Mes bien chers amis
Mes bien chers frères,
Aux deuxièmes vêpres de la fête de l’Épiphanie, l’antienne de Magnificat nous rappelle qu’aujourd’hui nous fêtons trois miracles : Tribus miraculis ornatum diem sanctum colimus. C’est ce que nous chanterons ce soir : trois miracles. Quels sont ces trois miracles ?
Le miracle de l’étoile conduisant les Mages à la crèche. Le miracle du baptême de Notre Seigneur Jésus-Christ près du Jourdain. Et le troisième miracle : l’eau transformée en vin à Cana.
Pourquoi ce rapprochement par la Sainte Église, par la liturgie, de ces trois faits ? Parce que dans l’Église, au cours de l’histoire de l’Église, la fête de l’Épiphanie a pris une importance considérable. Toujours l’Église a voulu que la fête de l’Épiphanie soit le signe de la réalisation du but de l’Incarnation : Qui propter nos homines et propter nostram salutem descendit de cœlis : « C’est pour nous hommes, et pour notre salut, que Notre Seigneur Jésus-Christ s’est incarné, qu’il est descendu du Ciel. »
Si donc c’est pour notre salut, pour notre salut éternel, pour notre vie éternelle, que Notre Seigneur Jésus-Christ est descendu du Ciel et s’est incarné, c’est précisément au moment de l’Épiphanie, que Notre Seigneur a commencé son œuvre auprès des Gentils. Jusqu’alors il semblait que le salut était réservé au peuple d’Israël. Mais ce peuple d’Israël n’était qu’un moyen, un moyen par lequel Dieu dans sa Providence a voulu que nous soit donné le salut pour le monde, pour le monde entier, pour toute l’humanité.
Et c’est précisément, à la fête de l’Épiphanie que nous méditons sur cette grande réalité : Notre Seigneur Jésus-Christ venu porter le salut au monde. Et les premiers Gentils – comme on les appelait alors – qui ont été appelés auprès de Notre Seigneur par un phénomène extraordinaire, par cette étoile, étoile qui n’est autre dans sa signification réelle que la grâce, la grâce actuelle, la grâce qui nous a appelés, tous, auprès de Notre Seigneur Jésus-Christ, grâce qui nous a attirés vers Notre Seigneur, vers notre salut.
Mais comme le dit l’Évangile, les Mages sont passés par Jérusalem. Pourquoi par Jérusalem ? Pourquoi l’étoile a‑t-elle disparu pendant quelque temps ? Parce qu’il fallait que les Mages aillent à l’Église, à l’institution fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, qui elle doit nous conduire par la main, à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et c’est pourquoi il a fallu que les Mages se rendent à Jérusalem pour demander à ceux qui possédaient la loi, à ceux qui possédaient l’Écriture, de leur dire où devait naître le Messie ; où se trouvait Notre Seigneur Jésus-Christ, où le rencontrer. Nous aussi, lorsque nous recevons la grâce du baptême, nous devons aller à l’Église pour demander où est Notre Seigneur Jésus-Christ. Comment le posséder dans nos cœurs, comment le rencontrer, comment profiter des grâces de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est l’Église qui doit nous répondre. Même si les hommes d’Église ne sont pas dignes de leur fonction ; même si les hommes d’Église ne sont pas exemplaires comme ils devraient l’être, ils possèdent cependant la loi de l’Évangile. Ils possèdent l’Écriture sainte. Et par conséquent ce sont eux qui doivent nous la transmettre et eux qui doivent nous l’enseigner.
Et c’est ce qu’ont fait les Mages. Les Mages sont allés à Jérusalem, parce que l’étoile a disparu. Il leur fallait donc trouver le chemin de Bethléem. Et ils se sont réjouis, lorsque quittant Jérusalem pour se rendre à Bethléem, l’étoile est apparue de nouveau. Cela signifiait que Dieu bénissait et confirmait les dires des Princes des prêtres à Jérusalem qui avaient dit aux Mages : Rendez vous à Bethléem, c’est là que doit naître le Roi d’Israël. Premier miracle extraordinaire, ce premier contact de Jésus-Christ avec les Gentils, avec nous en définitive, que représentaient les Mages. Avec tous ceux qui après les Mages, n’étant pas juifs, n’étant pas le peuple d’Israël, n’étant pas le peuple choisi, devenaient membres du peuple choisi, devenaient membres du peuple choisi par adoption de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Deuxième miracle ; le baptême de Notre Seigneur Jésus-Christ. Et ce baptême a été, en effet, accompagné de très grands miracles. Quels furent-ils ?
