Sermon de l’abbé de Cacqueray à Villepreux le 11 octobre 2009


A propos de l’encyclique « Caristas in unitate »

Avertissement : le style par­lé de ce ser­mon a été conservé

Chers Messieurs les Abbés, mes chères Sœurs, mes biens chers Frères,

Nous voi­ci de nou­veau réunis pour cette belle jour­née, dans ce domaine de Villepreux. Après l’été, quelle bonne occa­sion de remise en route, quelle oppor­tu­ni­té pour faire le point et reprendre tous ensemble nos réso­lu­tions et notre ardeur à ser­vir, cha­cun à notre place, Notre Seigneur Jésus-​Christ, notre foi catho­lique ! Je vou­drais donc par­ti­cu­liè­re­ment remer­cier nos hôtes et tous ceux qui se dévouent pour l’organisation de cette si belle journée.

Où en sommes-​nous donc, après cet été, de notre grand com­bat au ser­vice du Bon Dieu ? Le début de l’été a été mar­qué par la paru­tion de la der­nière ency­clique du Pape inti­tu­lée : « Caritas in veri­tate », la cha­ri­té dans la véri­té. C’est un beau titre. Il semble nous invi­ter à mieux com­prendre l’harmonie, qui nous paraît par­fois si dif­fi­cile, à tenir entre les exi­gences de la véri­té et celles de la cha­ri­té, dans notre vie et dans nos rela­tions à l’égard du pro­chain. Ne risque-​t-​on pas en effet de man­quer à la cha­ri­té à force de vou­loir tou­jours dire la véri­té ou au contraire ne risque-​t-​on pas de man­quer à la véri­té à force de vou­loir être aimable et rem­pli de cha­ri­té envers les autres ? 

En réa­li­té cette ques­tion n’est pas celle qui se trouve direc­te­ment au cœur de la der­nière ency­clique du Pape. Cependant, pour y répondre, il me semble d’abord inté­res­sant de reprendre quelques pas­sages de cette ency­clique où le pape Benoît XVI affirme, d’une façon par­ti­cu­liè­re­ment claire, son estime pour cer­taines reli­gions autres que la reli­gion catho­lique, et la valeur qu’il recon­naît à ces autres reli­gions. Nous vou­drions expli­quer com­ment cette conces­sion en faveur de cer­taines autres reli­gions est une erreur d’une immense gra­vi­té qui est res­pon­sable de la cor­rup­tion et de la perte de la foi en beau­coup d’âmes, qui est gra­ve­ment inju­rieuse à l’égard de Notre Seigneur Jésus-​Christ et il est impos­sible de pou­voir ména­ger la véri­té et la cha­ri­té sur un tel fon­de­ment. Nous ne dou­tons pas de l’intention qui porte aujourd’hui tant d’hommes à pen­ser de cette manière et nous com­pre­nons leur anxieuse pré­oc­cu­pa­tion à éta­blir dans ce monde dif­fi­cile, quelque concorde entre les hommes. Nous pen­sons cepen­dant, parce qu’ils manquent gra­ve­ment à la véri­té, que ces pro­pos manquent néces­sai­re­ment aus­si à la charité. 

Dans un sens contraire, un juge­ment qui exprime clai­re­ment la faus­se­té des autres reli­gions ou même une cri­tique de fond de cette ency­clique – au moins pour des pas­sages comme ceux-​là – ne manque pas en soi-​même de cha­ri­té. Il est vrai que ces pro­pos peuvent être dits avec une insuf­fi­sance de cha­ri­té et même avec de l’animosité, de l’amertume, du mépris, de la séche­resse. Mais, en eux-​mêmes, des pro­pos qui disent la véri­té ne contre­disent pas la cha­ri­té et c’est la troi­sième des choses que je vou­drais vous dire.

