Sermon de l’abbé Yves le Roux,
Recteur du séminaire de Winona – USA
« Je ne vous promets pas d’être heureuse en ce monde ».
Au Nom du Père, et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.
Mes Seigneurs, Mes bien chers confrères, Mes révérendes sœurs, Mes bien chers Frères,
Cent cinquante ans se sont écoulés. Pas un n’a terni l’éternelle jeunesse de Notre Dame de Lourdes. Et Son message n’a rien perdu de son acuité. Il est même d’une brûlante actualité en notre temps où règne une morne jouissance. Quelle est la raison de cette éternelle jeunesse de Notre Dame de Lourdes, sinon comme Elle l’a souligné Elle-même, Son Immaculée Conception ? Et si nous nous penchons quelques instants sur ce mystère ineffable de l’Immaculée Conception, ce mystère de l’Amour de Dieu pour Notre Dame, nous y voyons un double mouvement : une absence, et une présence.
Cette absence, c’est l’absence du péché, bien entendu, qui est la vieillesse de l’âme, et qui est aussi la vieillesse du monde. Et nous le voyons hélas trop souvent sur ces visages d’enfants, les enfants d’aujourd’hui, dont le visage est flétri, marqué, déjà happé par la jouissance. Ils portent trop souvent, malheureusement, des masques d’horreur. Notre Dame en revanche, a cette limpidité du visage, parce que ce visage ne reflète que la limpidité de Son âme. Il n’y a en Notre Dame que limpidité, parce que Notre Dame ne se recherche en rien, Elle ne court pas après quelque prébende. Aussi ne connaît-Elle aucune tristesse et Son âme est toujours dans la Joie et Son visage reflète cette Joie. Mais plus qu’une absence, l’Immaculée Conception est une présence, essentiellement une présence.
Présence de Dieu dans l’âme de la Très Sainte Vierge Marie. Notre Dame est consacrée à Dieu. Elle ne S’appartient plus. Elle aime sans ombre. Elle est donnée. Elle est donc sacrifiée. Et sacrifiée, Elle connaît ce bonheur de l’âme qui ne vit plus que pour Dieu, qui est débarrassée d’elle-même, qui est orientée, qui est dirigée vers Dieu. Son âme est le miroir de l’Amour Divin qui peut s’y refléter sans ombre. Aussi, forte de cette jeunesse de Dieu, de cette jeunesse de la Vérité, Notre Dame s’adresse à Sainte Bernadette. Et parce que le principe même de Sa jeunesse est Dieu, et que Sa jeunesse est éternelle, se jouant du temps, Notre Dame s’adresse à chacune de nos âmes.
« Je ne vous promets pas d’être heureux en ce monde »
Et nos âmes, nos âmes suffoquant dans un air ambiant où la jouissance règne, nos âmes ont besoin d’entendre ces paroles d’Espérance. Et non seulement de les entendre, mais de les pénétrer, de les comprendre pour participer à l’éternelle jeunesse de Notre Dame qui n’est autre que l’éternelle charité de Dieu.
Nous mourons en effet de cette hégémonie de la jouissance. Nos âmes s’étiolent. Et nous sombrons imperceptiblement dans un catholicisme mondain. Nous sommes dans un univers des âmes blasées. De ces âmes qui ne craignent pas de composer avec le monde. Et parce qu’elles composent avec le monde, ces âmes sont en danger de se décomposer. Ce jeu est dangereux. Il n’est que temps de se mettre à l’école de Notre Dame de Lourdes, pour en recevoir des paroles de vie, des paroles d’espérance. Nous ne savons plus, ‑du moins guère plus‑, nous ne savons plus nous enthousiasmer, nous élancer sans calculer, nous donner jusqu’au sacrifice et au sacrifice de nous-mêmes. Nos âmes embourgeoisées ont retiré de la vie catholique ce qui en fait la saveur et l’honneur, à savoir la Croix. Aussi, nous comptons notre peine, nous reluquons les satisfactions et nous refusons avec horreur les sacrifices. Par Ses paroles énergiques, Notre Dame redonne intelligence à la vie catholique. En donnant à la Croix toute Sa place. Et nous trouvons dans Ses paroles le secret de la jeunesse de la Très Sainte Vierge Marie, de la jeunesse de la Vérité. La Croix. Le sacrifice. Le renoncement. Voilà la splendeur de la vie chrétienne. Ne l’édulcorons pas. Sans sacrifice, la vie chrétienne n’est qu’une coquille vide.