Le Saint-Esprit, sous la forme d’une colombe est descendu sur Notre Seigneur, manifestant ainsi que Notre Seigneur était Celui qui baptiserait par l’Esprit.
Certes Notre Seigneur ne pouvait pas recevoir l’Esprit plus qu’il ne l’avait. Il était Dieu. Comment pouvait-Il encore recevoir le Saint-Esprit dans son humanité ? Mais par la grâce de l’union, par la grâce de l’union hypostatique. Notre Seigneur était rempli du Saint-Esprit. Mais cela était un signe pour montrer qu’il était le Messie ; signifiant qu’il avait l’Esprit ; qu’il possédait l’Esprit dans toute sa plénitude et que c’est par Lui que nous le recevrions ; que Lui baptiserait dans l’Esprit Saint.
Et une voix du Ciel est venue : « Ici est mon Fils Bien-Aimé, écoutez-Le ». Ainsi toute la Trinité se manifestait par Notre Seigneur Jésus-Christ, dans la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Mais qu’est-ce donc que l’appel que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a fait, sinon pour nous baptiser, pour que nous soyons baptisés dans la Sainte Trinité ; que nous recevions cette Eau sainte au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit et que nous soyons remplis de la Trinité sainte. Miracle extraordinaire ! Désormais tous ceux qui voudront être attachés à Notre Seigneur Jésus-Christ, trouver le salut par Notre Seigneur Jésus-Christ, devront être baptisés.
Nisi quis renatus ex aqua, et Spirito Sancto, non potest introire in regnum Dei (Jn 3,5).
Nous devons donc tous être baptisés si nous voulons rentrer dans le royaume des Cieux. Baptême de l’eau, baptême du désir, sans doute, mais en tout cas baptême. Nous ne pouvons être sauvés, aucun homme ne peut être sauvé sans le baptême de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Troisième miracle : l’eau aux noces de Cana est changée en vin. Que signifie ce miracle sinon que notre nature est représentée par l’eau et que la grâce est représentée par le vin ?
Désormais Notre Seigneur transforme cette nature dans l’esprit surnaturel, dans la vie surnaturelle. Notre Seigneur vent nous apporter la vie surnaturelle qui est riche d’une vie de vertu, d’une vie d’adoration, de contemplation de Dieu, d’union à Dieu. C’est cela la vie du chrétien, de ceux qui seront baptisés. Désormais, leur cœur sera changé, transformé ; ils seront donnés à Dieu tout entiers. Et le vin représente également la Sainte Eucharistie. C’est dans la Sainte Eucharistie que les chrétiens trouveront la nourriture, l’aliment de leur vie surnaturelle, de leur vie spirituelle, de l’union de leur vie à Notre Seigneur Jésus-Christ.
Voyez comme cette fête de l’Épiphanie par ces trois miracles, nous manifeste d’une manière absolument – je dirai – tangible et sensible la transformation que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter dans nos âmes, la résurrection de nos âmes, la résurrection de la vie que nous avons perdue par le péché originel. Voilà ce que Notre Seigneur Jésus-Christ est venu apporter au monde.
Et si l’on considère pratiquement, concrètement, historiquement ; ce qu’ont signifié ces miracles et ce qu’a signifié ce contact de Notre Seigneur Jésus-Christ avec toutes les populations du monde, certes, il y en a qui ont été privilégiés, et les nôtres ont été privilégiées. Lorsque nous circulons dans nos campagnes, partout nous voyons des signes de la présence de Notre Seigneur Jésus-Christ, des signes de cette venue de Notre Seigneur Jésus-Christ parmi nous, dans nos populations. Et l’on remonte aux premiers siècles bientôt, ici particulièrement, dans ces régions lorsque l’on traverse des villes comme Sion, comme Aoste et ces pays où déjà dès les premiers siècles, l’Évangile a été porté. Et dans bien des endroits de l’Europe l’on s’aperçoit que déjà dès les premiers siècles l’Évangile a été annoncé dans nos contrées.
