De multiples contradictions

Statue de Saint Pierre à Rome. Crédit photo : Dominique Devroye / Pixabay

Un catho­lique n’a pas le choix : soit il accepte ce que l’Église a tou­jours ensei­gné, et alors il rejette les nou­veau­tés contra­dic­toires. Soit il accepte les nou­veau­tés, mais alors il doit reje­ter le Magistère de l’Église.

Une chose ne peut pas être et ne pas être en même temps et sous le même rap­port. En d’autres termes, si une pro­po­si­tion est vraie, alors la pro­po­si­tion contra­dic­toire est néces­sai­re­ment fausse, et réci­pro­que­ment. C’est évident. Si une per­sonne nie un tel prin­cipe, alors elle affirme quelque chose, à savoir que ce prin­cipe est faux. Mais en affir­mant cela, elle rejette la pro­po­si­tion contra­dic­toire, à savoir que ce prin­cipe n’est pas faux. Elle admet donc qu’il est impos­sible d’être et de n’être pas en même temps[1].

C’est en ver­tu de ce prin­cipe que tout catho­lique est capable de reje­ter cer­taines pro­po­si­tions qui contre­disent ce qui est ensei­gné par le Magistère de l’Église. Or, il se trouve que, depuis le concile Vatican II, nous consta­tons des contra­dic­tions entre ce que l’Église a tou­jours ensei­gné comme appar­te­nant à la doc­trine catho­lique, et ce que les hommes d’Église d’aujourd’hui enseignent. Finirons-​nous par devoir nier le prin­cipe de non-contradiction ?

Voici six contradictions.

1re contradiction

Proposition A : Les catho­liques sont les seuls à avoir le droit de ne pas être empê­chés, par quelque pou­voir humain que ce soit, de s’exprimer publiquement.

Proposition B : Les catho­liques ne sont pas les seuls à avoir le droit de ne pas être empê­chés, par quelque pou­voir humain que ce soit, de s’exprimer publiquement.

La pro­po­si­tion A est ensei­gnée parle pape Pie IX dans l’encyclique Quanta cura publiée en 1864. Certes, Pie IX admet que les pou­voirs publics puissent tolé­rer l’expression de l’erreur. Mais la tolé­rance est bien dif­fé­rente de la recon­nais­sance d’un droit. Comme l’a bien expli­qué Léon XIII dans son ency­clique Libertas, une fausse reli­gion ne pos­sède pas le droit de se répandre.

Quant à la pro­po­si­tion B, elle se trouve au numé­ro 2 de la décla­ra­tion Dignitatis huma­nae du concile Vatican II. Elle est reprise dans le Catéchisme de l’Église catho­lique de 1992 qui dit au numé­ro 2108 : « Ce droit natu­rel [à la liber­té reli­gieuse] doit être recon­nu dans l’ordre juri­dique de la socié­té de telle sorte qu’il consti­tue un droit civil ».

2e contradiction

Proposition A : L’Église du Christ et l’Église catho­lique sont abso­lu­ment identiques.

Proposition B : L’Église du Christ et l’Église catho­lique ne sont pas abso­lu­ment identiques.

La pro­po­si­tion A est ensei­gnée parle pape Pie XII dans son ency­clique Mystici cor­po­ris publiée en 1943 et dans son ency­clique Humani gene­ris de 1930. En outre, Pie XI parle des com­mu­nau­tés non catho­liques comme rele­vant d’une « fausse reli­gion chré­tienne, entiè­re­ment étran­gère à l’unique Église du Christ »[2].

La pro­po­si­tion B se trouve dans la consti­tu­tion Lumen Gentium du concile Vatican II, au numé­ro 8. Il est écrit en effet que l’Église du Christ « sub­siste dans l’Église catho­lique ». Cette expres­sion, d’après la Sacrée Congrégation pour la doc­trine de la foi[3], signi­fie que, sous le rap­port de la durée et de l’unicité, l’Église du Christ et l’Église catho­lique sont iden­tiques. Mais sous le rap­port de la pré­sence agis­sante, l’Église du Christ est dis­tincte de l’Église catho­lique parce que plus large que cette dernière.

