M. l’abbé Bouchacourt, Supérieur du District d’Amérique du Sud
« Pénitence, pénitence, pénitence !
Priez pour les pécheurs,
allez baiser la terre en pénitence pour les pécheurs ! »
Au nom du Père & du Fils & du Saint Esprit.
Ces quelques mots que la Vierge Marie prononça lors de la 8e apparition le 24 février 1858, résonnent à Lourdes depuis plus de 150 ans et constituent l’essentiel du message que la Mère de Dieu a voulu nous transmettre par l’intermédiaire de Sainte Bernadette, petite bergère de 14 ans qu’elle visita 18 fois. Quelle pénitence, désire-telle que nous fassions ? Quelles dispositions devons-nous avoir ? Comment la pratiquer ? Comment pouvons-nous répondre à cet appel angoissé et insistant de Immaculée Conception ?
Mes frères, on ne peut répondre à toutes ces questions sans contempler quelques instants la Vierge Marie répondant à l’invitation de l’ange Gabriel le jour de l’Annonciation. Alors que celui-ci lui demandait si elle acceptait de devenir la Mère de Dieu, la Vierge Marie lui répondit : « fiat mihi secundum verbum tuum » « qu’il me soit fait selon votre parole ». Par cette réponse, Notre Dame posait un acte héroïque de charité car celle qui allait devenir la Mère de Dieu connaissait parfaitement les Ecritures, et savait ce qu’il adviendrait au Fils de Dieu dont elle allait devenir la Mère. En prononçant son « fiat » elle acceptait donc par anticipation toutes les souffrances, toutes les épreuves qu’il lui faudrait endurer pour correspondre à la volonté de Dieu. Ce « fiat » fut l’acte de charité le plus parfait qu’aucune créature n’a jamais posé et ne posera jamais plus jusqu’à la fin des temps. Elle le fit par amour pour Dieu et par amour pour nous. Dès cet instant commençait sa mission de Corédemptrice.
Mes Frères, Dieu à aussi un plan sur chacun d’entre nous et Il nous demande d’y correspondre. Mais quel est-il donc ce plan ? C’est la sainteté ; « soyez parfait comme votre Père céleste est parfait ». Ces quelques mots résument tout l’Evangile. Un tel idéal ne saurait être atteint sans la grâce que Jésus Christ nous mérita au Calvaire. Et comment correspondre à ce plan de sainteté ? En portant notre croix ! Cette croix que le prêtre traça sur nous 14 fois le jour de notre baptême et qu’il répète chaque fois que nous venons recevoir un sacrement. Cette croix qu’il nous faut porter chaque jour dans la fidélité à notre devoir d’état, dans l’acceptation des épreuves qui peuvent nous toucher en union avec le Christ souffrant portant la sienne.
Mes frères ce langage est abscond et révoltant pour celui qui n’a pas la foi, il est au contraire porteur d’espérance pour nous parce qu’il est l’écho des paroles de notre Seigneur Jésus Christ : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. ». Nous sommes les disciples de Jésus-Christ. C’est en portant la Croix que le Sauveur nous a rachetés, c’est en portant la nôtre que nous coopèrerons à notre salut et à celui des pauvres pécheurs. C’est là notre principale pénitence. C’est celle-ci que Notre Dame est venue nous demander ici à Lourdes.
La croix, mes frères, peut être une cause de salut ou de scandale. Regardez le Calvaire il y en avait trois. Celle de Notre Seigneur Jésus-Christ qui nous sauva, et deux autres. Celle du bon larron qui, parce qu’il accepta d’y être suspendu pour réparer ses péchés, fut l’instrument de son salut et celle du mauvais larron qui fut stérile parce qu’il la refusa. Dieu ne s’impose pas, il veut notre libre coopération.
Cette croix, il est vrai peut être lourde. Nous pouvons ne pas en comprendre le sens. Elle nous écrase peut-être même. Elle prend divers aspects : la maladie, le deuil, des peines ou des combats intérieurs, des soucis familiaux qui nous minent, la perte d’un travail, la perte de la foi chez un ou plusieurs membres de notre famille. Aussi sommes-nous venus à Lourdes demander à Notre Dame de nous guérir de ces épreuves ou de nous aider à les porter en esprit de pénitence comme elle nous l’a demandé.