Bienheureux sommes-nous qui avons reçu l’annonce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Bienheureux sommes-nous qui avons déjà des générations et des générations de parents qui ont été baptisés en Notre Seigneur Jésus-Christ ; qui ont reçu la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ en eux ; dont l’âme a été transformée, comme l’eau a été transformée en vin ; qui ont vraiment reçu toutes les vertus surnaturelles.
Et toute cette histoire de nos ancêtres, nous montre l’attachement qu’avaient nos parents, qu’avaient nos ancêtres à Notre Seigneur Jésus-Christ. Par tous les signes qu’ils ont laissés derrière eux, par ces cathédrales, par tous ces monuments qui ont été élevés, monuments qui montrent leur foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.
Et si l’on songe au nombre de vocations, au nombre de prêtres, au nombre de religieux, au nombre de religieuses, au nombre de saintes familles chrétiennes qui ont fait germer ces vocations, qui ont permis à ces vocations de germer, dans le sein des familles chrétiennes, alors combien la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ a été efficace, a été fructueuse dans toutes ces régions !
Mais peut-être que nous l’oublions trop. Si c’est un avantage d’être membre d’une contrée ou d’une région où l’Évangile a été porté depuis de nombreux siècles, c’est peut-être aussi, à cause de nous, par notre faute, par notre négligence, par notre oubli, un désavantage, en ce sens qu’il nous semble tout naturel d’être chrétien, tout naturel d’être baptisé en Notre Seigneur Jésus-Christ, tout naturel que nos âmes soient transformées par la grâce de Notre Seigneur.
Et alors nous oublions d’en profiter ; nous oublions d’ouvrir nos âmes à cette grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il nous semble qu’il s’agit là d’un phénomène tout simple qui ne nous apporte rien de plus que ce que nos parents ont eu.
Tandis que comme j’ai pu moi-même le constater, dans des régions où la religion catholique a été apportée depuis seulement deux générations, ou quelquefois une génération, alors on s’aperçoit de la richesse et du prix de la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Alors on la touche du doigt, on se rend compte de ce que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a apporté. Quand on voit combien la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ par le baptême peut transformer des familles, des familles qui étaient païennes, des familles qui avaient des habitudes vicieuses, des familles qui vivaient d’une manière presque animale, les voir transformées par la grâce, rayonnantes, remplies des vertus chrétiennes, dès la première génération, la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ transforme ces âmes littéralement.
Et non seulement les âmes, mais le corps. On pourrait désigner les chrétiens, rien qu’à voir les visages, par la sérénité, par la paix, par la joie qui rayonnait sur ces visages, au lieu de visages concentrés, parfois des cœurs qui sont travaillés par la haine et par le désir de faire le mal. Les âmes étaient complètement changées. Et même dans l’habitation, dans la manière de se tenir, dans leurs attitudes, dans la manière de tenir le foyer, tout cela était transformé par la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Parmi ces gens il y avait même des héros, comme furent les premiers chrétiens. Des catéchistes, capables de quitter leur région lorsqu’on leur demandait de partir, qu’ils soient mariés ou ne soient pas mariés, de partir, de quitter leur village pour aller évangéliser d’autres villages, sachant parfaitement qu’ils risquaient leur vie. Des catéchistes sont morts empoisonnés. J’en ai connu qui sont morts empoisonnés à cause de leur esprit missionnaire, à cause de l’Évangile qu’ils portaient dans des régions païennes. Parce que les païens voyaient précisément tous leurs pouvoirs disparaître lorsqu’un catéchiste venait. Parce que leurs pouvoirs étaient faits du pouvoir du diable. Et dans la mesure où le démon disparaissait des villages, le pouvoir de ces gens diminuait également. Alors ils en voulaient à ces catéchistes et ils les ont empoisonnés.
Ces catéchistes le savaient parfaitement. Ils savaient parfaitement qu’ils risquaient la mort. Ils partaient cependant, remplis d’esprit missionnaire. C’est cela l’Église. Il faut que nous ayons conscience de ce que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a apporté. Il est difficile pour nous, qui avons vécu dans un milieu toujours chrétien, dans un milieu catholique, il nous est difficile de nous rendre compte de la richesse de la grâce que Notre Seigneur Jésus-Christ nous a faite.