3e contradiction

Proposition A : Il y a un seul sujet du pou­voir suprême de l’Église.

Proposition B : Il n’y a pas un seul sujet du pou­voir suprême de l’Église.

La pro­po­si­tion A se trouve dans la consti­tu­tion Pastor æter­nus du concile Vatican I, selon laquelle seul le pape est le chef suprême de l’Église.

La pro­po­si­tion B se trouve dans le concile Vatican II, au numé­ro 22 de la consti­tu­tion Lumen Gentium, selon laquelle il existe deux sujets du pou­voir suprême dans l’Église : d’une part le pape seul, et d’autre part les évêques unis au pape. Cette thèse se trouve aus­si ensei­gnée expli­ci­te­ment dans le Code de droit cano­nique de 1983 au canon 336.

4e contradiction

Proposition A : L’Esprit du Christ refuse de se ser­vir des com­mu­nau­tés sépa­rées de l’Église catho­lique comme des moyens de salut.

Proposition B : L’Esprit du Christ ne refuse pas de se ser­vir des com­mu­nau­tés sépa­rées de l’Église catho­lique comme des moyens de salut.

Même si le Saint Esprit ne refuse pas d’agir DANS ces com­mu­nau­tés pour don­ner la grâce aux âmes de bonne volon­té (cf Mystici cor­po­ris de Pie XII et la Lettre du St Office de 1949 [4] ), le Saint Esprit refuse d’agir PAR ces com­mu­nau­tés. En effet, La pro­po­si­tion A est ensei­gnée équi­va­lem­ment par le qua­trième concile du Latran, cha­pitre pre­mier, rap­pe­lant qu’il n’y a pas de salut hors de l’Église catho­lique. Cette doc­trine se trouve aus­si dans l’encyclique Mirari vos de Grégoire XVI, dans le Syllabus de Pie IX (pro­po­si­tions condam­nées n°16 et 17) ain­si que dans l’encyclique Satis cogni­tum de Léon XIII.

La pro­po­si­tion B est ensei­gnée par le concile Vatican II dans le décret Unitatis redin­te­gra­tio, numé­ro 3. Il y est écrit en effet : « (…) Ces Églises et com­mu­nau­tés sépa­rées, bien que nous croyions qu’elles souffrent de défi­ciences, ne sont nul­le­ment dépour­vues de signi­fi­ca­tion et de valeur dans le mys­tère du salut. L’Esprit du Christ, en effet, ne refuse pas de se ser­vir d’elles comme de moyens de salut ».

5e contradiction

Proposition A : L’ancienne Alliance est abrogée.

Proposition B : L’ancienne Alliance n’est pas abrogée.

La pro­po­si­tion A est ensei­gnée par saint Paul au cha­pitre VII de l’épître aux Hébreux : « Car le sacer­doce étant chan­gé, il était néces­saire qu’il y ait aus­si un chan­ge­ment de loi. (…) Il y a ain­si abo­li­tion de la pre­mière ordon­nance, à cause de son impuis­sance et de son inuti­li­té », Le Concile de Florence enseigne de même dans la bulle Cantate Domino du 4 février 1442 [5]. Le pape Pie XII écrit aus­si dans l’encyclique Mystici cor­po­ris : « La mort du Rédempteur a fait suc­cé­der le Nouveau Testament à l’Ancienne loi abolie ».

La pro­po­si­tion B est ensei­gnée par le pape Jean-​Paul II en 1980 : « (…) L’ancienne Alliance, jamais révo­quée par Dieu »[6]. De même dans son dis­cours du 11 sep­tembre 1987 : « (…) Un seul Dieu, qui a choi­si Abraham, Isaac et Jacob, et a conclu avec eux une alliance d’amour éter­nelle, qui n’a jamais été révo­quée »[7]

Elle est ensei­gnée aus­si par le pape François : « Un regard très spé­cial s’adresse au peuple juif dont l’al­liance avec Dieu n’a jamais été révo­quée »[8]. Elle se trouve aus­si dans le Catéchisme de l’Église catho­lique de 1992, au n°121 : « L’ancienne Alliance n’a jamais été révo­quée »[9].

