« Danger et problèmes des instituts Ecclesia Dei
»
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit il.
Bien chers fidèles, certains d’entre vous seront peut-être étonnés que ce dimanche, ce ne soit pas le prêtre qui célèbre qui prêche à sa Messe. C’est parce que je voudrais vous entretenir d’un sujet qui me tient à cœur.
Monseigneur Fellay, après le décret de « la levée » de l’excommunication avait déclaré qu’une période de troubles et de confusion allait en découler.
Le motu proprio libéralisant la messe de Saint Pie V avait déjà pu amener une certaine confusion : des prêtres de l’église conciliaire reprenant, volontairement ou non, le rit ancien de temps en temps, souvent d’ailleurs à proximité de nos centres de messes ; une FSSPX considérée comme n’étant plus excommuniée mais pas en totale communion avec Rome ; des instituts Ecclesia Dei qui se félicitent de cette levée ; des prêtres diocésains qui s’intéressent à l’ancienne messe et pour certains qui découvrent avec joie la doctrine traditionnelle de l’Eglise ; une FSSP qui est remise entre les mains de prêtres semblant plus solides doctrinalement et refusant la nouvelle messe. Tout cela, bien chers fidèles, peut être source de troubles et de confusion, même s’il ne remet pas en cause le bien fondé de la demande des deux préalables à toute discussion théologiques.
Ces préalables ont été obtenus même si bien évidement les textes romains sont loin d’être parfaits :
- Messe de Saint Pie V déclarée ne pouvant être interdite mais en même temps appelée rit extraordinaire de l’Eglise romaine et mise sur un pied d’égalité voire d’infériorité à côté de la messe de Paul VI ou rit ordinaire.
- L’étiquette calomnieuse d’excommunié a été retirée à la FSSPX même si, par le fait même, Rome affirme que l’excommunication était valable auparavant, ce que bien sûr nous nions catégoriquement.
Cependant tous ces évènements amènent une période de confusion, de trouble : on peut avoir l’impression de se retrouver comme dans un brouillard.
Or dans le brouillard, il est nécessaire de reprendre la boussole, de rechercher un guide sûr qui nous fera sortir de ce brouillard pour se retrouver en pleine clarté et ne plus douter d’être dans la bonne direction.
Cette boussole, cela ne peut pas être le concile Vatican II ! car bien évidement nous ne partageons aucunement l’idée de Benoît XVI que la boussole que doive suivre l’Eglise soit le concile Vatican II qui aurait été mal appliqué.
Cette boussole n’est pas non plus la messe de Saint Pie V à tout prix, quelle que soit le « milieu » dirons-nous dans lequel elle est dite : ce n’est pas suffisant. Reportons-nous tout simplement même si la situation n’est pas exactement la même, à l’époque de la Révolution française. Les prêtres assermentés, ceux qui avaient signé le décret de « soumission » aux idées nouvelles et révolutionnaires, disaient la messe de Saint Pie V, donnaient les sacrements de façon traditionnelle. Or il était interdit et peccamineux d’y assister.
Non, bien chers fidèles, cette boussole, c’est la lumière de la Tradition, c’est la conservation intégrale de la Foi catholique et le rejet des nouveautés, et pas uniquement la conservation de la Messe de saint Pie V.
Notons qu’il y a eu des précédents à la situation que nous vivons depuis quelques mois. En effet, si l’on voulait faire des comparaisons, on se retrouve un petit peu comme en 1984 ou en 1988.
Que s’est-il passé d’abord en 84 ? Rome, le 3 octobre 1984, publiait un indult accordant à la messe de Saint Pie V une liberté sous condition, cette condition était d’accepter la nouvelle messe.
Or accepter la nouvelle messe, c’était accepter le concile et les nouveautés que ce concile avait amenés dans l’Eglise. Nouveautés qui, selon les paroles du Cardinal Ratzinger en novembre 1984, sont « les valeurs exprimées dans deux modes de culture libérales », c’est-à-dire les principes de la révolution française : liberté, égalité, fraternité, qui dans l’Eglise deviennent liberté religieuse, collégialité, œcuménisme.
Monseigneur Lefebvre réagira fortement à cet indult et à la lettre du cardinal Ratzinger qui en est la suite : en décembre 1984, il mettra en garde prêtres et séminaristes :
« attention à la lassitude du combat dans nos rangs. On nous accorde la messe, disent certains traditionalistes et le Cardinal Ratzinger reconnaît et analyse en détail la crise de l’Eglise, due selon lui à un anti-esprit du concile, en sorte qu’il invite à revenir au vrai concile. Que demander de plus pensent certains fidèles ? Acceptons l’indult et réintégrons le cadre de l’Eglise visible ; une fois dedans nous pourrons bousculer, redresser. » « C’est un raisonnement absolument faux, répliquait Monseigneur Lefebvre. On ne rentre pas dans un cadre sous des supérieurs alors que ceux-ci ont tout en main pour nous juguler. »
De même, en 88, la bulle Ecclesia Dei, donnait, je cite, « à tous les fidèles catholiques qui se sentent attachés à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine, la facilité de la communion ecclésiale grâce à des mesures nécessaires pour garder le respect de leurs aspirations ». Le problème ne serait donc selon cette bulle qu’un problème d’attachement à une forme liturgique et disciplinaire de la tradition ?
