Saint Bernard – Mt 1, 19 : La vénération et l’épreuve de Joseph (St Bernard)
« Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier sans bruit. » (Matthieu 1, 19)
Mais, pourquoi voulut-il la renvoyer ?
Écoutez, sur ce point, non pas ma propre pensée, mais la pensée des Pères :
Si Joseph voulut renvoyer Marie, c’était dans le même sentiment qui faisait dire à Pierre : « Retire-toi de moi, Seigneur, parce que je suis un pécheur » (Lc 5. 8), et au centurion quand il dissuadait le Seigneur de venir chez lui : « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit » (Mt 8, 8). Ainsi en était-il de Joseph qui, se jugeant, lui aussi, indigne et pécheur, se disait à lui-même qu’il ne devait pas vivre plus longtemps dans la familiarité d’une femme si parfaite et si sainte, dont l’admirable grandeur le dépassait tellement et lui inspirait de l’effroi. Il voyait avec une sorte de stupeur à des marques certaines qu’elle était enceinte de la présence divine et, comme il ne pouvait pénétrer ce mystère, il avait formé le dessein de la renvoyer.
La grandeur de la puissance de Jésus inspirait une sorte d’effroi à Pierre, comme la pensée de sa présence majestueuse déconcertait le centurion ; ainsi Joseph, n’était que simple mortel, se sentait également déconcerté par la nouveauté d’une si grande merveille et par la profondeur d’un pareil mystère ; voilà pourquoi il songea à renvoyer secrètement Marie.
Faut-il vous étonner que Joseph se soit trouver indigne de la société de la Vierge devenue enceinte, quand on sait que sainte Elisabeth ne put supporter sa présence sans une sorte de crainte mêlée de respect ? En effet :« D’où me vient, s’écria-t-elle, ce bonheur, que la mère de mon Seigneur vienne chez moi ? » (Lc 1, 43).
Saint Bernard,
In Laudibus Virginis Matris, Homelia II, 14.
Mais pourquoi en secret et non au grand jour ? S’il avait dit son sentiment et la preuve qu’il s’était faite de la pureté de Marie, les gens ne l’auraient-ils pas tourné en dérision et n’auraient-ils pas lapidé Marie ? Comment auraient-ils cru en la Vérité encore muette au sein maternel ? Que n’auraient-ils pas fait au Christ encore invisible ? C’est donc avec raison que cet homme juste, pour n’être pas réduit à mentir ou à exposer au blâme une innocente, voulait en secret renvoyer Marie.
Saint Bernard, Deuxième homélie « Super Missus », § 14.
Joseph a‑t-il douté de Marie ? On pourrait sans doute être d’un autre avis et soutenir que Joseph eut les soupçons naturels à tout homme, mais que dans sa droiture il refusa d’habiter avec une personne suspecte ; mais que, par bonté, il s’abstint de la dénoncer, malgré ses soupçons, et que, pour ces raisons, il décida de l’éloigner en secret.
Je réponds brièvement : même dans ce cas, le doute de Joseph était nécessaire, puisqu’il nous a valu la certitude apportée par une réponse du ciel. Voici ce qui est écrit : « Or tandis qu’il formait ce dessein, (savoir : celui de renvoyer Marie en secret) un ange se montra à lui en songe et dit : Joseph, fils de David, n’aie pas peur de prendre chez toi Marie pour épouse, car ce qui en elle est né, vient de l’Esprit Saint » (Mt 1, 20).
Saint Thomas d’Aquin – Le Christ devait-il naître d’une fiancée ?
Les articles de saint Thomas [1] répondent à une question (celle du titre), et commencent par des « objections ». Ensuite, il cite l’Evangile et donne réponse à la question posée. A la fin, il donne des « solutions » aux objections.
Objections :
1. Les fiançailles sont ordonnées à l’acte du mariage. Mais la Mère du Seigneur n’a jamais voulu user du mariage parce qu’elle aurait ainsi dérogé à sa virginité spirituelle.
2. Que le Christ soit né d’une vierge, ce fut un miracle. Aussi S. Augustin écrit-il : » La vertu même de Dieu a fait sortir les membres d’un enfant à travers le sein virginal de sa mère inviolée, comme plus tard elle fera entrer les membres d’un adulte par des portes closes. Si l’on en cherche une raison, la merveille s’évanouit ; si l’on veut y trouver un exemple, ce n’est plus un cas unique. » Mais les miracles ont pour but de confirmer la foi et c’est pourquoi ils doivent être évidents. Donc, puisque les fiançailles auraient obscurci ce miracle, il ne semble pas que le Christ naquit d’une fiancée.