Cette ency­clique porte sur le thème du déve­lop­pe­ment inté­gral de l’homme : com­ment par­ve­nir à l’épanouissement de l’homme dans la socié­té d’aujourd’hui ? Le Pape dit que tous doivent col­la­bo­rer au déve­lop­pe­ment inté­gral de l’homme. Bien sûr, le chris­tia­nisme d’abord, nous dit-​il, a d’abord un rôle majeur à jouer pour que se pro­duise ce déve­lop­pe­ment, cet épa­nouis­se­ment inté­gral de la per­sonne humaine. Cependant, bien d’autres acteurs peuvent aus­si et doivent appor­ter leur concours au déve­lop­pe­ment de la per­sonne humaine. Et par­mi eux le Pape, après avoir men­tion­né la Révélation chré­tienne, écrit : « D’autres cultures et d’autres reli­gions enseignent la fra­ter­ni­té et la paix et pré­sentent donc une grande impor­tance pour le déve­lop­pe­ment humain inté­gral ». C’est une citation.

Ensuite le Pape dis­tingue entre les reli­gions qui sont bonnes parce quelles favo­risent le déve­lop­pe­ment de l’homme et qu’elles s’engagent à être en com­mu­nion avec les autres hommes et à s’ouvrir par eux, et les mau­vaises reli­gions. Les mau­vaises reli­gions ce sont celles qui ne favo­risent pas les rela­tions entre les hommes, qui les isolent les uns des autres et les entraînent dans l’individualisme. Ce qui amène ensuite le Pape a écrire : « S’il est vrai que le déve­lop­pe­ment a besoin des reli­gions et des cultures des dif­fé­rents peuples, il n’en reste pas moins vrai, d’autre part, qu’opérer un dis­cer­ne­ment appro­prié entre les reli­gions est néces­saire ». Et le Pape, tout en pro­tes­tant que ce dis­cer­ne­ment entre les reli­gions devra se fon­der sur la véri­té et la cha­ri­té, explique que le cri­tère de dis­cer­ne­ment des reli­gions consiste à éva­luer la contri­bu­tion que les reli­gions apportent en vue d’édifier la com­mu­nau­té sociale dans le res­pect du bien com­mun. Il découle en tout cas net­te­ment de cette cita­tion et de ce rai­son­ne­ment que le pape Benoît XVI admet véri­ta­ble­ment que cer­taines reli­gions, autres que le catho­li­cisme, peuvent être bien­fai­santes pour l’humanité au motif qu’elles sont favo­rables au déve­lop­pe­ment de l’homme et de l’humanité. Au pre­mier rang bien sûr de ces reli­gions se trouve le chris­tia­nisme qu’il qua­li­fie de reli­gion du « Dieu qui pos­sède un visage humain » et qui porte cer­tai­ne­ment en lui ce cri­tère de bien­fai­sance pour le déve­lop­pe­ment inté­gral de l’homme et de l’humanité. Mais bien d’autres reli­gions peuvent éga­le­ment être, selon lui, des reli­gions bien­fai­santes pour le déve­lop­pe­ment inté­gral de l’homme.

Nous nous bor­nons sim­ple­ment à consta­ter que ces affir­ma­tions – vous pour­rez le véri­fier : ces cita­tions sont tirées du para­graphe 55 [1] de l’encyclique – se trouvent être écrites par le Pape. Nous nous bor­nons à res­ti­tuer sa pen­sée, qu’il a d’ailleurs expri­mée en termes équi­va­lents en bien d’autres cir­cons­tances. Mais une fois ces constats faits, nous avons le devoir de confron­ter l’expression d’une telle pen­sée avec ce que nous enseigne la foi catho­lique pour savoir si cette pen­sée est réel­le­ment com­pa­tible avec elle. 

La foi catho­lique nous enseigne qu’il n’y a qu’une seule reli­gion qui a été don­née par Dieu pour tous les hommes et que cette reli­gion c’est la reli­gion catho­lique ; que la pro­fes­sion de la foi catho­lique est néces­saire pour être sau­vé. « Sans la foi il est impos­sible de plaire à Dieu », ce sont des paroles révé­lées. En consé­quence, toutes les autres reli­gions, ou celles qui, par abus de lan­gage – il faut le redire – sont appe­lées reli­gions, ne peuvent pas venir de Dieu. Elles sont des fables, elles sont des affa­bu­la­tions, elles sont des men­songes, elles sont des trans­gres­sions, elles sont des per­ver­sions de la reli­gion véri­table et c’est une cha­ri­té de le dire. Certes, elles peuvent déte­nir cer­taines véri­tés, mais ces véri­tés se trouvent alors dans ces reli­gions comme des cap­tives, comme des esclaves de sys­tèmes erro­nés et ces reli­gions n’ont conser­vé cer­taines par­celles de véri­té que dans le but de pou­voir mieux séduire et cir­con­ve­nir les hommes car le seul faux ne sau­rait attirer.