Bien évidement non ! Voila ce que Monseigneur Lefebvre répondait, en mars 1989 à Monsieur l’abbé Couture, au sujet de la conduite à tenir vis-à-vis des prêtres Ecclesia Dei, de ces prêtres qui se satisfaisaient de cette bulle de 1988 :
« Je réponds pour vous dire ce que je pense au sujet de ces prêtres qui reçoivent un « celebret » (c’est-à-dire un papier autorisant à célébrer l’ancienne messe) de la Commission romaine chargée de nous diviser et de nous détruire. Il est évident qu’en se mettant dans les mains des autorités actuelles conciliaires ils admettent implicitement le concile et les réponses qui en sont issues. Leur parole est paralysée par cette acceptation. Les évêques les surveillent ! C’est bien regrettable que ces prêtres ne prennent pas conscience de cette réalité. Mais nous ne pouvons pas tromper les fidèles. Il en est de même pour ces « messes traditionnelles » organisées par les conciliaires. Elles sont célébrées entre deux messes conciliaires. Le prêtre célébrant dit aussi bien la nouvelle que l’ancienne. Comment et par qui est distribuée la sainte communion ? Quelle sera la prédication ? etc… Ces messes sont des attrapes nigauds qui entraînent les fidèles dans la compromission. Beaucoup ont déjà abandonné… Ce qu’ils doivent changer, c’est leur doctrine libérale et moderniste. Il faut s’armer de patience et prier. »
Je crois que c’est deux textes sont toujours valables à 20 ou 25 ans d’écart.
Certains diront peut-être qu’il y a eu des changements depuis : il y a des prêtres diocésains qui grâce au motu proprio libéralisant la messe de Saint Pie V, l’ont repris ou apprennent à la dire sans volonté de tromper. Il semble que les prêtres actuels de la FSSP n’ont pas les mêmes opinions que les fondateurs de cet institut et d’ailleurs, ajouteront certains, les élections de leur Supérieur Général en 2006 montrent que cette FSSP ne veut pas du rit de Paul VI. De plus, certains prêtres admettent maintenant qu’il existe un problème doctrinal sous jacent au problème de la Messe.
On ne devrait plus alors être aussi catégorique et ne pas regarder ces messes dites par ces prêtres comme des « attrape nigauds qui entrainent les fidèles dans la compromission ». Pour reprendre ce que disaient certains fidèles ou prêtres en 1984, « acceptons [le motu proprio] et réintégrons le cadre de l’Eglise visible ; une fois dedans nous pourrons bousculer, redresser. »
Les circonstances locales peuvent également ajouter au trouble, mais ne nous laissons pas abuser, la proximité géographique entre notre chapelle et la chapelle desservie par la FSSP ne doit pas être pris pour un rapprochement doctrinal !
Le fait qu’ils aient été prié de déménager de Notre-Dame-des-Armées, qu’ils aient subi une certaine persécution de la part de Monseigneur l’évêque de Versailles n’est pas un signe qu’ils seraient plus proches de nous doctrinalement.
1er danger des instituts Ecclesia Dei
Car c’est bien là que réside le vrai problème : dans la doctrine et pas dans une préférence de la messe de Saint Pie V, dans un « attachement à certaines formes liturgiques et disciplinaires antérieures de la tradition latine ».
Or, les instituts Ecclesia Dei en effet ont centré leur combat sur la messe de Saint Pie V presque exclusivement et ils continuent de le faire.
A l’origine les membres de ces instituts ont voulu maintenir la messe de Saint Pie V coûte que coûte, tout en voulant être reconnu par les autorités de l’Eglise conciliaire. Cette volonté de légalisme à outrance les a obligés au silence et continue de le faire, un silence proche de la trahison quand il concerne les erreurs doctrinales actuelles.
Leur priorité n’est pas la défense de la Foi mais de maintenir la messe de Saint Pie V dans des structures canoniques reconnues par l’Eglise officielle.
Nécessairement alors, la défense de la Foi passera au second plan, pour éviter de gêner les autorités ecclésiales ; d’où ce silence sur les erreurs modernes : œcuménisme, liberté religieuse, collégialité entre autres.
Cela peut même aller plus loin qu’un silence face aux erreurs professées. Chez certains, il y a un véritable fléchissement de la Foi catholique. « A ne pas vivre comme on pense, on finit par penser comme on vit » comme aimait à le répéter le Père Morandi. « A ne pas condamner l’erreur, même si au départ on est conscient qu’erreur il y a, à ne pas vivre en stigmatisant ces erreurs, on finit par penser qu’il n’existe plus d’erreurs ».
