Acim-​Asia – Un récit et des photos poignant : Phillippines, sauvés par le Rosaire


Lors du pas­sage du typhon Washi, les secours maté­riels sont accom­pa­gnés des secours spirituels

Terrifiant et pathétique récit de notre secrétaire Yolly Gamutan

Jal est une infir­mière qui habite à Balugang, un des quar­tiers qui a été inon­dé par le cyclone Washi qui fit plus de 1.000 morts. Elle est la cor­res­pon­dante d’Acim-​Asia pour la ville de Cagayan de Oro. Quand l’alerte fut don­née, une équipe par­tit immé­dia­te­ment de la per­ma­nence de General Santos qui se situe dans la même île. Une autre avec le père Tim Pfeiffer venant de Davao. Mais l’état des routes est tel que cela repré­sente 12 heures de tra­jet en camions mili­taires mis à dis­po­si­tion par 33ème régi­ment d’Infanterie avec lequel nous tra­vaillons depuis des années lors des inter­ven­tions médi­cales dans les villages.

A son arri­vée à Balugang, Yolly la secré­taire de l’association, a trou­vé Jal dans un état de pros­tra­tion com­plète. C’est son petit frère de huit ans qui racon­ta les cir­cons­tances mira­cu­leuses de leur sur­vie attri­buée à la médaille mira­cu­leuse que sa sœur avait mise autour du cou la veille au soir. Mais Jal, en état de choc, était inca­pable de se sou­ve­nir du nom de ce gar­çon, ni de celui de sa plus grande sœur, ain­si que des prières les plus élémentaires.

Jal, elle-​même vic­time des inon­da­tions, était angois­sée la der­nière fois que je lui ai par­lé. Je lui ai racon­té ma ren­contre avec ses voi­sins, eux aus­si sur­vi­vants, alors que je me ren­dais chez elle avec l’é­quipe de net­toyage pour leur indi­quer que faire des détri­tus infec­tés. Sa réac­tion fut étrange, car en réa­li­té, elle n’eut aucune réac­tion. Pas un sou­rire, pas un mot, pas l’ombre d’une quel­conque expres­sion du visage. Une apa­thie complète.

A deux reprises, j’ai men­tion­né le nom de son petit frère mais je n’ai pas réus­si à pro­vo­quer de réac­tion. Elle reste encore comme hébé­tée ; épui­sée, inca­pable d’in­vi­ter sa famille à venir à la messe en action de grâce pour leur sur­vie mira­cu­leuse. Son frère n’a que 8 ans. Il était très bavard lorsque je l’ai ren­con­tré. Il m’a racon­té qu’ils avaient eu besoin de réci­ter des « Je vous salue Marie » pen­dant qu’ils lut­taient pour res­ter hors de l’eau, mais que lui ne connais­sait pas cette prière.

Cette nuit là, avant d’al­ler se cou­cher, Jal res­sen­tit un fort désir de retrou­ver sa grande médaille mira­cu­leuse et de la por­ter. Ce n’est qu’a­près l’a­voir trou­vée qu’elle pu dor­mir. Peu après onze heures du soir, elle sur­sau­ta dans son lit, réveillée par l’eau froide qui la tou­chait. Sautant de son lit, elle appe­la sa famille pour la réveiller, mais l’eau entou­rait déjà. Désorientée, elle com­men­ça à éco­per l’eau et à l’é­va­cuer dans les cana­li­sa­tions, mais sa famille la pres­sa d’ar­rê­ter. Elle réa­li­sa alors que l’eau était par­tout et mon­tait rapi­de­ment. Tous firent un écha­fau­dage de tables et de chaises robustes puis mon­tèrent des­sus, se pen­sant en sécu­ri­té. L’électricité se cou­pa et ils se retrou­vèrent dans le noir. La table com­men­ça à se balan­cer, pous­sée par l’eau. Ils se retrou­vèrent bien­tôt à l’eau, devant nager pour ne pas som­brer. Jal et sa tante savaient nager, ce qui n’é­tait pas le cas de son petit frère de huit ans ni de son infir­mière. Les deux mal­heu­reux se cram­pon­naient à elles tan­dis qu’elles lut­taient pour gar­der la tête hors de l’eau mal­gré la force du cou­rant tour­billon­nant. Ceux qui ne savaient pas nager s’a­grip­pèrent sur les épaules des nageurs. Il n’y avait rien auquel s’ac­cro­cher. L’eau les empri­son­nait, mon­tait rapi­de­ment, les rap­pro­chant de plus en plus du plafond.

