« Le combat de Mgr Lefebvre et de la FSSPX »
Abbé David Aldalur
(Le style oral a été conservé)
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, ainsi soit-il.
Nous fêtions, vendredi dernier, saint Josaphat. Saint Josaphat était un évêque polonais, évêque de Polotsk au 18ème siècle, qui a consacré toute sa vie pour le retour des schismatiques qu’on appelle orthodoxes à l’unité de l’Eglise et à l’unité de la foi. Saint Josaphat connaissait très bien le problème et il voulait faire participer à ses frères de sang schismatiques et hérétiques, la joie de retrouver la vraie foi, la joie de se retrouver dans l’unique Eglise. Or, il semble qu’il existe une loi que vous avez peut-être vous-même expérimentée : lorsque nous sommes plein de bonnes intentions, que nous connaissons le vrai, que nous connaissons le bien, et que nous voulons le faire partager autour de nous, bien souvent nous ne trouvons pas les mêmes dispositions. Nous nous retrouvons en face de personnes qui ne veulent pas savoir, des gens qui n’acceptent pas la vérité, des gens pour lesquels nous voulons du bien et qui en échange nous donnent des coups. Et c’est bien ce qui est arrivé à Saint Josaphat puisque son zèle pour la foi, son zèle pour la charité, ses bonnes intentions qu’il a eues lui ont valu des coups terribles puisqu’il en est mort martyr, martyr au 18ème siècle.
Et, il en est un autre, mes biens chers frères, plus près de nous, lui aussi avait ce grand souci de la foi pleine et entière dans son enseignement, dans sa proclamation : une foi conjuguée avec ce que l’Eglise a toujours enseigné : la Tradition. Et il a voulu que cette foi retrouve pleinement sa place non seulement dans les cœurs des hommes mais même dans la cité céleste à Rome, dans la hiérarchie ecclésiastique. Vous avez tous deviné, il s’agit de Monseigneur Lefebvre. Lui aussi avait ce bien dans l’esprit, il voulait le retour de la foi et a reçu des coups en retour. Oh, pas des coups physiques, ce n’était plus tellement à la mode, mais des coups terribles tout de même. S’il est vrai qu’il n’a pas subi le martyre physique, il a bien subi le martyre moral. Se retrouver accusé de schismatique, se retrouver accusé d’excommunié, ne sont-ce pas là les peines les plus terribles que l’Eglise puisse infliger : se voir retiré, apparemment, de la communion pleine et entière avec l’Eglise et donc retiré de la source de la vie de l’Eglise. Quelqu’un qui n’a pas la vie est mort. Un excommunié est mort. Alors martyre moral, oui, de se voir sujet à ces coups terribles venant de Rome.
Mes biens chers frères, je voudrais vous expliquer, aujourd’hui, qu’est-ce qu’on entend exactement par schisme et par excommunication ? Qu’est-ce que le schisme tout d’abord ?
Le schisme, mes biens chers frères, n’est pas une simple désobéissance au Pape. D’une manière générale désobéir au Pape, c’est évidemment un péché et il ne faut pas le faire, c’est évident ! Mais une simple désobéissance au Pape n’est pas suffisante pour constituer cet autre péché particulier qui est le schisme. Pour qu’il y ait schisme il faut plus qu’une désobéissance, il faut refuser en principe le fait que le Pape soit chef de l’Eglise, refuser l’existence même d’une primauté d’un des évêques de l’Eglise catholique, en l’occurrence l’évêque de Rome sur toute l’Eglise. Si on refuse intellectuellement et donc pratiquement cette vérité, ah oui alors cela constitue un schisme ! Mais un simple acte de désobéissance, en admettant qu’il puisse être peccamineux, n’est pas suffisant pour constituer un schisme.
On a eu, d’ailleurs, dans l’histoire de l’Eglise, des manifestations de désobéissance d’une partie de l’épiscopat à l’égard du Saint Père, sans que cela constitue, pour autant, un schisme. Vous avez eu la terrible période autour de la condamnation de l’Action Française, période difficile où des évêques n’ont pas obéi au Pape lorsqu’il s’agissait de proclamer le décret d’excommunication de ses membres, parce qu’ils se voyaient devant l’alternative de mettre en dehors de l’Eglise leurs meilleurs fidèles. Ils étaient là en face d’un dilemme. Ils n’ont pas obéi, ils n’ont pas été schismatiques pour autant.
Un autre exemple beaucoup plus actuel. Regardez la plupart de nos évêques français, ils sont tous en état de désobéissance ouverte à l’égard de la volonté du Pape en ce qui concerne l’application du Motu proprio. Ils ne sont pas schismatiques pour autant. Pourtant ils désobéissent. Donc un simple acte de désobéissance ne suffit pas pour occasionner ce qu’on appelle proprement et précisément un schisme.
