Le 20 avril dernier, les médias retentissent d’une nouvelle accablante pour un cœur catholique : la Commission théologique internationale déclare que les limbes reflètent une vue indûment restrictive du salut, et ne doivent pas être considérés comme faisant partie de l’enseignement de l’Église.
Certes, la Commission théologique internationale n’est pas un organe magistériel, mais seulement un groupe de théologiens chargé (par mission officielle) de conseiller le pape. Il ne s’agit donc en soi que d’une opinion privée. Toutefois, à l’inverse, il faut dire (les pleurs dans les yeux) que si le pape Benoît XVI n’a pas signé ce texte désastreux, il en a autorisé la publication.
Avant même d’examiner les prétendus arguments qui, d’un trait de plume, viendraient annuler un enseignement commun de l’Église, fondé sur de solides raisons, il convient de constater l’effet ravageur qu’a déjà eu et qu’aura la publication d’un tel texte.
La Commission écrit que « de sérieuses raisons théologiques et liturgiques donnent l’espérance que les enfants morts sans baptême seront sauvés et jouiront de la vision béatifique ». Comment empêcher que certains (beaucoup ?) n’en tirent cyniquement cette conséquence : « L’avortement massif est donc une grâce, puisqu’il remplit le Ciel d’élus » ?
La question du salut des infidèles, des non-baptisés, a été l’objet, dans l’histoire de l’Église, d’une puissante et passionnante réflexion. A l’époque moderne, Pie IX avec l’encyclique Singulari quadam en 1856, Pie XII avec la lettre à l’archevêque de Boston en 1949, ont apporté des précisions fondamentales et fait progresser la doctrine.
Nous ne prétendons donc nullement que la réflexion sur cette question difficile et complexe du salut des enfants non baptisés doive être arrêtée arbitrairement à saint Augustin, ou aux scolastiques, ou même au XIXe siècle puisque, nous venons de le dire, en des temps assez récents, le Magistère a lui-même, à la suite d’une réflexion théologique ininterrompu, apporté des nuances capitales.
Mais cela s’est fait dans le sens de la Tradition, « eodem sensu eademque sententia », comme dit le premier concile du Vatican. En revanche, affirmer avec une inconcevable légèreté, sans autre nuance ou distinction, au rebours de l’enseignement commun de l’Église et en l’absence de tout fondement sérieux, que « les enfants morts sans baptême seront sauvés », c’est ruiner d’un seul coup la réalité du péché originel, la gratuité absolue de l’ordre surnaturel, la nécessité du baptême pour le salut, etc.
C’est aussi aller contre des affirmations claires du Magistère, par exemple cette sentence d’Innocent Ier :
Dire que les petits enfants, même sans la grâce du baptême, peuvent jouir des récompenses de la vie éternelle, est stupide au plus haut point.
La Commission jette ce débat sur la place publique dans une société engluée dans le matérialisme, qui a presque entièrement perdu tant le sens du surnaturel que le sens de la nature.
La Commission le fait sur la base « de raisons qui valent pour une espérance priante, plutôt que sur le fondement d’une connaissance assurée », donc sur la base d’impressions sentimentales plus que de faits ou de certitudes.
Et c’est sur un fondement si ténu qu’une commission de théologiens balaye en 2007 l’enseignement unanime du Magistère, des théologiens, de la liturgie jusqu’à Vatican II ? Nous retrouvons là, malheureusement, la légèreté avec laquelle a été balayée au Concile, par exemple, la doctrine traditionnelle sur l’acte de foi et la tolérance, au profit d’une doctrine nouvelle et infondée sur la « liberté religieuse ».
Abbé Régis de Cacqueray †, Supérieur du District de France de la FSSPX
Source : Fideliter n° 178