3. D’après S. Jérôme le martyr S. Ignace donne de ces fiançailles le motif suivant : » Pour que son enfantement soit caché au diable, parce que celui-ci le croirait engendré non d’une vierge mais d’une épouse. » Mais ce motif semble sans aucune valeur. D’abord parce que le diable connaît, grâce à sa perspicacité, tout ce qui concerne les corps. En outre, les démons ont plus tard quelque peu connu le Christ par de nombreux signes évidents. On lit ainsi (Mc 1,23) » Un homme possédé de l’esprit impur s’écria « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Es-tu venu avant le temps pour nous perdre ? je sais qui tu es : le Saint de Dieu. » » Il ne parait donc pas que la Mère de Dieu ait été fiancée.
4. S. Jérôme indique un autre motif : » Pour qu’elle ne soit pas lapidée par les juifs comme adultère. » Mais ce motif paraît sans valeur, car si elle n’avait pas été fiancée, elle n’aurait pas pu être condamnée pour adultère. Ainsi ne paraît-il pas rationnel que le Christ naquît d’une vierge fiancée. (Somme Théologique, III Qu.29 a.1)
En sens contraire, on lit chez S. Matthieu (Mt 1,18): « Marie, la mère de Jésus, était fiancée à Joseph. » Et chez S. Luc (Lc 1,26): « L’ange Gabriel fut envoyé à Marie, une vierge fiancée à un homme appelé Joseph. »
Réponse : Il convenait que la vierge dont le Christ devait naître fût fiancée, à cause du Christ lui-même, à cause de sa mère et à cause de nous.
A cause du Christ
- Afin qu’il ne soit pas rejeté par les infidèles comme un enfant illégitime. « Qu’aurait-on pu reprocher aux Juifs et à Hérode, demande S. Ambroise s’ils avaient persécuté un enfant apparemment né de l’adultère ? »
- Afin que l’on pût dresser la généalogie du Christ, selon l’usage, en ligne masculine. Ce qui fait dire à S. Ambroise : « Celui qui est venu dans le monde est décrit à la manière du monde. On recherche l’homme à qui doivent échoir, au Sénat ou dans les autres assemblées, les honneurs dus à une famille. C’est le même usage qu’attestent les Écritures, en recherchant toujours l’origine d’un homme. »
- Afin de protéger le nouveau-né contre les attaques que le diable aurait lancées contre lui avec plus de violence. Et c’est pourquoi S. Ignace soutient qu’elle fut fiancée « afin que son enfantement fût caché au diable ».
En outre, cela convenait à l’égard de la Vierge elle-même.
- 1 Elle échappait ainsi au châtiment « afin de ne pas être lapidée par les juifs comme adultère » selon S. Jérôme.
- 2 Elle était ainsi protégée contre le déshonneur, ce qui fait dire à S. Ambroise : « Elle a été fiancée pour soustraire au stigmate infamant d’une virginité perdue celle dont la grossesse aurait semblé faire éclater la déchéance. »
- 3 « Pour montrer l’aide que lui apporta S. Joseph », dit S. Jérôme.
Cela convenait aussi en ce qui nous concerne.
- 1 Parce que le témoignage de Joseph atteste que le Christ est né d’une vierge, comme le remarque S. Ambroise : « Personne ne témoigne avec plus d’autorité de la pudeur d’une femme que son mari qui pourrait ressentir l’injure et venger l’affront s’il n’avait reconnu là un mystère. »
- 2 Parce que les propres paroles de la Vierge affirmant sa virginité en reçoivent plus de crédit. S. Ambroise le dit aussi : « Cela donne plus de poids aux paroles de Marie et enlève tout motif de mensonge. Car une vierge qui aurait été enceinte sans être mariée aurait voulu voiler sa faute par un mensonge. Fiancée, elle n’avait aucune raison de mentir puisque, pour les femmes, la fécondité est la récompense du mariage et le bienfait des noces. » Ces deux motifs viennent confirmer notre foi.
- 3 Pour enlever toute excuse aux vierges qui, par leur imprudence, n’évitent pas le déshonneur. Ce que dit encore S. Ambroise : « Il ne convenait pas de laisser aux vierges dont la conduite a mauvaise réputation le prétexte et l’excuse de voir diffamée jusqu’à la Mère du Seigneur. »
- 4 Parce qu’il y avait là un symbole de toute l’Église qui, » bien que vierge, a été fiancée à un unique époux, le Christ « , dit S. Augustin.