Mes Frères, pour que notre demande soit agréable à Dieu, il nous faut prononcer au préalable un petit mot qui peut-être bien difficile à formuler mais que le Bon Dieu attend de notre part, ce petit mot, c’est « fiat ». « Cette croix, mon Dieu, je ne la comprends pas, mais je l’accepte, si telle est votre volonté ». Ceci fait, nous pouvons prier avec confiance Notre Dame. Cet acte d’humilité et de confiance, rappelle à Dieu les dispositions de la Vierge Marie le jour de l’Annonciation.
Mes frères, la croix est le stylet que NSJC utilise pour ciseler une âme et l’unir à Lui. Ecoutez ce que disait dom Guillerand, chartreux : « La souffrance est un chemin qui débouche sur le bonheur. En route on ne voit rien que la souffrance ; elle fait ombre de tous côtés. A peine, à travers le mouvement des branches noires qui bordent le chemin, quand un coup de vent les agite ou quand la lumière est très vive, à peine devine-t-on que le grand soleil illumine toutes choses et qu’on le on trouvera au bout du parcours.
Jésus a voulu cela pour Lui et sa mère, et après eux pour tous ceux qui voudront venir à leur suite. Il a voulu le parcours, il a voulu la foi qui soutient en le faisant, il a voulu le terme qui paye l’effort et réconforte dans la route (…)
La souffrance est un vouloir divin : l’âme qui l’accepte avec amour s’unit à ce vouloir, ne fait plus qu’un avec Celui dont le vouloir c’est l’Être ». Voilà pourquoi Dieu veut notre fiat comme préalable à nos prières de demande.
Porter notre croix quotidienne est la principale pénitence que Notre Seigneur nous demande par la voix de sa sainte Mère. La croix est d’autant plus féconde, qu’elle n’est pas choisie et qu’elle est portée par une âme qui aime Dieu. Par elle nous expions, nous réparons nos péchés, nous consolons les saints Cœurs de Jésus et de Marie et nous méritons enfin les grâces que Dieu veut nous donner pour nous même et ceux qui en ont le plus besoin.
Comme le disais le grand Cardinal Pie, « un chrétien qui souffre, c’est Jésus qui souffre encore dans les membres de son corps, et qui achève ainsi son œuvre de rédemption. Aussi dans la balance divine, un martyr pèse plus qu’un héros » Le premier meurt par amour pour Dieu infini, l’autre pour la gloire éphémère. Cet amour de Dieu, allons le recouvrer si nous l’avons perdue, en faisant une bonne confession.
Mes frères, si jusqu’à présent Dieu a paru être sourd à nos prières, demandons nous si ce n’est parce que nous n’avons pas encore prononcé ce petit mot si difficile : « fiat » Une croix se porte ! Sans ce « fiat » nous la trainons en faisant du bruit par nos plaintes. Elle est alors stérile.
Le silence de Dieu peut s’expliquer aussi d’une autre façon. C’est le grand Bossuet qui nous le dit : « Lorsque Dieu veut qu’une œuvre soit toute de sa main, il réduit tout à l’impuissance et au néant, puis il agit ». C’est sûrement pour cette raison que Dieu se tait aujourd’hui alors que nous le supplions de sauver la Chrétienté en péril. Il veut que nous portions avec constance nos croix, chacun à notre poste. Il voit dans cette fidélité, l’image de son Fils gravissant le Golgotha et alors comme aux temps de la Passion, alors que tout semblait perdu et désespéré, sa toute puissance se manifestera de façon éclatante comme au jour de Pâques. Dans la vie du chrétien, le Golgotha est un point de passage obligé pour parvenir à la béatitude du Ciel.
Rappelez-vous ces paroles de la Vierge Marie à Sainte Bernadette lors de la 3ème apparition le 18 février : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre » Ces paroles l’aidèrent à porter les nombreuses croix qui l’accablèrent durant sa courte vie. Ces paroles s’adressent aussi à nous. Les âmes, le Ciel se conquièrent et ils coûtent chers ! Mais quelle récompense dans l’éternité ! Le prix à payer : c’est la croix, les croix de chaque jour.