Mais revenons à Notre Dame. Elle présente la Croix : « Je ne vous promets pas d’être heureux en ce monde ». Mais de la Croix, et d’Elle seule, jaillit la vie. « Je vous promets d’être heureux dans l’autre vie, dans l’Eternité ». Voilà toute notre Foi. Voilà toute notre vie. La Croix comme source de Vie, comme unique source de Vie. Et nous le chantons dans la Liturgie, dans le Temps de la Passion et à la Fête de l’Exaltation de la Très Sainte Croix : « Ave, Crux, Spes unica ! » : « Salut Ô Croix, Espérance (et non espoir !) unique ! » Et voilà ce que nous devons faire : replacer la Croix au centre de nos vies.
Placer l’esprit de renoncement au centre de nos vies, en faisant chaque jour s’il est possible un acte de sacrifice pour accepter les croix que le Bon Dieu nous donne chaque jour, fort heureusement.
Replacer la Croix, l’esprit de renoncement au centre de nos familles. Particulièrement en donnant à nos enfants une éducation ferme, stricte, et affectueuse. Replacer la Croix, l’esprit de renoncement, au centre de nos épreuves. Et nos malades, qui sont ici présents, nous donnent l’exemple d’une vie de prière et d’offrande. Et Sa Sainteté le Pape Pie XII appelait Notre Dame « le cœur de l’Eglise », et les malades « le poumon de l’Eglise ». Ceux qui en offrant leur souffrance, retrouvent le souffle, la Vie, celle que donne la Croix : la Sainteté des âmes.
Replacer la Croix, cet esprit de renoncement, au centre de la société. Et la Fête de demain, celle du Christ Roi. Le mal est profond dans la société, grugée par l’individualisme.
Replacer la Croix, l’esprit de renoncement, au centre de la vie de l’Eglise, tout d’abord en adhérant pleinement, sans choisir, sans états d’âme, sans rien sacrifier, de suivre la Doctrine Catholique. La Doctrine Catholique est un sacrifice pour l’intelligence. Et nous devons aimer ce sacrifice que Dieu nous demande. Mais, bien entendu, nous voulons replacer la Croix et le Sacrifice au centre de l’Eglise, par la célébration du Saint Sacrifice de la Messe de toujours. Et le prêtre, chaque prêtre, au tout début de la Messe, le dit d’une manière magnifique : cette Messe, ce Sacrifice nous introduit dans la jeunesse de Dieu, dans la Charité de Dieu. « Introibo ad altare Dei » : « Je m’avancerai, j’irai vers l’autel de Dieu » . « Ad Deum qui lætificat juventutem meam » : ce Dieu qui réjouit ma jeunesse, la jeunesse de mon âme, la jeunesse de la Vérité, la jeunesse de la Croix, la jeunesse du renoncement, la jeunesse d’une âme qui ne s’appartient plus, mais qui appartient à Dieu par le sacrifice.
Tel est le sens de notre Pèlerinage : nous remettre à l’école de Notre Dame de Lourdes. Ecole de renoncement. Renoncement personnel : « Si vous ne faites pas pénitence, vous mourrez tous ». Et il est une forme, peut-être la plus belle, de rentrer dans cet esprit de pénitence, qui est de se présenter au Tribunal de la Pénitence et d’accuser bonnement, simplement, largement, nos péchés. Pour recevoir de Dieu cette Miséricorde, dont nous avons tous besoin. Renoncement social. Dans ce monde délétère, il nous revient le devoir d’être apôtre, d’être témoin. Témoin du Christ. Et, selon l’appel de Notre Dame de Lourdes, sous Son auspice, à tenir nos âmes fixées sur les biens éternels, à combattre pour l’Honneur de Dieu.
C’est la grâce que nous demanderons au cours du Saint Sacrifice de la Messe, en répétant les paroles du prêtre que Nous avons citées à l’instant. Et en nous mettant ainsi, à la fois à l’école de la Messe, et à l’école de Notre Dame de Lourdes. Nous acquerrons alors l’esprit chrétien, qui est un esprit de séparation du monde, pour rentrer en amitié avec Dieu. Et nous rentrerons en amitié avec Dieu parce que nous serons les amis de la Croix. Dans les ombres sombres que nous vivons, nous devons êtres ces âmes d’Espérance, tournées vers Dieu, certains de la Victoire.
Le combat que nous menons débouchera sur la Victoire et nous devons en être des instruments.
Et qu’il me soit permis de citer Monsieur de Charrette. Dans son français rugueux, qui souligne davantage ce que Nous voulons exprimer, il nous dit et Nous aimons à le répéter : « Nous sommes la jeunesse de Dieu, Messieurs ».
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.
Abbé Yves le Roux, Recteur du séminaire de Winona (USA)