6e contradiction

Proposition A : La peine de mort peut être per­mise moralement.

Proposition B : La peine de mort ne peut pas être per­mise moralement.

La pro­po­si­tion A est ensei­gnée non seule­ment par saint Thomas d’Aquin [10], mais par le Magistère constant de l’Église. En 1208, le pape Innocent III impose aux Vaudois une for­mule d’abjuration qui contient cette pro­po­si­tion : « Nous affir­mons que le pou­voir sécu­lier peut, sans péché mor­tel, pro­non­cer des peines capi­tales, pour­vu qu’il porte cette sen­tence dans un pro­cès et non par haine, après déli­bé­ra­tion et non sans pré­cau­tion » [11]. En 1520, le pape Léon X condamne cette pro­po­si­tion de Luther : « Que les héré­tiques aient été brû­lés est contraire à la volon­té de l’esprit » [12]. En 1891, le pape Léon XIII, en condam­nant le duel, recon­naît le droit de l’autorité publique d’infliger la peine de mort [13]. De même Pie XI dans l’encyclique Casti connu­bii [14].

La pro­po­si­tion B est ensei­gnée par le pape François. Dans un dis­cours du 11 octobre 2017, il affirme : « La peine de mort est inad­mis­sible car elle attente à l’inviolabilité et à la digni­té de la per­sonne » ; cita­tion reprise par la Congrégation pour la Doctrine de la foi le 1er août 2018 pour modi­fier le nou­veau Catéchisme de l’Église catho­lique de 1992.

Conclusion

Un catho­lique dont l’intelligence fonc­tionne nor­ma­le­ment n’a donc pas le choix : soit il accepte ce que l’Église a tou­jours ensei­gné, et alors il rejette les nou­veau­tés contra­dic­toires. Soit il accepte les nou­veau­tés, mais alors il doit reje­ter le Magistère de l’Église.

Source : Courrier de Rome n° 689

Notes de bas de page
  1. Voir Aristote, Métaphysique, L. IV, ch. 3 et 4.[]
  2. Pie XI, Encyclique Mortalium ani­mos du 6 jan­vier 1928, AAS, t. XX, p. 11 : « Quae cum ita se habeant, mani­fes­to patet, nec eorum conven­tus Apostolicam Sedem ullo pac­to par­ti­ci­pare posse, nec ullo pac­to catho­li­cis licere tali­bus incep­tis vel suf­fra­ga­ri vel ope­ram dare suam ; quod si facerent, fal­sae cui­dam chris­tia­nae reli­gio­ni auc­to­ri­ta­tem adiun­gerent, ab una Christi Ecclesia admo­dum alie­nae ».[]
  3. “Réponses aux dubia sur cer­taines ques­tions ecclé­sio­lo­giques” du 11 juillet 2007 dans La Documentation catho­lique, n°2385, p. 717.[]
  4. Lettre à l’archevêque de Boston du 8 août 1949, Dz 3866 à 3873.[]
  5. Décret pour les Jacobites, Dz 1348.[]
  6. Discours aux repré­sen­tants de la com­mu­nau­té juive de Mayence, 17 novembre 1980, § 3 :“Von Gott nie gekün­dig­ten Alten Bundes” (www​.vati​can​.va).[]
  7. “It is Sitting at the begin­ning of our mee­ting to empha­size our faith in the One God, who chose Abraham, Isaac and Jacob, and made with them a Covenant of eter­nal love, which was never revo­ked” (www​.vati​can​.va).[]
  8. Exhortation apos­to­lique Evangelii gau­dium du 24 novembre 2013, n°247.[]
  9. Mame, 1992, p. 38.[]
  10. Somme théo­lo­gique, IIaIIae, q. 64, art. 2 et 3.[]
  11. Dz 795.[]
  12. Dz 1483.[]
  13. Dz 3272.[]
  14. Dz 3720.[]

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.