Nous n’avons donc pas le droit - en un domaine aus­si grave et aus­si sacré que celui-​là, où se joue le salut éter­nel des hommes et l’honneur de Dieu - d’utiliser des mots ou des expres­sions adou­cies pour par­ler de ces fausses reli­gions. Au contraire, nous avons aujourd’hui un devoir d’autant plus impé­rieux de confes­ser la foi catho­lique et de réfu­ter les erreurs qui s’y opposent que ces erreurs se répandent davan­tage dans les esprits. On entend cepen­dant dire que ce serait jus­te­ment un signe de cha­ri­té de par­ler de ces autres reli­gions avec man­sué­tude, avec des mots et des expres­sions indul­gentes et que ce serait man­quer à la cha­ri­té, faire preuve de bru­ta­li­té, igno­rer des nuances que de les décla­rer fausses et mensongères. 

On entend éga­le­ment dire que ce ne serait plus oppor­tun, plus pru­dent, aujourd’hui d’énoncer de telles affir­ma­tions parce que nous vivons dans un contexte reli­gieux et social de plus en plus dif­fi­cile et ten­du et que ces asser­tions sont de moins en moins sup­por­tées. Ou bien, on entend dire qu’il ne faut quand même pas exa­gé­rer : il y a tout de même beau­coup de choses com­munes que nous par­ta­geons avec cer­taines autres reli­gions et l’on a plus à gagner à mettre en avant ce qui nous unit que ce qui nous divise. 

Mais, mes bien chers Frères, il faut jus­te­ment tout mettre en œuvre pour que ces trois sophismes que je viens d’énoncer ne pénètrent pas dans nos esprits. S’ils finissent par trou­ver quelque cré­dit auprès de nous, si nous nous aper­ce­vons que nous ne savons plus très bien com­ment les réfu­ter, ne lais­sons pas ces signaux d’alerte allu­més et repre­nons immé­dia­te­ment l’étude de notre foi avec ardeur. Le monde cherche à éro­der la foi des catho­liques. Or la foi, c’est notre pre­mier tré­sor car sans la foi, sans la véri­té, nulle cha­ri­té n’est possible.

En réa­li­té, ces sophismes expriment une appa­rence de cha­ri­té, mais dans la réa­li­té c’est une faute grave qui est com­mise contre la cha­ri­té que de ne plus dire de ces autres reli­gions qu’elles sont fausses et per­ni­cieuses. Bien chers Parents, sous pré­texte de bien­veillance à l’égard de vos enfants, vous ne sup­por­te­riez qu’un maître d’école ne cor­rige plus leurs erreurs d’opération ou leurs fautes d’orthographe. A bien plus forte rai­son, de tels pro­pos ne sont pas accep­tables sur des ques­tions qui mettent en cause ce qu’il y a de plus sacré. 

Jamais il n’existe de cir­cons­tances qui soient deve­nues tel­le­ment périlleuses qu’elles légi­ti­me­raient de ne plus rap­pe­ler les véri­tés néces­saires au salut. Nous sommes sur la terre pour aller au Ciel. Réussir sa vie c’est aller au Ciel. Rater sa vie c’est aller en enfer. Or, pour aller au Ciel il faut la foi et pour que la foi dure dans les âmes il faut confes­ser la foi. Au fur et à mesure que les véri­tés de la foi sont davan­tage bat­tues en brèche et remises en cause, il est d’autant plus impor­tant de les répé­ter pour que nous-​mêmes nous ne nous lais­sions pas tou­cher à notre tour. 