Alors mes biens chers frères, on pourra vous dire : « oui, on vous comprend, peut être que l’accusation de schisme est exagérée mais tout de même vous accepterez qu’il y a dans la Fraternité et dans ses membres, peut être pas de schisme mais une attitude schismatique, un esprit schismatique, ne serait-ce que par le fait d’avoir posé cet acte de consécration des évêques. N’est-ce pas un acte schismatique ? Ou le fait de tout le temps s’ériger en magistère au-dessus du Pape. N’est-ce pas là aussi une attitude ou un esprit schismatique ? » Il faut répondre et savoir répondre. Pour qu’un acte de consécration épiscopale puisse être interprété comme un acte schismatique, il faut que cette consécration porte avec elle la volonté d’ériger une hiérarchie parallèle.
Si Monseigneur Lefebvre avait donné à nos évêques le titre d’archevêque de Paris, d’évêque de Sion, d’évêque de ce que vous voulez, là oui il aurait constitué un acte schismatique parce qu’il aurait constitué ce qu’on appelle une hiérarchie parallèle à côté de la hiérarchie nommée par le Pape. Là c’eût été un acte schismatique. Mais la volonté de Monseigneur est trop claire, trop précise, manifestée par oral comme par écrit : lorsqu’il a posé cet acte des sacres. Il n’a pas voulu s’ériger en Pape, ni même ériger les évêques qu’il consacrait en évêques parallèles. Non ! Il les sacrait uniquement parce que leur ministère épiscopal était nécessaire pour transmettre le sacerdoce, uniquement donc d’un point de vue sacramentel. Et il dit bien dans la lettre qu’il adresse à nos quatre évêques qu’un jour viendra où ils déposeront leur épiscopat et le Pape pourra alors choisir de les nommer peut-être quelque part, mais il n’a pas érigé de hiérarchie parallèle et donc son acte ne constitue pas un acte schismatique parce que ce n’est pas un refus de la primauté du Pape.
Et quant au magistère, cette tendance de la Fraternité de s’ériger au-dessus de tous les autres et voire même de l’Eglise. Mais ce n’est pas le magistère de la Fraternité que l’on érige, c’est le magistère de tous les Papes qui ont enseigné depuis toujours la foi, la tradition, la discipline, la liturgie. Nous n’érigeons pas un magistère qui est inventé par Monseigneur Lefebvre, ou inventé par nos évêques, ou inventé par les prêtres de la Fraternité. C’est le magistère authentique, traditionnel, cohérent, lumineux, lui, et bien plus certain que tous ces enseignements modernes depuis Vatican II et depuis Paul VI. C’est ce magistère là que l’on érige, ce n’est pas notre magistère. Voilà quant à l’accusation du schisme. Que les choses soient claires, mes biens chers frères.
Et puis quant à l’accusation d’excommunication. C’est peut-être un peu plus compliqué, parce que cette excommunication vient, essentiellement, du sacre des quatre évêques. Mais qu’est-ce que c’est exactement une excommunication ?
Une excommunication c’est une peine, voilà sa nature, une peine. C’est une peine qui est liée à un délit, à un crime. Toute législation, toute société, à partir du moment où elle a le pouvoir de faire des lois, ce qui est le cas par exemple de nos Etats, attache à certaines fautes, des peines correspondantes. Ainsi, un criminel pourra être condamné à de la prison et à une amende selon le temps et la valeur prévus par la loi. Donc il y a des peines qui sont liées automatiquement à certains délits. Et dans l’Eglise, c’est la même chose.
Alors quel est le délit que soi-disant Monseigneur aurait posé, fait ou accompli ? Ce délit c’est d’avoir sacré sans mandat pontifical. Qu’est-ce que cela veut dire ? Il a sacré sans autorisation venant du Pape. Alors mes biens chers frères, je voudrais que l’on pose un regard historique sur cette peine. Parce que, il faut savoir que le Pape, ne s’est réservé la nomination directe des évêques qu’au XIème siècle, signe que cela n’a pas toujours été le cas dans l’Eglise, et ensuite cette peine précise de l’excommunication liée au délit de sacrer sans autorisation, n’a été fixée que par Pie XII, donc cela n’a pas été, non plus, toujours le cas dans l’Eglise. Pourquoi Pie XII a rendu la chose plus sévère ? Parce qu’il a été confronté au problème chinois. Certains évêques chinois qui sacraient des évêques qui collaboraient au régime communiste et on a vu l’apparition de ce qu’on appelle l’église patriotique et donc la constitution d’une église schismatique qui n’obéissait plus au Pape. Et pour éviter ce genre de problème, en voyant la propagation du communisme à l’époque, et bien Pie XII a attaché une peine plus sévère au fait de sacrer sans l’autorisation du Pape.
