Après Marie, saint Joseph est incontestablement le plus grand saint du ciel. Saint Grégoire de Nazianze écrivait de lui : « Le Seigneur a réuni en Joseph, comme dans un soleil, tout ce que les saints ont ensemble de lumière et de splendeur ». Nul doute que saint Joseph a reçu toutes les grâces nécessaires pour exercer cette paternité unique qui constitue sa mission particulière. Aussi sommes-nous en droit de penser qu’il fut parmi les fils des hommes et bien sûr après le Christ, celui en qui le Père s’est le mieux reflété.
Tout au long de l’histoire de l’Eglise, de saint Irénée, saint Ephrem, saint Basile à saint François de Sales, sainte Thérèse d’Avila, saint Vincent de Paul, en passant par saint Augustin, saint Bernard et tant d’autres, que d’inspiration puisée auprès de l’humble charpentier devenu l’ombre du Père en vertu de sa mission dans le mystère de l’Incarnation.
Saint Irénée (†203) […] voit saint Joseph dans sa haute fonction paternelle d’éducateur de Jésus, un service accompli avec joie. (Adversus haereses, IV : 23,1 : PL 13, 1832)
Origène († 255?) : exalte la mission singulière de saint Joseph, choisi pour être « l’ordonnateur de la naissance du Seigneur » (Hom. XIII in Lucam, 7 : PL 13,1832).
Saint Ephrem († 373) définit saint Joseph comme « ministre de cette économie divine (= de l’Incarnation », (Commentaire en Diatessaron, l, 26).
Joseph, homme juste (St Ephrem † 373) :
« Joseph, parce qu’il était un homme juste, ne voulut pas dénoncer publiquement Marie (Mt 1,19), Oui, mais sa justice est en contradiction flagrante avec la loi. Ta main, dit Moїse, sera la première à la lapider (Dt 22,24 ; 17,7).
Or Joseph avait compris que cette conception était unique, qu’elle était un événement étranger aux lois ordinaires de la vie et aux conceptions qui sont le fruit du mariage. Tous ces signes l’amenèrent à reconnaître que la chose venait de Dieu. Jamais, ni nulle part, il n’avait surpris en elle un dessein impudique.
De plus, il lui était impossible de ne pas croire Marie, car il y avait tant d’arguments en sa faveur : le mutisme de Zacharie, la conception d’Élisabeth, l’annonce de l’ange, l’allégresse de Jean et la prophétie de ses pères ; toutes ces choses, et bien d’autres, annonçaient à haute voix la conception d’une vierge.
C’est pourquoi, dans sa justice, il pensa la renvoyer en secret.
S’il avait su que cette conception ne venait pas de l’Esprit, il eut été déloyal de sa part de ne pas la dénoncer publiquement.
Il comprit que c’était là une œuvre admirable de Dieu ; cependant, comme c’était inadmissible pour d’autres, il pensa en lui-même que ce renvoi était justice.
En outre, selon sa pensée, il pouvait y avoir danger que cette œuvre ne souffrit quelque tache, s’ils cohabitaient.
Mais il pensa surtout à la renvoyer, afin de ne pas commettre de péché en se laissant appeler le père du divin enfant. Il craignit d’habiter avec elle, de peur de déshonorer le nom du fils de la vierge. C’est pourquoi l’ange lui dit : Ne crains pas de prendre chez toi Marie (Mt 1,20). Et l’évangéliste écrit encore : Il vivait avec elle dans la sainteté (Mt 1,25). » [1]
« La sainteté qu’ils gardèrent après la naissance de Notre-Seigneur relevait de leur propre liberté. » [2]
Joseph et le poids des calomnies (St Ephrem † 373)
« Elle fut confiée à un homme digne qui, la voyant enceinte, garderait celle qui était sur le point de donner naissance et ne la chasserait pas de sa maison, mais demeurerait avec elle ; partageant en compagnon le poids des calomnies, il témoignait en sa faveur, aux yeux de tous, que celui qui était né n’était pas le fruit d’un adultère, mais qu’il avait été conçu par la motion de l’Esprit. » [3]
Joseph et le poids des calomnies (St Ephrem † 373)
« Elle fut confiée à un homme digne qui, la voyant enceinte, garderait celle qui était sur le point de donner naissance et ne la chasserait pas de sa maison, mais demeurerait avec elle ; partageant en compagnon le poids des calomnies, il témoignait en sa faveur, aux yeux de tous, que celui qui était né n’était pas le fruit d’un adultère, mais qu’il avait été conçu par la motion de l’Esprit. »
Saint Ambroise († 397) considère l’union singulière de Marie et Joseph comme un vrai mariage sur la base du droit romain pour lequel « ce qui constitue le mariage n’est pas la perte de la virginité mais le pacte conjugal » (De institutione virginia, 6, 41 : PL 16,316).