Dans la nuit, ils pou­vaient entendre le mugis­se­ment de l’eau qui leur sem­blait être le rugis­se­ment du diable. Ils enten­daient des plaintes et des pleurs, c’é­tait comme si l’eau était pos­sé­dée par le démon à la recherche de proies à tor­tu­rer. Des enfants criaient « maman » ! Enfants et adultes, déses­pé­rés, hur­laient à l’aide. Ils enten­daient le bruit du métal qui se bri­sait. C’était Armageddon !

Soudain, un gros meuble venu du dehors fit explo­ser la porte et un tor­rent d’eau se déver­sa à l’in­té­rieur. Heureusement, ils purent s’ac­cro­cher à la porte et ne pas être balayés par le cou­rant. Jal et sa tante gar­dèrent cha­cune une main accro­chée à la porte et l’autre nageant dans l’eau pour se main­te­nir hors de l’eau sans faire repo­ser tout leur poids sur la porte qui pou­vaient se bri­ser à tout moment. Le gar­çon et l’infirmière s’accrochaient à leurs épaules.

Le tor­rent d’eau vint se fra­cas­ser contre un mur qu’il bri­sa dans un bruit de cra­que­ment sourd. Grâce à la chute du mur, l’eau put s’é­va­cuer et ils ne furent pas noyés dans la mai­son. Ils res­tèrent ain­si plus de quatre heures pen­dant les­quelles Jal réci­tait le cha­pe­let. Ils priaient les mys­tères dou­lou­reux en répa­ra­tion des offenses faites à Dieu. A cer­tains moments, Jal était épui­sée et déci­dait d’ar­rê­ter de se battre pour res­ter émer­gée, priant Dieu « que Votre volon­té soit faite ». Mais au lieu de relâ­cher les efforts et de se lais­ser aller, elle res­sen­tait plus de force dans ses bras et elle pou­vait conti­nuer à tenir et à nager.

La bataille dura un peu moins de 5 heures, et tous se retrou­vèrent dans la boue. Lorsqu’ils s’a­ven­tu­rèrent dehors, ils réa­li­sèrent com­bien ils avaient été par­ti­cu­liè­re­ment pro­té­gés par Dieu. Les mai­sons en face de la leur avaient com­plè­te­ment dis­pa­ru. Il ne res­tait aucune trace. La mai­son voi­sine n’a­vait plus de mur et le haut vent était cas­sé. La clô­ture en béton était arra­chée. Il y avait de gros trous dans les murs de la mai­son située der­rière la leur : de spa­cieuses voi­tures étaient venues s’y écra­ser. Des voi­tures avaient éga­le­ment atter­ri dans le canal et les mai­sons der­rière le canal étaient toutes disparues.

Sur le clô­ture de devant pen­daient des sca­pu­laires mar­rons et des sca­pu­laires verts. C’était un bout du stock que Jal avait pré­pa­ré pour aller faire son apos­to­lat et ses cours de caté­chisme. Jal est per­sua­dée que les sca­pu­laires les ont pro­té­gés. Quelques voi­sins res­ca­pés qui s’é­taient aven­tu­rés à reve­nir pour éva­luer les dégâts et voir s’il y avait quelque chose à sau­ver réa­li­sèrent que Jal et sa famille étaient en vie. Ils étaient sidé­rés, per­sua­dés qu’ils étaient morts, pris au piège dans leur mai­son. Ils s’at­ten­daient à voir des corps dans la mai­son, mais ils virent des per­sonnes vivantes, cou­vertes de boue de la tête aux pieds, mais se tenant sur leurs jambes, res­pi­rant, par­lant, marchant.