- On peut encore ajouter une cinquième raison à ce que la Mère du Seigneur fût une vierge fiancée : en sa personne sont honorés et la virginité et le mariage, contre les hérétiques qui rabaissent l’un ou l’autre.
Solutions [des objections] :
1. Il faut croire que la Bienheureuse Vierge Mère de Dieu a voulu se fiancer par une impulsion secrète du Saint-Esprit. Comptant sur le secours divin pour n’avoir jamais à s’unir charnellement, elle a cependant remis cela à la décision divine, si bien que sa virginité n’a subi aucune atteinte.
2. Comme dit S. Ambroise, « le Seigneur a préféré laisser certains mettre en doute son origine plutôt que la pureté de sa mère. Il savait combien est délicate la pudeur d’une vierge et fragile son renom de pureté, et il n’a pas jugé devoir établir la vérité de son origine en faisant mal juger sa mère ». Il faut pourtant savoir que parmi les miracles de Dieu, certains sont de foi comme celui de l’enfantement virginal et celui de la résurrection du Seigneur, et aussi celui du sacrement de l’autel. Et c’est pourquoi le Seigneur a voulu qu’ils soient plus cachés afin qu’on ait plus de mérite à y croire. Mais certains miracles ont pour but de confirmer la foi, et ceux-là doivent être manifestes.
3. Comme dit S. Augustin, le diable a par nature une grande puissance, mais celle-ci est empêchée par la puissance divine. Et ainsi peut-on dire que si, par la puissance de sa nature, le diable pouvait savoir que la Mère de Dieu n’avait pas été souillée mais était demeurée vierge, Dieu l’empêchait de connaître le mode de l’enfantement divin. Que par la suite le diable ait pu découvrir que Jésus était le Fils de Dieu, cela ne s’y oppose pas, parce qu’il était temps alors pour le Christ de montrer sa puissance contre le diable et de subir la persécution soulevée par celui-ci. Aussi S. Léon dit-il : « Les mages trouvèrent Jésus petit comme un enfant, ayant besoin de l’aide d’autrui, incapable de parler, bref ne différant en rien de tous les autres enfants des hommes. » Cependant S. Ambroise semble appliquer cela plutôt aux membres du diable. En effet, après avoir donné ce motif : de tromper le prince de ce monde, il ajoute : « Mais il a plus encore trompé les princes de ce monde. Car la nature des démons parvient à pénétrer même les choses cachées, mais ceux qui sont absorbés par les vanités de ce monde ne peuvent connaître les réalités divines. »
4. Selon la loi, le châtiment des adultères, c’est-à-dire la lapidation était infligée non seulement à la femme déjà fiancée ou mariée, mais encore à la vierge gardée dans la maison paternelle en attendant le mariage. Aussi est-il écrit (Dt 22,20): « Si une jeune fille n’a pas été trouvé vierge, elle sera lapidée par les gens de la cité et elle mourra, parce qu’elle a commis une infamie en Israël, en se prostituant dans la maison de son père. » Ou bien l’on peut dire que la Bienheureuse Vierge était de la race d’Aaron, d’ou sa parenté avec Élisabeth notée par Luc (Lc 1,36). Or la vierge de race sacerdotale, quand elle se déshonorait, était mise à mort selon le Lévitique (Lv 21,9): « Si la fille d’un prêtre est surprise à se prostituer et déshonore le nom de son père, elle sera brûlée. » Certains rattachent la parole de S. Jérôme à cette lapidation pour déshonneur.
Joseph : un maître pour l’oraison – Ste Thérèse d’Avila [2]
Je pris pour avocat et maître le glorieux saint Joseph et je me recommandai beaucoup à lui.
De cette détresse comme d’autres plus graves, où l’honneur et l’âme étaient en danger, je vis clairement mon père et Seigneur me tirer avec plus de profit que je ne savais lui en demander. Je n’ai pas souvenir, jusqu’à ce jour, de l’avoir jamais supplié de m’accorder quelque chose qu’il m’ait refusé. (Sainte Thérèse d’Avila, autobiographie VI, 6.)