Mes biens chers frères, cet historique nous met le doigt sur une évidence : c’est que nous sommes là en face d’une loi ecclésiastique certes, nul ne peut dire le contraire, mais une loi ecclésiastique humaine. L’Eglise est régie avec deux sortes de lois : des lois divines et des lois humaines. Ces lois humaines ecclésiastiques sont sûrement plus parfaites que les lois humaines civiles, mais elles n’en restent pas moins des lois humaines. Il faut que les choses soient claires.
Alors, mes biens chers frères, agir comme Monseigneur Lefebvre l’a fait, et le faire sans raison, de toute évidence s’eut été condamnable. Mais agir avec un motif, agir avec une raison, alors, pour le moins, l’affaires mérite discussion.
Alors quel a été le motif présenté par Monseigneur pour rendre cet acte légitime ? Il parle de l’état de nécessité. Mes biens chers frères, qu’est-ce que c’est que l’état de nécessité ? L’état nécessité est une situation extraordinaire (car la nécessité ne peut pas être ordinaire, sinon cela ne peut plus être la nécessité). C’est une situation par définition extraordinaire, dans laquelle les biens nécessaires à la vie naturelle ou surnaturelle (il peut y avoir un état de nécessité naturelle), donc un état extraordinaire dans lequel les biens nécessaires à la vie naturelle ou vie surnaturelle (notez bien que l’état de nécessité peut concerner la vie pour elle-même ou les biens nécessaires à cette vie), donc ces biens ou cette vie se trouvent menacés de telle sorte que pour sauvegarder cette vie ou les biens nécessaires à cette vie on se retrouve habituellement (c’est cela l’aspect extraordinaire), on se trouve habituellement obligé d’enfreindre la loi.
Mes biens chers frères, l’état de nécessité ce n’est pas un état qui a surgi dans les années 70, l’état de nécessité c’est quelque chose que l’Eglise a toujours enseigné même si de fait elle ne le vivait pas, elle en envisageait la possibilité. Et l’état de nécessité ce n’est pas un terme, ce n’est pas une réalité inventée par les prêtres de la Fraternité Saint Pie X. Cette réalité de l’état de nécessité est intrinsèquement liée à la loi humaine, c’est une conséquence de ce qu’est la loi humaine. Vous voyez, il n’y a pas d’état de nécessité quant à la loi divine, parce que Dieu est Dieu et il prévoit tous les cas possibles, sa science est telle qu’il prévoit tous les cas possibles. Et donc il ne peut pas y avoir d’état de nécessité en matière de loi divine. Personne ne peut dire : « Nous sommes dans une situation où la loi naturelle ne peut pas s’exercer », non ! Cela n’existe pas, cela ne peut pas exister. Mais quant à la loi humaine, parce qu’elle est humaine et qu’elle ne peut pas, sinon on lui donne les attributs de Dieu, elle ne peut pas prévoir tous les cas. Il y a intrinsèquement dans la loi humaine, la possibilité de voir surgir un état de nécessité. Cet état peut ne pas surgir de fait, mais il peut, il y a dans toute loi humaine la possibilité de voir surgir un état de nécessité parce que tous les cas ne peuvent pas être prévus par l’homme.
Voyez, mes biens chers frères, je prendrais l’exemple d’une loi qui prévoit que telle rue est à sens unique, mais il se trouve que dans cette rue une maison brûle, et bien l’état de nécessité oblige certaines personnes à prendre cette rue à contre sens pour sauver les vies qui sont dans cette maison. Nous sommes là en face d’un état de nécessité qui supprime l’application de la loi ; et la suivre ce serait au risque de la vie des personnes qui sont dans la maison qui brûle.
Alors quel est le but de l’Eglise ? Mes biens chers frères, quel est le but de toute sa législation ? C’est bien simple : prêcher la foi et administrer les sacrements. Si donc l’application de certaines lois vient nuire à l’obtention de cette fin, la foi et les sacrements, et bien la loi devient mauvaise et son application et le fait de la suivre devient mauvais aussi. Or il suffit d’ouvrir les yeux. L’Eglise est dans une situation d’une maison qui brûle, d’une maison qui prend feu et toutes les législations qui entourent cette maison, ces voies à sens unique se trouvent en partie modifiés. C’est vrai que la voie du sacre épiscopal avait comme sens unique le fait qu’il fallait l’autorisation de l’Eglise ; mais la maison brûle, donc l’état de nécessité réclame de prendre cette loi à rebours pour sauver les habitants de cette Eglise. Nous sommes dans une Eglise qui brûle. Il n’y a qu’à voir tout l’enseignement doctrinal, pastoral, liturgique issu du concile Vatican II, cette proclamation de la trinité conciliaire comme je me permets de l’appeler : liberté religieuse, collégialité, œcuménisme et ceci contre la foi traditionnelle, contre l’enseignement des papes. Toutes les thèses modernistes ou néo-modernistes condamnées par Saint Pie X ou par Pie XII se retrouvent dans le concile Vatican II. Cette liturgie réformée qui nous a donné une messe à saveur protestante, des sacrements à saveur œcuménique. Et bien face à tout cela, mes biens chers frères, nous sommes obligés de réagir, ce n’est pas facultatif. Nous sommes obligés de réagir, et non seulement nous sommes obligés mais cette réaction, elle est légitime.