De même nous devons réfu­ter l’idée que, aujourd’hui, pour lut­ter contre l’athéisme, des troncs com­muns reli­gieux devien­draient pos­sibles parce que d’autres reli­gions par­ta­ge­raient avec nous des véri­tés ; que ces reli­gions devien­draient d’autant plus res­pec­tables au motif qu’elles auraient davan­tage de véri­tés en com­mun avec le catho­li­cisme. Une telle pen­sée est gra­ve­ment erro­née et met la foi en péril. Même une reli­gion qui ne nie­rait qu’un seul dogme de la foi catho­lique si cela était pos­sible – mais en réa­li­té ce n’est pas pos­sible – parce qu’il y a une concor­dance des dogmes les uns avec les autres, une telle reli­gion devrait être consi­dé­rée comme gra­ve­ment per­ni­cieuse. Le refus d’un seul dogme suf­fit à consti­tuer une véri­table révolte vis-​à-​vis de la véri­té de Dieu puisque c’est Dieu qui a révé­lé tous et cha­cun des dogmes. Même si un homme croit à toutes les autres véri­tés, il lui suf­fit d’en refu­ser une pour être héré­tique. L’hérétique en effet est celui qui trie avec sa rai­son avec son intel­li­gence et qui choi­sit, par­mi les choses que Dieu dit, celles qu’il accepte et celles qu’il refuse. De même, chers Parents, que vous n’accepteriez pas que le maître d’école estime assez hono­rable l’élève qui ne se trom­pe­rait que d’un point dans son opé­ra­tion, ain­si le Bon Dieu nous demande de nous sou­mettre à toutes ses véri­tés qu’il nous a révé­lées sans en omettre le moindre iota, avec une doci­li­té par­faite parce que c’est Lui qui les a révélées.

En consé­quence, mes bien chers Frères, com­ment cer­taines reli­gions pourraient-​elles donc être qua­li­fiées de posi­tives pour le déve­lop­pe­ment de l’homme ? Nous ne savons pas très bien, au reste, ce qu’il faut entendre par cette expres­sion du « déve­lop­pe­ment de l’homme ». Mais ce que nous pou­vons affir­mer c’est qu’une reli­gion fausse ne peut en réa­li­té favo­ri­ser le véri­table déve­lop­pe­ment de l’homme. Car nous ne conce­vons de véri­table déve­lop­pe­ment de l’homme qu’en se tour­nant de plus en plus inten­sé­ment vers la connais­sance et l’amour de Notre Seigneur Jésus-​Christ pour sa sanc­ti­fi­ca­tion et pour accom­plir son salut éter­nel. Parler autre­ment, c’est man­quer à la véri­té de Dieu en ne confes­sant pas que le seul Dieu qui existe est le Dieu unique en trois per­sonnes dont la deuxième per­sonne est venue s’in­car­ner et mou­rir pour nous sur la croix et qu’il n’y a pas d’autre Dieu que lui.

C’est man­quer à la véri­té car la véri­té est que le Bon Dieu n’a don­né pour tous les hommes qu’une seule reli­gion et que son désir par excel­lence, ce pour­quoi il est venu sur la terre, ce pour­quoi il a ver­sé tout son sang, est que tous les hommes se sou­mettent à la véri­té qu’il a révé­lée afin d’être sauvés.

C’est man­quer à la cha­ri­té à l’égard de ceux qui ne sont pas catho­liques car c’est les main­te­nir dans l’illusion qu’ils sont bien, ou au moins qu’ils ne sont pas trop mal, dans leur reli­gion et que cette reli­gion consti­tue­rait quand même pour eux un moyen de faire leur salut éternel.

C’est man­quer de cha­ri­té à l’égard de ceux qui sont catho­liques en ris­quant d’ébranler leur foi et d’obscurcir gra­ve­ment leur esprit sur la véri­té de la reli­gion et intro­duire la peste du scep­ti­cisme dans leurs âmes.