Les grandes faveurs que Dieu m’a faites par l’intermédiaire de ce bienheureux saint sont chose stupéfiante, ainsi que les périls dont il m’a sauvegardée, corps et âme : il semblerait que le Seigneur a donné à d’autres saints le pouvoir de nous secourir dans certains cas, mais l’expérience m’a prouvé que ce glorieux saint nous secourt en toutes circonstances ; le Seigneur veut ainsi nous faire entendre que de même qu’Il fut soumis sur terre à celui qu’on appelait son père, qui était son père nourricier, et qui à ce titre pouvait lui commander, il fait encore au ciel tout ce qu’il lui demande. D’autres personnes à qui j’ai conseillé de se recommander à lui ont fait, elles aussi, la même expérience ; et encore aujourd’hui nombreux sont ceux dont la ferveur à son égard est renouvelée par l’expérience de cette vérité. (Sainte Thérèse d’Avila, autobiographie VI, 6.)
Joseph : un maître pour progresser dans la vertu et l’oraison.
Jamais je n’ai connu quelqu’un qui ait pour lui une sincère dévotion et le serve tout particulièrement sans mieux progresser dans la vertu […]
Depuis plusieurs années, ce me semble, que je lui demande quelque chose le jour de sa fête, il m’a toujours exaucée ; lorsque ma demande n’est pas tout à fait juste, il la redresse, pour mon plus grand bien. […]
Les personnes d’oraison, en particulier, devraient toujours s’attacher à lui ; car je ne sais comment on peut penser à la Reine des Anges au temps qu’elle vécut auprès de l’enfant Jésus, sans remercier saint Joseph de les avoir si efficacement aidés. Que ceux qui ne trouveraient pas de maître pour leur enseigner l’oraison prennent pour maître ce glorieux saint, et ils ne s’égareront pas en chemin. [3]
[1]
Saint Joseph et saint Jean de la Croix
Le couvent de Los Martires est situé près de Alhambra, dont il est séparé par une petite gorge. Jean de la Croix y est nommé prieur dans les années 1582–1585.
Une « apparition » de saint Joseph :
Un jour, Jean ne peut pas se rendre confesser les déchaussées et il envoie le père Pierre et le père Evangéliste. En chemin, « un homme vint à leur rencontre. Il est de bonne taille, de teint clair et rose et il a les cheveux blancs. Il paraît âgé de 50 ans. Il porte un habit noir et son aspect est vénérable. Il les séparent et se mettant au milieu d’eux, il leur demande d’où ils viennent.
- « des religieuses déchaussées », répond le père Pierre.
L’homme mystérieux répond :
- « Vos révérences ont raison de s’occuper d’elles, car dans cet ordre on plait beaucoup à notre Seigneur. Sa Majesté l’estime beaucoup et cela ira en augmentant. » Il leur demande à nouveau : « Pères, pour quelle raison a‑t-on dans votre ordre une si grande dévotion à saint Joseph ? »
- « Notre sainte Mère de Jésus, répond le père Pierre, lui était très dévote, parce qu’elle avait obtenu du Seigneur bien des choses. Pour cette raison, elle a placé les maisons qu’elle a fondées sous le titre de saint Joseph. »
- « Et il y a une autre faveur, réplique le personnage. Regardez mon visage et ayez une grande dévotion pour ce saint ; il n’y aura chose que vous lui demandiez sans l’obtenir. »
Les déchaussés ne le voient plus. Ils racontent au prieur ce qui leur est arrivé. Frère Jean de la Croix ne montre aucun étonnement et leur dit :
« Taisez-vous, vous ne l’avez pas reconnu. Sachez que c’était saint Joseph. Vous deviez vous agenouiller devant le saint. Il ne vous est pas apparu pour vous mais pour moi. Je ne lui étais pas aussi dévot que j’aurais dû, mais je le serai dorénavant. »
Paternité de Joseph et paternité de saint Jean de la Croix : [La présence de saint Joseph se manifeste à travers les dons providentiels à la bonne heure quand la table est vide et que l’intendant veut aller mendier… saint Joseph a certainement influencé la manière dont saint Jean de la croix exerçait son rôle de prieur et père spirituel, lui suggérant la miséricorde dans la justice, la confiance dans les autres, la discrétion et le respect, la bonté et la patience, l’attention aux peines des autres. Ces petits récits en témoignent : ]
Jean de la Croix reprenait les fautes des frères, et parfois donnait une pénitence, qui consistait à cette époque en la discipline des verges. Quand le pénitent se met à genoux devant lui pour baiser son scapulaire, et lui demander la bénédiction, il lui met les bras autour du cou l’aide à se relever et lui dit d’une voix douce : « Que Dieu vous pardonne ! Pourquoi ne faites-vous pas attention ? »
Jean de la Croix ne contrôle pas tous les actes de ses sujets, il ne s’immisce pas dans les charges qu’il a confiées à chacun et ne va pas espionner dans les dépendances.
