« Présent » du 27 septembre 2007


« Présent » du 27 septembre 2007 – Jean Madiran 

Après les ordi­na­tions sacer­do­tales de same­di der­nier(1) (22 sep­tembre) comme après la publi­ca­tion du « Motu pro­prio » (7 juillet), les « tra­dis » sont publi­que­ment priés avec insis­tance, voire som­més sans bien­veillance, de faire un acte de foi dans « le Concile » en bloc et sans mur­mure. Ce n’est pas si simple.

Il y a main­te­nant 42 ans que « le Concile », c’est-​à-​dire Vatican II, a pris fin. La situa­tion à son égard n’est plus la même qu’en 1965. Nous sommes en pré­sence des résul­tats de quarante-​deux années post-​conciliaires. Ce sont des résul­tats aux­quels per­sonne n’o­se­rait expli­ci­te­ment deman­der d’adhé­rer en bloc et sans discernement.

Il est tout à fait légi­time de vou­loir exa­mi­ner si les résul­tats contes­tables pro­viennent du Concile lui­même ou bien d’une mau­vaise appli­ca­tion du Concile : je n’entre pas dans ce débat pour le moment, mon pro­pos d’au­jourd’­hui est en quelque sorte anté­rieur, il porte sur la nature, la réa­li­té, la vali­di­té du concret post-​conciliaire, avant de recher­cher quelle en est la cause et qui en est responsable.

La confé­rence épis­co­pale fran­çaise a pour pré­sident le car­di­nal Jean-​Pierre Ricard, arche­vêque de Bordeaux et Bazas. Le pré­sident Ricard est, par ses pro­pos, par son com­por­te­ment, par sa volon­té décla­rée, un fils spi­ri­tuel du Concile. Il a dix-​huit ans lors de son ouver­ture, il entre au grand sémi­naire de Marseille. A sa clô­ture il a vingt et un ans, il com­mence ses études théo­lo­giques à l’Institut catho­lique de Paris. Il reçoit l’or­di­na­tion sacer­do­tale trois ans plus tard. Il s’est par­fai­te­ment sou­mis à la consigne hié­rar­chique de ne plus cri­ti­quer le com­mu­nisme depuis l’ac­cord de Metz (1962). Si l’on veut par­ler d’adhé­sion au Concile, et si l’on sou­haite que ce soit d’une manière concrète et incar­née, on ne sau­rait mieux faire que prendre le pré­sident Ricard pour repère et pour exemple.

Justement, le pré­sident Ricard vient de faire une confé­rence, c’é­tait à Montpellier, sur les rela­tions en France de l’Eglise et de l’Etat. Nous regret­tons de n’a­voir pu y assis­ter. Mais La Croix en a don­né un compte ren­du digne de confiance, son exac­ti­tude n’a pas été démentie.

Mgr Ricard estime que les rela­tions actuelles de l’Eglise avec l’Etat sont assez satis­fai­santes. Il va même jus­qu’à faire un peu le malin, à ce sujet, devant les car­di­naux romains. « A Rome, dit-​il, mes col­lègues sont sur­pris quand je leur raconte cela. Je peine à leur expli­quer que la laï­ci­té à la fran­çaise n’est pas une laï­ci­té radi­cale, mais une réa­li­té de type posi­tive (sic). » Il se per­met sans doute de taqui­ner par­fois le gou­ver­ne­ment, mais ce n’est pas sur l’a­vor­te­ment ou l’ho­mo­sexua­li­té. C’est en géné­ral pour sou­te­nir un peu telle ou telle reven­di­ca­tion clai­re­ment de gauche, sur l’im­mi­gra­tion, sur les tests ADN ou sur tout autre sujet béné­fi­ciant d’une bonne audience média­tique. Cela ne ruine pas les rela­tions satisfaisantes.

L’Etat laïque en ques­tion, c’est celui de la République fran­çaise, l’Etat avor­teur, anti-​familial, juri­di­que­ment pro­mo­teur de l’ho­mo­sexua­li­té, confis­quant l’ins­truc­tion et l’é­du­ca­tion des enfants, sacra­li­sant éga­le­ment toutes les « orien­ta­tions sexuelles ». Voilà cinq pro­blèmes dra­ma­ti­que­ment déci­sifs pour le salut natio­nal et pour le salut éter­nel. Et cepen­dant ils n’en­lèvent rien à la satis­fac­tion que la « laï­ci­té à la fran­çaise » fait éprou­ver au pré­sident Ricard.

On pour­rait com­prendre que l’é­pis­co­pat estime, pour le moment, inef­fi­cace et trop dan­ge­reux d’af­fron­ter vio­lem­ment l’Etat sur ces pro­blèmes néan­moins vitaux. On ne peut pas admettre qu’il se déclare satis­fait d’une telle situa­tion. Ni croire, comme le pré­sident Ricard, que la loi civile l’emporte sur la loi morale parce qu’il serait obli­ga­toire à toute reli­gion de « ne pas se mettre en contra­dic­tion avec les grands prin­cipes de la République » (décla­ra­tion du 30 jan­vier 2004)

Le car­di­nal Ricard donne là un exemple concret de son adhé­sion au Concile en géné­ral, et en par­ti­cu­lier à sa consti­tu­tion Gaudium et spes. Nous refu­sons cet exemple. Nous nous décla­rons consciem­ment et tota­le­ment réfrac­taires à une telle adhé­sion au Concile.

JEAN MADIRAN

Article extrait du n° 6430 de Présent, du jeu­di 27 sep­tembre 2007

(1) Note de la rédac­tion de LPL : Mgr Ricard a décla­ré au Monde du 24 sep­tembre 2007 que sa pré­sence aux ordi­na­tions sacer­do­tales confé­rées par le car­di­nal Castrillon pour l’IBP « rele­vait de la poli­tesse » et que « C’est bien que Rome fasse un geste d’en­cou­ra­ge­ment envers un jeune ins­ti­tut, mais ce n’est pas un geste d’am­pleur natio­nale ».