Si seule­ment Jal sor­tait de son état de choc, si elle pou­vait invi­ter ses voi­sins sur­vi­vants à un assis­ter à une messe d’ac­tion de grâce pour célé­brer avec eux sa renais­sance car tous s’ac­cor­daient pour dire que sa sur­vie rele­vait du miracle ! Tant de per­sonnes étaient mortes, dont beau­coup prises au piège dans leur mai­son. Certaines ont été retrou­vées pié­gées, dans le gre­nier. Elles n’a­vaient pu sor­tir de chez elles et avaient pro­ba­ble­ment pen­sé que l’eau ne les attein­drait pas si elles mon­taient au gre­nier. Mais l’eau les avait trou­vés par­tout, et elles s’é­taient noyées. Certains corps d’une même famille ont été retrou­vés noyés dans leur mai­son alors qu’elles étaient en train de s’embrasser. Le cou­rant avait été si violent qu’elles n’a­vaient pu ouvrir la porte.

Certaines familles avaient essayé de s’é­chap­per, mais étaient mortes noyées dans leurs voi­tures qui, empor­tées par le cou­rant infer­nal, étaient venues s’é­cra­ser contre les ponts et les maisons.

A Balulang, une ado­les­cente est tou­jours en état de choc. Les membres de sa famille s’é­taient agrip­pés les uns aux autres, se tenant fer­me­ment tout en essayant de res­ter émer­gés. Malheureusement, elle a été entraî­née par les cou­rants vio­lents et sépa­rée de sa famille par l’eau se déver­sant en tour­billon­nant dans les rues où tout était chaos. Dans le noir, elle réus­sit à s’ac­cro­cher à un mor­ceau de bâti­ment et à esca­la­der sur des toits éle­vés où elle a atten­du que les eaux s’en aile. Lorsque l’eau déchaî­née s’est reti­rée, elle s’a­ven­tu­ra à ren­trer chez elle où elle trou­va tous les membres de sa famille décé­dés. Elle était l’u­nique sur­vi­vante. Un homme s’est sui­ci­dé dans un centre d’hé­ber­ge­ment, inca­pable de sup­por­ter le choc. Un pro­fes­seur d’u­ni­ver­si­té est tou­jours hos­pi­ta­li­sé, inca­pable de com­mu­ni­quer avec des visi­teurs ou des membres de sa famille qui avaient tout per­du : femme, enfant, mai­son, voi­ture. Comme des vil­lages entiers ont été anéan­tis tout d’un coup, empor­tant les mai­sons et les familles endor­mies, des mil­liers de per­sonnes sont consi­dé­rées comme mortes. Mais on ne peut réel­le­ment comp­ter par­mi les morts que les per­sonnes dont on a retrou­vé le corps. Des affiches des per­sonnes dis­pa­rues sont pla­car­dées en centre ville. Mais la ques­tion demeure tou­jours : les retrouveront-​ils un jour ? Comme pour les familles entières qui ont été déci­mées, quel­qu’un s’occupera-​t-​il encore de cher­cher les dis­pa­rus ou même de les comp­ter dans les décédés ?

Lundi der­nier, Jal est venue nous voir dans notre petit cabi­net médi­cal impro­vi­sé. Pendant que nous met­tions un peu d’ordre, je l’en­ten­dis répondre à mon bon­jour en disant : « Oui, je vais bien, phy­si­que­ment je vais bien. Mais à l’in­té­rieur c’est une autre his­toire. Mais oui, je vais bien ». Elle n’é­tait pas par­ti­cu­liè­re­ment contente d’être là. Un peu plus tard, elle me regar­da me mettre un anti­sep­tique sur mes pieds bles­sés à. En réa­li­té, j’a­vais glis­sé dans la boue juste en face d’une mai­son que notre équipe était en train de net­toyer ; celle-​ci avait une odeur de rat mort. Elle explo­sa de rire. Elle-​même était res­tée trem­pée pen­dant près de cinq heures dans cette même boue conta­mi­née. Soignant seule­ment des pieds … je lui sem­blais être paranoïaque.