Il arrive qu’un sujet se rebelle et se mette en colère en répondant au prieur qu’il est un ignorant. Frère Jean de la Croix ôte humblement son capuchon, se prosterne, met la bouche par terre et reste ainsi jusqu’à ce que le jeune exalté cesse de parler. Puis Jean de la Croix se relève et baise son scapulaire en disant : « que se soit pour l’amour de Dieu. » Alors le religieux est confus et repentant.
Augustin, un frère convers était de mauvaise santé, et il avait tellement peur de ne pas être accepté dans la communauté. Le prieur Jean de la croix accélère les choses : « recevons la profession de frère Augustin ! »
[1] Extraits de : Crisogono de Gesù, Jean de la Croix, sa vie, Cerf, Paris 1982, p. 235–245 ; Synthèse F. Breynaert.
Joseph, bienheureux amour virginal ! – Bossuet (1627–1704)
« Vous voyez la dignité de Marie, en ce que sa virginité bienheureuse a été choisie dès l’éternité pour donner Jésus-Christ au monde ; et vous voyez la dignité de Joseph, en ce que cette pureté de Marie, qui a été si utile à notre nature, a été confiée à ses soins et que c’est lui qui conserve au monde une chose si nécessaire. O Joseph […] Votre pureté est devenue en quelque sorte nécessaire au monde, par la charge glorieuse qui lui est donnée de garder celle de Marie. »
J. – B. Bossuet, Sermons sur saint Joseph, DMM, Bouère, 1997, p. 17
« Toute la fidélité de ce mariage consiste à garder la virginité. Voilà les promesses qui les assemblent, voilà le traité qui les lie. »
J. – B. Bossuet, Sermons sur saint Joseph, DMM, Bouère, 1997, p. 19
« Qui pourrait vous dire quel devait être l’amour conjugal de ces bienheureux mariés ? Car ô sainte virginité, vos flammes sont d’autant plus fortes qu’elles sont plus pures et plus dégagées ; et le feu de la convoitise, qui est allumé dans nos corps, ne peut jamais égaler l’ardeur des chastes embrassements des esprits que l’amour de la pureté lie ensemble. »
J. – B. Bossuet, Sermons sur saint Joseph, DMM, Bouère, 1997, p. 19–20
St Joseph, trésor de diplomatie – Bienheureuse Maria Repetto (1807–1890)
La bienheureuse Maria Repetto (1807–1890), religieuse responsable de la porterie dans l’ordre des Brignolines, invoquait saint Joseph.
Il est facile d’ouvrir une porte, mais difficile d’être bonne portière dans une maison religieuse, car il s’agit de jouer le rôle d’intermédiaire entre la vie du couvent et celle du monde extérieur. La portière veille à ne rien laisser passer d’inconvenant à l’intérieur. En revanche, elle apporte aux gens du dehors réconfort et secours spirituels. Il lui est donc nécessaire d’user de diplomatie, et soeur Maria recourt à saint Joseph comme au patron des diplomates. […]
À sa manière, soeur Maria Repetto imite l’exemple de saint Joseph. Elle reçoit les gens avec bonne grâce et affabilité, ne laissant jamais quelqu’un partir sans une bonne parole, un conseil ou une recommandation spirituelle. Elle se montre d’une grande simplicité, avenante mais réservée dans ses paroles. Une sorte d’attrait émane de son maintien qui invite à la confiance et au respect.
Tout angélique que soit sa patience, elle ne lui est pourtant pas naturelle. Elle-même répète : « Il faut aller à contre-courant », grâce à la prière et au sacrifice. En dépit des impolitesses, des orages et des peines, elle s’applique à conserver le sourire. Tous les jours, ce sont dix ou vingt personnes qui sonnent, mais la dernière la trouve aussi aimable que la première.