Saint Ambroise (339–397) contemple le lien entre Joseph et Marie, son épouse restée vierge : « Joseph, voyant la grossesse de celle qu’il n’avait pas connue, s’apprêtait à la congédier […].
S’il y avait eu union, jamais à coup sur elle n’eut quitté son époux, et cet homme juste n’aurait pas souffert qu’elle s’éloignât […].
Ne soyez pas ému si l’Ecriture l’appelle souvent épouse : elle n’exprime pas la perte de sa virginité, mais témoigne des épousailles et de la célébration des noces […].
Il ne faut pas davantage s’émouvoir des paroles de l’évangéliste : Il n’eut pas de rapports avec elle jusqu’à ce qu’elle mit au monde un fils (Mt, 1,25). Ou bien c’est là une locution scripturaire que vous rencontrez ailleurs : « Jusqu’à votre vieillesse, Je SUIS » (Is 46,4) ; est-ce qu’après leur vieillesse Dieu a cessé d’être ? Certes, en nous apprenant que Joseph était juste, on indique suffisamment qu’il n’a pu profaner le Temple de l’Esprit Saint, la Mère du Seigneur, le sein consacré par le mystère. » [4]
Et ce mystère nous concerne, nous tous qui sommes aujourd’hui ceux que Marie visite : la Vierge Marie « reçut une grâce si grande, que nous seulement elle garda elle-même la virginité, mais put la communiquer à ceux qu’elle visitait »[5]
Saint Jean Chrysostome († 407) affirme que saint Joseph, quand il accueillit Marie son épouse, « devint le ministre de toute l’économie du mystère » (En Matthaeum, 5,3 : PG 57, 57–58).
Saint Jérôme, († 419–420) […] soutient que « celui qui resta vierge mérita d’être appelé père du Seigneur » (Adversus Helvidium 19 : PL 23,213).
La virginité de Joseph (Saint Jérôme) : « Joseph, suivant l’exemple de Marie, a vécu vierge lui aussi, pour que le fils virginal fût engendré par un mariage virginal.
Autrement dit, si un homme saint ne peut être suspect d’un rapport extra-matrimonial, et si il n’est pas écrit qu’il ait eu une autre femme,
si finalement il a été pour Marie, qui dans l’opinion des gens était considérée son épouse, plus un protecteur qu’un conjoint, alors il ne reste plus qu’à conclure que celui qu’on appelait le père du Seigneur ait vécu virginalement avec Marie. » [6]
Augustin († 430) se distingue par la force et la clarté avec lesquelles il défend et commente la virginité de saint Joseph, son vrai mariage avec Marie et sa paternité singulière envers Jésus. Voici quelques expressions significatives : « Joseph est époux de Marie, son conjoint non pas par l’étreinte charnelle, mais pour l’affection […] ; non par l’union des corps, mais – ce qui vaut davantage – par la communion des âmes. »[7] « Comme Marie était mariée chastement, Joseph était un mari chastement ; et comme Marie était mère chastement, Joseph était père chastement […] Pourquoi père ? Parce qu’il est d’autant plus vrai père, qu’il est plus chaste. Le Seigneur ne vient donc pas de la semence de Joseph, même s’il certains le pensaient ; mais, grâce à la bienveillance et à la charité de Joseph il est né de la Vierge Marie un fils, qui est le Fils de Dieu. »[8]) « Au motif de ce mariage fidèle ils méritèrent tous les deux d’être appelé parents du Christ ; et non seulement elle, la mère, mais lui aussi, son père, de la même façon qu’il était le conjoint de sa mère, père et conjoint selon l’esprit, non selon la chair. »[9]
Saint Pierre Crisologue († 450) considère le couple Marie Joseph comme préfiguré par les couples dont l’ancien Testament fait l’éloge et comme une annonce éminente, du couple mystique du Christ et de l’Église[10] ; saint Joseph, époux de Marie est aussi la figure de l’Évêque, époux d’une église vierge et féconde[11] .