Certes les épreuves peuvent nous faire chuter, nous blesser même gravement. Courage ! Avec la grâce de Dieu relevons-nous comme le fit le Christ durant sa Passion et repartons à la conquête de notre âme et des âmes. Ecoutons ces paroles pleines d’espérance de saint Jean Chrysosthome : « Tant qu’un soldat reste dans la mêlée, même s’il est blessé ou recule un peu, personne n’est assez dur ou assez ignorant des choses de la guerre pour lui en faire un grand crime. Ceux-là seuls ne sont jamais blessés qui ne combattent jamais. Ceux qui se lancent avec ardeur contre l’ennemi sont le plus souvent frappés ».
Mes frères dans la tourmente que la société et l’Eglise traversent, Notre Seigneur Jésus Christ cherche des amis pour l’aider à porter la croix. Son choix se porte sur ceux qui désirent le suivre comme nous ici présents. Il est bien normal que cela nous coûte comme cela a coûté à Simon de Cyrène lorsqu’il a été réquisitionné pour aider le Sauveur à porter la sienne. Il n’était pas vraiment volontaire, mais la vision du visage ensanglanté de Jésus, sa soumission, son silence ont vaincu ses réticences. C’est sûrement à ce moment là qu’il a mérité la conversion d’Alexandre et Rufus, ses deux fils, dont il est question dans l’Evangile selon saint Marc. En ces temps troublés, les Cœurs de Jésus et de Marie cherchent des Simon de Cyrène pour sauver le monde et les âmes. C’est le sens de ces paroles : « Pénitence, Pénitence, Pénitence » !
Quelque soit notre âge et notre condition, nous pouvons être ces coopérateurs que Notre Seigneur et de Notre Dame cherchent. A la fin de sa vie, alors qu’elle était alitée, la Mère Supérieur de Nevers dit à Sainte Bernadette sur le ton de la boutade : « alors encore au lit petite paresseuse ! » Et Sœur Marie Bernard de répondre avec un ton enjoué : « mais ma Mère, dans une horloge il y a des aiguilles et des poids. Sans les poids, les aiguilles ne pourraient courir sur le cadran. Et bien je remplis mon rôle de poids, j’offre mes souffrances pour que les aiguilles aient la force d’avancer » Dans l’Eglise ceux qui souffrent méritent pour ceux qui sont exposés dans l’apostolat. C’est la grandeur de la communion des Saints. Ayons foi en cette vérité que nous proclamons dans le symbole des apôtres. Nous en verrons le résultat dans l’éternité.
Nous apprendrons, enfin, à porter la croix et à grandir dans l’esprit de pénitence en assistant à la Sainte Messe qui perpétue le sacrifice de Notre Seigneur sur la croix et qui, pour cette raison, est la source la plus féconde de sainteté. A cela joignons la récitation de notre chapelet. Ce chapelet que tenait dans ses mains Notre Dame à chacune de ces apparitions et qui nous fait contempler la vie de Notre Seigneur et de sa Sainte Mère. Ainsi nous répondrons à l’appel de l’Immaculée Conception, ainsi nous mériterons la grâce en ce monde, pour nous même, nos proches et les pauvres pécheurs réconfortés par la promesse qu’un jour Dieu nous récompensera éternellement comme le dit si bien saint Paul : « Oui, la légère tribulation d’un moment nous prépare, bien au-delà de toute mesure, une masse éternelle de gloire. Aussi bien ne regardons-nous pas aux choses visibles, mais aux invisibles ; les choses visibles en effet n’ont qu’un temps, les invisibles sont éternelles ».
Répondons donc avec générosité à l’appel de Notre Dame, portons nos croix avec confiance, redisons chaque jour au Bon
Dieu que nous acceptons sa volonté en prononçant nos petits « fiat » quotidiens. Ainsi, chacun à notre place nous contribuerons ici-bas à l’extension du règne des Cœurs de Jésus et de Marie, espérant que Dieu nous en donnera la récompense au ciel.
Amen !
Abbé Christian Bouchacourt