Nous devons nous-​mêmes bien prendre conscience que notre plus grand tré­sor et ce qui donne la fécon­di­té à nos paroisses, à nos familles et à toutes nos œuvres, est la foi. C’est la pré­di­ca­tion intan­gible de la foi. Si par mal­heur nous nous lais­sions aller, sous la pres­sion du monde, à dimi­nuer la pré­di­ca­tion de la foi, toute la fécon­di­té qui nous émer­veille dans les œuvres de la Tradition s’en trou­ve­rait tarie. La foi c’est le fon­de­ment, la foi c’est le socle. La connais­sance de Jésus-​Christ est le gage de la mon­tée de la cha­ri­té dans les âmes. C’est pour­quoi, quoi qu’il puisse nous en coû­ter, et jusqu’au mar­tyre si le Bon Dieu le vou­lait, nous devons dire la foi, confes­ser la foi à temps et à contre­temps. Nous ne vou­lons pas nous dam­ner et contri­buer à la dam­na­tion des âmes par un dis­cours où la foi se trou­ve­rait édul­co­rée. Nous vou­lons, par la grâce de Dieu, faire notre salut et contri­buer au salut des âmes par la sau­ve­garde de la foi catho­lique dans les âmes.

Mais, mes bien chers Frères, on nous dit qu’à force d’exprimer la foi nous man­quons à la cha­ri­té, nous ne par­lons plus suf­fi­sam­ment de la cha­ri­té ou la cha­ri­té est oubliée dans nos dis­cours. Certes, nous avons tous rai­son de dire, et ceux qui nous le reprochent le disent avec rai­son, que nous man­quons de cha­ri­té. Qui d’entre nous ne manque pas de cha­ri­té ? La cha­ri­té c’est l’amour de Dieu et qui peut dire qu’il a suf­fi­sam­ment d’amour de Dieu dans son cœur ? Ceux qui nous le reprochent ont donc bien rai­son, mais sou­vent ceux qui nous le reprochent ne s’aperçoivent pas que, là où ils pensent voir chez nous des manques à la cha­ri­té, ce n’est pas là qu’ils se situent. Ce n’est pas man­quer à la cha­ri­té que de dénon­cer l’erreur. Ce n’est pas man­quer à la cha­ri­té que de dire oui, oui ou non, non. Ce n’est pas man­quer à la cha­ri­té de dire des reli­gions qui pro­voquent la dam­na­tion des âmes qu’elles pro­voquent la dam­na­tion des âmes, non. C’est, au contraire, un acte de cha­ri­té que de par­ler ain­si. C’est un acte de cha­ri­té lorsqu’une per­sonne se trouve à côté d’un pré­ci­pice de le lui signa­ler pour qu’elle n’y glisse pas et, éven­tuel­le­ment, de la reprendre for­te­ment pour quelle ne tombe pas dans ce pré­ci­pice. Ne nous lais­sons pas prendre par ces fausses façons de par­ler. Oui, cer­tai­ne­ment nous man­quons de cha­ri­té ‑qui n’en manque pas ? Mais ces man­que­ments de cha­ri­té ne sont pas là où les hommes les disent.

Cependant, cher­chons à tirer le meilleur pro­fit des cri­tiques qui nous sont par­fois adres­sées. Mes bien chers Frères, la foi c’est comme le bap­tême : il est néces­saire de pas­ser par-​là pour deve­nir catho­lique, mais la foi n’est pas le fruit auquel nous dési­rons abou­tir. Le fruit auquel nous dési­rons abou­tir c’est effec­ti­ve­ment la cha­ri­té. La cha­ri­té c’est-à-dire l’amour de Dieu et l’amour du pro­chain : l’amour de Notre Seigneur Jésus-​Christ et l’amour des âmes pour l’amour de Notre Seigneur Jésus-​Christ. L’on com­prend bien que la cha­ri­té ne sau­rait aug­men­ter dans les âmes, dans le monde, que dans la mesure où la foi aug­mente dans les âmes et dans le monde. Plus la connais­sance de Jésus-​Christ est grande, plus Notre Seigneur Jésus-​Christ est connu, plus Notre Seigneur Jésus-​Christ est aimé parce qu’au fur et à mesure que nous le connais­sons, nous voyons mieux com­ment il est infi­ni­ment aimable et nous sommes émer­veillés de la beau­té et de la per­fec­tion de Notre Seigneur Jésus-​Christ. Connaître et aimer Notre Seigneur Jésus-​Christ c’est, en consé­quence, aimer mieux notre pro­chain et de mieux en mieux. Parce que nous aimons notre pro­chain, nous vou­lons lui faire connaître notre tré­sor, c’est-à-dire Notre Seigneur Jésus-Christ.