Alors nous devons en prendre conscience. Il faut réfléchir à ce que Notre Seigneur nous a apporté par notre baptême, par la Sainte Eucharistie, par toutes les vertus que Notre Seigneur Jésus-Christ a fait fleurir dans les foyers, dans nos âmes, dans nos cœurs. Et nous devons ouvrir nos cœurs à la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Comme il est pénible de sentir que beaucoup de chrétiens sont limités, ont le cœur – dirai-je – étroit, rétréci. C’est ce que saint Paul disait à ces chrétiens.
Os nostrum patet ad vos o CorinthIl, cor nostrumm dilatum est. Non angustiamini in nobis : augustianimi in autem in visceribus vestris (2 Co 6, 11–13) :
« Notre bouche s’est ouverte pour vous, ô Corinthiens, notre cœur s’est élargi. Vous n’êtes point à l’étroit dans nos entrailles, mais les vôtres se sont rétrécies. Rendez-nous la pareille (…) vous aussi élargissez vos cœurs ».
Dilamiti cor vestrum. Que vos cœurs s’élargissent, qu’ils ne soient pas étroits. Je veux bien jusque-là me donner à Notre Seigneur Jésus-Christ, mais pas tout entier ; je veux bien me donner un peu à Notre Seigneur Jésus-Christ, mais pas tout entier, que ce soit dans la famille, que ce soit dans la vocation, qu’importé, tout chrétien doit se donner à Notre Seigneur Jésus-Christ tout entier.
Alors Notre Seigneur Jésus-Christ est exigeant, son amour est exigeant. Il nous veut complètement. Et nous aurons peut-être à sacrifier certaines choses auxquelles nous sommes attachés. Quelquefois de toutes petites choses auxquelles nous sommes attachés, mais dont nous ne voulons pas nous séparer, parce que nous n’aimons pas suffisamment Notre Seigneur Jésus-Christ. Nos cœurs sont étroits, nos cœurs sont limités.
Alors, il nous était vraiment consolant de voir que dans des peuplades païennes, transformées par la grâce ; les cœurs étaient dilatés. Ces gens se donnaient complètement à la religion. Ils étaient capables de faire des journées entières de marche, pour aller communier, pour venir à la mission. Ils n’hésitaient pas à se sacrifier, à se donner totalement. Ils n’hésitaient pas devant le don de leurs enfants pour la mission, le don de leurs enfants pour les vocations. On voyait là le fruit de la grâce de Notre Seigneur.
Alors, pour vous, mes bien chers amis aussi, vous qui aspirez à devenir prêtres, que vos cœurs soient des cœurs détachés. Ne soyez pas attachés à des choses insignifiantes, à des choses méprisables, donnez-vous tout entier, ne soyez pas limités. Que la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ fructifie véritablement dans votre âme, afin que vous soyez vraiment des modèles, des exemples ; que le monde puisse dire : Voilà des chrétiens, voilà des prêtres, voilà ce que fait la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ dans les âmes qui sont données complètement à Lui. Ne restreignez jamais vos cœurs, ne limitez pas votre amour pour Notre Seigneur Jésus-Christ. Aimez-Le de toute votre âme, de tout votre cœur, dussiez-vous donner votre vie, donner tout ce que vous avez, tout ce que vous possédez. Tout ce à quoi vous êtes attachés, vos familles, vos régions, tout ce que vous aimez. Pour Notre Seigneur Jésus-Christ soyez prêts à le donner. Ainsi vraiment vous aurez aussi dans vos cœurs, la joie d’aimer Notre Seigneur Jésus-Christ, car plus Notre Seigneur Jésus-Christ est présent en nous, plus nous sommes heureux. Plus Notre Seigneur Jésus-Christ apporte avec Lui, la paix, la joie, la sérénité et la fermeté et le bonheur, en attendant le bonheur éternel qu’il nous réserve.
Demandons à la très Sainte Vierge Marie qui était présente à Cana et présente lorsque les Rois Mages sont venus, de faire en sorte que notre esprit missionnaire soit toujours vivant, soit toujours fervent, que nous ayons ce désir d’aller porter aux âmes la grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ. Que ce soit là notre souhait, que ce soit là notre désir avec la grâce du Bon Dieu.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.