ensuite venait un groupe de religieuses de l’école du Hérie-Lavieville, une longue file de 200 élèves en uniforme de l’école Saint Jean Baptiste de La Salle à Camblain l’Abbé, le clergé et une queue interminable de fidèles. Ce fut une longue procession cheminant du port à la rue piétonnière de la Basse-Ville. Celle-ci est reliée à la Haute-Ville par deux axes principaux et entre les deux se situe la rue où se trouve l’Église Saint Louis.
Il se passa alors un petit miracle. Jugez-en ! Au milieu de la rue piétonnière il fallait dégager à gauche vers l’Église Saint Louis. En effet, la sous-préfecture avait interdit de passer par la Grand’Rue qui mène à la Haute Ville sous prétexte qu’elle était un axe à grande circulation. Mais quelque ange déguisé en diable inspira à un des policiers une bien mauvaise idée, celle d’appuyer inconsidérément sur le décodeur électronique qui commande le plot de fermeture aux voitures, lequel était rentré normalement dans le pavement. Le plot se dégagea de manière impromptue. Et là, un collègue du premier ange intervenait à son tour. Impossible de rentrer le plot malgré tous les efforts possibles. L’électronique en panne s’était mise au service de la Vierge. Les gros bras ne furent pas plus efficaces. Jamais le char de la Vierge n’aurait pu passer car trop bas. Conjointement, la queue du cortège bloquait par sa présence l’axe de descente de la Haute-Ville. Comme rien n’y faisait, et que le char se trouvait bloqué, un policier bienveillant (comme tous ses collègues d’ailleurs) prit une décision rapide : il fallait passer par la Grand’Rue.
Et là le spectacle devint inoubliable. À droite, la place où se concentre l’activité diurne et nocturne de la ville, puis l’Église Saint Nicolas XIVe siècle, la seule de la ville qui ait résisté à la fureur révolutionnaire de 1792 ; puis la façade de la chapelle d’une ancienne communauté vendue comme bien national en 1794 ; c’est un immense porche en haut duquel trône la statue d’Etienne de Blois, marié à la petite fille de sainte Ide de Boulogne : Mathilde en s’unissant à ce croisé montera ensuite sur le trône d’Angleterre en succédant à Henri 1er Beauclerc. Mais surtout en perspective, le superbe dôme de la cathédrale Notre Dame de Boulogne dominant toute la ville.
Un millier de pèlerins (estimation de la police) occupaient la longueur de la plus belle avenue de la cité, suivant en chantant à tue-tête la gloire de leur mère dans le Ciel. Spectacle inouï qui étreignait les cours. Certains passants se signaient et retrouvaient les chants de leur enfance. » Pari gagné » : deux bien pauvres mots pour désigner le succès de cette procession qui cheminait pour rejoindre enfin l’Église Saint Louis.
Tant de Foi s’était exprimé lors de cette magnifique journée se terminant par un salut au Saint Sacrement. Une partie de la foule, n’ayant pu entrer, était massée devant le porche attendant sagement et mêlant du dehors leurs voix aux chants, aidés par une excellente sonorisation. Puis ceux qui n’étaient pas trop pressés de rentrer chez eux, participaient ensuite à un vin d’honneur qui bloqua la rue pendant deux bonnes heures supplémentaires.
La Vierge du Grand Retour reprenait ainsi la place qui lui était due dans sa ville mais aussi elle répandait sa grâce dans les âmes. Alors, les Boulonnais prirent une résolution.
L’an prochain, nous proclamerons encore la gloire de Marie dans nos rues.
Docteur Jean-Pierre Dickès au nom des Boulonnais