Voilà, mes bien chers Frères, ce pro­gramme mer­veilleux qui est le nôtre. Aujourd’hui nous nous réunis­sons autour de l’autel, nous nous réjouis­sons autour de notre autel pour prendre notre envol. Nous sommes com­pa­rés à des aigles qui viennent se nour­rir de Notre Seigneur Jésus-​Christ sur l’autel, de la sainte Hostie pré­sente sur l’autel, et les chré­tiens et les hommes deviennent des aigles avec l’amour de Dieu qui est dans leurs cœurs. Les aigles sont faits pour prendre leur envol. Ils ne sont pas faits pour res­ter à terre, à un endroit don­né, ils sont faits pour prendre leur envol. Et pour­quoi ? Sinon pour aller por­ter Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour aller por­ter la véri­té, pour aller por­ter la per­fec­tion de Dieu, pour aller por­ter l’Évangile jusqu’aux extré­mi­tés de la terre. 

Mes bien chers Frères, comme notre cœur doit vibrer en enten­dant cela : « Se nour­rir de Jésus-​Christ » ! Oui, mais pas sim­ple­ment pour nous-​mêmes (bien sûr notre pre­mier devoir est de nous sau­ver) : nous devons sans cesse renou­ve­ler notre cœur en Notre Seigneur Jésus-​Christ pour pou­voir renou­ve­ler notre âme afin de pou­voir ame­ner Notre Seigneur Jésus-​Christ aux autres, à ceux dont nous avons la charge immé­dia­te­ment, mais aus­si à tous ceux qui nous entourent – à nos cou­sins, ou à nos voi­sins et à tant d’autres qui sont autour de nous- qui n’ont pas Jésus-​Christ. Notre grande cha­ri­té c’est de trans­mettre la véri­té. Aussi, nous com­pre­nons bien que ce n’est pas en cédant un iota de la véri­té que nous serons cha­ri­tables. C’est en arri­vant à trou­ver cet équi­libre où l’on dit tou­jours toute la véri­té et donc, parce que cela va ensemble, où l’on com­bat toutes les erreurs qui sont oppo­sées à la véri­té. Mais ce qui nous fait dire cette véri­té, ce n’est pas un esprit d’amertume, ce n’est pas un esprit de hau­teur, ce n’est pas un esprit de dédain, ce n’est pas un esprit de séche­resse ou de fer­me­ture. C’est vrai­ment ce désir très pro­fond de pou­voir ame­ner les âmes à Jésus-​Christ, de n’être pas timide, de ne pas craindre d’être rebu­tés, mais d’amener les âmes à Notre Seigneur Jésus-Christ.