St Joseph, le plus grand saint – Garrigou Lagrange (1877–1964)
Prééminence de saint Joseph sur tout autre saint. Saint Joseph, plus grand des saints, une doctrine commune :
La doctrine selon laquelle saint Joseph, après Marie, a été et est toujours plus uni à Notre-Seigneur que tout autre saint tend à devenir de plus en plus une doctrine communément reçue dans l’Église. Elle ne craint pas de déclarer l’humble charpentier supérieur en grâce et en béatitude aux Patriarches, à Moïse, le plus grand des prophètes, à saint Jean-Baptiste, et aussi aux Apôtres, à saint Pierre, à saint Jean, à saint Paul, à plus forte raison supérieur en sainteté aux plus grands martyrs et aux plus grands docteurs de l’Église.
Cette doctrine a été enseignée par Gerson, par saint Bernardin de Sienne. Elle devient de plus en plus courante à partir du XVIe siècle : elle est admise par sainte Thérèse, par saint François de Sales, par Suarez, plus tard par saint Alphonse de Liguori et beaucoup d’autres.
L’union conjugale s’accompagne de la communication des biens entre Marie et Joseph :
Enfin S. S. Léon XIII, dans l’encyclique Quanmquam pluries, a écrit : « Certes, la dignité de Mère de Dieu est si haute qu’il ne peut être créé rien au-dessus. Mais comme Joseph a été uni à la bienheureuse Vierge par le lien conjugal, il n’est pas douteux qu’il ait approché, plus que personne, de cette dignité suréminente par laquelle la Mère de Dieu surpasse de si haut toutes les autres créatures. L’union conjugale est en effet la plus grande de toutes ; à raison de sa nature même, elle s’accompagne de la communication réciproque des biens des deux époux. Si donc Dieu a donné à la Vierge Joseph comme époux, bien certainement il ne le lui a pas seulement donné comme soutien dans la vie, comme témoin de sa virginité, gardien de son honneur, mais il l’a fait aussi participer par le lien conjugal à l’éminente dignité qu’elle avait reçue. »
Une mission exceptionnelle requiert une sainteté exceptionnelle :
Le principe général par lequel la théologie, expliquant la révélation, montre quelle devait être, dès ici-bas, la plénitude de grâce créée en la sainte âme du Sauveur, quelle devait être la sainteté de Marie et aussi la foi des Apôtres, repose sur la mission divine exceptionnelle qu’ils avaient reçue, mission qui demandait une sainteté proportionnée. Il y a quelque chose de semblable pour saint Joseph.
On saisit mieux la vérité et l’importance de ce principe révélé et de soi évident, en considérant par contraste ce qui arrive trop souvent dans la direction des choses humaines. Il n’est pas rare que des incapables et des imprévoyants y occupent de très hautes fonctions, au grand détriment de ceux qu’ils gouvernent. Mais enfin le désordre est le désordre, l’insuffisance est l’insuffisance, et il ne saurait se trouver rien de pareil en ceux qui sont immédiatement choisis par Dieu lui-même, et préparés directement par lui, pour être ses ministres exceptionnels dans l’œuvre de la rédemption.
Extraits de : Garrigou- Lagrange, La Vie Spirituelle, t.19, pp. 662–683
Sainte Thérèse de Lisieux et Saint Joseph, Père et protecteur des Vierges
Dans le Manuscrit A, ( Ms A 57v°), sainte Thérèse nous parle de sa dévotion à Saint Joseph, toute liée à celle qu’elle porte à la Vierge Marie. Thérèse est en route pour l’Italie. La première étape de ce voyage est Paris et Notre Dame des Victoires.
« Je suppliai encore Notre Dame des Victoires d’éloigner de moi tout ce qui aurait pu ternir ma pureté, je n’ignorai pas qu’en un voyage comme celui d’Italie, il se rencontrerait bien des choses capables de me troubler, surtout parce que je ne connaissais pas le mal je craignais de le découvrir, n’ayant pas expérimenté que tout est pur pour les purs et que l’âme simple et droite ne voit de mal à rien, puisqu’en effet le mal n’existe que dans les cœurs impurs et non dans les objets insensibles…Je priai aussi Saint Joseph de veiller sur moi ; depuis mon enfance, j’avais pour lui une dévotion qui se confondait avec mon amour pour la Sainte Vierge. Chaque jour, je récitais la prière : « Ô St Joseph père et protecteur des Vierges », aussi ce fut sans crainte que j’entrepris mon lointain voyage, j’étais si bien protégée qu’il me semblait impossible d’avoir peur. »
Sainte Thérèse de Lisieux, Histoire d’une âme, chapitre III, Ms A, 56v° ‑57r°