Quelques exemples : voyez la thèse d’un religieux du Barroux, il a écrit une thèse en 6 volumes pour tenter de prouver que la liberté religieuse telle qu’elle est conçue par le concile Vatican II fait partie de l’enseignement constant du Magistère de l’Eglise : il faut bien 6 volumes pour essayer de noyer le poisson, alors que l’un des inventeurs de cette doctrine admettait lui-même, malgré ces recherches assidues, n’avoir trouvé aucun argument, ni scripturaire, ni magistériel, à l’appui de sa thèse. Voyez aussi le seul évêque concédé par Rome à ces instituts Ecclesia Dei, Monseigneur Rifan. Il n’y en a pas d’autres ! Eh bien, il a évolué à une vitesse incroyable, reconnaissant la valeur de la messe de Paul VI, concélébrant, se montrant plus dur presque que les autres évêques brésiliens contre ses anciens fidèles. Voyez l’abbé Ribeton, supérieur du district de France de la FSSP, disant à Versailles en 2007 qu’il y a du bien qui se fait par la messe de Paul VI.
Eh bien non ! Désolé, si certains dans l’Eglise moderne gardent la Foi, si certains reviennent à la Foi dans l’Eglise moderne ce n’est pas grâce à cette messe de Paul VI, mais bien malgré elle, car son fruit ordinaire c’est l’apostasie, c’est la perte de la Foi. C’est-à-dire, que l’habitude que l’on acquiert en allant à cette messe, c’est de perdre la Foi catholique.
On voit que ce fléchissement doctrinal atteint même ce pour quoi ces instituts existent, la défense exclusive de la messe de Saint Pie V. A force de compromis de non-dits de silences, ils en arrivent à une relativisation des dangers du nouveau rit.
Aussi, malgré sans doute la bonne volonté de ces prêtres, il arrive ce qui doit arriver : quand on se refuse d’appeler erreur ce qui l’est effectivement, on finit par ne plus la voir. Quand on écoute ces prêtres, on a l’impression qu’ils ont développé un art de la survie, un art pour garder la tête hors de l’eau dans la situation actuelle, mais leur but n’est pas la défense de la Foi et de la Vérité.
2° danger des instituts Ecclesia Dei
L’autre danger de ces instituts, bien chers fidèles, c’est qu’ils sont instrumentalisés par ceux qui continuent à détruire l’Eglise.
Voyez au point de vue local : Monseigneur Aumonier n’a pas installé la FSSP à côté de son évêché et de nous, par la même occasion, parce qu’il serait comme Jacob, désireux de garder ses fils préférés (Joseph puis Benjamin) auprès de lui ! Oh non, il veut utiliser cet institut pour essayer de mettre encore plus la confusion dans nos esprits.
Il y a une image excellente trouvée par M. l’abbé Jean-Baptiste Frament je crois, et qui illustre bien l’instrument que ces instituts Ecclesia Dei sont devenus entre les mains de nombreux évêques. Cette image c’est celle du sas. Un sas est fait pour passer d’un milieu dans un autre, incompatibles l’un envers l’autre, ainsi que, parfois, pour décontaminer ceux qui y passent. Eh bien, les autorités officielles se servent des instituts Ecclesia Dei, et pour certains sans leur accord, comme d’un sas pour faire passer les fidèles de la FSSPX dans l’église conciliaire, tout en les décontaminant du virus de la tradition. S’il est vrai qu’un sas fonctionne dans les deux sens, et que certains découvrent le vrai problème de la crise dans l’Eglise, qui est un problème de Foi, ce n’est pas une raison pour nous introduire nous-mêmes dans ces sas, au risque de, petit à petit, perdre le sens de la Foi et de la Tradition.
3° problème posé par les instituts Ecclesia Dei
Enfin, et ce n’est pas non plus à négliger, nous ne devons pas oublier que ces instituts Ecclesia Dei ont été fondés sur la bulle du même nom où sont déclarés excommuniés Monseigneur Lefebvre et les quatre évêques consacrés, où les consécrations épiscopales sont affublées du titre infamant d’actes schismatiques.
Et si, selon Rome, les excommunications ont été levées pour les quatre évêques de la Fraternité, si la FSSP par exemple s’est réjouie de cette levée, il ne faut pas oublier que cela signifie que, pour eux, que ces excommunications étaient bien valables et qu’elle demeure valable pour Monseigneur Lefebvre. Aussi, soutenir d’une façon ou d’une autre ces instituts, c’est faire injure à Monseigneur Lefebvre et aux évêques de la FSSPX.
Il existe sûrement de bons prêtres dans les rangs de ces instituts mais, de par la position de leurs instituts, ils sont quasi obligés au silence face aux erreurs, certains vont faiblir dans la proclamation de la Foi ; et dans tous les cas, ils sont instrumentalisés par ceux qui refusent de voir le salut de l’Eglise dans le retour à la Tradition intégrale.
Bien chers fidèles, à vous de tirer les conclusions qui s’imposent. On ne peut pas se dire : « ce combat, ces questions me dépassent ; du moment que j’ai la Messe de saint Pie V, cela me suffit. » La crise que subit l’Eglise est beaucoup trop grave pour ne penser qu’à soi. Et puis cette crise a sa source dans des questions doctrinales et pas seulement dans la Messe qui est certes l’aspect le plus visible de cette crise, mais qui ne résume pas à elle toute seule cette crise.
Abbé Thierry Legrand, ledimanche 15 novembre 2009