Je terminerai, mes biens chers frères, en répondant aux objections que j’appellerai sentimentales. Ce que je viens de vous dire beaucoup diront : « oui c’est vrai, c’est possible … mais tout de même vous vous enfermez dans une attitude répulsive à l’égard de tout ce qui vient de Rome, vous vous enfermez dans une attitude de non accueil des efforts du Pape, il y a une tendance au sectarisme, vous vous enfermez dans un ghetto traditionnaliste ». Mes biens chers frères, j’ose répondre que cette apparente attitude répulsive n’est rien d’autre que l’attitude répulsive de la foi. Nous sommes trop habitués à un magistère qui ne condamne plus rien. Tout est positif, tout est union, tout et moyen de s’unir, mais ce n’est pas cela la foi. La foi, elle est répulsive à l’égard de tout ce qui va contre elle. Et donc notre attitude apparemment répulsive, elle n’est rien d’autre que l’intolérance de la vérité, rien de plus intolérant, mes biens chers frères, que la vérité. Une table reste une table même pour celui qui ne veut pas que ce soit une table. C’est intolérant cela ! Rien de plus intolérant que la vérité. Rien de plus intolérant, peut-être aussi que le message de Notre Seigneur qui dit « je suis la pierre angulaire sur laquelle beaucoup s’écraseront ». C’est tolérant cela ? Le « signe de contradiction », c’est répulsif cela aussi ! Et le Ciel, après tout, le Paradis n’est-il pas un ghetto aussi ? Le Ciel où ne seront accueillis que ceux qui n’auront accepté que cette foi et cette vérité de Jésus Christ. Alors, mes biens chers frères, acceptons plutôt le ghetto du Paradis que l’ouverture de ce monde, ne nous trompons pas !
Nous avons une messe aujourd’hui qui nous invite à reprendre, à garder les pieds sur terre, des exemples de paysans, des exemples tirés du travail et de la terre, ce grain de sénevé. Et bien, cela me rappelle un proverbe de ce pays de paysans qu’est le Pays Basque qui dit :
Martxoan haizea, le vent en mars, apirilan euria, la pluie en avril, maiatzan lorea, les fleurs en mai, et alors seulement ekainan sagarra, les pommes en juin. Il y a des étapes, mes biens chers frères. On n’obtient pas des pommes, s’il n’y a pas de fleurs, s’il n’y a pas de vent, et s’il n’y a pas de pluie. Et bien, ne mangeons pas ces pommes précoces ou artificielles qui n’ont pas de goût, attendons que les choses se passent correctement. Il le faut, la pluie de la grâce qui réformera les cœurs, même à Rome. Il faut ce vent de la foi qui doit balayer toutes les erreurs qui règnent encore à Rome. Il faut ces fleurs qui annonceront le retour de la Tradition et seulement enfin nous pourrons manger les pommes de cette vérité, de cette foi unique, de cette foi en Jésus-Christ.
Monseigneur Lefebvre a vraiment été ce jardinier providentiel, lui qui a planté ce grain de sénevé. La Fraternité passera l’année prochaine le cap des 500 prêtres ; alors priez pour eux, priez pour nos supérieurs pour que nous restions tous fidèles à ce beau et grand combat. Prions Notre Dame du Rosaire, acceptez avec docilité et avec grande confiance l’invitation de Monseigneur Fellay à dire ces chapelets pour le retrait de ce décret d’excommunication, pour retrouver un état de justice dans l’Eglise et que le bien se fasse. Il faut que nous soyons ce levain dont parle l’évangile d’aujourd’hui, ce levain entre les mains de la femme, dit l’évangile. Cette femme c’est Notre Dame, c’est la Très Sainte Vierge Maie. Voilà pourquoi il nous faut dire ces chapelets qui seront ce levain entre les mains de Notre Dame et qui fera lever toute la pâte. Si nous nous laissons prendre entre les mains de la Très Sainte Vierge Marie, nous sommes sûrs d’être vainqueurs. Ainsi soit-il.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il.
Abbé David Aldalur
Versailles, le 16 novembre 2008