Je ter­mi­ne­rai, mes bien chers Frères, en cette fête de la Maternité de la très sainte Vierge Marie (même si c’est le dimanche qui pré­vaut aujourd’hui) et en ce mois du Rosaire, période au cours de laquelle nous avons été conviés à réci­ter le Rosaire, à décou­vrir le Rosaire comme un très grand moyen mis à la por­tée de tous pour décou­vrir qui est Notre Seigneur Jésus-​Christ, pour connaître Notre Seigneur Jésus-​Christ et l’aimer. Car, en réa­li­té, qu’est-ce que le Rosaire sinon cette pro­me­nade au cours de laquelle la sainte Vierge Marie nous tient par la main pour contem­pler un par un les quinze tableaux qu’elle a com­po­sés elle-​même et qui forment le résu­mé par­fait de la vie de son divin Fils ? Quel bon­heur de pou­voir avec la grâce du Bon Dieu, chaque jour par­cou­rir tout cet iti­né­raire qui est la vie de Jésus-​Christ, de mys­tère en mys­tère ; de pou­voir regar­der des yeux de notre âme cha­cun des mys­tère ; de pou­voir s’imbiber des ver­tus qui sont pra­ti­quées dans cha­cun des mys­tères et de pou­voir pas­ser toutes nos jour­nées comme cela ; comme en une sorte de pré­face du Ciel en com­pa­gnie de Notre Seigneur Jésus-​Christ et de la très sainte Vierge Marie. Que la vie des chré­tiens est une vie qui est belle lorsqu’elle est plei­ne­ment menée ! C’est cela le déve­lop­pe­ment inté­gral de l’homme : vivre en véri­table chré­tien, céder la place dans son cœur pour que Notre Seigneur Jésus-​Christ et la très sainte Vierge Marie y vivent. Notre vie est splen­dide et nous devrions, lorsque nous com­pre­nons com­bien cette vie chré­tienne est splen­dide, n’avoir d’autre désir que de la faire par­ta­ger autour de nous.

Au cours de cette messe de ren­trée, si l’on peut ain­si par­ler, nourrissons-​nous de Jésus-​Christ, nourrissons-​nous du corps, du sang, de l’âme, de la divi­ni­té de Notre Seigneur Jésus-​Christ, il l’a vou­lu pour cela. Nourrissons-​nous de Notre Seigneur Jésus-​Christ pour en être tout rem­plis et par­tir avec beau­coup d’enthousiasme — l’enthousiasme, c’est Dieu en soi — tout au long de l’année qui vient, avec le désir de ne man­quer aucune occa­sion de com­mu­ni­quer dans nos pen­sées, dans nos paroles, dans nos actions Notre Seigneur Jésus-​Christ à tous ceux qui nous entourent.

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.

Ainsi soit-​il.

Abbé Régis de Cacqueray

[1] Paragraphe 55 de CARITAS IN VERITATE : La révé­la­tion chré­tienne de l’unité du genre humain pré­sup­pose une inter­pré­ta­tion méta­phy­sique de l’ huma­num où la rela­tion est un élé­ment essen­tiel. D’autres cultures et d’autres reli­gions enseignent elles aus­si la fra­ter­ni­té et la paix, et pré­sentent donc une grande impor­tance pour le déve­lop­pe­ment humain inté­gral. Il n’est pas rare cepen­dant que des atti­tudes reli­gieuses ou cultu­relles ne prennent pas plei­ne­ment en compte le prin­cipe de l’amour et de la véri­té ; elles consti­tuent alors un frein au véri­table déve­lop­pe­ment humain et même un empê­che­ment. Le monde d’aujourd’hui est péné­tré par cer­taines cultures, dont le fond est reli­gieux, qui n’engagent pas l’homme à la com­mu­nion, mais l’isolent dans la recherche du bien-​être indi­vi­duel, se limi­tant à satis­faire ses attentes psy­cho­lo­giques. Une cer­taine pro­li­fé­ra­tion d’itinéraires reli­gieux sui­vis par de petits groupes ou même par des per­sonnes indi­vi­duelles, ain­si que le syn­cré­tisme reli­gieux peuvent être des fac­teurs de dis­per­sion et de désen­ga­ge­ment. La ten­dance à favo­ri­ser un tel syn­cré­tisme est un effet néga­tif pos­sible du pro­ces­sus de mon­dia­li­sa­tion, lorsqu’il ali­mente des formes de « reli­gion » qui rendent les per­sonnes étran­gères les unes aux autres au lieu de favo­ri­ser leur ren­contre et qui les éloignent de la réa­li­té. Dans le même temps, sub­sistent par­fois des héri­tages cultu­rels et reli­gieux qui figent la socié­té en castes sociales immuables, dans des croyances magiques qui ne res­pectent pas la digni­té de la per­sonne, dans des atti­tudes de sujé­tion à des forces occultes. Dans de tels contextes, l’amour et la véri­té peuvent dif­fi­ci­le­ment s’affirmer, non sans pré­ju­dice pour le déve­lop­pe­ment authentique.

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.