Les évangélistes appellent Joseph simplement « père ».
Une paternité en termes de bienveillance et de charité : accueillir et élever l’enfant
Saint Thomas enseigne que la paternité humaine, ayant comme terme la perfection de l’homme, se compose de trois éléments : la génération, l’accueil et l’éducation… Les enfants ne sont pas appelés le bien du mariage seulement quand ils y sont engendrés, mais aussi quand ils y sont accueillis et élevés.[12]
Saint Augustin réfléchissait déjà aux exigences d’une paternité vraiment à « mesure d’homme », en proposant l’accueil et l’éducation avec les termes équivalents de bienveillance et de charité. Étant donné, en effet, que les généalogies de Matthieu et de Luc passent toutes les deux par Joseph, il se demande : « pourquoi ? Pourquoi père ? Pourquoi père ? Parce qu’il est d’autant plus vrai père, qu’il est plus chaste. Le Seigneur ne vient donc pas de la semence de Joseph, même s’il certains le pensaient ; mais, grâce à la bienveillance et à la charité de Joseph il est né de la Vierge Marie un fils, qui est le Fils de Dieu »[13].
L’Esprit Saint qui agit en Marie, agit aussi pour que Joseph soit père : à ceux qui voudraient séparer Joseph de Marie, saint Augustin fait répond en faisant intervenir Joseph : « Pourquoi me séparez-vous ? N’est-ce pas à travers moi que les générations montent et descendent ? Si on lui disait : « Parce que tu n’as pas engendré dans ta chair », il répondrait : « Peut-être a‑t-elle donné la vie par sa chair ? » Ce que l’Esprit Saint a opéré, il l’a opéré pour tous les deux. Ceci étant, il dit homme juste. Juste donc le mari, juste la femme. En accomplissant la justice pour les deux, l’Esprit Saint donna un fils à tous les deux. Mais en agissant dans le sexe qui devait accoucher, il agit de manière qu’il naquît aussi pour le mari. Et ainsi l’ange dit aux deux d’imposer le nom à l’enfant, en déclarant l’autorité des parents » »[14].
L’Esprit Saint qui a honoré Joseph du nom de père ne pouvait certainement pas ne pas l’orner d’une façon éminente de ces qualités, l’amour et le don, nécessaires à constituer sa paternité singulière et élevée ; d’autre part, l’amour et le don ont dû briller en saint Joseph de manière à révéler leur source divine, l’Esprit Saint justement.
Ces considérations n’épuisent pas le thème de la paternité de saint Joseph, mais sont une indication suffisante pour faire comprendre comme l’intervention de l’Esprit Saint dans la conception de Jésus n’a pas exclu la part de Joseph, n’a pas vidé sa paternité.
- Saint Ephrem, Diatessaron II,4–5, Sources chrétiennes 121 par L.LELOIR, Cerf, Paris, 1966, p.68[↩]
- Saint Ephrem, Diatessaron II,10, Sources chrétiennes 121 par L.LELOIR, Cerf, Paris, 1966, p.71[↩]
- Saint Ephrem Diatessaron II,1,[↩]
- St AMBROISE Homélie sur Luc, II, 5–6, dans Sources chrétiennes 45, Cerf, Paris, 1956, p.73[↩]
- St AMBROISE, Epist. Classis I, Ep. 49, 2 ; P.L. 16, 1154.[↩]
- Saint Jérôme, Discours 225, 2[↩]
- Contra Faustum, 23, 8 : PL 42,470 ; cf Contra Iulianum 5, 12 : PL 44, 810[↩]
- Sermo 51, 20,30 : PL 38,351 ; cf De consensu Evang, 2,1 : PL 34, 1071,5.[↩]
- De nuptiis et concupiscentia, l, 11, 12 : PL 44, 421[↩]
- Sermo 146 : PL 52,592[↩]
- Sermo 175 : PL 52,657–8[↩]
- IV Sent., d. 30, q. 2, a. 2 ad 4.[↩]
- Sermo 51, 20,30 : PL 38,351[↩]
- Sermo 51, 20,30 : PL 38, 350[↩]