Jal était là, atone, effon­drée, dis­lo­quée, hébé­tée, pros­trée, inerte. Il était temps que deux de nos équipes soient arri­vées avec de l’eau potable de la nour­ri­ture et des vête­ments. Elle avait per­du tout ins­tinct de survie.

Les secours s’organisent

Les deux équipes qui par­vinrent à Cagayan de Oro avaient fai­sant che­min ache­té de grosses quan­ti­tés de vivres et de l’eau. Elles arri­vèrent avec les médi­ca­ments de la per­ma­nence. Malheureusement la femme méde­cin d’ACIMAsia, gra­ve­ment malade, ne put se joindre à l’équipée. Par chance les sau­ve­teurs retrou­vèrent une Allemande qui vint se mettre au ser­vice de la mis­sion. C’était une vieille connais­sance, si l’on peut dire : elle avait déjà prê­té la main à l’équipe ACIM diri­gée par Magali Burguburu en 2.010, lors du typhon Ketsana qui avait noyé toute la région de Manille.

Puis rap­pli­qua le Dr Woo. Lui aus­si est une vieille connais­sance. Nous l’avions ren­con­tré en 2004. Il était pro­fes­seur d’éthique à la facul­té de méde­cine de Cagayan de Oro. A la suite de notre entre­tien, il avait rejoint la Tradition. Il habite à une heure de route. Etant à la retraite, il a du temps. Et actuel­le­ment il vient tous les deux jours à la mis­sion fixe qui a été établie.

Les équipes envoyées sur le site, se sont trou­vées face à des besoins élé­men­taires : don­ner de l’eau miné­rale, du riz à une popu­la­tion désem­pa­rée et affa­mée. Bien sûr les soins aux bles­sés. Apparemment deux des fidèles de Tradition sont morts. Des mai­sons sont détruites. Il faut déblayer la boue. Les hommes ont ten­té de recons­truire des mai­sons. La popu­la­tion sans logis a été regrou­pée dans un vil­lage de tentes four­nies par les Américains.

Le typhon se pré­sente comme une gigan­tesque vague venue de la mon­tagne arra­chant la terre et les plan­ta­tions. Un tsu­na­mi venu de la terre. L’essentiel des per­sonnes qui ont per­du la vie habi­taient dans des mai­sons pré­caires de chaque côté de l’estuaire du fleuve.

Seuls ont été comp­ta­bi­li­sés les décès des per­sonnes dont le corps a été retrou­vé, soit 1300. Mais le nombre de dis­pa­rus se compte par dizaines de mil­liers. Le chiffre le plus fré­quent qui court est celui de 30.000.

Grâce aux dons de nos amis, nous allons pou­voir conti­nuer à faire face avec nos moyens. Nous les remer­cions de tout cœur.

Mais Jésus le Sauveur plus encore. La Providence nous aide : avec le Dr Woo et deux infir­mières volon­taires, nous allons essayer de mon­ter un deuxième dis­pen­saire. La mis­sion Rosa Mystica com­mence dans huit jours. Commence. Nous irons voir à Cagayan de Oro.

Dr Jean-​Pierre Dickès

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Les dons peuvent être envoyé au Dr. Dickès, pré­sident de l’ACIM, qui déli­vrer don­ner des reçus fiscaux :

Dr Jean-​Pierre Dickès,
Président ACIM
2, route d’Equilhen
62360 St Etienne au Mont
Tel : 03.21.10.52.11

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